Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX ROMAINS

Chapitre 2

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1 Tu es donc inexcusable, toi qui condamnes les autres, qui que tu sois; car en condamnant les autres, tu te condamnes toi-même, puisque, tout en condamnant, tu fais les mêmes choses. Et nous savons que le jugement de Dieu ne manquera pas de frapper ceux qui font de telles choses. Penses-tu donc, toi qui condamnes ceux qui les font et qui les fais toi-même, que tu échapperas au jugement de Dieu?

4 Ou bien fais-tu si peu de cas de sa riche bonté, de sa patience, de sa longanimité, oubliant que cette bonté de Dieu doit te conduire à la repentance? Mais par ton endurcissement et par l'impénitence de ton cœur, tu t'amasses un trésor de colère, pour le jour terrible où se manifestera le juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres: la vie éternelle à ceux qui, par la persévérance dans les bonnes œuvres, cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité; à ceux qui par des intrigues s'opposent à la vérité et se laissent aller à l'iniquité, la colère et la réprobation.

9 Malheur et angoisse sur l'âme de tout homme qui fait le mal, sur le Juif d'abord, ainsi que sur le païen! Gloire, honneur et paix à quiconque pratique le bien, au Juif d'abord, ainsi qu'au païen!

II, 1-10. Dans le morceau précédent, l'apôtre avait parlé exclusivement des païens. Ici il n'est pas aussi clair, à première vue, qu'il passe aux Juifs. Ce n'est qu'au v. 17 qu'il leur adresse la parole directement, et à la fin du texte que nous venons de transcrire, il semble ne les introduire qu'en passant. Tout de même ce texte tout entier n'aurait pas de sens, si les Juifs n'étaient pas, dès la première ligne, le point de mire de la polémique de l'auteur. Mais ce n'est point par inadvertance ou par maladresse qu'il aurait oublié de les désigner plus clairement, de manière qu'il a pu en résulter une certaine obscurité. Au contraire, nous devons admettre qu'il en a agi ainsi à dessein, et qu'il voulait amener indirectement les Juifs à se reconnaître coupables, et à prononcer leur propre arrêt avant qu'il eût besoin de le formuler lui-même.

Les païens, dit-il, sont pervers et plongés dans le vice. C'est un fait reconnu, et que les Juifs du moins ne contestent pas. De ce côté l'arrêt est prononcé et l'apôtre ne prétend pas le réformer. Mais celui qui le prononce, et qui, par conséquent, n'appartient pas à la même portion de l'humanité (et ce ne peut être que le Juif), est-il donc sans tache et sans péché? Est-ce que les vices qu'on condamne d'un côté sont donc absolument inconnus de l'autre? En se hâtant de condamner le pécheur du dehors, ne prononce-t-on pas en même temps l'arrêt contre soi-même? Et cette condamnation n'est-elle pas d'autant plus téméraire, qu'on sait mieux ici ce qui attend le pécheur, qu'on a moins encore que les autres l'excuse de l'ignorance, et qu'on doit savoir que la patience de Dieu, qui ménage au pécheur les moyens de se convertir; accumule sur sa tête la colère du juge, s'il n'en profite pas?

Dans tout ceci, il convient de ne pas perdre de vue que Paul oppose, non un individu à un autre (où à la rigueur le niveau moral pouvait être différent), mais classe à classe, catégorie à catégorie. Une pouvait ni ne voulait nier que tel Juif était meilleur que tel païen, que peut-être tel païen valait mieux que tel Juif. Ce qu'il veut établir, c'est que la qualité de Juif n'est pas, au point de vue de la valeur morale, une garantie ou un privilège. Les Juifs qui condamnent les païens comme pécheurs ne sont pas moins pécheurs eux-mêmes, pris dans leur ensemble; ils sont par conséquent tout aussi dignes de réprobation, voire moins excusables, parce qu'ils connaissaient mieux la volonté de Dieu.

La seule difficulté apparente provient de la particule donc, par laquelle le morceau débute. C'est que l'auteur anticipe sur les faits qu'il va exposer plus loin, et en tire d'avance la conclusion. Il faut donc simplement mettre cette particule en rapport direct avec la fin du premier verset.

Le Juif, en se préoccupant trop des privilèges de sa race et affectant de regarder le païen comme un être dégradé et déshérité, n'est que trop enclin à se faire illusion sur sa propre valeur. Il n'éprouve pas la nécessité de travailler à son amélioration propre, et continue ainsi, autant par ce qu'il fait, que par ce qu'il ne fait pas, à amasser contre lui, comme qui dirait, un trésor, une provision de colère divine, qui ne manquera pas de l'accabler au jour du jugement. La règle de la justice de Dieu est invariablement la même pour tous, sans distinction de personnes et de peuples: À chacun selon ses œuvres! Ce principe, énoncé une première fois d'une manière absolue, est ensuite analysé (v. 7, 8), relativement aux deux éléments qu'il renferme, selon l'alternative de récompense ou de peine qu'il implique; enfin il est proclamé une seconde fois (v. 9, 10), non pas par une répétition oiseuse, mais pour introduire, d'une manière très significative, le nom même des Juifs, jusqu'ici sous-entendu, et laissé à deviner par ceux dont la conscience n'était point insensible aux avis salutaires. Le Juif est mis en première ligne (chap. I, 16), autant parce que tout le discours s'adresse à lui de préférence, que parce que sa position est plus éminente, sa responsabilité plus grande et ses devoirs plus clairement articulés.

