Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX

Chapitre 12

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1 Ainsi donc nous aussi, puisque nous avons autour de nous une si grande nuée de témoins, dégageons-nous de toute entrave et du péché qui nous assiège si facilement, et poursuivons avec persévérance la lutte qui nous est proposée, ayant le regard fixé sur Jésus, le directeur et le consommateur de la foi, lequel, en vue de la joie qu'il avait devant lui, endura la mort sur la croix, et qui, pour avoir méprisé l’ignominie, s'est assis à la droite de Dieu. Car vous devez considérer celui qui a supporté, de la part des pécheurs, une telle opposition contre lui-même, afin que vous ne vous relâchiez point en vous laissant décourager.

XII, 1-3. L'application pratique de toute cette série d'illustres exemples, c'est naturellement l'effet qu'ils doivent produire sur ceux qui se trouvent placés dans une position analogue. Comme eux, fournissez votre carrière courageusement, sans perdre de vue le but proposé et les espérances qui s'y rattachent. Tout cet ensemble de devoirs et d'efforts est présenté ici sous une image très naturelle à l'antiquité grecque: celle de la course au stade (1 Cor. IX, 24. Phil. III, 12, etc.), qui est aussi une espèce de lutte ou de combat. L'athlète coureur n'avait garde de se charger d'un fardeau gênant; or, le péché, qui ne cesse de s'établir, pour ainsi dire, tout autour de l'homme, pour lui barrer le chemin, pour le captiver, le péché est précisément ce fardeau qui embarrasse la course dans l'arène chrétienne.

Mais au-dessus de tous ces témoins de l'histoire sainte, nous avons devant les yeux un exemple plus illustre encore: c'est celui du Seigneur lui-même, qui a souffert autant et plus que nous tous, les douleurs et l'ignominie, en vue (litt.: en échange) de la joie céleste qui lui était offerte en perspective, ainsi qu'elle l'est à nous, et qu'il a réellement obtenue pour prix de sa persévérance. Telle est la seule interprétation admissible de ce passage, qui perdrait son caractère pratique si l'on traduisait: Christ, au lieu de la joie du ciel qu'il avait, préféra souffrir sur la terre, etc., car de cette manière le parallélisme entre lui et nous serait tout à fait détruit. Il est appelé le directeur et consommateur de notre foi; le directeur (et non pas celui qui commence), en tant qu'il nous guide dans le vrai chemin et vers le véritable but; le consommateur, celui qui conduit le croyant à la perfection idéale et céleste, à la jouissance des biens réservés à ceux chez qui la purification est réellement accomplie.

Ces considérations sont encore appuyées sur deux faits ou principes qui vont être développés dans les lignes suivantes. Les souffrances endurées jusqu'ici par les chrétiens ne sont pas encore excessives et ne peuvent guère se comparer à celles de Christ et, en général, ces souffrances sont entre les mains de Dieu des épreuves salutaires, un moyen efficace dont il se sert dans notre éducation providentielle.

4 Vous n'avez pas encore été dans le cas de résister jusqu'au sang, dans votre lutte contre le péché, et vous auriez oublié l'exhortation qui vous parle comme à des enfants: Mon enfant, ne méprise pas le châtiment du Seigneur et ne te laisse pas décourager quand il te reprend; car le Seigneur châtie celui qu'il aime, il frappe de sa verge tout enfant qu'il reconnaît comme U sien. Si vous endurez un châtiment, c'est que Dieu vous traite comme ses enfants: car quel est l'enfant que son père ne châtie pas? Si, au contraire, vous êtes exempts des châtiments, auxquels tous les enfants ont part, vous êtes donc des bâtards et non des enfants!

9 Ensuite, nous avons eu pour nous châtier nos pères charnels et nous nous sommes laissés corriger; ne devrons-nous pas, pour avoir la vie, nous soumettre bien plus encore à notre père spirituel? Ceux-là nous châtiaient pour quelques jours, selon leur bon plaisir; lui, en vue de ce qui nous est salutaire, afin que nous eussions part à sa sainteté. Tout châtiment, il est vrai, est dans le moment un sujet, non de joie, mais de tristesse; mais ultérieurement il procure, à ceux qui sont éprouvés par lui, le fruit salutaire de la justice.

