Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DEUXIÈME ÉPITRE DE PIERRE

Chapitre 1

----------


1 Syméon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ, à ceux auxquels est échue la même foi qu'à nous, par la justice de notre Dieu et du sauveur Jésus-Christ: que la grâce et la paix vous soient données abondamment dans la connaissance de Dieu et de notre Seigneur Jésus-Christ.

I, 1-2. En distinguant, dans sa formule d'adresse, deux catégories de personnes, nous, et ceux auxquels est échue la même foi (litt.: une foi d'égale valeur), l'auteur n'a sans doute pas voulu opposer, à tous les autres chrétiens, le corps des apôtres, comme formant une catégorie à part. Si l'on ne veut pas réduire la formule à cette simple idée: à tous ceux qui partagent notre commune foi chrétienne, on peut supposer qu'il entend par le nous, tous ceux qui partagent déjà ses propres convictions à l'égard des faits qu'il s'agit d'enseigner ici, tandis que les autres seraient ses lecteurs, c'est-à-dire les personnes auxquelles il croit nécessaire d'adresser les présentes instructions. Les premiers pourraient être les judéo-chrétiens restés attachés à la doctrine de la parousie du Seigneur, les autres, les chrétiens d'une autre origine chez lesquels cette doctrine risquait de se perdre. Les uns et les autres appartiennent à la communauté par l'effet de la même dispensation salutaire de Dieu et de Christ, qui dans leur justice, c'est-à-dire sans acception des personnes, ont adressé leur appel indistinctement à tous les hommes. Car en disant que la foi est échue, l'auteur insinue qu'elle n'est pas l'œuvre spontanée et méritoire de l'homme, mais qu'elle est un don de Dieu. Peut-être cependant suffirait-il de prendre le terme de justice dans le sens de bienfait, comme on le trouve fréquemment en hébreu. En tout cas il n'est pas question de la justification qui est la suite et non la cause de la foi.

La grâce et la paix, les dons de Dieu, vont de front avec la connaissance de l'homme, c'est-à-dire avec les progrès de l'intelligence des vérités religieuses. Comp. Phil. I, 9. Col. I, 9.

3 Puisque sa divine puissance nous a dotés de tout ce qui mène à la vie et à la piété, par la connaissance de celui qui nous a appelés par sa propre et glorieuse action, par laquelle il nous a aussi donné de si grandes et précieuses promesses, afin de vous faire participer, par ce moyen, à la nature divine, après vous avoir soustraits à la corruption de la convoitise mondaine: vous aussi, de votre côté, mettez toute votre ardeur à produire avec votre foi l'activité, avec l'activité l'intelligence, avec l'intelligence la tempérance, avec la tempérance la constance, avec la constance la piété, avec la piété la fraternité, avec la fraternité la charité.

8 Car si ces qualités se trouvent en vous abondamment, elles ne vous laisseront pas oisifs et stériles à l'égard de la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ. En effet, celui qui ne les possède pas est aveugle et myope, et la purification de ses anciens péchés est sortie de sa mémoire. Efforcez-vous d'autant plus, mes frères, de rendre sûre votre vocation et votre élection, car en faisant cela vous ne risquerez jamais de vous égarer. Car c'est de cette manière que l'entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur Jésus-Christ vous sera ménagée largement.

I, 3-11. Exorde ou préambule. Le sens est en deux mots celui-ci: Puisque Dieu a mis à notre portée tout ce qui est nécessaire au salut, tâchez d'en profiter et de vous en rendre dignes. Mais l'exposé de cette pensée est tant soit peu obscur et entortillé, surtout dans l'original, et notre traduction même, malgré ses mouvements un peu plus libres, ne rend pas superflues les explications de détail.

