Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX ROMAINS

Chapitre 3-4

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1 Quelle est donc la prérogative du Juif, ou quelle est l'utilité de la circoncision? Elle est grande à tous égards. Car il y a d'abord, que les oracles de Dieu leur ont été confiés. Quoi donc! Si quelques-uns ont manqué de foi, leur manque de foi annulera-t-il la foi de Dieu? Impossible! Il faut que Dieu soit véridique, tous les hommes dussent-ils être menteurs; ainsi qu'il est écrit: «Il faut que les paroles soient reconnues justes et que tu gagnes ton procès quand on te juge!»

5 Mais étant donné que notre injustice met en relief la justice de Dieu, qu'en conclurons-nous? Dieu sera-t-il injuste en laissant agir sa colère? (Je parle à la façon des hommes!) Impossible! Autrement, comment Dieu jugerait-il le monde? Car si, par le fait de mon manque de foi, la véracité de Dieu apparaît d'autant plus glorieuse, pourquoi serais-je donc puni comme pécheur? Pourquoi ne ferais-je pas le mal afin qu'il en résulte du bien, comme on m'en accuse faussement, et comme certaines gens prétendent que j'enseigne? Malheur à ceux qui raisonnent ainsi!

III, 1-8. La discussion précédente avait abouti à mettre les Juifs et les païens sur la même ligne: de fait, en les déclarant pécheurs, les uns comme les autres; en théorie, en faisant dépendre la valeur morale de tous les hommes de quelque chose qui était à la portée de tous également, et non de ce qui avait été l'apanage des Juifs seuls. Une pareille conclusion devait étonner, dérouter, choquer ceux qui, dès leur enfance, avaient été imbus de l'idée qu'Israël avait été mis en possession d'un privilège inappréciable et imprescriptible, et de titres au salut, dont le raisonnement de l'apôtre semblait contester la validité. Celui-ci, à moins de vouloir refuser toute espèce de valeur à la révélation positive, devait donc expliquer sa pensée de manière à écarter une pareille interprétation.

II affirme donc que le judaïsme, représenté extérieurement par le symbole de la circoncision, conserve des prérogatives et des avantages qui n'ont point été accordés aux nations restées étrangères à l'alliance basée sur la loi du Sinaï. Il se proposait sans doute d'énumérer ces avantages, puisqu'il commence par dire: d'abord, mais il s'arrête pour le moment à un premier fait, qui était d'une importance majeure pour la suite de son argumentation, et il perd de vue l'engagement pris, par l'emploi même de cet adverbe, de continuer rémunération. Il y reviendra cependant beaucoup plus bas (chap. IX, 4, 5).

Ce premier fait, c'est l'existence même, entre les mains des Juifs, et des Juifs seuls, d'un code authentique de la révélation; c'est que ce précieux dépôt leur a été confié exclusivement, et qu'ils possèdent ainsi un moyen sans pareil, non seulement de connaître la volonté de Dieu et leurs devoirs, chose qui n'est point refusée aux païens, mais de comprendre, dans leur ensemble, les desseins et les voies de Dieu, et les destinées glorieuses qu'il réserve à l'humanité si elle veut se laisser guider par lui. En d'autres termes, s'il est vrai que les conditions morales du bonheur ont été mises à la portée de tous les mortels indistinctement, par le moyen de la conscience, l'intelligence des choses religieuses, la connaissance plus approfondie de la marche providentielle du gouvernement du monde, n'a été déposée que dans l'Écriture: Nous verrons bientôt combien Paul se prévaut de ce fait pour démontrer la vérité de l'Évangile, tel qu'il la concevait et la prêchait. Cette vérité n'aurait point été comprise en dehors de sa liaison avec les révélations préparatoires (Jean IV, 22).

Mais il y a autre chose encore dans ce premier privilège: la révélation écrite ne contient pas seulement une instruction, elle contient aussi une promesse. Il s'agit de la promesse de salut faite à la race d'Abraham. Eh bien, dit l'auteur, cette promesse aussi est un fait acquis; Dieu la ratifiera; il ne se dira pas dégagé de sa parole, par la raison qu'un certain nombre, d'entre les personnes auxquelles elle avait été donnée, en perdent le bénéfice par leur propre faute. La promesse avait été faite non à tel individu, mais au peuple; tant que le peuple subsiste, n'importe le nombre d'hommes restés fidèles aux conditions de l'alliance, la parole de Dieu subsiste aussi. Il y a plus: elle subsistera, Dieu ne pouvant se dédire, lors même que tous viendraient à manquer à la leur; en d'autres termes: avant que Dieu manque à la sienne, plutôt tous les hommes, jusqu'au dernier, auront été menteurs. (À ce propos, l'apôtre cite quelques paroles détachées du Psaume LI, 6.) Il y a dans cette partie du raisonnement une espèce de jeu de mots, ou plutôt une substitution d'idées favorisée par la synonymie de l'expression grecque. Du côté de Dieu, les termes employés expriment l'idée de la fidélité à la parole donnée, de la véracité; du côté des hommes, il y a positivement une allusion au refus d'adhérer à la foi évangélique. Nous avons tenu à nous servir partout du même mot, de peur de rendre l'argumentation moins serrée.