XII, 4-11. La traduction littérale de ce morceau, si simple quant à sa pensée, sera toujours imparfaite, parce que le mot français châtiment ne répond pas au terme grec employé par l'auteur et qu'il n'y en a pas d'autre pour le remplacer. Ce mot ne doit pas être pris exclusivement dans le sens d'une punition, mais aussi d'un moyen d'éducation. Quand on donne la verge à l'enfant, c'est bien pour le punir, mais en même temps pour le corriger, pour le mettre dans la bonne voie; ainsi, quand Dieu afflige les hommes, ce n'est pas toujours pour leur faire un mal qu'ils auraient mérité, mais pour les diriger dans la voie de la résignation, de l'humilité, de la patience et de la confiance. Cet élément prime l'autre. Le passage cité est tiré des Proverbes III, 11 et 12.

Le péché dont il est question v. 4 n'est pas seulement l'effet de la tentation intérieure, mais surtout l'attaque hostile venant du dehors, et dirigée contre la foi et les espérances chrétiennes. Le raisonnement de l'auteur porte sur trois points: 1° Parallélisme réel entre ce que fait Dieu (dans le sens indiqué) et ce que font les hommes. Le châtiment est une preuve de l'amour paternel (v. 7 et 8). — 2° Différence importante entre les deux termes: les pères mortels suivent l'impulsion de leur sentiment momentané et peuvent se tromper pour le motif et pour le moyen; le Père céleste n'a positivement en vue que notre vrai salut; la correction domestique est circonscrite, dans ses effets, aux exigences de la vie présente; la correction divine nous ménage rentrée dans les demeures éternelles. Par la première, nous avons été façonnés à l'image de nos pères; par l'autre, nous sommes élevés à la sainteté de Dieu. Il y a donc lieu de la priser bien plus que la première (v. 9 et 10). — 3° Il faut, dans le châtiment, ne pas s'arrêter à la première impression; c'est d'après l'effet qu'il faut l'apprécier. Et cet effet est chose salutaire, c'est un fruit précieux, la justice, l'état moral tel que Dieu désire le voir dans ceux qu'il veut regarder comme siens.

12 Par ces raisons, relevez ces mains languissantes et ces genoux vacillants, et suivez dans votre marche les droits sentiers, afin que ce qui cloche ne soit pas renversé, mais plutôt guéri. Recherchez la paix avec tout le monde, et la sanctification, sans laquelle personne ne verra le Seigneur. Veillez à ce qu'il n'y ait personne qui vienne à manquer la grâce de Dieu; à ce qu'il ne pousse aucun rejeton vénéneux qui pourrait causer du tort, et par lequel les autres en grand nombre seraient infectés; à ce qu'il n'y ait pas d'impur ou de profane, pareil à Ésaü qui céda son droit d'aînesse pour un simple repas. Car vous savez que, lorsque plus tard il demanda à obtenir la bénédiction, il fut rejeté; car il ne trouva plus de place pour sa repentance, quoiqu'il la demandât avec larmes.

XII, 12-17. Avec ce morceau nous sommes déjà en pleine péroraison. L'auteur a fait valoir successivement une série de motifs pour agir sur ses lecteurs: les prérogatives du grand-sacrificateur (chap. X, 19), la perspective du jugement (chap. X, 26), le souvenir de leurs propres antécédents (chap. X, 32), la promesse de la récompense (chap. X, 35), les exemples de l'histoire (chap. XI), celui de Christ (chap. XII, 1). Ses exhortations deviennent de plus en plus générales et dépassent le cercle de son sujet spécial. Il les revêt de formes scripturaires; car plusieurs des phrases ici employées sont empruntées à des textes de l'Ancien Testament: És. XXXV, 3. Prov. IV, 26. Deut. XXIX, 18. Dans ce dernier passage, l'auteur est même ouvertement dans la dépendance du texte représenté par le manuscrit alexandrin des Septante, auquel il emprunte une faute de copiste (causant du tort, au lieu de: amer).