Ainsi on ne voit pas tout de suite à quel sujet l'auteur attribue cette divine puissance qui prépare le salut des hommes et leur en aplanit le chemin. La phrase précédente parlait à la fois de Dieu et de Jésus. Cependant nous n'hésitons pas à dire que c'est ce dernier qu'il a eu en vue, puisqu'il le distingue de celui qui nous a appelés (acte qui est toujours attribué à Dieu le père), mais que dans la phrase suivante le sujet change encore et que c'est le père qui a donné les promesses. L'obscurité provient de cette transition subite et réitérée d'un sujet à l'autre et l'on devrait peut-être introduire les noms propres d'ans le texte de la traduction à la place des pronoms.

Christ nous à donné tout ce qui mène à la me et à la piété. L'association de ces deux notions représente, pour ainsi dire, toute l'existence du chrétien; seulement elles se suivent ici dans un ordre peu naturel. La vie est évidemment prise dans le sens évangélique du salut et de la félicité, tandis que la piété est le caractère essentiel du croyant pendant son séjour sur la terre: en d'autres termes, Christ nous a donné ce dont nous avons besoin ici-bas, et ce que nous pouvons désirer pour l'avenir. Il nous l'a donné par la connaissance de Dieu, c'est-à-dire en nous faisant connaître son père comme jamais auparavant Dieu n'avait été connu, savoir comme nous appelant au salut, et comme nous faisant des promesses grandes et précieuses. La même idée avait été effleurée au v. 2.

La vocation de la part de Dieu a été opérée, ou nous est parvenue, par sa propre et glorieuse action. Cette phrase, que les anciens déjà paraissent n'avoir pas trop bien comprise, puisque les manuscrits en grand nombre offrent la singulière leçon: au moyen de la gloire et de la vertu, a dû être traduite un peu librement. Le mot grec qu'on rend ordinairement par vertu, signifie proprement, comme le latin virtus, non la vertu dans le sens moral, mais l'énergie avec laquelle on agit, le courage, la force. Ce sens se retrouve très nettement quelques lignes plus bas, au v. 5. Ici l'auteur veut exprimer la pensée que Dieu, dans l'œuvre de la vocation adressée aux hommes pour le salut, a manifesté d'un côté sa gloire, c'est-à-dire sa sagesse, la grandeur de ses desseins, l'admirable conception de ses moyens (Rom. XI, 33. 1 Cor. II, 7 suiv. Éph. III, 9 suiv., etc.), de l'autre, sa puissance dans l'exécution, Y énergie avec laquelle il poursuit l'accomplissement de sa gracieuse volonté.

Cet acte de la vocation implique de grandes et précieuses promesses, par la raison qu'il n'a pas en vue notre existence actuelle seulement, et ces promesses sont telles, qu'elles nous engagent, négativement, à fuir les tendances vicieuses du monde, lesquelles conduisent à la corruption, c'est-à-dire à la perdition, à la ruine, à la mort; puis, positivement, à aspirer à la participation de la nature divine, qui est incorruptible, non sujette à la mort.

À ces considérations évangéliques se rattachent maintenant (v. 5 suiv.) des exhortations pratiques à la fois simples et pressantes. Elles se résument d'abord dans cette phrase: Produisez, de votre côté, comme fruit de votre vocation (Gal. V, 22), les qualités qui doivent être propres au chrétien. Le verbe grec que l'auteur emploie ici signifie proprement fournir, contribuer, faire les fonds pour une dépense publique; cela revient à dire qu'il représente les efforts qu'il demande à ses lecteurs comme une espèce de payement en retour des avances que Dieu a faites. L'énumération qui suit ne doit pas être comprise de manière que chaque vertu suivante serait à considérer comme l'effet ou la conséquence de la précédente. Le sens est plutôt que toutes ces qualités se trouveront réunies, que l'une ne saurait aller sans l'autre. Quant au détail, nous dirons seulement que la tempérance est proprement l'empire que chacun doit exercer sur ses propres instincts ou passions; la fraternité et la charité peuvent être distinguées de manière que la première se renferme dans le cercle plus étroit de la communauté des fidèles, tandis que la seconde embrasserait les hommes en général; l'activité enfin (et non la vertu), sera l'exercice de la volonté soit à l'égard de l'éducation chrétienne personnelle, soit en vue des intérêts de l'Église.