11 Car Dieu n'a pas égard aux personnes: ceux qui auront péché indépendamment de la loi, périront aussi indépendamment de la loi, et ceux qui auront péché sous la loi, seront condamnés par la loi. Car ce ne sont pas ceux qui entendent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ce sont ceux qui la mettent en pratique qui seront déclarés justes.

14 Car si les païens, qui n'ont point la loi, font naturellement ce que la loi demande, ils sont, sans avoir la loi, une loi pour eux-mêmes, et, en tant que leur conscience en rend témoignage, et que leurs pensées s'accusent et s'excusent tour à tour, ils montrent que l'œuvre de la loi est écrite dans leurs cœurs, au jour où, selon l'Évangile que je prêche, Dieu jugera par Jésus-Christ ce qu'il y a de caché dans l'homme.

II, 11-16. Non, malgré le préjugé universellement répandu dans la société juive, il n'y a pas d'acception de personnes auprès de Dieu. Le juge suprême n'a pas deux poids et deux mesures pour les diverses races de la famille humaine. Sans doute les Juifs, qui ont reçu une loi spéciale et positive, ne sont pas placés dans les mêmes conditions que les païens qui ne l'ont pas; mais ce fait, à lui seul, ne constitue pas le motif du jugement à intervenir. Car évidemment il ne suffit pas de connaître son devoir, entendre lire des textes à la synagogue, pour être ce que Dieu veut qu'on soit; il faut agir, accomplir, pratiquer. C'est à cette condition seule qu'on peut être reconnu et déclaré juste.

Or, cette condition est la même pour les deux portions de l'humanité. Chacun sera jugé d'après les moyens qu'il aura eus de faire son devoir, et d'après la manière dont il les aura employés. Le païen pécheur sera jugé comme tel, non en vertu de la loi juive, mais de cette loi éternelle et primordiale qui a mis dans un rapport intime l'acte et son effet (chap. I, 31), de la loi naturelle; le Juif aura une loi plus sévère à redouter, parce qu'elle est plus explicite.

L'apôtre s'arrête un moment encore à cette loi naturelle gravée dans la conscience des hommes, et qui leur permet de suivre la volonté de Dieu sans qu'ils aient une loi ou instruction positive et extérieure. Ils sont une loi pour eux-mêmes; cela veut simplement dire qu'ils en trouvent une en eux-mêmes, laquelle, si tant est qu'elle soit écoutée, peut leur faire accomplir spontanément, sans prescription officielle, ce qui est demandé aux Juifs par leur loi mosaïque. En théorie, il n'est donc pas dit que l'homme ne peut absolument que pécher; que sa nature est tellement corrompue, que sa conscience même ne parle plus. Au contraire, elle parle toujours, et ne cesse de rendre témoignage, elle soulève un conflit intérieur entre les différentes tendances de notre nature, qui s'accusent et s'excusent tour à tour, selon que les bons ou les mauvais penchants ont le dessus, et ce fait incontestable prouve que la loi de Dieu est réellement écrite dans le cœur de l'homme. Cette preuve est chose essentielle au jour du jugement, parce qu'elle atteste que ce jugement n'est pas inique. D'après cette combinaison des idées, il est inutile de mettre les v. 14 et 15 en parenthèse. Les théologiens auraient bien fait de méditer ce passage avant de formuler leurs théories sur le péché originel.

17 Mais si toi tu te targues du nom de Juif, si tu te reposes sur la loi, si tu te fais gloire de ton Dieu, si tu connais sa volonté, si, instruit par la loi, tu sais apprécier la valeur relative des choses, si tu te fais fort d'être le guide des aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, le directeur des ignorants, le maître de ceux qui sont encore enfants, comme ayant dans la loi la norme de la science et de la vérité

21 toi donc, qui prétends instruire les autres, pourquoi ne t'instruis-tu pas toi-même? toi, qui prêches contre le vol, tu le pratiques? toi, qui parles Contre l'adultère, tu t'en rends coupable? toi, qui as en abomination les idoles, tu commets des sacrilèges? toi, qui te prévaux de la loi, tu outrages Dieu en la transgressant? Oui, comme dit l'Écriture, le nom de Dieu est déshonoré parmi les païens à cause de vous!