Cette argumentation l'est même au point de devenir un peu obscure, et il importe beaucoup, pour la bien comprendre, de ne pas perdre de vue que le dernier but de Paul est d'amener les Juifs à reconnaître que, même pour eux, il n'y a de salut que dans la foi. Ce but, il espère ici l'atteindre en réduisant à l'absurde tout faux raisonnement, par lequel le scolasticisme judaïque aurait pu croire échapper à la conséquence de celui de l'apôtre.

Voici la liaison logique des idées: La fidélité (ou selon une expression hébraïsante: la justice) de Dieu subsiste, malgré l’infidélité (l’injustice) des hommes; celle-ci fait même ressortir davantage la première, elle la rehausse, la fait briller d'un plus grand éclat. Est-ce à dire que Dieu, qui ne peut que gagner à la comparaison, a tort de se fâcher de l'injustice des hommes et de les punir? qu'il devrait être très content de ce qu'on lui fournit l'occasion de se montrer dans toute sa grandeur? Parler ainsi, ce serait certes une grande absurdité. Car en partant d'un pareil principe, on enlèverait à Dieu ses droits de juge; on saperait par la base l'ordre moral du monde. Non, la responsabilité individuelle doit subsister, et le Juif doit savoir que Dieu n'abdique point ses droits de juge, relativement aux individus, tout en maintenant la promesse donnée à la nation. On remarquera que les termes de justice et & injustice, tout en étant plus larges que ceux de fidélité, véracité, manque de foi, ne doivent au fond que remplacer ces derniers, bien qu'ils généralisent l'application du principe. Ensuite il ne faut pas se méprendre sur les intentions de l'apôtre quand il semble formuler ses questions en son propre nom; il a soin de dire qu'il parle à la façon des hommes, qu'il se met au point de vue d'une logique qui se fourvoie; il déclare d'avance que ce raisonnement est impossible, inadmissible, et il termine en le condamnant solennellement. En effet, quel autre jugement pourrait-on porter sur le raisonnement d'un Juif qui dirait: Dieu a fait la promesse que j'obtiendrai le salut: il n'y aurait pas de gloire pour lui à tenir sa parole, si ma manière d'agir l'y obligeait. Si, au contraire, je ne fais pas ce qu'il me demande, sa gloire sera d'autant plus grande s'il maintient, lui, ses dires, et il devra plutôt me récompenser que me punir! Eh bien, dit Paul, ce sont de pareilles absurdités qu'on a mises sur mon compte! (Chap. VI, 1.)

9 Qu'est-ce donc à dire? Avons-nous quelque prétexte à faire valoir? Pas du tout! Car nous avons commencé par établir que tous, les Juifs tout aussi bien que les païens, sont sous l'empire du péché, ainsi qu'il est écrit: Il n'y a pas de juste, pas un seul. Nul n'est intelligent, nul ne cherche Dieu. Tous se sont fourvoyés et corrompus. Il n'y en a pas un qui fasse le bien, pas un seul. C'est un sépulcre béant que leur gosier; ils se servent de leurs langues pour tromper, et le venin de l'aspic est sous leurs lèvres. Leur bouche est pleine de malédiction et de fiel. Leurs pieds sont prompts quand il s'agit de verser du sang. La ruine et le malheur sont dans leurs chemins, et le chemin de la paix, ils ne le connaissent pas. La crainte de Dieu, ils n'y ont pas égard....

19 Or, nous savons que tout ce que la loi dit, elle le dit à ceux qui sont soumis à la loi, afin que toute bouche se taise, et que le monde entier soit reconnu coupable au gré de Dieu. C'est que, en face de lui, aucun mortel n'est justifié par les œuvres de la loi: car ce qui vient par la loi, c'est la connaissance du péché.

III, 9-20. Après avoir écarté l'objection des Juifs, qui pouvaient se croire meilleurs que les païens, par suite de leur rapport théocritique avec Dieu, l'apôtre revient aux faits établis dans les deux premiers chapitres et les résume de manière à. se préparer la transition à sa thèse principale (chap. I, 16, 17). Il demande si le Juif a quelque prétexte à faire valoir, pour revendiquer une place différente de celle qui revient au païen, d'après son propre avis? En disant prétexte, l'auteur insinue que, dans sa pensée, ce serait en tout cas une illusion, un titre mal fondé. (La traduction ordinaire: une prérogative, est inadmissible; l'auteur, dans ce cas, se contredirait lui-même, v. 1, 2). Eh bien, un pareil prétexte n'existe point. Il a été constaté que la culpabilité (l'état de péché) est générale, et pour ne laisser aucun doute à ce sujet, il cite une série de passages de l'Écriture (Ps. XIV, 1 ss. ; V, 10; X, 7; XXXVI, 2; CXL, 4. Es. LIX, 7), qui proclament le fait allégué et le sanctionnent de leur autorité irréfragable.

