Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX

Chapitre 11

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1 Or, la foi est une conviction relative à ce qu'on espère, une certitude à l'égard de faits qu'on ne voit pas. C'est pour elle que les anciens ont été vantés.

XI, 1-2. Plusieurs fois, dans le cours de son épître, l'auteur avait recommandé la foi, et en avait signalé les motifs. Nous avons pu nous convaincre que partout il entendait parler de la confiance dans les promesses divines relatives au salut futur (voy. surtout chap. IV). Ici enfin il donne une définition de cette foi, laquelle confirme pleinement l'idée que nous avons dû nous en former. Elle est donc une conviction, une ferme persuasion ou attente (chap.III, 14), une certitude aussi grande que pourrait l'être celle d'une démonstration mathématique ou logique (c'est là proprement le sens du grec), relative à des faits qui ne sont pas immédiatement palpables, qui appartiennent à un ordre de choses invisibles, à venir. La foi, en ce sens, est donc bien près de ce que Paul appelle l'espérance, et absolument différente de la foi mystique de la théologie paulinienne, qui consiste en une union immédiate, actuelle avec le Sauveur, et qui change la nature même de l'homme.

Une foi pareille était celle des anciens, des héros de l'histoire sainte vantés par l'Écriture, auxquels celle-ci rend un témoignage favorable, qu'elle exalte et nous présente comme modèles, ce que l'auteur va faire à son tour dans ce chapitre. Aucun peuple ne s'est autant inspiré, et dans le meilleur sens du mot, de son histoire, que le peuple juif, qui en a fait la base de toute instruction religieuse et morale et l'objet de ses constantes méditations (Ps. LXXVIII; CV; CVI; CXXXVI. Sir. XLIV-L. Act. VII; XIII).

3 C'est par la foi que nous reconnaissons que le monde a été formé par la parole de Dieu, de sorte que ce qu'on voit n'est point provenu de choses existantes.

XI, 3. Comme l'auteur se propose de parcourir l'histoire de son peuple d'un bout à l'autre, à l'effet d'y recueillir ces modèles dont il vient de parler, le fait même de la création, tel qu'il est exposé à la première page de cette histoire, le frappe d'abord et lui rappelle qu'il y a ici quelque chose de tout à fait analogue. Aucun mortel n'a été témoin oculaire de ce fait; c'est par la foi, c'est-à-dire par un acte de l'intelligence, indépendant de la vision matérielle, que nous admettons, avec le texte sacré, que Dieu a tiré le monde (chap. 1,2) du néant par sa seule parole. Ce qu’on voit, le monde visible, n'a pas été engendré ou produit par des choses déjà existantes, apparaissantes, que Dieu aurait eu seulement à transformer et à façonner; en d'autres termes, nous croyons que la matière n'est pas éternelle.

4 C'est par foi qu'Abel offrit à Dieu un sacrifice plus riche que celui de Caïn, et pour lequel il fut déclaré juste, Dieu approuvant ses offrandes, et c'est par elle qu'il parle encore après sa mort. C'est pour sa foi qu'Énoch fut enlevé de manière à ne pas voir la mort, et qu'il ne fut plus trouvé parce que Dieu l'avait enlevé; car avant son enlèvement il avait reçu le témoignage qu'il était agréable à Dieu.

6 Mais sans la foi il est impossible de lui être agréable; car celui qui veut s'approcher de Dieu doit croire qu'il existe et qu'il est un rémunérateur pour ceux qui le cherchent. C'est par foi que Noé, averti des choses qui ne se voyaient pas encore, construisit l'arche, avec une pieuse crainte, pour le salut de sa famille, et par là condamna le monde et devint héritier de la justice qui vient par la foi.

