Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE ÉPITRE DE PIERRE

Chapitre 4

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1 Ainsi donc comme Christ a souffert dans la chair, vous aussi armez-vous de la même disposition! Car celui qui a souffert dans sa chair a cessé de pécher, de sorte qu'il ne vit plus selon les convoitises des hommes, mais d'après la volonté de Dieu, pendant le reste de sa vie terrestre. C'est bien assez d'avoir fait la volonté des païens par le temps passé, en vivant dans les débauches, les convoitises, l'ivrognerie, les orgies, dans les excès de boisson et dans une idolâtrie impie!

4 Aussi trouvent-ils étrange que vous ne vous plongiez plus avec eux dans la même fange des débordements, et ils vous injurient: mais ils auront à rendre compte à celui qui est prêt à juger les vivants et les morts. Car c'est pour cela que l'Évangile a aussi été annoncé aux morts, afin que, jugés comme hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à l'esprit.

IV, 1-6. Après la courte digression qui termine le chapitre précédent, l'apôtre revient à l'idée qui l'y avait conduit (chap.III, 18). Ce sont toujours les persécutions essuyées par les fidèles, les calomnies et les avanies de tout genre, dont ils sont les victimes, qui le préoccupent et contre lesquelles il cherche à les prémunir, ou plutôt à leur donner les seules armes qui puissent leur assurer la victoire. C'est encore l'exemple de Christ qu'il cite, lequel a souffert, dans la chair, comme homme semblable à nous, sans l'avoir mérité, mais avec courage et résignation: voilà une disposition dont le chrétien doit se faire une arme.

À cette première considération, qui n'est que la reprise d'une pensée déjà développée plus haut, l'auteur en joint maintenant une nouvelle. La souffrance endurée de la part d'un monde hostile, et pour un motif dont on peut tirer gloire, est pour ainsi dire un signe visible, une preuve palpable qu'on est séparé de ce monde et de son esprit de perversité, qu'on a rompu avec le péché et cela pour toujours (comp. Rom. VI, 6 ss.). Désormais c'est la volonté de Dieu seul, ce ne sont plus les exemples des hommes et les passions vulgaires, dont nous étions les esclaves, qui nous dirigeront. Une nouvelle ère a commencé pour nous, une période de jouissances plus pures, et les souffrances extérieures sont en quelque sorte le symptôme qui constate la réalité de cette transformation. Les v. 3 et 4 sont destinés à faire ressortir l'importance de cette transformation, tant par le tableau de la vie antérieure, que par la mention ironique de la surprise de ceux qui ne comprennent point le changement survenu chez leurs anciens complices et qui les outragent et les calomnient pour cette raison.

Enfin, et comme en passant, l'auteur rappelle le jugement dernier qui fera justice de toutes ces calomnies et persécutions. Ce jugement sera universel; il comprendra toutes les générations des hommes qui ont jamais existé. Le juge n'est pas nommé; mais le dernier verset du chapitre précédent et l'induction à tirer de la dernière ligne de notre morceau, nous conduit à penser qu'il s'agit de Christ, ce qui rend la perspective plus directement consolante. Mais on se demande comment ceux qui ont vécu avant l'apparition de Christ peuvent avoir à lui rendre compte du rapport dans lequel ils se seraient placés avec lui. L'apôtre répond que c'est précisément pour cela que l'Évangile a été prêché aux morts aussi (chap.III, 19), pour qu'aucun mortel ne pût décliner la compétence d'un pareil juge.

Pour bien comprendre la dernière phrase, il faut se rappeler que la mort est toujours considérée comme l'effet du péché. L'auteur dit donc: Ils ont dû mourir (litt.: ils ont été jugés et condamnés à mort) une première fois, relativement à leur nature charnelle, en leur qualité d'hommes pécheurs. C'était là un fait accompli avant l'avènement de Christ. Mais la prédication aux enfers étant survenue, ils pouvaient revenir à la vie, relativement à leur nature spirituelle. La prétendue obscurité de la phrase provient de ce qu'on s'est mépris sur la portée du parallélisme de ses deux membres. Ce parallélisme est l'effet d'un besoin de rhétorique et ne doit pas être appliqué au sens même. La condamnation appartient au passé, la vie et la félicité à l'avenir, et le premier verbe n'est pas à traduire au futur; ensuite la préposition a dû être rendue de deux manières différentes (comme homme, selon Dieu), ce qui paraît contraire à la symétrie naturelle de la pensée. Mais cette déviation n'est qu'apparente; le sens reste toujours celui-ci: c'est dans la voie des hommes (comme pécheurs) qu'ils ont trouvé la mort; c'est dans la voie de Dieu (comme écoutant son appel) qu'ils trouveront la vie.