À l'égard de ce genre de démonstration nous devons faire une remarque générale. Personne aujourd'hui, grâce à l'influence incontestée de la pensée évangélique, ne prétend révoquer en doute le fait de l'universalité du péché; mais autre chose est la question de savoir si ce fait est prouvé par des lambeaux de textes, recueillis au hasard dans l'Ancien Testament. En y regardant de près, pas un de ces textes ne dit ce que notre auteur lui fait dire ici. Sans compter que, dans la plupart des cas, les écrivains hébreux, et surtout les psalmistes, ont entendu parler des païens et non des Juifs, dans les poésies auxquelles les passages en question sont empruntés, il y a lieu de rappeler que ces mêmes auteurs, en tout cas, s'exceptent toujours eux-mêmes, quand ils déclament ainsi contre les méchants. Toujours ils distinguent deux catégories d'hommes, dont l'une peut former l'immense majorité, mais dont l'autre existe aussi très réellement. Nous devons donc nous demander comment Paul a pu croire que sa démonstration ainsi faite serait suffisamment solide. Voici comment nous nous expliquons son raisonnement, ou plutôt comment il nous l'explique lui-même: 1° Les textes se servent du mot tous, en parlant de la perversité des hommes; 2° or, nous n'avons pas besoin de preuves scripturaires pour établir la corruption des païens; c'est là un fait admis; 3° donc ce tous implique les Juifs; 4° cela est d'autant plus sûr que l'Écriture a été faite pour les Juifs seuls, c'est donc à eux qu'elle parle, ici comme partout; 5° enfin, la chose essentielle, c'est que celui qui parle dans ces textes, n'est ni David, ni Ésaïe, mais le Saint-Esprit qui se trouve ainsi placé en face de toute l'humanité, et ce n'est pas tel homme qui parlerait seulement des autres hommes.

Il résulte de tout cela (c'est la conclusion de l'auteur) que toute bouche doit se taire, c'est-à-dire que les Juifs aussi n'ont rien à faire valoir pour se faire exempter de cette commune réprobation, et que le monde entier (les Juifs tout aussi bien que les païens) est dans la position d'un coupable traduit devant le juge, au gré de Dieu, lequel a fait lui-même cette déclaration par la bouche de ses prophètes.

Il en résulte, en second lieu, qu'il ne saurait être question d'hommes quelconques (de Juifs tout aussi peu que de païens), qui seraient dans la position d'un innocent (d'un juste) auquel le juge aurait à rendre un arrêt de non-lieu, voire à décerner une récompense; puisque aucun ne fait les œuvres que sa loi (naturelle ou positive) lui a commandées.

Voilà le point de départ historique et anthropologique de la théologie de l'Évangile, d'après Paul. C'est à cette situation de fait qu'il va maintenant opposer le tableau de la situation de droit, nous voulons dire de celle qui est fondée sur la dispensation nouvellement révélée et dont Christ est le centre. Mais en passant il glisse encore un mot dans sa phrase, un mot provisoirement étranger à son argumentation présente: Ce qui vient par la loi, ce n'est pas la justification comme les Juifs se l'imaginent, c'est seulement la connaissance du péché. Cela n'est dit ici que par forme de parenthèse; l'auteur y reviendra plus tard.

21 Mais maintenant il a été révélé une justice de Dieu indépendante de la loi (bien que la loi et les prophètes en parlent), la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ, pour tous et sur tous ceux qui ont la foi. Car il n'y a point de distinction: tous ayant péché et étant ainsi privés de la gloire de Dieu, c'est gratuitement qu'ils sont acceptés comme justes, par sa grâce, au moyen de la rédemption qui s'est faite par le Christ Jésus, que Dieu a destiné à être une victime de propitiation (moyennant la foi) par son sang, afin de montrer sa justice (Dieu, dans son indulgence, laissant passer les péchés antérieurs), à l'effet, dis-je, de montrer sa justice dans le temps présent, de manière à être juste, tout en déclarant juste celui qui l'est par la foi.

III, 21-26. Après avoir suffisamment établi que la justice, c'est-à-dire l'approbation de Dieu, ne s'obtient pas par les œuvres commandées par la loi (naturelle ou mosaïque), par la simple et seule raison que personne ne les accomplit, l'apôtre arrive à exposer la thèse fondamentale de son évangile, déjà indiquée d'avance, chap. I, 16, 17. À défaut de la justice légale, il y en a une autre que l'homme peut et doit s'approprier, une justice que déjà les textes de l'Écriture laissent entrevoir comme un fait compris dans les desseins éternels de Dieu, mais qui ne s'est pleinement révélé que dans ces derniers temps et qui forme la substance même de cette bonne nouvelle, prêchée par les missionnaires de Christ.

