Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE ÉPITRE DE PIERRE

Chapitre 1

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1 Pierre, apôtre de Jésus-Christ, aux chrétiens pèlerins, dispersés dans le Pont en Galatie, en Cappadoce, en Asie et en Bithynie, élus selon la prédétermination de Dieu le père, en sanctification de l'Esprit, pour l'obéissance et l'aspersion avec le sang de Jésus-Christ: que la grâce et la paix vous soient données abondamment!

I, 1,2. Les noms propres désignent, dans leur ensemble, ce que nous appelons aujourd'hui la presqu'île de l'Asie mineure. Le Pont en était la partie septentrionale, la côte de la mer noire; la Galatie, l'intérieur; la Cappadoce comprend les districts de l'est; la Bithynie, le nord-ouest; enfin l’Asie, dans le sens romain (l'Asie proconsulaire, c'est-à-dire la partie incorporée d'abord à la République), était formée par les provinces du sud-ouest: Phrygie, Lydie, Carie, Lycie, Pamphylie, etc.

Nous n'avons introduit le mot de Chrétien, que pour la commodité de la construction française; d'après la lettre du texte l'auteur adresse ses salutations aux élus, de manière que ce terme se trouve séparé de ses régimes indirects avec lesquels nous devions le mettre en rapport immédiat. Nous hésitions d'autant moins à nous servir de cette expression, d'ailleurs indispensable pour l'intelligence de la phrase, que l'apôtre s'en sert lui-même (chap. IV, 16), lui seul de tous les écrivains du Nouveau Testament.

Du reste, la formule de salutation exprime deux séries d'idées, très-riches au fond, mais rendues tant soit peu obscures par la brièveté de l'exposition. Il y a d'abord la désignation des lecteurs, comme pèlerins dispersés; puis, en second lieu, la définition même, ou la caractéristique des chrétiens en général, au moyen de trois faits ou rapports fondamentaux.

L'apôtre appelle les chrétiens des pèlerins, litt.: des hommes séjournant hors de leur patrie. Cette comparaison revient plusieurs fois dans notre épître (chap. I, 17; II, 11), et il va sans dire qu'elle se fonde sur l'idée que la véritable patrie du croyant, c'est le ciel, où son héritage ou patrimoine lui est réservé (chap. I, 4), comme une propriété belle et durable dont la possession de Canaan, et les diverses portions qui en revenaient aux familles Israélites, n'étaient que l'image imparfaite. Au siècle apostolique, la majorité des Juifs demeuraient également hors de la Palestine, dans ce qu'on appelait la dispersion des Grecs, c'est-à-dire dispersés parmi les païens; et c'est ainsi que l'auteur appelle les chrétiens de l'Asie, ses contemporains (lesquels, d'ailleurs, comme nous le verrons plus loin, étaient généralement sortis du paganisme), des pèlerins de la dispersion, parce qu'il constate une analogie entre leur rapport (tant numérique que religieux) avec leur entourage non converti, et le rapport des Juifs avec les païens.

Les chrétiens sont 1° élus, c'est-à-dire séparés de la masse des hommes par la volonté spéciale de Dieu, pour former un peuple particulier (chap. II, 9). Cette volonté de Dieu, ou cette élection a précédé l'époque actuelle, et même celle de la création du monde (Éph. I, 4) et ne doit pas être restreinte au dessein général de réaliser un nouvel ordre de choses, mais comprise comme un choix individuel relativement à chaque homme qui devait y avoir part. L'auteur appelle cela la prédétermination, terme que nous avons préféré à celui de préscience, qui serait justifié par l'étymologie, mais qui aurait l'inconvénient de présenter l'élection comme subordonnée au mérite des individus que Dieu serait censé savoir d'avance. Le savoir de Dieu, dont le terme parle (Act. II, 23. Rom. VIII, 28, 29), n'est pas un savoir prophétique, Une connaissance de l'avenir, mais la pensée divine en tant qu'elle précède (humainement parlant) la volonté.

Les chrétiens sont 2° sanctifiés par l'Esprit de Dieu, c'est-à-dire que les individus ainsi élus ou désignés d'avance, reçoivent, chacun à son tour, et au moment choisi par Dieu, communication des forces divines par lesquelles ils deviennent de nouveaux hommes (chap. II, 2).

Les chrétiens sont: 3° appelés (chap. I, 15) à l'obéissance et à l'aspersion avec le sang de Christ, c'est-à-dire que l'effet de la régénération est d'un côté la nouvelle direction de la vie pratique, laquelle sera désormais conforme à la volonté du Dieu saint, au lieu que jusque-là elle a été en révolte ouverte et permanente contre sa loi (v. 14); de l'autre côté, la participation à la nouvelle alliance cimentée par le sang de Christ, comme l'ancienne l'avait été par celui des victimes, dont Israël avait été aspergé par Moïse (Exod. XXIV, 8; comp. Hébr. IX, 19; XII, 24).

Ces trois caractères ou éléments de la définition du chrétien se rapportent donc à un fait antérieur, à une condition actuelle et à un résultat futur; ils signalent la cause, le moyen et le but de la dispensation évangélique, et en faisant, dans cette œuvre, la part de Dieu le père, de l'Esprit et de Jésus-Christ, notre texte est l'un de ceux qui nous laissent entrevoir les origines du dogme trinitaire.

3 Béni soit Dieu, le père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde nous a régénérés pour une espérance vivante par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, en vue d'un héritage incorruptible, immaculé et inaltérable, lequel vous est réservé dans les cieux, à vous qui, par la puissance de Dieu, êtes gardés par la foi pour le salut, qui doit apparaître au dernier jour.

6 Vous vous en réjouissez, bien qu'affligés pour quelque temps encore, s'il le faut, par diverses épreuves, afin que, en soutenant l'épreuve, votre foi, plus précieuse que l'or (lequel, quoique périssable, est pourtant éprouvé par le feu), soit trouvée digne de louange, de gloire et d'honneur lors de l'avènement de Jésus-Christ, que vous aimez sans l'avoir vu. Et dès aujourd'hui, sans le voir, mais croyant à lui, vous vous réjouissez d'une joie ineffable et glorieuse, puisque vous devez obtenir, comme conséquence finale de votre foi, le salut des âmes.

I, 3-9. Le préambule de l'épître a tout à fait les allures de ceux de Paul: même pensée au fond, même richesse d'idées accessoires, même enchevêtrement de phrases (comp. surtout Éph. I, 3suiv.). L'auteur veut dire simplement: Béni soit Dieu qui, avec la foi chrétienne, nous a donné l'espérance du salut éternel, dont la perspective est de nature à nous remplir de joie, malgré toutes les tribulations du moment.

Les détails n'offrent guère de difficulté. La cause première de toute cette série de biens spirituels, c'est la miséricorde de Dieu, et nullement quelque chose que nous y aurions ajouté de notre côté. Car à ce titre, loin d'avoir une espérance quelconque, les hommes ne pouvaient prévoir que la ruine et la damnation (Éph. II, 4 suiv., 12), il fallait que Dieu nous changeât complètement, nous donnât une nouvelle existence, foncièrement différente de la première (Jacq. 1, 18); et cette régénération préalable, œuvre de Dieu seul, est aussi la seule base d'une espérance qui mérite ce nom, en ce qu'elle nous permet d'entrevoir le bonheur au bout de notre pèlerinage terrestre. Cette espérance n'est pas morte ou illusoire, mais vivante, assurée, ayant sa raison d'être, en ce qu'elle a son gage et sa garantie dans la résurrection de Christ (Rom. I, 4. 1 Cor. XV, 22).

Son objet est précisément cet héritage céleste (Éph. I, 14, 18; V, 5. Jacq. II, 5), auquel il a déjà été fait allusion plus haut, et qui se distingue de l'héritage terrestre de l'ancien Israël, par ce qu'il n'est pas soumis aux chances de perte et de dévastation comme l'était Canaan. Sans doute, nous ne le possédons encore qu'en perspective, mais il nous est assuré à tous, et en particulier aussi à ceux auxquels l'apôtre s'adresse en ce moment (on remarquera qu'il passe ici tout à coup à la seconde personne), tant par la foi d'un chacun, que par la puissance efficace de la direction spirituelle dont il nous gratifie d'une manière permanente, jusqu'au jour de la dernière et glorieuse révélation de Christ, quand il viendra fonder son royaume visible et triomphant. Des temps d'épreuve nous séparent encore de cette époque heureuse, mais les tribulations présentes et passagères n'empêchent pas le chrétien de se réjouir dès à présent du salut qui lui est, réservé (Jacq. I, 2. Rom. VIII, 17, 18). Sa foi n'aurait même pas de valeur si elle n'était éprouvée au creuset de l'adversité, comme l'or l'est aussi, lequel doit passer par le feu pour être dégagé de tout alliage impur et avoir son vrai prix. Et pourtant ce n'est là qu'un métal vil et exposé à se perdre, tandis que la foi ainsi éprouvée est un bien incomparablement plus précieux, et ne saurait manquer d'obtenir finalement ce qui lui est promis.

Ce qui est dit ici, à deux reprises, de la Joie du chrétien, pourrait à la rigueur se traduire dans le sens du futur, ou de l'impératif: vous vous réjouirez, vous devez vous réjouir. Il nous a semblé résulter de tout l'ensemble de l'épître, que l'auteur a voulu non pas simplement consoler les chrétiens en face des persécutions qu'ils avaient à subir, mais leur apprendre à trouver en eux-mêmes, et dès à présent, le contrepoids de l'adversité, la sérénité dans l'affliction; l'espérance ne serait pas vivante, si elle n'avait pas le dessus dès l'abord.

10 Relativement à ce salut, les prophètes déjà, qui ont parlé d'avance de la grâce qui vous était destinée, se sont livrés à des recherches et à des investigations, en cherchant pour quelle époque et quelles circonstances l'esprit de Christ, qui rendait en eux un témoignage prophétique, indiquait les souffrances réservées à Christ et la gloire qui devait les suivre: et il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour nous, qu'ils étaient chargés d'un ministère à l'égard des choses qui maintenant vous ont été annoncées par ceux qui vous ont apporté la bonne nouvelle, sous l'impulsion du Saint-Esprit envoyé du ciel, et que les anges mêmes désirent contempler de plus près.

I, 10-12. C'était une prérogative inappréciable de la génération à laquelle les premiers apôtres avaient à s'adresser, que d'avoir vu enfin se réaliser les promesses faites depuis des siècles, plus ou moins positivement, plus ou moins solennellement (Matth. XIII, 17. Éph. III, 5. Rom. XVI, 25, 26), et cette considération fournissait aux prédicateurs de l'Évangile un motif très-pressant de solliciter l'adhésion de leurs auditeurs et leur reconnaissance envers le souverain dispensateur du salut. Car il allait sans dire, que cette génération n'avait rien fait pour mériter ce bienfait, de préférence à celles qui l'avaient précédée.

D'un autre côté, on était fondé à dire que les prophètes, organes des promesses divines, n'avaient rien fait non plus pour provoquer le retard de l'accomplissement. Pour eux, ce retard était une privation, imposée par l'insondable volonté de Dieu. Sans cesse préoccupés des destinées à venir du peuple de Dieu, et sachant que leur devoir était d'en parler, pour encourager les uns, pour menacer les autres, ils auraient été bien aises d'en savoir davantage, de pouvoir mesurer la distance qui les séparait encore du grand terme. Mais l'esprit qui les inspirait ne leur apprenait que le devoir du moment, et ne satisfaisait point une curiosité hors de propos. Chaque génération devait rester sous le coup de l'impression que le jugement de Dieu, le grand triage vengeur et restaurateur, était imminent et prochain.

Ces données suffisent pour expliquer et justifier la pensée générale du texte. Il ne faut pas aller au delà et se demander ce que l'auteur avait en vue en parlant de recherches et d'investigations auxquelles les prophètes se seraient livrés, ni trouver la réponse à cette question dans les calculs du livre de Daniel.

Pour l'idée que c'est Christ, la Parole divine préexistante, qui a parlé par les prophètes, comp. Jean XII, 41. Hébr. II, 12, 13; X, 5, etc. — En traduisant: les souffrances réservées à Christ, nous nous sommes laissés guider par la construction identique du verset précédent qui parle de la grâce destinée à vous; et par la considération que les apôtres (comp. chap. II, 21 suiv.) aiment à parler des prédictions prophétiques relatives à la passion du Christ. Nous avouons cependant que nous n'osons rejeter une autre explication plus généralement reçue, d'après laquelle l'auteur aurait parlé des souffrances à endurer par les chrétiens pour la cause de Christ. Cela rentre mieux dans le cercle d'idées des versets précédents, où il n'y a pas d'allusion directe à la passion. — L'idée des anges contemplant l'économie du salut, est une application de ce qui avait été dit Eph. III, 10; comp. 1 Cor. II, Il suiv. Les desseins salutaires de Dieu restent un mystère pour tous les êtres créés, jusqu'au moment fixé pour leur accomplissement. Alors les êtres les mieux doués pour les comprendre sont aussi les plus empressés à les étudier et à les admirer. L'expression employée dans ce sens rappelle le passage Jacq. I, 25.

13 Ainsi donc mettez-vous en route, bien disposés d'esprit et sobres de cœur, et placez votre espérance tout entière dans la grâce qui vous sera offerte lors de l'avènement de Jésus-Christ. En fils obéissants, ne vous conformez plus aux passions que vous suiviez autrefois, pendant le temps de votre ignorance; mais selon le commandement du Saint qui vous a appelés, soyez saints, vous aussi, dans toute votre conduite. Car il est écrit: Vous devez être saints, car moi je suis saint.

17 Et si vous invoquez comme votre père celui qui juge un chacun selon ses oeuvres, sans acception des personnes, poursuivez votre chemin dans la crainte de Dieu, pendant le temps de votre pèlerinage, car vous savez que ce n'est pas au moyen de choses périssables, pour de l'or ou de l'argent, que vous avez été affranchis de cette manière de vivre si vaine que vous avaient léguée vos pères, mais au prix du sang précieux de Christ, comme d'un agneau sans tache et sans défaut, prédestiné dès avant la création du monde, et manifesté à la fin des temps, à cause de vous. C'est par lui que vous êtes arrivés à la foi en Dieu, lequel l'a ressuscité des morts et l'a glorifié, de manière que votre foi est aussi une espérance en Dieu.

I, 13-21. Avec ce morceau commencent les exhortations pratiques qui font le principal objet de l'épître. Elles sont d'abord tout à fait générales et recommandent, par divers motifs, une vie vertueuse, une conduite essentiellement différente de celle qui se manifeste dans la sphère du paganisme vulgaire, à laquelle les lecteurs ont été heureusement arrachés par la connaissance de l'Évangile.

À cet égard, leur vie se partage naturellement en deux périodes. Autrefois ils vivaient dans l'ignorance, livrés à toutes sortes de passions et de convoitises, menant une vie vaine, c'est-à-dire sans direction sérieuse et solide, sans but noble, sans issue salutaire, ne se souciant pas du juge céleste, ne le connaissant même pas, et surtout ne le connaissant pas comme le père des hommes; enfin, suivant l'exemple et les errements de leurs pères, et par cela même s'enfonçant de plus en plus dans la profonde ornière du vice. C'était là un état de servitude d'autant plus déplorable, qu'on ne faisait même pas d'effort pour en sortir. Maintenant la situation est changée; l'affranchissement est opéré, le sang de Christ a payé la rançon, d'après une dispensation résolue dès avant la création du monde, dans l'esprit de Dieu, qui s'est ainsi révélé comme père des hommes, en y mettant pour seule condition la sainteté de leur vie ultérieure, et en leur offrant, dans la résurrection de Jésus (l'agneau immolé pour cimenter la nouvelle alliance), un gage des promesses non encore accomplies à présent. Il s'agit donc, pour les apôtres de Dieu et de Jésus, de donner, à ceux que la grâce de Dieu a touchés, l'impulsion et la direction nécessaires pour avancer dans la route qui doit les conduire au salut.

Car il s'agit d'une route, d'un pèlerinage, et tout ce qu'il y a d'images et de locutions figurées dans notre texte s'explique par ce point de vue qui, par l'usage du langage biblique, nous est aujourd'hui si familier. Seulement il est telle expression, très naturelle au fond, mais trop hardie au gré de notre goût, qu'il faut se décider à changer. Ainsi l'auteur a écrit: Ceignez-vous les reins de votre pensée et soyez à jeun; il s'est représenté un voyageur qui, pour bien marcher, commence par serrer autour du corps des habits amples et flottants, et qui évite de se surcharger l'estomac. En y glissant le mot de pensée, il a fait entrevoir que sa phrase avait un sens purement moral. Mais une traduction littérale serait ici hors de propos. (L'image se trouve aussi Eph. VI, 14; l'expression: se conformer aux choses du monde, Rom. XII, 2; la formule enfants de, avec le génitif de la qualité, Éph. II, 2, 3; V, 8.)

Il n'y a guère d'autres remarques à faire sur ce morceau. On pourrait y entrevoir, comme nous venons de le dire, une énumération des motifs venant à l'appui de la prédication morale, et qui sont tous puisés dans les idées religieuses. L'apôtre invoque d'abord un texte de l'Écriture (Lév. XI, 44; XIX, 2; XX, 7, 26), puis il rappelle le jugement futur, mais il insiste surtout sur le motif évangélique qu'il développe en récapitulant tous ses éléments: le décret éternel, la manifestation terrestre du Sauveur, sa mort sanglante, sa résurrection et sa glorification (comp. Rom. IV, 24). La comparaison avec l'agneau est ordinairement considérée comme un emprunt fait à Ésaïe (chap. LUI, 7), mais dans le passage du prophète il n'est pas question d'un sacrifice, la comparaison sert à une autre fin. Ici, au contraire, l'idée du sacrifice étant essentielle, il conviendra de songer à l'agneau pascal, immolé annuellement par les Juifs en commémoration de l'alliance de Jéhova avec Israël, et regardé par les premiers chrétiens déjà comme le symbole ou le type de la victime immolée pour l'inauguration de la nouvelle alliance, 1 Cor. V, 7. Jean XIX, 36. (Voyez notre commentaire sur Jean I, 29.) Nous serons d'autant plus fondés à nous en tenir à cette interprétation, que dans notre texte il n'y a pas la moindre allusion à une expiation de péchés, mais tout se rapporte à l'établissement d'un nouvel ordre de choses, d'un nouveau rapport avec Dieu. Le texte de l'institution de la Pâque (Exod. XII, 5) dit d'ailleurs explicitement, que l'agneau devait être sans défaut, ce qui sera une nouvelle preuve que dans ce détail aussi (interprété naturellement dans le sens spirituel) l'auteur a trouvé un rapprochement de plus entre le type et le fait évangélique.

La dernière phrase est ordinairement traduite de manière à faire dire à l'auteur: afin que votre foi et votre espérance soient en Dieu. Mais il n'est pas difficile de voir que cela forme une tautologie insupportable avec la ligne précédente.

22 Sanctifiant vos âmes dans la soumission à la vérité, en vue d'un sincère amour fraternel, aimez-vous les uns les autres de tout votre coeur et ardemment, comme étant nés de nouveau, non d'un germe sujet à périr, mais d'un germe incorruptible, savoir par la parole vivante et permanente de Dieu. Car «toute chair est comme l'herbe, et toute sa beauté est comme la fleur de l'herbe; l'herbe sèche, et sa fleur tombe: mais la parole du Seigneur reste éternellement.» Cette parole, c'est celle qui vous a été prêchée.

I, 22-25. Pour un moment l'exhortation s'arrête à une qualité plus spéciale, mais sur laquelle les apôtres insistaient nécessairement d'autant plus, que d'un côté la profonde antipathie des nationalités dans lesquelles l'Église se recrutait indistinctement, de l'autre, l'esprit de parti qui divisait les Grecs, c'est-à-dire la majorité des chrétiens, en rendaient la pratique à la fois plus désirable et plus difficile. Aussi bien l'amour fraternel est-il recommandé d'une manière très particulière dans les trois épîtres que l'auteur avait sous les yeux en composant la sienne (Jacq. III; IV. Rom. XII; XIV. Éph. IV). Mais il ne fait qu'effleurer ici le sujet, en se réservant d'y revenir plus loin. Par contre, il rattache le précepte, et de plusieurs manières, à l'élément religieux. Ainsi d'abord cet amour est signalé comme étant l'effet d'une sanctification, c'est-à-dire d'un dégagement du cœur de tout ce qui est charnel et profane, lequel est opéré à son tour par la soumission de la volonté à la vérité, qui ne saurait être ici autre chose que l'ensemble de tout ce qui vient d'être résumé dans les lignes précédentes. On pourrait dire tout simplem.ent que la sanctification est la pratique de l'Évangile considéré comme théorie; seulement de pareilles formules, trop modernes et trop philosophiques, risquent de donner à l'enseignement apostolique une allure d'école qu'il n'a jamais eue. Ensuite la même idée est exprimée par l'allégorie bien connue d'une nouvelle naissance, ou plutôt d'une nouvelle génération opérée par Dieu même (v. 3), dont les conditions sont absolument différentes de celles de la naissance physique (comp. Jean I, 12, 13), et dont le principe actif tout spirituel, et par cela même exempt et exemptant de toute chance de mort, n'est autre que la parole de Dieu, qui porte en elle-même la vie et qui la communique, qui est et demeure invariable. Cette parole, c'est l'Évangile prêché au monde. La même idée est exprimée Jacq. I, 18. Ainsi ici encore la régénération est considérée comme l'effet d'un enseignement, et nous ne sommes pas en face de la conception mystique du contact intime et direct de l'esprit de Dieu et de celui de l'homme. À propos de la parole de Dieu qui seule est immuable et éternelle, tandis que tout ce qui tient à la terre passe et périt, l'auteur cite un mot bien connu du prophète (Es. XL, 6). La même citation se trouve dans l'épître de Jacques (chap. I, 10), mais dans un tout autre ordre d'idées.

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