La forme figurée de la pensée ne crée d'ailleurs aucune difficulté. La conduite morale et religieuse est si souvent comparée à une marche, que les expressions allégoriques qui s'y rattachent sont on ne peut plus transparentes. Le rejeton vénéneux appartient à une autre allégorie également populaire. Comme l'auteur parle ici successivement de toutes sortes de vertus chrétiennes, citées à titre d'exemples, il convient de les prendre dans leur acception naturelle et non figurée. Il en sera ainsi de l'impureté, comme de l'esprit de paix. Par un profane, l'auteur entend évidemment quelqu'un qui serait dans l'Église, non par conviction intime et religieuse, mais par un mauvais motif; un intrus, un faux frère. Un tel homme serait capable de vendre son céleste patrimoine pour un avantage momentané et mondain. La personne d'Ésaü se présente ici assez naturellement comme type d'une pareille disposition. À cette occasion, l'auteur revient à l'avertissement donné deux fois déjà (chap. VI, 4 et suiv. ; X, 26 et suiv.): une fois perdu, le salut l'est pour toujours. C'est en vain qu'Esaü demanda à son père une autre bénédiction; il ne l'obtint pas, c'était trop tard. L'auteur dit: il ne trouva plus de place pour son repentir, c'est-à-dire: ce repentir n'eut pas d'effet, il ne fut pas accueilli favorablement. La dernière phrase a donné lieu à une méprise de la part des traducteurs. Il y a positivement dans le texte: quoiqu'il demandât (ou cherchât) la repentance avec larmes. Or, comme celui qui pleure est un repentant, on a pensé que le repentir cherché par Ésaü était celui du père qui avait refusé sa bénédiction et que le fils voulait faire revenir à d'autres sentiments. Mais il nous est impossible d'admettre que l'auteur parle d'un repentir de Dieu vis-à-vis du pécheur; de plus, la place du repentir, cherchée mais non trouvée par ce pécheur, c'est bien une place cherchée près de Dieu pour son repentir propre. Il faut en conclure que la phrase finale signifie: quoiqu'il s'y livrât, s'y plongeât, avec larmes et désespoir.

Enfin, l'auteur termine son discours par une tirade éloquente et brillante qui met encore une fois en présence l'ancienne et la nouvelle économie. Il rappelle le spectacle terrible des phénomènes qui inaugurèrent la législation du Sinaï (Ex. XIX, 12. Deut. IV, 11; IX, 19), et lui oppose les conditions et les perspectives des rapports de l'homme avec Dieu sous l'alliance évangélique.

18 Car vous ne vous êtes pas approchés d'une montagne matérielle, enveloppée de feu, de nuages, de ténèbres et de tempêtes, retentissant du son de la trompette et de la voix des commandements, que les auditeurs refusèrent d'entendre plus longtemps — car ils ne supportaient pas cette injonction: La bêle même qui touchera cette montagne sera lapidée! et Moïse disait: Je suis épouvanté et tremblant; tant ce spectacle était terrible! — mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, et de la ville du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, et des myriades d'anges en chœur, et de l'Église de vos aînés inscrits au ciel, et de Dieu juge de tous, et des esprits des justes déjà arrivés au terme, et de Jésus, le médiateur de la nouvelle Alliance, et du sang de propitiation qui parle mieux que celui d'Abel....

XII, 18-24. Quelle différence entre les deux alliances, entre les deux rencontres ou entrevues de Dieu et des hommes appelés à devenir son peuple! La première fois, au Sinaï, des phénomènes effrayants, la terreur et l'angoisse; le prophète lui-même épouvanté, le peuple demandant à grands cris de n'en pas entendre davantage, la présence de Dieu le menaçant de la mort, puisque la bête même était enveloppée dans cette menace. C'était la montagne matérielle (litt.: palpable), la législation sanctionnée par la pénalité, la face du juge vengeur.

Aujourd'hui tout est changé: il y a aussi une montagne, mais idéale et céleste, une Jérusalem et un Sion dont ceux de la terre ne sont que les pâles reflets; il y a là aussi des anges, mais ils vous saluent comme leurs frères et vous font entrer dans leurs chœurs; vous vous trouvez en présence et dans la société de vos aînés, des justes de l'Ancien Testament, dont le salut est assuré, parce que leurs noms sont inscrits au ciel dans le livre de la vie; de vos frères en Christ, dont la carrière terrestre est déjà achevée et chez lesquels cette transformation, cette purification qui est opérée par Christ, est parfaite est complète; vous y serez avec Dieu, le juge que vous n'avez plus à craindre, et avec Jésus, qui a remplacé Moïse dans l'œuvre d'une meilleure médiation, sûr lui-même de l'amour du Père et portant aux hommes cette même assurance, dissipant les craintes des mortels et n'ayant rien à craindre pour lui-m.ême; enfin, vous y serez face à face et tous (tandis que le grand-prêtre de l'ancienne Alliance y était seul et la face voilée) en présence du sang répandu par Christ et destiné à l'aspersion du pécheur, sang qui parle hautement, comme jadis celui d'Abel, mais qui, au lieu de crier vengeance, proclame le pardon.

25 Prenez gardé à ce que vous ne refusiez pas d'entendre celui qui parle; car si ceux-là ne sont pas restés impunis qui refusèrent d'entendre celui qui se révélait sur la terre, à plus forte raison ce sera notre cas, si nous repoussons celui qui le fait du haut des cieux; celui dont la voix ébranlait jadis la terre, et qui aujourd'hui a promis et proclamé: Une fois encore f ébranlerai non seulement la terre, mais encore le ciel! Ce mot: une fois encore, indique le changement des choses ébranlées, comme étant faites, afin qu'il restât les choses inébranlables. Ainsi donc, puisque nous avons reçu un royaume inébranlable, soyons reconnaissants et servons ainsi Dieu d'une manière qui lui soit agréable, avec piété et crainte. Car notre Dieu est un feu dévorant.

XII, 25-29. Ces dernières phrases exhortatoires se rattachent d'un côté à ce qui avait été dit des Israélites (ils demandèrent à ne pas en entendre davantage); de l'autre, à un passage du prophète Aggée II, 6 suiv. Le refus des Israélites inspiré par l'effroi est interprété comme un manque de foi. Gardez-vous d'agir ainsi par le même motif! Du reste, la gradation est encore la même que dans les textes précédents: alors Dieu parlait sur la terre, maintenant il parle du haut du ciel; donc l'avertissement est plus pressant, la responsabilité de l'homme plus grande. Le récit mosaïque des scènes du Sinaï mentionne un tremblement de terre à cette occasion. Mais il est aussi question d'un tremblement dans un passage prophétique regardant l'avenir; le parallélisme est encore imparfait, en ce sens que le second fait a sous tous les rapports des proportions plus grandes: ici le ciel aussi sera ébranlé; puis ce sera le dernier ébranlement; donc ce qui existe aujourd'hui sera ébranlé, changé, effacé; ce qui viendra ne sera plus ébranlé, sera éternel et immuable. Ces mots: comme étant faites, ont été traduits à la lettre, parce que le sens n’en est pas tout à fait clair. Nous pensons que l'auteur veut dire que les choses qui doivent être ébranlées appartiennent à cette création matérielle que nous avons sous les yeux, et à laquelle il oppose le nouvel ordre de choses céleste et indestructible.

Il est remarquable que ce discours, destiné à faire prévaloir à tous égards l'Évangile sur la Loi, et plaidant cette thèse avec toute l'éloquence que pouvait suggérer à l'auteur et son point de vue typologique et l'exégèse qui en découlait, se termine néanmoins par une idée ou une formule qui nous ramène aux conceptions de la religion de l'Ancien Testament. Dieu est un feu dévorant, c'est le Dieu du Décalogue, qui paraîtrait ici d'autant plus le Dieu jaloux, que l'ingratitude des hommes serait aujourd'hui impardonnable en face des grâces complètes qu'il accorde maintenant. Cela tient d'ailleurs à l'idée même de la rédemption, telle que la formule celte épître, et qui, dominée par la notion antique du sacerdoce, ne parvient pas à se détacher complètement dii cercle où se mouvaient les esprits des disciples au début de leur éducation chrétienne.

Si nous en croyons notre sentiment, c'est ici que le discours de l'auteur se termine. Ce qui suit, nous croyons pouvoir l'appeler un post-scriptum épistolaire. Car ici évidemment il n'y a plus cette argumentation serrée, cette unité d'une thèse discutée que nous avons reconnue dans ce qui précède et que nous avons suivie avec autant d'intérêt que de facilité. Nous arrivons à des pensées détachées, générales, diverses, et surtout à des allusions qui nous font voir que le but prochain de la dernière page est différent.

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