Ces quelques lignes comprennent donc ce qu'on peut appeler le résumé authentique de la théologie paulinienne, et c'est à ce point de vue que nous les avons analysées dans notre Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, liv. V, chap. 2.

Cette justice, la seule qui puisse mériter ce nom, en d'autres termes, cette condition religieuse et morale que Dieu approuve, et dont il veut bien tenir compte, à défaut de l'accomplissement rigoureux de tous les devoirs de détail, elle découle de la foi, elle en est l'effet, elle se trouvera chez tous ceux qui ont la foi, elle est pour eux, c'esUà-dire qu'elle leur est offerte et proposée comme un but à atteindre, et elle est sur eux, c'est-à-dire qu'elle leur est imposée comme une condition indispensable de salut.

L'apôtre ne donne point de définition précise et régulière (théologique et scientifique) de la foi, ni dans ce passage ni plus loin. Cependant il en parle si souvent et à des points de vue si variés, qu'il n'est pas trop difficile de se rendre compte de sa pensée (Hist, de la théol. chrét., liv. V, chap. 11), et sans vouloir anticiper sur les explications qui seront données accidentellement dans la suite de cette épître, nous pouvons dire dès à présent que la foi, d'après notre auteur, doit être essentiellement comprise comme une union personnelle, intime, mystique de l'homme et du Christ sauveur. Cela revient à dire que le salut est acquis à celui qui, cessant d'être ce qu'il a été naturellement, devient une nouvelle créature en renaissant en Christ et avec lui. (Voy. surtout chap. VI, 3 suiv.)

Ce fait, ou cette thèse fondamentale donne lieu à plusieurs observations importantes. D'abord il est à remarquer que cette nouvelle condition de salut est la même pour tous les hommes indistinctement, puisqu'ils se trouvent tous dans la même situation morale, dans le même rapport avec Dieu, c'est-à-dire dans celui d'un coupable en face de son juge. Les Juifs sont, à cet égard, sur la même ligne que les païens. La gloire de Dieu, c'est-à-dire la félicité promise aux justes, ils en sont privés, litt.: ils la manquent, ils ne l'obtiendront pas, malgré leur privilège d'avoir eu une loi positive, absolument comme les païens, qui n'ont point eu cet avantage.

En second lieu, il est évident que le salut offert indépendamment de la loi et des œuvres est gratuit; on ne peut pas le mériter par un acte qui aurait une valeur correspondante; il ne se place pas en regard d'une série d'efforts couronnés de succès, et portant sur les exigences ou prescriptions d'un code quelconque. Car l'expérience a prouvé que par cette voie l'homme n'arrive jamais à satisfaire le Dieu législateur. Dès à présent donc la grâce prend la place de la justice, dans les procédés de Dieu. Le Dieu de justice n'aurait pu que condamner, le Dieu de grâce peut, non seulement pardonner le péché réel, mais encore octroyer à l'homme ce qui lui manquait.

Enfin, à côté de la grâce qui offre et de la foi qui accepte, il y a un troisième élément, le plus important de tous, puisque sans lui les deux autres resteraient stériles ou sans objet: c'est l'intervention de Christ. Elle est caractérisée ici, provisoirement, de deux manières. L'acte de Christ est appelé une rédemption, et sa personne une victime de propitiation. Le premier terme, qui équivaut à celui de rachat, de délivrance moyennant une rançon payée, est appliqué tour à tour, dans les épîtres de Paul, à l'affranchissement de la servitude sous le péché, de celle sous la loi, et des peines encourues par le pécheur. S'il fallait choisir ici l'une de ces applications, exclusivement, c'est à la dernière que le contexte nous ramènerait de préférence, puisque l'apôtre mentionne expressément les péchés antérieurs de l'humanité, que Dieu veut laisser passer, dont il veut bien ne pas tenir compte comme juge. Nous disons de l'humanité, parce que Paul, dans toute son exposition, telle que nous l'avons vue jusqu'ici, retrace à grands traits ce que nous pourrions appeler une philosophie chrétienne de l'histoire, et non une étude anthropologique concernant un certain nombre d'individus.

Cette rédemption a été opérée par Christ (d'après le plan éternel de Dieu, auquel il est fait allusion incidemment, par l'emploi du verbe destiner), savoir par son sang, sa mort sanglante, à cause de laquelle il est représenté (ici et Éph. V, 2) comme une victime, telle que, d'après les rites mosaïques, on l'immolait pour obtenir le pardon des péchés, litt.: pour se rendre propice la divinité justement offensée. Nous verrons plus loin que le fait de la mort de Christ, qui occupe une place si prééminente dans la théologie apostolique, n'est point à considérer isolément, ni dans son rapport avec la volonté de Dieu seul (comme le fait la théologie scolastique), mais toujours dans sa liaison intime avec la foi de l'homme. La mort de Christ est la cause ou la source du salut, non point parce qu’elle a satisfait la justice vengeresse de Dieu, et soldé matériellement le compte de l'humanité, mais parce qu'elle offre à celle-ci un moyen de renouvellement qui n'existe pas ailleurs. Voilà pourquoi l'auteur a soin d'intercaler la mention de la foi, au milieu de la phrase qui parle de la victime et de son sang. Cette idée, qui n'est qu'ébauchée ici, sera reprise au chap. VI. Nous croyons qu'on méconnaît l'enchaînement des idées de l'apôtre en traduisant (sans parenthèse) moyennant la foi en son sang.

