Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE ÉPITRE DE PIERRE

Chapitre 2

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1 Mettez donc de côté toute méchanceté, toute fausseté, la dissimulation, la jalousie et toute médisance et, pareils à des enfants nouveau-nés, aspirez à vous nourrir du lait pur (dans le sens figuré), afin de croître, par ce moyen, pour le salut, si vous avez réellement goûté que le Seigneur est doux.

4 Allez à lui, à cette pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse au gré de Dieu, et édifiez-vous vous-mêmes, comme des pierres vivantes, pour former une maison spirituelle; soyez une sainte caste de prêtres, pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ. Car il est dit dans L'Écriture: «Voyez, je place en Sion une pierre angulaire, choisie et précieuse, et celui qui s'y fie ne sera point déçu.»

II, 1-6. L'idée de l'amour fraternel, exprimée tout à l'heure d'une manière toute générale, conduit maintenant l'auteur à celle de la communauté, de l'Église, composée de frères et unie par l'esprit de Dieu, animant également tous les membres. Aussi nomme-t-il, en entrant en matière, comme devant disparaître désormais, les défauts qui auraient compromis une pareille union et rendu l'association chrétienne impossible.

Incidemment ce tableau idéal de l'absence de tout élément de trouble social le ramène à l'allégorie de la régénération, et les chrétiens lui apparaissent comme de jeunes enfants, exempts encore des défauts si communs aux mortels, parce que les germes n'en ont pas encore eu le temps de se développer (Matth. XVIII, 3). Ils en resteront préservés, pense-t-il, s'ils se nourrissent du lait pur de l'Évangile, moyennant quoi leur croissance, d'ailleurs toute naturelle, les fera arriver, non aux passions des adultes, mais au salut. L'allégorie est simple et transparente, et il n'y avait pas moyen de se tromper au sujet de sa signification; malgré cela l'apôtre a soin de dire qu'il parle de lait dans le sens figuré; comme Paul (Rom. XII, 1) emploie le mot de culte (c'est-à-dire des pratiques religieuses) dans le sens figuré (de la conduite morale), en se servant du même adjectif que nous trouvons ici, et qu'on a bien tort de traduire par: le lait de la parole, ou le lait de la raison. Il a, au contraire, la même signification que celui de vivant, là où il est question d'une pierre, ou de spirituel, là où il est parlé d'une maison et de sacrifices. Tout cela veut dire qu'il ne s'agit de rien de matériel. La même image du lait amène encore la phrase relative à la douceur du Seigneur (Psaume XXXIV, 8). L'enfant demande le sein de sa mère du moment qu'il en a goûté la douceur une première fois. Ainsi l'homme, une fois instruit, par une première expérience, de ce que l'Évangile, renferme de salutaire (et l'apôtre suppose naturellement que c'est là le cas de ses lecteurs), demandera toujours la continuation de cette nourriture.

Du moins l'auteur l'y exhorte, mais il le fait en passant brusquement à une allégorie toute différente. Il profite de plusieurs passages de l'Écriture (Psaume CXVIII, 22. Ésaïe XXVIII, 16), déjà ailleurs appliqués à Christ (Matth. XXI, 42. Rom. IX, 33), et dans lesquels il est question d'un rocher qui doit servir de fondement solide à l'espoir d'Israël. Il donne à cette comparaison une application nouvelle, en comparant (d'après Éph. II, 20) l'Église chrétienne à un édifice, construit sur ce fondement, et dans lequel tous les membres sont autant de pierres qui se joignent les unes aux autres et forment ainsi un ensemble solidement assis et harmonieusement coordonné.

Il est facile de considérer cet édifice, ainsi construit, comme un temple, comme le vrai temple de Dieu. Aussi l'auteur, par une association d'idées on ne peut plus naturelle, après avoir comparé la communauté entière au temple, va-t-il représenter les membres de cette communauté comme autant de prêtres, fonctionnant dans ce temple; seulement le culte, auquel ils président, sera un culte en esprit, dont les formes n'ont rien de commun ni avec Jérusalem ni avec Garizim (Jean IV, 24), mais dans lequel les offrandes seront les sacrificateurs eux-mêmes, se consacrant à Dieu (Rom. XII, 1) par Jésus-Christ, travaillant à la grande œuvre de l'établissement de son royaume sur la terre, et sûrs, par cela même, de lui voir agréer leurs hommages.