La possession de ces qualités morales amène en même temps un progrès dans la connaissance de Christ, dans l'intelligence des vérités religieuses, comme plus haut (v. 2; comp. Col. I, 9 suiv.) il avait été dit que celle-ci profite à son tour au développement des avantages moraux, l’oisiveté et la stérilité sont des expressions figurées, parfaitement bien choisies pour représenter, par antithèse, l'idée du progrès. D'autres images viennent ensuite caractériser l'état de celui auquel ces qualités morales font défaut et chez qui, par cela même, la connaissance religieuse est imparfaite aussi. La comparaison de ce dernier défaut avec la cécité et la myopie est aussi fréquente que naturelle (Matth. XV, 14; XXIII, 16 suiv. Jean IX, 39 suiv. Rom.. II, 19. 2 Cor. IV, 4. 1 Jean II, 11. Apoc. III, 17). En même temps il y a là un autre symptôme affligeant. En entrant en communion avec Christ, le nouveau converti obtenait la purification de ses anciens péchés, sa vie antérieure était pour ainsi dire effacée (Rom. III, 25), mais par cela même il s'engageait dans une voie toute nouvelle (Rom. VII, 4 suiv.). Or, s'il s'arrête dans cette voie, ou qu'il l'abandonne complètement, le bénéfice de sa conversion sera perdu aussi; il oublie ses antécédents et renonce aux effets déjà acquis de la grâce divine.

Dans la dernière phrase nous ne relèverons que ce mot: rendez sûre votre vocation et votre élection. Il est évident que ce dernier terme ne saurait être pris dans le sens paulinien (de la prédestination). Car à cet égard l'homme n'a rien à faire et ne peut rien changer. Pour notre auteur, le sens de l'expression doit être à peu près le même que celui de la vocation, et celle-ci sera comprise comme dans les évangiles synoptiques. Dieu adresse l'appel à tous; c'est l'affaire de chacun d'écouter et de répondre. En faisant cela, il ratifie, pour ainsi dire, l'appel, il s'en assure le bénéfice, et il est alors de fait parmi les élus, c'est-à-dire séparé de la masse des non-convertis. (Pour s'égarer, le grec dit: se heurter.)

12 Pour cette raison j'aurai soin de vous rappeler sans cesse ces choses, bien que vous les sachiez et que vous soyez affermis dans la présente vérité. Mais je regarde comme un devoir, aussi longtemps que j'habite ce corps, de vous tenir en éveil par mes avertissements, parce que je sais que je dois quitter cette demeure subitement, comme notre Seigneur Jésus-Christ me l'a déclaré. Cependant je veux m'efforcer de faire en sorte que, après mon départ encore, vous ayez toujours le moyen d'en garder le souvenir.

16 Car ce n'est pas en suivant des fables artificieusement imaginées que je vous ai fait connaître la puissance et l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, mais c'est comme témoin oculaire de sa majesté. En effet, il a reçu honneur et gloire de la part de Dieu le père, en ce que sa glorieuse majesté lui adressa cette parole: Celui-ci est mon fils bien-aimé, auquel je prends plaisir ! Et cette parole, moi je l'ai entendue, comme elle venait du ciel, lorsque je me trouvai avec lui sur la montagne sainte.

19 Et nous tenons pour d'autant plus sûre la parole prophétique, à laquelle vous ferez bien de prêter votre attention, comme à un flambeau qui luit dans un lieu sombre, jusqu'à ce que le jour vienne à poindre et que l'astre du matin se lève dans vos cœurs: convaincus que vous serez avant tout qu'aucune prophétie de l'Écriture n'est affaire d'interprétation privée, jamais prophétie n'ayant été proposée par le caprice d'un homme, mais c'est poussés par le Saint-Esprit que les hommes ont parlé au nom de Dieu.