Le morceau se termine par une espèce de paradoxe. Entre la justice de Dieu, prise dans le sens vulgaire, et cette justice définie par l'Évangile, il y a, en quelque sorte, une contradiction. Le Dieu juste ne peut que punir, puisqu'il n'a en face de lui que des coupables. Le Dieu de grâce, qui veut bien ne pas punir, reste juste malgré cela, et tout eu acceptant comme justes des hommes qui ne le sont pas d'après leurs œuvres (seule base de la justice, au point de vue ancien ou légal), en ce qu'il leur offre, dans la foi, un moyen d'acquérir une justice à base différente, mais que lui veut bien considérer comme l'équivalent de l'autre. Ainsi Dieu est et reste juste dans le temps présent, tout en n'appliquant pas ce qui autrefois avait été la seule règle de sa justice.

27 Comment après cela quelqu'un se glorifierait-il? Cela n'est plus possible! Par le fait de quelle institution? Serait-ce de celle des œuvres? Non point, mais de celle de la foi! Nous pensons donc que l'homme est accepté comme juste, en vue de la foi, indépendamment des œuvres de la loi. Ou bien Dieu serait-il seulement le dieu des Juifs? N'est-il pas aussi celui des païens? Oui, il est aussi celui des païens, puisque c'est un seul et même Dieu qui déclarera justes les circoncis, par suite de la foi, et les incirconcis, moyennant la foi aussi.

III, 27-30. Conséquence à tirer immédiatement de la thèse précédente. S'il est vrai qu'il n'y a pas de justice par les œuvres, mais seulement une justice par la grâce de Dieu, en d'autres termes, plus de justice propre, constituant un titre à faire valoir, mais seulement une justice donnée librement, en dehors de tout mérite personnel — il est évident que personne ne peut plus se glorifier de devoir l'héritage céleste à ses propres efforts. Gela s'adresse proprement aux Juifs, qui revendiquaient le bénéfice des promesses divines comme un apanage assuré et dont ils ne croyaient pas avoir démérité. À plus forte raison ce sera vrai pour les païens.

Ce fait, qu'il ne s'agit plus désormais de faire valoir des titres, est la conséquence de ce qu'une nouvelle institution, une nouvelle charte de l'humanité, une nouvelle base de l'alliance de Dieu avec celle-ci, a remplacé l'ancienne. Celle-ci fondait les promesses de Dieu sur les œuvres des hommes, la nouvelle les fonde sur leur foi. Comme l'ancienne se résumait dans la loi (mosaïque), l'auteur se sert du même terme de loi, pour désigner la nouvelle, bien que ce terme soit peu propre à rendre sa pensée. Nous avons mieux aimé le remplacer par un autre à la fois plus juste et plus facile à comprendre.

Mais la nécessité de changer la base du pacte (de fonder une nouvelle économie, comme l'auteur dit ailleurs) ne résulte pas seulement de ce que l'ancien aboutissait à la condamnation des hommes, au lieu de leur faire obtenir le salut promis: il s'agit encore d'y faire participer ceux qui étaient en dehors de la sphère d'action de la loi, les païens. Gomme il n'y a qu'un seul Dieu, ce Dieu est le même pour tous. Il est donc naturel qu'il établisse aussi une même règle pour tous. En face de sa sainteté absolue, la différence morale entre les hommes s'efface complètement; tous sont à peu près également loin du but où ils doivent tendre, ils ont tous besoin du secours de la grâce, et la foi sera pour les païens le moyen de se faire accepter comme justes, comme la même foi doit être la source du salut pour les Juifs, ceux-ci ne pouvant pas non plus le faire dériver de leurs œuvres. (Les deux mots que nous soulignons ici correspondent à deux prépositions différentes* dont l'auteur se sert à cette occasion, et que la traduction n'a pu rendre exactement.)

La théorie que l'apôtre vient d'exposer était contraire à toutes les idées reçues parmi les Juifs: c'était, au gré de ceux-ci, une hérésie, un blasphème, car elle semblait renverser l'autorité divine de la loi révélée. Sa première préoccupation est donc de prouver maintenant qu'il ne méritait pas un pareil reproche, mais que, loin de contredire ou de renverser la loi, il ne faisait que confirmer ses propres dires à elle.