7 À vous donc, qui êtes devenus croyants, l'honneur; mais à ceux qui ont refusé de croire — la pierre que les architectes ont rejetée, elle est devenue le sommet de l’angle, et une pierre d'achoppement, un roc qui les fait tomber: ils s'y heurtent pour n'avoir pas cru à la parole, et c'est à cela qu'ils sont destinés. Mais vous, vous êtes une race élue, une caste royale de prêtres, une nation sainte, un peuple que Dieu s'est acquis pour que vous proclamiez la grandeur de celui qui des ténèbres vous a appelés à son admirable lumière: vous, qui autrefois n'étiez point un peuple, vous êtes maintenant le peuple de Dieu, et, de disgraciés que vous étiez, vous êtes devenus l'objet de sa miséricorde.

II, 7-10. Les réminiscences scripturaires qui viennent de fournir à l'auteur les images dont il a revêtu sa pensée, amènent ici d'autres applications encore, qui pour la plupart pouvaient être simplement empruntées aux mêmes textes, ou à d'autres analogues (Ésaïe VIII, 14; comp. Act. IV, II). C'est que dans l'Ancien Testament l'allégorie de la pierre ou du rocher servait à deux fins: d'un côté, on l'employait pour indiquer la solidité d'une construction assise sur une base inébranlable, et c'est ainsi que Dieu (ou Christ) pouvait être représenté comme le rocher d'Israël (des croyants) en sa qualité de garant tout-puissant des promesses faites aux fidèles. La pierre angulaire (ou le sommet de l’angle) est alors celle qui, placée dans les fondations, au point de jonction de deux murs, est censée supporter la principale charge (Eph. II, 20) de l'édifice. Le fait que, dans une construction matérielle, il y a quatre angles pareils doit être complètement laissé de côté dans cette application allégorique. De l'autre côté, la pierre, que le passant rencontre dans son chemin, peut devenir pour lui une occasion de chute, en tant qu'il s'y heurte. C'est ainsi que celui qui rejette Dieu (ou Christ), le trouvera sur son passage, et son incrédulité deviendra la cause de sa perte. La destinée de chacun se réglera donc sur le rapport dans lequel il se sera mis avec celui qui a été l'objet de la parole (de l'Évangile): pour les uns, qui l'auront accepté, il sera la pierre angulaire; pour les autres, qui auront été sourds à l'appel, il sera la pierre d'achoppement. Leur chute est immanquable, tandis qu'aux premiers est réservé l’honneur (chap. I, 7), c'est-à-dire la gloire du royaume de Dieu.

C'est de ces derniers que s'occupe exclusivement le reste du morceau. Leur condition actuelle, relativement à Dieu, est dépeinte avec des expressions littéralement copiées dans divers passages de l'Ancien Testament, notamment Ésaïe XLIII, 20, 21. Exod. XIX, 5, 6. Osée II, 23, d'après la traduction grecque; comp. Rom. IX, 25, 32.

11 Mes bien-aimés, je vous exhorte comme des étrangers et pèlerins: abstenez-vous des convoitises charnelles qui font la guerre à l'âme; que votre conduite, au milieu des païens, soit bonne, afin que ceux-ci, qui médisent de vous et vous traitent de malfaiteurs, rendent hommage à Dieu, en considération de vos bonnes œuvres, au jour où il les visitera.

II, 11, 12. L'apôtre passe à des exhortations plus spéciales. Après avoir insisté encore une fois sur deux motifs déjà précédemment relevés, la qualité des chrétiens de n'être ici-bas que des pèlerins (chap. I, 1, 17) qui doivent avoir le regard fixé sur leur véritable patrie, et le fait que le salut de l'âme est compromis par l'empire des mauvaises passions (chap. I, 14; II, 2) qui font la guerre à l'âme (Rom. VII, 23), il s'arrête à une considération très importante, et que l'expérience de tous les jours devait suggérer aux directeurs des nouvelles communautés chrétiennes. Le monde païen les voyait généralement de mauvais œil; leur éloignement du culte national donnait de l'ombrage et aux autorités et aux gens du commun; leurs réunions particulières éveillaient les soupçons, et la crédulité du vulgaire acceptait et propageait des bruits absurdes qui, dans l'occasion, pouvaient créer des dangers réels pour des hommes tout à fait inoffensifs et vertueux. Contre cela il n'y avait de meilleure défense, au gré de l'apôtre, qu'une conduite à l'abri de tout reproche. La médisance, la calomnie, le préjugé, n'étaient pas toujours désarmés ou réfutés, même par la plus éloquente apologie. On pouvait espérer de les vaincre par des faits patents et incontestables, par l'exemple de toutes les vertus, par l'abstention de tous les vices et excès. De cette manière on avait la chance d'amener dans l'opinion publique un changement tel, que les ennemis de la veille devenaient les alliés du lendemain. Car, avec le secours de Dieu, et par l'influence de son esprit (ce qui est appelé ici une visitation, d'après un terme fréquent dans l'Ancien Testament), les tonnes œuvres, c'est-à-dire la conduite irréprochable des chrétiens, pouvaient finir par faire une salutaire impression sur les païens et les conduire à reconnaître, eux aussi, ce Dieu qui tire sa gloire du salut de ses enfants perdus.

13 Soyez donc soumis à toute autorité instituée parmi les hommes, pour l’amour du Seigneur, soit à l'empereur, comme au souverain, soit aux préfets, comme étant délégués par lui pour châtier les malfaiteurs, et pour approuver les gens de bien. Car Dieu veut que ce soit par la pratique du bien que vous fermiez la bouche aux ignorants et aux gens sans intelligence, en hommes libres, et non en vous servant de la liberté comme d'une couverture pour voiler le vice, mais comme des serviteurs de Dieu. Respectez tout le monde, aimez vos frères, craignez Dieu, honorez l'empereur.

Il, 13-17. Un premier devoir particulier que l'auteur inculque à ses lecteurs, c'est le respect des autorités, la soumission à l'ordre de choses établi. Pour bien comprendre le motif et la portée de cette recommandation, il faut se rappeler d'un côté les tendances révolutionnaires du parti pharisaïque parmi les Juifs (Matth. XXII, 21), de l'autre le danger que couraient les chrétiens de devenir suspects au point de vue politique, par cela même que, sans être protégés par la loi, comme l'étaient les Juifs, ils se retiraient du culte national, ces deux phases ou formes de la vie sociale étant intimement liées l'une à l'autre dans toute l'antiquité (Rom. XIII, 1 suiv.).

Les motifs allégués à l'appui de cette recommandation sont de diverse nature: 1° le motif religieux (pour l'amour de Christ) en appelle soit à l'exemple et au précepte du chef de l'Église, soit à l'intérêt de sa cause qui ne pourrait qu'être compromise par une conduite opposée 2° le motif social, qui consiste à rappeler, soit le fait de la souveraineté du chef de l'État, soit le but bienfaisant et conservateur des institutions gouvernementales; 3° le motif moral, qui insiste sur ce que le chrétien, devenu libre à l'égard du péché, n'en reste pas moins serviteur de Dieu (Rom. VI, 18), et que cette liberté est plus excellente que celle qui servirait de prétexte à l'émancipation des mauvais penchants (comp. Gal. V, 13. Jacq. I, 25. 1 Cor. VII, 22). On n'a pas besoin de prendre ici le mot vice dans le sens spécial de rébellion politique; la liaison des idées est suffisamment établie par la notion de liberté; l'auteur voulant dire que le chrétien a conquis une liberté bien autrement précieuse que celle qu'il pourrait revendiquer comme sujet de l'empire; et que sa liberté à lui le préserve d'une servitude d'autant plus dangereuse qu'elle aime à usurper elle-même le nom de liberté.

Incidemment (v. 15) l'auteur reproduit comme un quatrième motif la considération déjà développée v. 12. Les gens ignorants et sans intelligence, ce sont les païens qui jugent mal les chrétiens, parce qu'ils ne les connaissent pas.

18 Vous qui êtes esclaves, soyez soumis à vos maîtres, avec une entière déférence, non seulement à ceux qui sont bons et indulgents, mais aussi à ceux qui ont des travers d'esprit. Car c'est une belle chose, si quelqu'un sait supporter l'affliction par des motifs de conscience, quand il souffre injustement. En effet, quelle gloire y aurait-il pour vous à supporter patiemment des coups que vous recevriez pour vos fautes? Il y en aura si vous souffrez patiemment pour avoir bien fait; car c'est à cela que Dieu prend plaisir.

21 Et c'est à cela que vous avez été appelés, Christ aussi ayant souffert pour vous, en vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces, lui qui n'a pas commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s'est pas trouvé de fausseté; lui qui, injurié, ne rendait pas l'injure; qui, maltraité, ne faisait point de menaces, mais s'en remettait à celui qui juge avec justice; qui a lui-même emporté nos péchés en son corps sur la croix, afin que, morts aux péchés, nous vivions pour la justice, et par les plaies duquel vous avez été guéris. Car vous étiez égarés comme des brebis, mais aujourd'hui vous êtes revenus vers le berger et le surveillant de vos âmes.

II, 18-25. Une seconde exhortation spéciale, amenée assez naturellement par l'association des idées, s'adresse aux esclaves chrétiens; comp. Éph. VI, 5. Col.III, 22. 1 Tim. VI, 1. Tit. II, 9. Ce qui est développé au long surtout dans le premier de ces passages, que l'auteur avait sous les yeux, celui-ci l'exprime dans une courte phrase qu'on pourrait traduire: par des motifs religieux, ou à la lettre: à cause de la conscience de Dieu, c'est-à-dire par la considération que c'est Dieu qui vous a assigné la place que vous occupez dans la société, et que c'est à lui proprement que vous rendez les services que vos maîtres vous demandent.

C'est à cela que vous êtes appelés: non point dans ce sens, que le but de la vocation, évangélique serait de souffrir, mais dans cet autre, que la communion avec Christ, dans l'état actuel du monde, rend les souffrances inévitables, et fait de la patience résignée l'une des premières vertus du croyant. À ce propos, l'exemple de Christ est présenté, non pas seulement aux lecteurs que l'auteur avait eus plus particulièrement en vue tout à l'heure, mais à tous les membres de l'Église, d'abord au point de vue de la sainteté irréprochable de sa vie, de ses actes et de ses discours, ensuite à celui de sa résignation. Nous ne sommes pas étonnés de voir que l'apôtre, en parlant de l'exemple donné par Christ, perde de vue les esclaves, et s'adresse à tous les chrétiens indistinctement, et que, de plus, il dépasse le cercle d'idées qui se rattachait à celle d'un modèle à imiter, pour parler en général des souffrances de Christ endurées pour le salut de l'humanité. Les locutions dont il se sert sont empruntées en partie au passage bien connu d'Ésaïe (chap. LIII, 4 suiv.). Elles ne sont pas assez précises pour servir à une conception dialectique du dogme de la rédemption. Néanmoins elles impliquent l'idée que la mort de Christ sur la croix a été la cause du salut des pécheurs, en ce que leurs péchés ont été effacés de cette manière; ainsi que cette autre (qui fait le fond de l'évangile de Paul), que la nouvelle vie du chrétien est précédée de sa mort, c'est-à-dire, de la cessation absolue de son existence de pécheur, et qu'entre ce changement et la mort de Christ il y a une connexité directe, mais au sujet de laquelle l'auteur ne donne pas d'autre explication.

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