I, 12-21. Ici l'auteur entre dans des considérations plus personnelles et en vient à motiver la résolution qu'il a prise d'écrire son épître. Bien que ses lecteurs soient suffisamment pénétrés de la présente vérité (soit de celle qui vient de leur être inculquée spécialement, soit en général de celle de l'Evangile, qui serait appelé présent en tant qu'il a été prêché parmi eux, Col. I, 6), il estime pourtant avoir à remplir envers eux un devoir de moniteur, et cela par plusieurs raisons.

D'abord à cause de l'importance même des intérêts engagés (v. 11, 12). En second lieu, parce qu'il sait que sa fin approche et qu'elle l'enlèvera subitement. Ce passage remarquable a été commenté dans l'introduction. Il fait allusion à une prédiction de Jésus, interprétée de cette manière dans l'appendice du quatrième évangile (Jean XXI, 19). Or, une pareille perspective rend plus pressant le devoir de bien employer le temps pendant lequel on habite encore le corps (litt.: cette demeure ou tente, 2 Cor. V, 1). Et cela peut se faire de manière que l'avertissement subsiste et profite aux autres, même après la mort de celui qui l'a donné, savoir en tant qu'il le leur laisse par écrit, qu'il le leur lègue comme un testament.

Mais l'auteur fait valoir encore un troisième motif pour justifier l'insistance qu'il met à rappeler à ses lecteurs la grandeur des promesses faites aux croyants: c'est qu'en parlant de la grandeur de Jésus, garant de ces promesses, et dispensateur futur des grâces divines, il dispose lui-même de la preuve la plus convainquante qu'on puisse trouver. En effet, son enseignement, loin d'être le fruit d'une spéculation subjective, une théorie en l'air ingénieusement imaginée, un tissu de fables, com.me on peut les entendre dans les écoles des philosophes, est basé sur une expérience personnelle et positive. Il a été témoin oculaire de la scène racontée dans les évangiles, et qui est connue sous le nom usuel de la transfiguration (Matth. XVII, etc.). Certes, ce qui s'est passé dans cette nuit mémorable peut bien autoriser l'apôtre spectateur à parler de la majesté de Christ, de son avènement futur pour le grand jour du jugement, où sa puissance, se montrera dans tout son éclat.

Ce fait extraordinaire de l'histoire a encore un autre avantage; il confirme les prophéties de l'Écriture relatives à Christ. Ces prophéties, il est vrai, ont une valeur propre, elles émanent positivement de Dieu, mais il ne faut pas oublier que Dieu seul se réserve d'en révéler la signification. Ainsi, dans le cas présent, la voix céleste qui a parlé sur la montagne a donné la vraie signification ou plutôt l'application des prédictions messianiques de l'Ancien Testament. Dès lors le chrétien peut en toute sûreté s'en tenir à celles-ci, désormais claires et sûres, par suite de cette interprétation authentique, et se laisser guider par elles à travers les ténèbres de la vie présente, comme par un flambeau brillant, jusqu'au moment où éclatera l'aurore d'un jour qui chassera des cœurs les derniers vestiges d'inintelligence et d'incertitude.

Si nous avons bien saisi le sens de ce passage très controversé, l'interprétation privée (propre, personnelle) dont l'auteur parle, n'est pas celle du premier venu, de manière qu'il aurait voulu dire: il n'est pas permis à tout le monde interpréter l'Écriture, et de le faire à sa guise; mais c'est celle que les prophètes eux-mêmes auraient voulu donner des révélations qu'ils recevaient et dont ils devaient être les organes. C'est précisément là ce que disait aussi la première épître de Pierre (chap. I, 10, 11): les prophètes reçoivent des communications d'en haut et les reproduisent dans leurs discours et écrits; mais quant à l'application aux temps et aux personnes. Dieu seul se réserve de la faire quand il le juge à propos, parce que, en fin de compte, les prophéties sont moins faites pour les contemporains que pour la génération qui en verra l'accomplissement.

***

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant