Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE ÉPITRE DE PIERRE

Chapitre 5

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1 Ceux qui sont les anciens parmi vous, je les exhorte, moi qui suis un ancien aussi, qui ai été témoin des souffrances de Christ et qui participerai aussi à sa gloire qui va se manifester: paissez le troupeau de Dieu qui est chez vous, en le surveillant, non point comme y étant forcés, mais de bon gré; non en vue d'un intérêt sordide, mais avec dévouement; non comme étant les maîtres de ceux qui vous sont assignés, mais comme devant être les modèles du troupeau: et lorsque le souverain pasteur apparaîtra, vous recevrez la couronne de la gloire qui ne se flétrit jamais.

5 De même vous autres qui êtes jeunes encore, soyez soumis aux anciens; ou plutôt appliquez-vous tous à la déférence les uns envers les autres. Car Dieu est opposé aux orgueilleux, et accorde sa grâce aux humbles. Humiliez-vous donc sous la main puissante de Dieu, afin qu'il vous élève en son temps, et rejetez sur lui tous vos soucis, car lui, il prend soin de vous.

V, 1-7. Parmi les vertus chrétiennes il y en a une que l'apôtre recommande ici plus particulièrement, c'est celle de l'humilité, de la modestie, de la déférence, rien n'étant plus propre à troubler l'harmonie dans le sein d'une communauté de frères que les prétentions formées par les uns ou les autres, de faire valoir leur autorité ou d'exercer un pouvoir prédominant. Ces exhortations s'adressent naturellement en première ligne à ceux qui par leur âge ou leur rang auraient les titres les moins contestables à cet égard. Ils doivent donner l'exemple aux autres. On remarquera que cette catégorie de personnes est désignée par un mot qui peut également bien se rapporter à l'âge et aux fonctions ecclésiastiques. Loin de vouloir chercher laquelle de ces deux notions l'auteur a pu avoir en vue, nous laisserons au terme sa signification vague et ambiguë; dans la primitive Église, les membres dirigeants étaient certainement les plus avancés en âge, d'autant plus que l'âge donnait des privilèges dans tous les rapports sociaux. Comme les anciens doivent paître et surveiller le troupeau, ils sont évidemment des fonctionnaires; comme on leur oppose les Jeunes, ils sont aussi les vieux, à moins qu'on ne veuille dire que tous les hommes d'un certain âge ont dû être fonctionnaires.

En se disant ancien aussi, l'apôtre rappelle sa position dans l'Église et fait aux autres l'honneur de se dire leur collègue; en se disant témoin des souffrances de Christ, il rappelle son âge avancé. Cependant cette mention tout incidente des souffrances de Christ amène, par une association d'idées très naturelle et familière à l'auteur (chap. IV, 13), celle de la gloire céleste que le chrétien attend comme cohéritier du Sauveur; comp. Gal. IV, 7. Rom. VIII, 17, 18.

L'allégorie du troupeau et du berger, empruntée d'ailleurs à l'Ancien Testament, est trop fréquente dans le Nouveau pour que nous ayons besoin de nous y arrêter encore une fois. Pour ce qui concerne son application à Christ, comp. Jean X; XXI, 15. Hébr. XIII, 20; et dans notre épître même, chap. II, 25. Sous sa surveillance suprême, comme ses délégués, les pasteurs ont à guider chacun une certaine portion du grand troupeau, litt.: un lot assigné comme par le sort. Cette dernière expression est, comme on sait, empruntée à l'usage de répartir par le sort certains lots de terre aux ayants droit, et le pluriel employé dans le texte, et dont notre traduction a cherché à conserver la trace, se justifie précisément par cette idée d'une répartition entre plusieurs (comp. Act. XVII, 4). On remarquera que ce terme de lot (Kléros) est employé ici pour désigner les membres de l'Église en général. Et c'est ce même terme qu'on a réservé plus tard pour désigner la catégorie privilégiée (le clergé). Pour les qualités exigées des pasteurs comp. Tit. I, 7. 2 Cor. I, 24, etc. Pour la couronne Jacq. I, 12.

