Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX ROMAINS

Chapitre 10

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5 En effet, Moïse définit la justice légale en disant: «L’homme qui fait ces choses aura la vie par elles.» Mais la justice qui vient par la foi parle ainsi: «Ne dis pas en ton cœur, qui montera au ciel?» (savoir, pour en faire descendre Christ), «ou, qui descendra clans l'abîme?» (savoir, pour faire remonter Christ des morts).

8 Au contraire, que dit-elle? «C'est tout près de toi qu'est la parole; elle est dans ta bouche et dans ton cœur.» (Il s'agit de la parole de la foi que nous prêchons.) C'est que si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et que tu croies dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car la foi du cœur mène à la justice et la confession de la bouche au salut: car l'Écriture dit: «quiconque aura foi en lui ne sera pas déçu.»

X, 5-11. Ce morceau, passablement obscur encore, à cause de l'étrange exégèse de l'apôtre, doit être considéré comme une espèce de digression par laquelle il revient à la théorie des deux espèces de justice, pour reprendre plus loin l'appréciation des faits.

La justice dans le sens traditionnel ou légal était facile à définir au moyen d'un passage mosaïque et Paul n'avait que l'embarras du choix. Il s'arrête à un texte très significatif qui lui a déjà servi ailleurs (Gal. III, 12): Sous le régime de la loi, la vie (la félicité) est promise à celui qui fera tout ce qui est commandé (Lév. XVIII, 5). Le principe est absolu; Paul abandonne à ses lecteurs le soin d'en faire l'application à eux-mêmes, et de se demander si, à ce prix, ils sont bien sûrs de leur salut. En même temps il confirme implicitement ce qu'il venait de dire des Juifs qui ont manqué la justice en la cherchant par cette voie-là.

Il était bien moins facile de définir, par un procédé semblable, la justice dans le sens évangélique, indépendante des œuvres. C'est que l'Ancien Testament ne connaît pas cette justice-là, quoi qu'en ait dit l'exégèse du chap. IV. Paul trouve cependant encore un passage auquel il extorque le sens désiré, mais au moyen d'explications intercalées par lui-même et qui contredisent la pensée de l'original. Remarquons encore que celui-ci n'est pas mis dans la bouche de Moïse (Deut. XXX, 12 s.), mais dans celle de la justice personnifiée. C'est comme qui dirait l'Évangile lui-même qui parle et qui dit à l'homme: «Ne demande pas: qui montera au ciel?» etc. Paul interprète ces questions par la paraphrase que nous avons mise en parenthèse. Voici ce qu'il veut faire dire au texte mosaïque: Il ne s'agit plus désormais d'attendre l'avènement ou la résurrection de Christ; ces faits, qui sont le fondement de notre salut, sont accomplis. Il ne reste plus maintenant qu'à les mettre à profit, à y croire. L'assurance du salut à obtenir par ce moyen est à votre portée; vous n'avez pas besoin de la chercher au loin. Recevez-la dans un cœur confiant, professez-la d'une bouche courageuse. Voilà tout ce qui vous reste à faire. Voilà aussi la définition, ou, si l'on veut, la théorie de la justice évangélique, de la justice de Dieu. Il va sans dire qu'il n'est pas question ici d'une profession de bouche qui serait de pure forme et non en rapport intime et direct avec les convictions du cœur. Les deux choses sont inséparables l'une de l'autre.

12 En effet, il n'y a pas de distinction entre le Juif et le païen, vu qu'il y a un seul et même Seigneur pour tous, donnant richement à tous ceux qui l'invoquent. Car «quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.» Or, comment l'invoqueront-ils, s'ils n'ont pas cru en lui? Et comment croiront-ils, s'ils n'en ont pas entendu parler? Et comment entendront-ils, s'il n'y a personne qui prêche? Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s'ils ne sont pas envoyés?.... Aussi est-il écrit: «Qu'ils sont beaux à voir, les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent de bonnes nouvelles!»

X, 12-15. L'apôtre reprend le fil des idées qu'il venait de laisser tomber un moment; il revient au fait que les Juifs ont eux-mêmes dédaigné le salut qui leur était offert. La digression théologique de tout à l'heure avait encore une fois abouti à la thèse, formulée au moyen d'une phrase scripturaire, que quiconque croit sera sauvé. C'est à ces deux termes quiconque et croit que se rattache l'analyse ultérieure.

Le premier terme rappelle et affirme de nouveau la thèse de l'universalité du salut, c'est-à-dire du salut offert aux hommes, sans distinction de nationalité (chap. III, 22, 29). Cette thèse, reproduite au surplus au moyen d'une nouvelle citation de l'Écriture (Joël III, 5), est basée sur ce que le Sauveur est un seul et même pour tous les mortels, et qu'il ne réserve pas les biens de la grâce divine, dont il est le dispensateur, à une seule race exclusivement.

