Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX

Chapitre 13

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1 Continuez à aimer vos frères. N'oubliez pas l'hospitalité; car, en la pratiquant, quelques-uns, sans le savoir, ont reçu chez eux des anges. Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous Tétiez aussi; des malheureux, comme vivant encore, vous aussi, dans ce corps. Que le mariage soit respecté de tous, et la couche sans souillure: Dieu jugera les débauchés et les adultères. Ne vous adonnez point à l'amour de l'argent; contentez-vous de ce que vous avez; car Lui-même a dit: Je ne le laisserai ni ne t'abandonnerai! de sorte que nous pouvons dire avec confiance: Le Seigneur m'est en aide, aussi n'ai-je pas peur: qu'est-ce qu'un homme pourrait me faire?

XIII, 1-6. Le principe religieux de l'Évangile, s'il est vivant et actif dans l'homme, produit nécessairement des fruits, que notre langage moderne appelle des vertus. Plus d'une fois les écrits apostoliques se plaisent à en énumérer un certain nombre à titre d'exemples (comp. Gal. V, 22 et suiv. Phil. IV, 8. Col. III, 12, etc.); nulle part ils n'essaient d'en dresser un catalogue complet et systématique. Dans notre passage aussi, l'auteur, sans suivre un ordre prémédité, en signale quelques-unes qui se présentent d'abord à son esprit et que les circonstances recommandaient de préférence.

1° L'amour des frères est positivement ici, comme partout ailleurs dans le Nouveau Testament, l'esprit de paix et de concorde, l'attachement de cœur entre les chrétiens eux-mêmes, et il ne s'agit pas de ce que nous appelons la charité universelle envers tous les hommes. Celle-ci n'est pas exclue, sans doute, mais elle est subordonnée à cet apprentissage au sein de la famille, sans lequel elle n'aura jamais ni vigueur ni effet.

2° L'hospitalité est fréquemment recommandée par les apôtres (1 Tim.III, 2. Tite I, 8. Rom. XII, 13.1 Pierre IV, 9, etc.). Aux motifs généraux qui recommandent cette vertu, soit la charité en général, soit les conditions sociales de l'époque, l'auteur en ajoute un autre, tiré de l'histoire d'Abraham et de Lot (Gen. XVIII et XIX), lesquels, d'après l’interprétation traditionnelle, auraient reçu chez eux (non Jéhova lui-même, comme le veut le texte hébreu, mais) des anges. L'hospitalité de ces personnages s'est donc trouvée récompensée d'une manière très distinguée.

3° La sympathie pour le malheur en général, et, à titre d'exemple, pour ceux qui sont prisonniers. Nous ne nous tromperons pas en songeant ici à des prisonniers innocents, incarcérés pour cause de religion. Le motif que l'auteur fait valoir revient à ce principe: Fais aux autres ce que tu veux qu'ils te fassent. Aussi longtemps que vous êtes dans ce corps, sur cette terre, vous pouvez être frappés de malheurs analogues et avoir besoin de secours et de consolation.

4° Le respect du mariage est recommandé à ceux que l'esprit de ce siècle pouvait entraîner à regarder comme indifférentes les transgressions contre le sixième commandement. Ordinairement on trouve dans ce verset deux injonctions diverses, en traduisant la première ligne: Honorez tous le mariage, c'est-à-dire: ne lui préférez pas le célibat. Les protestants ont insisté sur ce sens dans leur polémique contre le célibat des prêtres. Mais un écrivain parlant à des judéo-chrétiens n'avait guère besoin de recommander le mariage.

5° L'exhortation de ne point se laisser aller à l’amour de l’argent n'a pas besoin de commentaire. Elle se présentait d'autant plus naturellement à l'esprit des apôtres qu'ils avaient en vue la population des grandes villes commerçantes où s'étaient formées les premières Églises. Elle est motivée par des considérations religieuses déjà familières à l'Ancien Testament, par exemple Deut. XXXI, 6. 1 Paral. XXVIII, 20. Ps. CXVIII, 6.

7 Souvenez-vous de vos directeurs qui vous ont prêché la parole de Dieu; contemplez l'issue de leur carrière et imitez leur foi! Jésus-Christ hier et aujourd'hui et à tout jamais le même! Ne vous laissez pas entraîner par des doctrines diverses et étrangères: car il est bon que le cœur soit affermi par la grâce et non par des aliments dont ceux qui s'y attachent n'ont pas retiré de profit.

XIII, 7-9. Une sixième recommandation et, à vrai dire, la dernière à laquelle l'auteur s'arrête, porte sur l'attachement des fidèles à leurs directeurs, c'est-à-dire à ceux qui les ont instruits dans l'Évangile, que ç’ait été comme missionnaires ou comme chefs résidants du troupeau. La soumission, tant qu'ils vivent et travaillent (v. 17), le souvenir reconnaissant, quand ils ne sont plus (v. 7), voilà deux moyens efficaces, à côté des autres, pour se tenir dans la bonne voie. La circonstance que l'auteur parle d'abord de ceux qui sont déjà morts, et plus bas seulement des directeurs actuels, pour arriver à parler aussi de lui-même en terminant (v. 18), est un nouvel indice, indirect, mais sûr, de l'époque à laquelle il appartient.

L'issue de la carrière n'est pas simplement la fin de la vie, et surtout il ne faut pas y voir une allusion à une mort violente, au martyre. Il s'agit plutôt de la fidélité avec laquelle ils ont poursuivi leur carrière jusqu'au bout; le substantif grec marque toujours la conduite morale, et jamais la simple existence physique. L'auteur dit donc: Restez fidèles comme eux jusqu'au bout. Et ce sens nous donne aussi, par une liaison des idées bien naturelle, l'explication de la phrase suivante qui, surtout par l'absence de tout verbe, se présente comme une espèce de devise qui résume la pensée chrétienne. Jésus-Christ — tout est dans ce nom, pourvu que ce ne soit pas un nom creux et vide, mais un principe de vie et d'action. Par un seul mot, l'auteur se hâte de préciser sa pensée et de l'opposer à celle qui menaçait le plus de dénaturer l'Évangile. Nous voulons parler de l'antithèse entre la grâce et les aliments, comme des deux faits ou principes dans lesquels le chrétien, selon qu'il était bien ou mal dirigé, pouvait chercher la certitude de son salut. L'auteur, en mettant ses lecteurs en garde contre diverses doctrines étrangères, positivement opposées à celle qui s'en tient à Jésus-Christ, revient à ce qu'il avait déjà dit chap. IX, 10, dans un contexte qui peut servir de commentaire à ce que nous lisons ici par voie de simple allusion. S'il est dit que ceux qui s'attachaient aux aliments (litt.: qui marchaient dans la voie des aliments), c'est-à-dire qui en faisaient dépendre leurs rapports avec Dieu, n'en ont pas retiré de profit, c'est identiquement la même chose que ce qui nous a été représenté chap. VII, 18; VIII, 7; IX, 9, au sujet de l'impossibilité d'arriver à la parfaite pureté au moyen des formes légales et rituelles.

10 Nous avons un autel duquel ceux qui fonctionnent au tabernacle n'ont pas le droit de manger. Car les corps des animaux, dont le sang est porté par le grand-prêtre dans le sanctuaire, sont brûlés hors du camp. C'est pour cela que Jésus aussi, afin de sanctifier le peuple par son propre sang, a subi la mort hors de la porte. Sortons donc du camp, pour aller à lui, en portant son opprobre; car nous n'avons point ici de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir. Par lui, offrons à Dieu, sans cesse, un sacrifice de louange, c'est-à-dire le fruit de nos lèvres confessant son nom; et n'oubliez pas la bienfaisance et la libéralité, car c'est à de tels sacrifices que Dieu prend plaisir.

XIII, 10-16. Ce morceau est proprement une digression incidente; car plus loin l'auteur revient à parler des directeurs et des devoirs à remplir envers eux. Elle est amenée naturellement par la mention des aliments, et pourvu qu'on reconnaisse le rite auquel il est fait allusion, on trouvera fort simple le rapprochement typologique dont l'expression laisse sans doute à désirer au point de vue de la lucidité.

On sait que, d'après les institutions de la Loi, les sacrificateurs recevaient leur part de la plupart des animaux immolés dans les sacrifices. Mais les animaux réservés au sacrifice d'expiation dans la fête solennelle que l'auteur a en vue dans son parallèle (chap. IX) étaient brûlés entièrement hors du camp (Lév. XVI, 27), et on n'en prenait que le sang pour la cérémonie décrite plus haut. Les sacrificateurs lévitiques, et à plus forte raison tous ceux qui, par leur ministère, demandaient l'expiation, n'en mangeaient pas, n'avaient point de part à ces victimes. Or, dans l'application typologique, c'est Christ qui est cette victime dont le sang accomplit l'expiation. Lui aussi a été traîné hors du camp c'est-à-dire hors de Jérusalem, pour être mis à mort; et depuis qu'il a été immolé, ceux pour lesquels il l'a été ont part à lui, litt.: mangent de cet autel, par une raison qui n'est pas clairement exprimée ici, mais qui nous est revenue trois fois déjà (chap. VII, 16, 25; IX, 14), c'est-à-dire parce qu'il est vivant malgré sa mort; il n'est pas détruit matériellement, comme l'a été la victime lévitique. L'expression de manger a son analogue dans Jean VI; on irait trop loin toutefois en voulant voir ici une allusion à la sainte Gène.

Mais ce fait originairement tout rituel comporte encore une seconde interprétation typologique. La victime sortait du camp pour aller au lieu de sa destination. Nous aussi, nous avons notre destination hors du camp, précisément à l'endroit où Jésus est allé; nous pouvons espérer de le rejoindre, donc c'est notre devoir d'y tendre. Il est allé au ciel, nous préparer une demeure durable, une cité permanente, et, de même que les patriarches nous en ont donné l'exemple (chap. XI, 10, 15, 16), nous devons aspirer à cette patrie céleste (chap. XII, 22, 28), en supportant pendant notre séjour passager sur la terre l’opprobre attaché à notre nom et à notre profession, comme Moïse l'a fait lui aussi (chap. XI, 26).

À cette double application du rite, dans le sens spirituel se rattache enfin une autre exhortation encore, bien que d'une manière purement extérieure et par simple voie d'analogie. Puisqu'il vient d'être parlé de sacrifices, l'auteur fait voir en terminant (quoiqu'il n'insiste pas sur cette idée souvent reproduite ailleurs, par exemple 1 Pierre II, 5. Apoc. I, 6. Rom. XII, I, etc.) que les serviteurs de Christ, le nouveau peuple de Dieu, sont à leur tour des sacrificateurs; mais leurs sacrifices, après celui de Christ, ne seront plus ce qu'ont été ceux de l'Ancien Testament; ils consistent d'une part en louanges et en actions de grâces (comp. chap. XII, 28; l'expression sacrifice de louange est empruntée à la traduction grecque de Lév. VII, 12, de même que fruit des lèvres vient d'Osée XIV, 3, ou d'Ésaïe LVII, 19, d'après le même texte); de l'autre, en actes de charité et de bienfaisance envers leurs frères. À cet égard, Christ sera encore notre prêtre officiant, car c'est par lui que ces sacrifices parviendront à Dieu comme une offrande agréable.

17 Obéissez à vos directeurs et ayez de la déférence pour eux, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte, afin qu'ils le fassent avec joie et non en gémissant; car cela ne vous profiterait point.

XIII, 17. Cette recommandation se rattache, après la digression précédente, au 7° verset. Nous avons ici une formule qui est restée dans le langage de l'Église. La cure des âmes, représentée comme une vigilance, une surveillance continue et attentive, est bien le devoir capital, pour ne pas dire unique, de ceux qui sont placés à la tête de la communauté; tous leurs divers actes comme prédicateurs et directeurs ne sont que des formes ou applications de ce soin suprême. Aussi leur responsabilité est-elle d'autant plus grande (Jacq.III, 1). Il convient donc que les fidèles aussi rendent à leurs chefs la tâche facile et douce. S'ils avaient à l'accomplir en gémissant, par la faute des fidèles, certes ce ne pourrait être un avantage pour ceux-ci, ou plutôt, pour donner à la pensée de Fauteur toute sa force, en partie voilée à dessein, ce seraient eux qui s'en trouveraient mal au jour du compte à rendre.

18 Priez pour nous, car nous croyons avoir une bonne conscience, en nous efforçant de marcher dans la bonne voie en toutes choses. Surtout je vous demande de le faire, afin que je vous sois rendu plus tôt.

XIII, 18-19. En parlant des directeurs des églises, l'auteur arrive naturellement à parler de lui-même. Il appartient à cette classe de chrétiens; il déclare s'être acquitté de ses devoirs le mieux qu'il a pu; sa conscience ne lui reproche rien à cet égard. Il peut donc franchement demander l'assistance de la prière de ceux à qui il écrit. La force et le dévouement dans l'exercice de son ministère lui manqueront d'autant moins, et, dans le moment actuel, les obstacles que rencontre encore le voyage qu'il médite (v. 23) s'aplaniront peut-être plus facilement. Il n'est pas le moins du monde question ici de captivité et de mise en liberté.

20 Et le Dieu de paix, de son côté, lui qui a fait revenir des morts notre Seigneur Jésus, devenu le grand berger de ses brebis par le sang d'une alliance éternelle, puisse-t-il vous rendre propres à toute bonne œuvre, de manière que vous fassiez sa volonté, en opérant en vous ce qui lui est agréable, par Jésus-Christ, auquel soit la gloire à tout jamais! Amen.

XIII, 20 - 21. La formule finale de bénédiction se rattache au désir exprimé tout à l'heure, de voir les prières des fidèles intervenir auprès de Dieu dans l’intérêt de celui qui leur écrit; à son tour, il souhaite que ce même Dieu les comble de ses grâces et les aide à arriver, par l'assistance de son Fils, à cet accomplissement qu'il leur a représenté dans son discours comme le terme de leur progrès et de leur développement moral et religieux; car, au point de vue de l'Évangile (Phil. II, 13, etc.), le bien que font les hommes est opéré en eux par l'esprit de Dieu..

Dieu est appelé le Dieu de paix (1 Thess. V, 23), soit dans le sens hellénistique de ce dernier terme, où il est synonyme de salut, soit plus spécialement comme pouvant seul donner la véritable paix à l'âme, parce que seul aussi il nous a fait trouver un moyen efficace de purifier la conscience (chap. IX, 14).

La résurrection de Christ n'est guère mentionnée ailleurs dans cette épître, l'auteur insistant davantage sur l'exaltation suprême qui l'a suivie. Il est appelé le berger de ses brebis, d'un nom qui remonte à Jésus lui-même (d'après Jean X) et qui se retrouve aussi chez Pierre ép., II, 25), mais non chez Paul. Il s'est acquis ce titre, et les droits qui y sont attachés, en versant son sang pour ceux qui forment son troupeau et en les rachetant ainsi à lui (Act. XX, 28). Ce sang est encore une fois nommé le sang de l'alliance, d'après ce que nous avons vu chap. IX, 18 et suiv.

22 Mes frères, je vous prie de prendre en bonne part ce discours d'exhortation; ce n'est qu'une courte épître que je vous adresse. Vous savez que le frère Timothée a été relâché; c'est avec lui que je vous verrai, s'il vient assez tôt. Saluez tous vos directeurs et tous les fidèles. Ceux qui sont venus d'Italie vous saluent. Que la grâce soit avec vous tous! Amen.

XIII, 22 - 25. Les allusions historiques que contiennent ces dernières lignes sont discutées dans l'introduction critique à l'Épître; mais l'exégèse n'arrivant pas à les préciser, la science des origines de la littérature apostolique n'en retirera pas de grandes lumières.

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