Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX ROMAINS

Chapitre 12

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1 Je vous exhorte donc, mes frères, par la miséricorde de Dieu, à lui offrir vos personnes comme un sacrifice vivant, saint et agréable: ce serait là de votre part un culte rationnel. Ne vous conformez pas aux allures de ce siècle, mais transformez-vous par le renouvellement de votre esprit, afin de bien vous pénétrer de ce que Dieu veut ce qui est bon, agréable et parfait.

XII, 1,2. La partie pratique de l'épître à laquelle nous passons maintenant, se rattache intimement, dans la pensée de l'auteur, à la partie théorique qu'il vient de terminer. La miséricorde de Dieu, dont le but, les moyens et les effets ont été mis sous les yeux des lecteurs, doit être pour eux un motif puissant de montrer leur reconnaissance par des dispositions correspondantes et des actes qui en soient les fruits naturels.

Cette recommandation est formulée d'une manière toute générale, et sous deux formes: d'abord au moyen d'une allégorie, par laquelle la vie chrétienne est représentée comme remplaçant l'ancien culte de l'autel. Se donner à Dieu, se consacrer tout entier à son service, et d'une manière permanente, voilà bien une offrande digne à la fois de ce Dieu sauveur et de l'être doué de raison qui est l'objet de sa sollicitude paternelle. Il n'y a plus là rien de purement matériel ou mécanique, comme dans les rites du culte extérieur. Ensuite cette recommandation est exprimée sans figure, par la simple application, à la notion du devoir, des idées mystiques du vieil et du nouvel homme. La transformation opérée par l'Esprit saint apprend à bien connaître la volonté de Dieu (que ses tendances mondaines ne dérobent plus à ses regards) et par conséquent aussi à l'accomplir.

Après cette introduction générale, l'apôtre aborde une série de devoirs spéciaux, parmi lesquels il y en a auxquels il s'arrête plus ou moins longtemps, tandis qu'il ne fait que mentionner d'autres en passant.

3 Ainsi je vous dis à vous tous, en me prévalant de la grâce qui m'a été accordée, de ne point vous exagérer votre valeur, au-delà d'une juste appréciation, mais d'en juger modestement, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a départie. Car de même que nous avons beaucoup de membres dans un seul corps et que ces membres n'ont pas tous les mêmes fonctions, de même tous, tant que nous sommes, nous formons un seul corps en Christ, et individuellement nous sommes membres les uns à l'égard des autres, possédant des dons divers, selon la grâce qui nous a été accordée, soit celui de la prophétie, en proportion de notre foi, soit celui du service dans le diaconat, soit celui de l'enseignement pour qui enseigne, soit celui de la prédication pour qui prêche.

XII, 3-8. Le premier devoir dont l'apôtre vient à parler, est celui de cette modestie chrétienne, par laquelle les membres de la communauté se subordonnent les uns aux autres, ne cherchant jamais à se faire valoir, ni à réclamer des privilèges pour eux-mêmes, mais plutôt à travailler au bien-être de leurs frères. C'est surtout dans la sphère religieuse que les prétentions personnelles de la vanité se produisent facilement et qu'elles font du tort à l'harmonie qui doit régner dans l'Église. Aussi tâche-t-il de donner du poids à son exhortation en invoquant son autorité apostolique (Rom. I, 5; XV, 15. Éph. III, 7, 8), dont il ne faisait jamais usage quand il s'agissait de ses intérêts personnels.

Sans doute, à certains égards, il y a des inégalités parmi les chrétiens et ils peuvent occuper dans la communauté des places différentes, mais cela provient de la variété des dons, que Dieu a accordés à l'un ou à l'autre, dont tous lui sont également redevables, et qui, après tout, ne constituent pas de supériorité absolue. Ces dons sont les qualités (facultés, talents, moyens d'action) mises à la disposition des divers membres de l'Église, pour l'édification mutuelle de tous; elles sont dans une liaison intime avec la foi chrétienne elle-même, et seront d'autant plus riches, plus actives, plus efficaces, que cette foi sera plus vivante, plus énergique. La foi et le don sont dans un rapport direct, non certes quant à la forme de celui-ci, mais quant à sa valeur et à sa portée, et c'est pour cela que l'auteur peut parler d'une mesure de la foi, là où il aurait dit plus simplement la mesure de la grâce. C'est qu'après tout la foi est elle-même un don de Dieu.

Nous n'avons pas besoin de pousser plus loin l'analyse de ce morceau, qui n'est que le résumé, presque trop succinct, du 12e chap, de la 1re aux Corinthiens. L'auteur reproduit ici l'allégorie du corps et des membres de l'Église, et ébauche, dans une énumération beaucoup moins complète, le tableau des formes sous lesquelles peut se manifester l'activité chrétienne. Observons seulement qu'il s'embrouille si bien dans la construction syntactique de sa phrase, que les traducteurs et les commentateurs s'y sont généralement perdus, et que la division des versets, toujours absurde, a ici absolument dénaturé la pensée de l'écrivain. Il est certain qu'il a voulu citer la prophétie (dans le sens de 1 Cor. XIV), le diaconat, l'enseignement, la prédication, comme différentes formes du ministère (c'est-à-dire des services à rendre à l'Église), et dire que Dieu donne à chacun les qualités correspondantes au genre de service qu'il lui impose. Mais pour les deux derniers exemples, la construction, auparavant claire, et dépendante de la phrase qui précède, change tout à coup de manière à ne se rattacher à rien du tout. Nous nous en sommes tenus au sens, en évitant de reproduire ce désordre de la forme.

8 Que celui qui donne, le fasse avec libéralité; que celui qui dirige, y mette du zèle; que celui qui fait la charité, la fasse avec joie.

9 Que l'amour soit sans hypocrisie. Détestez le mal, attachez-vous fermement à ce qui est bien. Dans vos relations fraternelles, soyez affectueux les uns envers les autres; quant à l'honneur, ayez des prévenances réciproques. Ne laissez pas ralentir votre zèle, soyez fervents d'esprit, mettez-vous au service du Seigneur. Soyez joyeux en espérance, constants dans l'affliction, persévérants dans la prière. Prenez votre part des besoins des fidèles; appliquez-vous à l'hospitalité.

15 Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez, ne maudissez point. Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. Ayez, les uns pour les autres, des sentiments de concorde. Ne soyez pas orgueilleux, mais attachez-vous aux humbles. Ne vous croyez pas plus sages que vous ne l'êtes. Ne rendez à personne le mal pour le mal. Préoccupez-vous de ce qui est bien aux yeux de tous les hommes.

18 Si c'est possible, quant à vous, vivez en paix avec tout le monde. Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez faire la colère dont il est écrit: «C'est à moi que revient la vengeance, c'est moi qui rémunérerai, dit le Seigneur.» Donc, si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à boire. Car en agissant ainsi, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais tâche de vaincre le mal par le bien.

XII, 8-21. Nous ne ferons que peu de remarques sur cette longue énumération de devoirs sociaux, qui n'a pas, sans doute, la prétention d'être complète, ni celle de suivre un ordre systématique. On voit dès la première ligne que l'auteur se laisse aller à l'inspiration du moment, tant pour la forme du discours que pour le choix des matières.

Pour ce qui est de la forme, le discours commence par ces mêmes participes (au singulier) qui s'étaient pressés sous la plume de l'auteur vers la fin du morceau précédent, ce qui a donné lieu à la fausse coupe des versets et à cette autre méprise des commentateurs qui ont cru que Paul voulait continuer à parler des dons à faire valoir pour le bien de l'Église. Puis viennent des participes au pluriel, qui ne se rattachent à rien du tout (v. 9-13) et que nous avons dû traduire librement par l'impératif. Plus loin (v. 14-19), ces mêmes participes sont entremêlés d'infinitifs et d'impératifs, pour faire place à la fin (v. 20-21) à<une allocution directe formulée au singulier. Tout cela fait voir que la froide réflexion littéraire ne présidait pas à la rédaction de ce texte, mais que celui-ci coulait de source et que la puissance du sentiment l'emportait sur la logique et la syntaxe.

Quant au fond, nous nous bornerons à quelques observations de détail: Nous avons mis libéralité, au lieu de simplicité (comme on traduit ordinairement), en nous fondant sur le passage très positif 2 Cor. VIII, 2. — L'esprit (de Dieu) qui doit animer le chrétien, est souvent comparé à un feu (Matth. III, 11. Luc III, 16. 2 Tim. I, 6. 1 Thess. V, 19). De là ces notions de ferveur, d'ardeur, si fréquemment produites, même dans le langage usuel. — La recommandation de se mettre au service du Seigneur, a pu paraître bien trop vague et trop générale, au milieu de cette série de devoirs sociaux et spéciaux. Aussi beaucoup de manuscrits et d'éditeurs ont-ils mis: mettez-vous au service du temps (les deux mots ne différant en grec que par une seule voyelle), ce qu'on interprète dans ce sens: Saisissez les occasions de bien faire. Si l'on conserve la leçon reçue, elle peut exprimer l'idée que la ferveur de l'esprit doit être subordonnée au service de Christ, se régler sur les intérêts du royaume de Dieu. — La colère, à laquelle on doit laisser son lieu (traduction littérale), est la colère de Dieu, c'est-à-dire l'action de sa justice, qui saura trouver le coupable et qui s'est même réservé (Deut. XXXII, 35) la punition comme son privilège. (D'autres traduisent: mettez votre colère au large, c'est-à-dire: laissez-la se dissiper, s'évaporer, pour ainsi dire.) Les charbons ardents (Prov. XXV, 21) causent en tout cas une douleur, mais cette douleur est celle du repentir mêlé de honte que doit ressentir l'auteur d'une offense, dont l'offensé se venge par un bienfait, et non celle qui serait causée par le châtiment du ciel.

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