Le second terme (croire) est remplacé par celui d'invoquer le nom du Seigneur. Mais il est évident que cette dernière phrase, empruntée au prophète, est synonyme de la première, laquelle, dans la pensée de l'apôtre, en est l'interprétation chrétienne, ou, si l'on veut, correspond au sentiment dont l'autre marque l'expression.

Or, la question est de savoir si les Juifs ont été mis à même de remplir cette condition. Par une ingénieuse tournure de rhétorique, Paul arrive à poser l'affirmative, par une série de questions qui, à première vue, semblent exprimer des doutes ou formuler des excuses, mais qui, bien comprises, et lues à rebours, en commençant par la dernière, font voir que Dieu, de son côté, a tout fait pour les diriger dans la voie de la vérité et du salut.

Voici la série de ces questions dépouillées de leur forme dubitative: Il est vrai que pour invoquer Christ, il faut d'abord croire en lui; il est certain que pour croire en lui, il faut d'abord avoir entendu parler de lui; il est positif que pour qu'on entende parler de lui, il faut qu'il y ait des prédicateurs; il est hors de doute enfin, que pour qu'il y ait des prédicateurs, il faut que Dieu les envoie.... Si cette dernière condition faisait défaut, il est évident que les conséquences manqueraient toutes et les Juifs seraient excusés. Or, cette condition a si peu fait défaut, que Paul n'éprouve pas même le besoin de le dire: l'apostolat, sa mission, son activité déjà ancienne, jamais interrompue, est un fait connu et constaté partout. Aussi bien, au lieu d'une simple phrase affirmative, ou d'une nouvelle question négative qui aurait dit: Ne l'auraient-ils pas été? l'apôtre s'approprie une phrase du livre d'Ésaïe (chap. LII, 7), qui, non seulement parle de messagers de bonnes nouvelles, mais qui exprime encore la joie reconnaissante de ceux qui les voient venir, et par cela même un blâme contre ceux qui ne partageraient pas cette joie.

16 Mais tous n'ont pas voulu écouter cette bonne nouvelle. Aussi Ésaïe dit-il: «Seigneur, qui est-ce qui a cru, à ce que nous avons fait entendre?» La foi se produit donc après qu'on a entendu, et l’on entend quand la parole de Dieu est prêchée. Mais je demande: n'ont-ils donc rien entendu? Au contraire! «Leur voix a retenti par la terre entière et leurs paroles jusqu'au bout du monde.» Mais je demande encore: Israël n'a-t-il donc pas compris? Moïse le premier dit: Je vous rendrai jaloux d'un peuple de rien, contre un peuple inintelligent j'exciterai votre humeur.» Et Ésaïe dit plus énergiquement encore: «Je me suis laissé trouver par ceux qui ne me cherchaient pas; je me suis manifesté à ceux qui ne s'enquéraient pas de moi.» Mais au sujet d'Israël il dit: «Tout le long du jour j'ai étendu mes mains vers un peuple désobéissant et récalcitrant.»

X, 16-21. Ce qui venait d'être insinué au moyen de questions générales et abstraites, est affirmé ici par des assertions formelles et nominatives. Tous n'ont pas cru, et plus particulièrement ce sont les Juifs qui n'ont pas cru, bien qu'ils aient entendu, et que, par conséquent, les moyens d'arriver à la foi ne leur aient pas manqué. Les païens, au contraire, ont cru, ils ont accepté ce que les apôtres leur ont offert, ils ont pris les devants pour entrer dans la nouvelle famille de Dieu, et les Israélites (d'ailleurs avertis d'avance) ont lieu d'être jaloux de cette prérogative conquise par des hommes qu'ils dédaignaient, auxquels ils refusaient même le titre honorifique de nation, qu'ils réservaient pour eux-mêmes. Tout cela, l'apôtre ne l'énonce pas dans une prose simple, il cherche à donner à ses assertions une autorité plus grande, en les formulant au moyen d'une série de passages de l'Ecriture. (Es. LIII, 1. Psaume XIX, 5. Deut. XXXII, 21. És. LXV, 1, 2.)

De tout ce qui vient d'être dit on pouvait tirer la conclusion qu'Israël était définitivement rejeté et avait perdu complètement le bénéfice des antiques promesses de Dieu. Il y avait de plus une certaine apparence de contradiction entre l'assertion du 10e chapitre, qui mettait ce résultat sur le compte des Juifs eux-mêmes, et celle du 9e, qui réservait à Dieu la libre disposition à l'égard des bienfaits du salut. Le dernier chapitre (XI) a le double but de faire voir que cette contradiction n'existe pas, et que la conclusion n'est pas légitime. Paul tâche d'expliquer les faits constatés, comme rentrant dans les desseins généraux de Dieu relatifs au salut de l'humanité entière.

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