31 Or, est-ce que nous annulons la loi par la foi? A Dieu ne plaise! Au contraire, nous confirmons la loi.

1Qu'est-ce donc, dirons-nous, que notre père Abraham a obtenu par la voie charnelle? Car si c'est pour ses oeuvres qu'il a été déclaré juste, il peut s'en glorifier, mais non devant Dieu. Mais que dit l'Écriture? Abraham eut foi en Dieu, et cela lui fut compté pour justice. Or, à celui qui a fait une œuvre, on compte son salaire, non comme une grâce, mais comme une dette, tandis qu'à quelqu'un qui n'a point fait d'œuvre, mais qui a foi en celui qui veut accepter l'impie comme juste, sa foi est comptée pour justice. 6 C'est ainsi que David aussi félicite l'homme, sur le compte duquel Dieu met la justice indépendamment des œuvres: «Heureux ceux dont les iniquités sont pardonnées et dont les péchés sont effacés! Heureux l'homme auquel le Seigneur ne porte pas en compte son péché!» Cette félicitation s'adresse-t-elle aux circoncis seuls, ou bien aussi aux incirconcis? Nous disions qu'à Abraham sa foi fut comptée pour justice.

10 Or, comment lui fut-elle comptée? Lorsqu'il était déjà circoncis, ou avant qu'il le fût? C'était avant qu'il le fût! Et il reçut le signe de la circoncision, comme sceau de la justice qu'il avait obtenue par la foi dans l'état d'incirconcision, afin qu'il fût le père de tous ceux qui auraient la foi sans être circoncis, pour qu'à eux aussi cette justice fût comptée, et le père des circoncis, qui ne seraient pas seulement circoncis, mais qui marcheraient aussi sur les traces de la foi de notre père Abraham, non circoncis encore.

13 Car ce n'est pas moyennant la loi que fut donnée, à Abraham ou à sa postérité, la promesse de posséder le monde, mais moyennant la justice obtenue par la foi. En effet, si ceux-là seuls doivent avoir cette possession, qui l'auront de par la loi, la foi est inutile et la promesse est annulée. (Car la loi ne produit que la colère et ce n'est que là où il n'y a point de loi, qu'il n'y a pas non plus de transgression.)

16 C'est pour cela que la possession vient par la foi, pour que ce soit par grâce, afin que la promesse soit assurée à toute la postérité, non point seulement à celle qui l'est de par la loi, mais aussi à celle qui l'est par la foi d'Abraham, lequel est notre père à nous tous (comme il est écrit: «Je le rends père de nombreux peuples»), au gré de ce Dieu en qui il a eu foi, qui donne la vie aux morts et qui appelle à l'existence ce qui n'existe pas. 18 C'est que contre toute espérance, mais plein d'espérance, il a eu foi, de manière qu'il devint père de nombreux peuples (selon cette parole: «Ainsi sera la postérité»), et sans faiblir dans sa foi, il n'eut point égard à son corps décrépit, étant à peu près centenaire, ni à la décrépitude du sein de Sara; et ne conçut point de doute, par incrédulité, au sujet de la promesse de Dieu, mais fort de sa foi, il donna gloire à Dieu, pleinement convaincu que celui-ci aurait la puissance d'accomplir ce qu'il avait promis.

22 C'est pourquoi aussi cela lui fut compté pour justice. Mais ce n'est pas à cause de lui seul qu'il a été écrit que cela lui fut compté, mais encore à cause de nous, auxquels cela doit-être compté également, à nous qui avons foi en celui qui a ressuscité des morts notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a été livré pour nos péchés et a été ressuscité pour notre justification.

III, 31-IV, 25. — Nous avons dû mettre sous les yeux de nos lecteurs ce morceau dans son entier et sans le scinder, parce qu'il nous sera plus facile de l'expliquer en le ramenant à ses points principaux, qu'en suivant l'auteur pas à pas dans la marche de son argumentation peu serrée. À la première lecture, le texte paraît assez obscur, et cette obscurité ne provient pas seulement de ce que le raisonnement en lui-même n'est pas transparent, mais en grande partie aussi de ce que, à notre point de vue moderne, il n'a pas une bien grande valeur et ne nous intéresse plus guère que comme un exemple très instructif de la dialectique et du scolasticisme des écoles juives du temps. Mais ce fait même prouve que Paul était arrivé à la connaissance de la vérité fondamentale de son évangile, à savoir à la thèse de la justification gratuite et de la nullité des œuvres, par une tout autre voie que par celle de la science théologique de son temps, qui n'a pu lui fournir que les moyens de la démontrer, et cela par des procédés extrêmement précaires.

Voici, en quelques traits généraux, la substance de l'argumentation. Paul disait: Nul n'est justifié par ses œuvres, en d'autres termes, nul ne satisfait entièrement à la volonté de Dieu. Ce n'est que par grâce, et en vue de la foi (c'est-à-dire d'une certaine disposition subjective), qu'on arrive à être accepté comme juste par Dieu et par conséquent à avoir part aux promesses faites à ceux qui seraient justes.