7 La fin de toutes choses est prochaine. Soyez donc sages et sobres, en vue de la prière. Mais avant tout que votre amour mutuel soit ardent; car l'amour couvre une multitude de péchés. Soyez hospitaliers les uns envers les autres, sans murmurer. Que chacun fasse servir au profit des autres le don qu'il a reçu, comme doivent faire de bons administrateurs des grâces variées de Dieu. Si quelqu'un fait une prédication, que ce soit comme exposant les oracles de Dieu; si quelqu'un exerce les fonctions de diacre, qu'il les remplisse comme au moyen d'une force donnée par Dieu, afin qu'en toutes choses Dieu soit glorifié par Jésus-Christ, lui auquel appartiennent la gloire et la puissance aux siècles des siècles! Amen.

IV, 7-11. Le jugement dont l'auteur parlait tout à l'heure comme d'un dernier motif de persévérance, n'est pas seulement universel, il est imminent. Ce fait, explicitement affirmé par cet apôtre comme par tous ses collègues (Jacq. V, 8. 1 Thess. IV, 17. 1 Jean II, 18. Hébr. X, 25, etc.), était déjà implicitement proclamé par ce qui avait été dit de la prédication faite aux morts. En effet, si la totalité des hommes peut être divisée en deux catégories, ceux que Christ trouvait dans le Sheol à l'époque de sa résurrection, et ceux qui entendaient l'Évangile de la bouche des apôtres, il est évident que l'auteur ne suppose pas l'éventualité de l'existence de n'importe combien de générations futures. Et ce serait lui faire une chicane puérile que de rappeler ici l’étroitesse de son horizon géographique. Au lieu d'éplucher des conceptions qui, quant à leur forme, ont fait leur temps, constatons plutôt que la conscience religieuse de ce disciple a caressé la perspective d'une possibilité de salut après la mort, tandis que l'orthodoxie de tous les siècles et de tous les partis n'a tenu à rien autant qu'à fermer la porte à toute espérance de ce côté-là.

La certitude de cette proximité est un puissant mobile pour la pratique du devoir, tant dans le sens de l'abstinence que dans celui de l'activité. Le premier sens est exprimé par les termes de sagesse et de sobriété (litt.: tempérance et jeûne), le second se résume, comme ailleurs, dans la notion de l'amour. La sagesse et la sobriété sont représentées comme des conditions indispensables pour pouvoir vaquer à la prière. Le devoir positif de prier Dieu, de rester en communion avec lui, détermine le devoir négatif de s'abstenir de tout excès. Ce qui est dit de l'amour comme couvrant les péchés, paraît être emprunté à Jacq. V, 20, et peut, à la rigueur, être entendu (comme dans ce passage) du pardon de Dieu obtenu plus facilement par l'intervention active de la charité et de l'édification mutuelle. Cependant le sens primitif de Prov. X, 12 suffit également: il s'agit alors simplement du pardon mutuel entre hommes.

II y a mille manières de prouver qu'on a l'amour du prochain. Que chacun fasse valoir dans l'intérêt des autres les moyens que Dieu lui a départis, les talents (Matth. XXV, 14) qui lui sont confiés, les forces dont il dispose. Car, à cet égard, nous ne sommes que les administrateurs d'un bien qui nous est confié, comme dans un grand ménage l’économe est le dispensateur chargé de pourvoir aux besoins des divers membres de la famille. Cette idée a été souvent exprimée par Paul; ici il est impossible de méconnaître l'influence du passage Rom. XII, 6. À titre d'exemple, l'auteur cite le don de l'enseignement et celui du diaconat ou de l'assistance. Dans l'un comme dans l’autre cas, il importe que le chrétien ne se pose, pas comme étant lui-même l'auteur des bienfaits spirituels ou matériels qu'il peut répandre autour de lui. C'est Dieu qui lui suggère les vérités qu'il doit prêcher, et qui lui donne les moyens d'agir. La gloire du résultat appartient donc à Dieu par Jésus-Christ, parce que sans ce dernier il nous aurait été impossible d'arriver à ce rapport avec Dieu qui rend l’accomplissement de nos devoirs à la fois facile et fécond.

La doxologie peut être grammaticalement rattachée au nom de Christ, tout aussi bien qu'à celui de Dieu, mais comme, celui-ci est le sujet de la phrase précédente, il est plus naturel de traduire comme nous l'avons fait.

12 Mes bien-aimés, ne soyez pas surpris de cette épreuve à laquelle vous êtes exposés comme à un feu, comme s'il vous arrivait quelque chose d'étrange: au contraire, réjouissez-vous-en, puisque ce sont les souffrances de Christ auxquelles vous avez part, afin que vous puissiez aussi être dans l'allégresse lors de la manifestation de sa gloire. Si vous êtes injuriés à cause de Christ, vous êtes heureux, parce que l'esprit de gloire, l’esprit de Dieu repose sur vous.