Mais à quoi bon recommander la déférence aux uns ou aux autres séparément: c'est une vertu qui doit être commune à tous les chrétiens indistinctement. Ils sont égaux devant Dieu, et également redevables à Christ de tout ce qu'ils ont de bon (Éph. V, 21); ils doivent reconnaître en Dieu le seul auteur du salut, la seule source du vrai bonheur, et la distance qui les sépare tous de leur père céleste est telle, que toute autre différence qui peut exister entre les membres de la communauté, s'efface nécessairement. Ce passage présente une grande analogie avec Jacq. IV, 6 suiv. Non seulement l'auteur reproduit la même citation scripturaire, mais il y rattache encore immédiatement les deux injonctions de se soumettre à Dieu et de résister au diable.

Pour les derniers mots, empruntés au Psaume LV, 22, comp. Matth. VI, 25 suiv.

8 Soyez sobres et vigilants. Votre adversaire, le diable, pareil à un lion qui rugit, va rôdant et cherchant qui il dévorera. Résistez-lui en restant fermes dans la foi; vous savez bien que les mêmes tribulations s'accomplissent aussi pour vos frères dans le monde. Mais le Dieu de toute grâce qui vous a appelés en Jésus-Christ à sa gloire éternelle, après que vous aurez souffert pendant peu de temps, il vous restaurera, il vous fortifiera, il vous affirmera, il vous consolidera. A lui la puissance à tout jamais! Amen.

V, 8-11. L'inimitié du diable à l'égard de ceux auxquels Dieu a offert son salut, est représentée par deux images étrangères l'une à l'autre. D'abord il est nommé l’adversaire, plus exactement la partie adverse qui plaide contre vous devant un juge. Cette idée, directement dérivée de la conception antique que nous connaissons par le livre de Job (chap. I, 6; II, 1; comp. Zach. III), ne rentre guère dans le cadre de la conception judéo-chrétienne, laquelle est plutôt représentée par la seconde image, celle d'une bête fauve qui cherche sa proie par la ruse et la violence. Il épie vos mouvements, il guette vos moments de faiblesse ou de somnolence, il vous surprend quand vous y songez le moins. Contre un pareil ennemi il faut se prémunir par la vigilance, dans tout ce qui tient au moral, par la fermeté, dans ce qui tient à la conviction religieuse, afin de ne lui donner aucune prise sur vous (Eph. IV, 27).

La dernière partie du texte contient, en apparence, une petite difficulté qui a provoqué des changements arbitraires dans les copies. Les quatre verbes mis au futur, semblent mieux s'accorder avec la phrase immédiatement précédente, puis qu'il serait superflu que Dieu fortifie les siens après que les souffrances seraient passées. Mais il faut rattacher ces mots: après que, etc., d'une manière très intime, à ce qui est dit de la gloire qui suivra les souffrances présentes, et les promesses se rapportent naturellement à la période actuelle. Du reste, il ne faut pas trop presser les quatre synonymes, qui ne sont accumulés ici que par un besoin rhétorique. Le premier est emprunté à la notion d'un défaut qui doit être corrigé ou redressé, le second à celle d'un étai ou appui extérieur, le troisième à celle d'une force inhérente à l'organisme et qui peut être stimulée ou ravivée, le quatrième à celle d'un édifice à asseoir sur une base solide.

12 Je vous écris ces quelques lignes par Silvanus, que j'estime être un fidèle frère, pour vous exhorter, et pour vous attester que c'est bien la vraie grâce de Dieu à laquelle vous vous êtes attachés. La communauté des élus qui se trouve à Babylone, vous salue, ainsi que Marc, mon fils. Saluez-vous les uns les autres du baiser d'amour. Paix à vous tous qui êtes en Christ.

V, 12-14. Pour ce qui est dit ici de Silvanus, de Marc, et de Babylone, nous renvoyons le lecteur à l'introduction.

En terminant, l'auteur résume en deux mots le but de son épître: d'un côté, et c'était son but principal, il voulait exhorter, encourager, consoler les églises qui commençaient à se ressentir d'un courant de l'opinion publique de plus en plus hostile et tracassier; de l'autre, il voulait affermir leur conviction chrétienne, en proclamant qu'elles avaient reçu et accepté la vraie foi, la foi qui assure le salut, ou, comme il s'exprime, qu'elles se trouvaient être placées dans la vraie grâce de Dieu, c'est-à-dire dans un rapport tel que la grâce ne leur fera pas défaut. Il ne voulait donc pas faire de l'enseignement théorique ou spéculatif, mais dire et affirmer que les doctrines qui leur avaient été transmises comme celles de l'Évangile le sont réellement, et que c'est sur elles que les croyants auront à régler leur vie et leur conduite.

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