Le Juif pouvait et devait objecter: Mais comment? Voilà le patriarche Abraham, un juste s'il en fut, le type du juste, lui aussi serait donc déchu du bénéfice des promesses qui lui avaient même été faites à lui personnellement?

Paul réplique: Pour ce qui est d'Abraham, son exemple ne saurait être invoqué pour infirmer ma thèse. Sans doute, il a été reconnu juste par Dieu: mais est-ce qu'il a obtenu cela par la voie charnelle, c'est-à-dire par ses œuvres? Admettons un moment que ces œuvres aient été parfaites, que serait-ce à dire? Il aurait fait son devoir, mais il n'aurait pas eu de mérite. Car ce sont là deux choses qu'il ne faut pas confondre (Luc. XVII, 10. I Cor. IV, 7). Il aurait pu s'en faire gloire devant les hommes, moins parfaits que lui, mais non devant Dieu, en face duquel il est impossible de se prévaloir d'un acte quelconque comme méritoire, c'est-à-dire comme n'étant pas dû et comme devant être rémunéré. Il y a plus: l'Écriture déclare explicitement qu'Abraham fut reconnu comme juste en vue de sa foi.

C'est de cette déclaration (Gen. XV, 6) que Paul prend texte pour prouver que la sienne confirme l'Écriture. Or, de quoi est-il question dans le passage de la Genèse? Paul le dit lui-même (v. 18-22): Il s'agissait de la promesse d'une nombreuse postérité, promesse qui lui fut faite alors qu'à raison de son âge et de celui de sa femme, il ne devait plus espérer de devenir père. Malgré elle, il crut Dieu, et Dieu lui tint compte de cette confiance sans réserve, c'est-à-dire l'approuva hautement; on pourrait presque dire: lui en fit un mérite. On remarquera sans peine qu'il y a une immense différence entre la foi d'Abraham, qui est persuadé que Dieu peut encore rendre féconde son union charnelle avec Sara, malgré leur grand âge à tous les deux, et la foi du chrétien qui puise une nouvelle vie spirituelle dans son union mystique avec Christ; et l'on pourra être tenté d'en conclure que la logique n'est pour rien dans une argumentation qui semble tout simplement jouer sur les mots. Il y a cependant, au fond de ce raisonnement, quelque chose de plus qui porte le cachet de la vérité absolue. C'est que le rapport entre Dieu et l'homme ne se fonde point sur les actes, pris isolément et en nombre plus ou moins grand, mais qu'il dérive de la disposition générale de l'âme, de laquelle les actes découlent.

Après avoir cité le passage relatif à Abraham, l'auteur en discute la portée. Le texte se sert du mot: compter; la foi lui fut comptée pour justice. Eh bien, ce mot même fait voir qu'il ne s'agit pas de mérite et de dette. Car là où il y a une œuvre faite qui a sa valeur, on doit un salaire. Dès qu'il est question de compter comme œuvre faite (comme équivalent), c'est affaire de bonne volonté, de grâce. Le passage de la Genèse prouve donc implicitement que la déclaration de Dieu relative à Abraham était un acte de sa libre volonté et ne se rapportait aucunement à des œuvres, à un mérite.

Incidemment Paul cite un second texte, moins concluant encore, en apparence, que le précédent. C'est le commencement du Psaume XXXII, où il est dit: Heureux celui auquel Dieu pardonne ses péchés! Ici il n'est pas même fait mention de la foi, et l'on se demande à quel propos ce mot est cité? Nous pensons que Paul y aura relevé précisément l'absence de toute condition d'œuvre; il devait en conclure que le pardon est gratuit. D'après lui, le texte dit: Heureux celui avec lequel Dieu ne compteras, ni à l'égard des œuvres qui ne suffiraient pas, ni à l'égard des péchés qui seraient de trop. C'est la même idée que tout à l'heure, mais elle est formulée ici du point de vue opposé. De la Genèse, l'auteur tirait la conséquence que compter (pour justice, à défaut d'œuvres) est pour le bien de l'homme; du psaume, il dérive la thèse que celui-ci gagne à ce que Dieu ne compte pas (le péché). Le raisonnement porte toujours sur le terme de compter, de sorte qu'on a bien tort de rendre ce terme par des mots français différents.

Maintenant l'apôtre passe à une application nouvelle de ces textes. Il veut prouver qu'ils consacrent en même temps l'universalité de la promesse évangélique, c'est-à-dire précisément cette thèse formulée plus haut et d'après laquelle la foi sauvera tous les hommes sans distinction de nationalité, tandis que la loi, si tant est qu'elle eût pu sauver, regardait les Juifs seuls. D'abord le psaume ne fait pas de distinction; cependant Paul a raison de ne pas trop y insister, parce qu'il a d'avance coupé le nerf de son argumentation, en disant (chap. III, 19) que l'Écriture parle aux Juifs seuls. Il passe tout de suite à l'histoire d'Abraham et constate que le passage où il est parlé de sa justice par la foi précède cet autre passage (chap. XVII), où il est parlé de sa circoncision. Il en conclut que la circoncision n'est pour rien dans la justice du patriarche, et comme la circoncision était le signe distinctif des Juifs, le cachet de leur nationalité et le gage des promesses qu'ils avaient reçues, cela revient à dire que la déclaration faite à Abraham (relativement à sa justice) a sa valeur absolue et ne se subordonne en aucune façon à ce qui tient à la loi. Pour Abraham, la circoncision n'était point la cause du jugement favorable de Dieu, mais le signe (le cachet, le sceau, la marque) qui devait constater ce jugement formulé antérieurement, et pour une tout autre cause.