15 Car il ne faut pas que quelqu'un d'entre vous souffre comme meurtrier, ou comme voleur ou malfaiteur, ou comme prétendant s'arroger la surveillance des autres; mais si cela lui arrive en sa qualité de chrétien, qu'il n'en ait pas honte, mais qu'il glorifie Dieu à ce titre.

15 Car c'est le moment où le jugement doit commencer par la maison de Dieu: or, s'il se fait d'abord sur nous, quelle sera la fin de ceux qui refusent de croire à l'Évangile de Dieu? Et si le juste à peine est sauvé, le pécheur et l'impie où oseront-ils paraître? Ainsi donc, que ceux qui souffrent selon la volonté de Dieu lui recommandent leurs âmes, comme à leur fidèle créateur, en pratiquant le bien.

IV, 12-19. Une dernière considération suggérée à l'apôtre par la situation des chrétiens vis-à-vis du monde hostile, est celle-là précisément par laquelle il avait débuté (chap. I, 6). Les tribulations qu'ils ont à subir à cause de leur foi n'ont rien de surprenant; elles sont dans la nature des choses, tant à raison des dispositions des hommes incrédules, qu'à raison des intentions de Dieu qui les fait servir à l'éducation des siens. Ce sont des épreuves; c'est comme un feu destiné à purifier le métal précieux de tout alliage impur. Il faut passer par là; la participation à la gloire céleste est à cette condition. Quiconque veut être uni à Christ dans sa gloire doit commencer par l'être dans la souffrance (Rom. VIII, 17). Loin de nous en plaindre, nous devons nous en réjouir; autrement nous en perdons le bénéfice. Car celui qui supporte à contre-cœur, et en murmurant, les épreuves que Dieu lui envoie, n'a guère la chance de les soutenir, et en tout cas son triomphe perdrait la meilleure part de sa valeur.

L'apôtre n'avait guère besoin d'ajouter qu'il peut y avoir des cas de poursuites d'une nature toute différente. C'est quand on est recherché pour un délit ou crime puni avec raison par la simple justice humaine. Mais il ne s'agit pas de cela. Il s'agit d'injures, de souffrances de tout genre, infligées aux croyants uniquement à cause de leur foi, de leur nom de chrétiens. Dans ce cas il n'y a pas lieu d'avoir honte; il faut s'en faire un titre de gloire et remercier Dieu de l'occasion qu'on a trouvée de montrer sa fidélité. Le sens général est on ne peut plus clair. Voici cependant quelques remarques de détail, qui ne seront pas superflues.

Au v. 14 il y a une phrase qui ne se retrouve nulle part ailleurs, et dont le sens n'est pas bien nettement déterminé, comme c'est le cas pour beaucoup d'autres dans cette épître. Qu'est-ce que l’esprit de gloire? Nous pensons que l'auteur a voulu dire: la persécution est une preuve que vous êtes dans la bonne voie, guidés par l'esprit de Dieu qui vous conduit à la gloire. À la fin du verset nous avons biffé les mots: Quant à eux il est outragé, quant à vous il est glorifié, qui manquent dans beaucoup de témoins. Ils ne font que reproduire cette pensée, que Dieu et son esprit peuvent être outragés parle monde, mais que l'essentiel est qu'ils soient glorifiés par les chrétiens; car par eux, s'ils sont persévérants, ces outrages mêmes aboutissent à la gloire de Dieu.

On a de la peine à comprendre comment à côté du meurtre et du vol puisse figurer, comme un délit recherché par la justice humaine, la prétention de morigéner les autres. Il faudra bien se contenter de dire que les chrétiens pouvaient devenir l'objet de la haine de leur entourage païen, soit en critiquant les défauts des autres, soit en trouvant à redire aux institutions politiques ou sociales. — Pour le nom de chrétiens, voyez Actes XI, 26, et l'Introduction.

Les épreuves imposées aux fidèles peuvent être considérées comme le commencement du jugement dernier (v. 17). Elles appartiennent à la série des calamités qui en marquent l'approche, et qui pour cela sont appelées les signes du temps. La justice éternelle commence par faire la part de ceux auxquels le royaume est destiné; il faut qu'ils goûtent les amertumes de la vie parce qu'ils ne sont pas parfaits, et ils les goûtent d'abord pour en être délivrés ensuite définitivement. Le plus juste est sauvé à peine, car il n'échappe à l'arrêt de condamnation que par la seule grâce de Dieu. Pour le reste, comp. Prov. XI, 31. Luc XXIII, 31.

De tout cela il résulte (v. 19) que le meilleur moyen de se recommander à Dieu et de gagner ses bonnes grâces, ce n'est pas de se décourager dans les épreuves, mais de continuer à faire le bien, et le créateur, fidèle à ses promesses, réalisera les espérances qu'il a fait naître lui-même.

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