II, 17-24. Après avoir revendiqué, hypothétiquement, pour les païens la possibilité de faire la volonté de Dieu, l'apôtre pose, affirmativement, la culpabilité des Juifs. Il va sans dire que ces deux thèses doivent aboutir à assigner aux deux catégories d'hommes la même position en face de Dieu. L'hypothèse favorable ne sera pas refusée aux Juifs; l'affirmation défavorable frappe aussi les païens.

La construction de ce morceau n'est pas parfaite. L'auteur commence par un si, auquel rien ne répond dans la suite. Cependant sa pensée est on ne peut plus claire, et les copistes n'auraient pas dû changer le texte, en remplaçant le si par vois!

La première partie (v. 17-20) peint à merveille les prétentions de l'orgueil national des Juifs, prétentions si peu justifiées par la moralité de leurs actes. Les expressions choisies par l'apôtre sont très pittoresques: Le nom même de Juif est un titre auprès de Dieu; la simple possession de la loi est un lit de repos sur lequel on s'étend avec complaisance, sans songer au travail; la conviction de l'existence d'un seul Dieu est un sujet de gloire, comme si celui qui la possède y avait un mérite personnel; la connaissance purement théorique des commandements passe pour une vertu; l'appréciation de la valeur relative (différente) de mille détails, compris dans les prescriptions lévitiques et rabbiniques, valeur en tout cas minime, temporaire, symbolique, est élevée à la dignité d'une haute science; et avec tout cela, le Juif, sans être meilleur moralement, prétend instruire le monde entier qu'il regarde avec pitié. Mais de tous ces mots, celui de norme est le plus significatif. Le Juif prétend avoir dans sa loi la forme adéquate, immuable, régulatrice, de tout ce qui tient à la vérité et à la justice. Rien de plus, rien de moins, rien autrement. C'est bien la prétention de tous ceux qui adorent la lettre et n'ont point l'esprit, et nous en connaissons qui ne sont pas de la Synagogue.

Et avec toutes ces prétentions où est donc la vertu? Il n'y a pas un seul vice dont les Juifs ne se rendent coupables tout autant que les païens. Il y en a qui équivalent à l'idolâtrie même. Car il y a des péchés directement antireligieux, de véritables sacrilèges, même chez ceux qui se glorifient d'avoir vaincu toute velléité de polythéisme. La sainteté de Dieu, de sa parole, de son temple, peut être profanée autrement encore que par des sacrifices faits aux faux dieux. Ainsi Dieu est outragé à la fois par la transgression même et par la mauvaise réputation qu'on se faisait au dehors. L'antipathie générale des païens pour les Juifs pouvait être outrée et injuste à plus d'un égard, elle n'était pas tout à fait sans fondement et, pour autant qu'elle était fondée, c'est sur Dieu même qu'elle retombait par la faute de ceux qui la provoquaient. (Le passage cité se lit dans la traduction grecque d'Ésaïe LII, 5.)

25 La circoncision est chose utile, oui, tant que tu observes la loi; mais si tu la transgresses, la circoncision est comme si elle n'y était pas. Si donc celui qui n'est point circoncis observe les commandements de la loi, ne sera-t-il pas réputé circoncis, tout incirconcis qu'il est? Et celui qui est naturellement incirconcis, mais qui accomplit la loi, ne te condamnera-t-il pas, toi qui la transgresses, malgré la lettre et la circoncision?

28 Car le vrai Juif n'est pas celui qui l'est extérieurement, et la vraie circoncision n'est pas celle qui est apparente dans la chair: mais le Juif, c'est celui qui l'est intérieurement; la circoncision, c'est celle, du cœur, celle qui se fait en esprit et non selon la lettre. C'est un tel homme qui est approuvé, si ce n'est des hommes, du moins de Dieu!

II, 25-29. On sait quelle importance les Juifs attachaient à la circoncision, et combien peu ils songeaient à ce qu'elle devait n'être que le symbole d'un rapport moral et religieux avec Dieu. Le païen était réputé impur par cela seul que ce signe lui manquait. C'est contre cette manière de voir que Paul proteste ici. La circoncision, dit-il, n'a aucune valeur propre, tant qu'elle n'est qu'une opération faite sur le corps; l'absence de la circoncision, considérée en elle-même, ne constitue aucun défaut. Au contraire, l'homme non circoncis, qui fait la volonté de Dieu, condamne le circoncis qui ne la fait pas, c'est-à-dire qu'il est meilleur et que Dieu le préfère. C'est donc la pratique du devoir qui seule décide de la valeur morale de l'homme et non un signe extérieur qui ne constate que la nationalité.

Paul n'entend pas rejeter purement et simplement un usage consacré par la parole de Dieu. Oui, dit-il, il y a un avantage à être circoncis, à être membre d'un peuple mieux instruit dans les voies de Dieu, privilégié à tant d'égards par les révélations qu'il a reçues; mais évidemment cet avantage est contrebalancé par une plus grande responsabilité et, en fin de compte, c'est toujours le rapport avec la loi, et non celui avec le signe, qui fait la base du jugement de Dieu.

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