Mais ce n'est pas tout. Indépendamment de la déclaration concernant la justice d'Abraham (résultant de sa foi), la Genèse, aux mêmes endroits (chap. XV, 5; XVII, 5), parle encore d'une postérité nombreuse qu'il aurait, voire de beaucoup dépeuples dont il serait le père. Cette promesse aussi ne dépend pas de la circoncision. Donc Abraham n'est pas seulement, comme les Juifs le disaient, le père des Israélites circoncis, mais aussi des peuples incirconcis, et sa paternité (dans ces textes) ne doit pas être prise dans le sens physique, mais dans le sens spirituel; elle doit exister, pour tous ceux qu'elle regarde, à une seule et même condition, et cette condition ne saurait être que la foi, en vue de laquelle la paternité fut promise. Les circoncis aussi ne seront donc vrais enfants d'Abraham, et ne participeront aux promesses faites à sa postérité, qu'autant qu'ils auront la foi, et non pas en vertu de leur circoncision, À plus forte raison, les promesses ne dépendent pas de la loi (v. 13. Comp. Gal. III, 17, et en général tout ce chapitre), laquelle date d'une époque bien plus récente encore.

On voit que l'auteur spiritualise (christianise), dans l'analyse du texte de la Genèse, les notions de la foi et de la paternité d'Abraham. Il en fait de même à l'égard d'une troisième notion, celle de la possession future de Canaan (Gen. XV, 7, etc.). Il change cela en une possession du monde, bien entendu dans un sens mystique, d'après lequel le monde, c'est le royaume céleste de Dieu. Et cette autre promesse aussi est rattachée à la déclaration de Dieu relative à la justice par la foi, et pas du tout à la circoncision ou à la loi. Il importe, ajoute l'apôtre (v. 14 ss.), de bien retenir ceci, car, s'il en était autrement, cette magnifique promesse serait nulle et de nul effet. Car partout où il y a loi, il y a transgression (chap. VII, 7 suiv.), donc l'effet naturel de la loi est, non la justice de l'homme, l'approbation de Dieu, la vie éternelle, mais bien le péché, la colère divine, la mort. Si Dieu avait voulu cet ordre de choses, si ç’avait été là son dernier mot, il était inutile de parler encore de foi. Mais il parle de foi pour assurer l'effet de sa promesse, et pour faire reconnaître que la participation au royaume est un effet de sa grâce, qui compte la foi pour justice, au lieu de laisser agir sa justice laquelle ne pourrait que condamner.

Un seul mot encore sur les dernières lignes de notre morceau. L'apôtre y proclame très nettement un principe d'herméneutique généralement appliqué par lui et ses collègues, mais devenu étranger à l'exégèse populaire. L'histoire des patriarches, et celle d'Israël en général, n'est pas à considérer comme une simple histoire: il est même tel texte qui n'est pas une histoire du tout, dans le sens ordinaire de ce mot (Gal. IV, 22 suiv. 1 Cor. X, 2 suiv. Hébr. VII, 1 suiv., etc.), ce sont des images prophétiques, des types de faits et de vérités évangéliques, dont la consignation par écrit a été faite essentiellement en vue de la génération devant laquelle devait se produire l'accomplissement des réalités ainsi préfigurées. Il ne s'agit pas là d'applications morales, d'enseignements pratiques, comme nous avons l'habitude de les tirer des récits bibliques; mais il est question d'une portée théologique que ces récits ont en eux-mêmes d'après l'intention du Saint-Esprit, qui ne les aurait pas fait mettre par écrit (1 Cor. IX, 9) s'il n'y avait pas caché cette signification toute spirituelle, qui en est l'essence et la raison d'être.

La phrase finale rappelle, dans un double parallélisme, et les deux faits capitaux de la vie du Sauveur, sa mort et sa résurrection, et les deux faits capitaux de la vie du chrétien, son état antérieur sous le péché, et son état postérieur sous la grâce. Nous verrons plus loin comment l'apôtre arrive à combiner chacun de ces deux états avec l'une des deux phases de la destinée suprême de Christ.

Après avoir prouvé que la thèse de la justification par la foi n'est pas contraire à l'Écriture, l'apôtre passe à l'exposition des conséquences de ce nouvel ordre de choses (chap. V).

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