XI, 4-7. Dans la première période de l'histoire du monde, l'auteur signale les exemples d'Abel, d'Enoch et de Noé. Quant à Abel, il interprète le récit qui le concerne comme on le faisait généralement de son temps, le texte ne disant ni pourquoi le sacrifice d'Abel fut préféré à celui de son frère, ni en quoi consista la marque visible de cette préférence. L'offrande d'Abel est plus riche, et Dieu, par une manifestation spéciale, déclare l'accepter et par là même témoigne qu'Abel est un homme juste, digne de son approbation. Mais il n'est pas dit qu'Abel ait été amené à son acte par des motifs extérieurs, des considérations matérielles; c'était un mouvement de son cœur, un sentiment intime, une aspiration de sa confiance qui l'y avait amené, c'était sa foi. Aussi parle-t-il encore après sa mort (une mauvaise variante met: il est renommé) par cette foi, c'est-à-dire qu'en considération de celle-ci Dieu a déclaré (Gen. IV, 10) que le sang d'Abel crie vers lui (chap. XII, 24) et qu'il devient son vengeur. Beaucoup de commentateurs font dire à l'auteur qu'Abel fut déclaré juste en vue de sa foi; nous avons dû nous en tenir à l'explication que le texte suggère par les mots qui suivent. Mais au fond cela revient au même, la foi ayant inspiré l'acte.

L'enlèvement d'Énoch est motivé (Gen. V, 24) par sa vie sainte et agréable à Dieu, dont il est fait mention expresse avant cet enlèvement. Mais une pareille vie ne saurait se concevoir sans foi, c'est-à-dire sans des convictions relatives à un ordre de choses supérieur, à l'existence de Dieu d'abord, et puis à la rémunération céleste. Il faut se rappeler qu'Enoch vivait dans un siècle de corruption, et qu'au lieu de s'y associer, il marchait avec Dieu. C'est donc encore uniquement à cause de cette foi qu'Énoch eut le privilège de ne pas voir la mort, de ne pas mourir comme les hommes meurent.

L'exemple de Noé se rattache à la thèse de l'auteur d'une manière plus simple encore. Le déluge n'avait pas commencé quand l'arche fut construite sur l'ordre de Dieu. Noé croyait à ce qu'il ne voyait pas encore, et par là il condamnait le monde incrédule; la foi qui existe dans un homme est un témoignage réprobateur contre tous ceux auxquels elle manque. Une pieuse crainte peut signifier simplement le respect de Noé pour l'ordre de Dieu, ou encore renfermer une allusion au danger dont la perspective lui avait été révélée; on traduirait mieux alors: par précaution. La Genèse déclare que Noé était juste (chap. VI, 9) et que c'est pour cela que Dieu le sauva. Ici il est question d'une autre justice, de celle qui naît de la foi, en vue de laquelle Dieu accepte l'homme comme juste et se déclare satisfait. Ainsi, comme Abel, Noé obtient le titre de juste à la suite de cette direction confiante de son âme vers un ordre de choses plus élevé.

8 C'est par foi qu'Abraham, ayant été appelé à partir vers le lieu qu'il devait recevoir en héritage, obéit et partit sans savoir où il allait. C'est par foi qu'il alla s'établir dans la terre promise, comme à l'étranger, habitant sous des tentes, avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse; car il attendait la cité solidement établie dont Dieu est l'architecte et le fondateur.

11 C'est par foi que Sara, elle aussi, reçut la force d'enfanter un fils, malgré son âge, parce qu'elle avait cru véridique celui qui le lui avait promis. C'est pour cela aussi que d'un seul homme, et d'un homme décrépit, il naquit une race comparable, pour le nombre, aux étoiles du ciel et au sable sur la rive de la mer qu'on ne peut compter.

XI, 8-12. L'histoire d'Abraham surtout offrait des exemples aussi nombreux que frappants de cette confiance sans bornes en la direction paternelle de Dieu; sans hésiter, sans examiner, sans s'étonner même, il suit la voie que Dieu lui indique. Aussi est-il le juste par excellence. Les faits parlent ici d'eux-mêmes et n'ont guère besoin d'être analysés; nous ne nous occuperons que de l'interprétation théologique que l'auteur en donne. La sortie d'Abraham de sa patrie (Gen. XII, 1), vers un lieu encore inconnu, est donc un acte de foi. Ce lieu, c'est la terre promise dans laquelle le patriarche avec sa famille résidait comme étranger, sans y posséder de patrimoine, parcourant le pays comme nomade. L'auteur élève ce fait historique à la hauteur d'un type théologique. Abraham se soumit à cette condition (qui devait paraître bien triste et misérable à une génération accoutumée au confort de la vie sédentaire) et dédaigna les avantages et jouissances de la propriété matérielle et territoriale, en vue de l'héritage spirituel qu'il attendait fermement d'après les promesses de Dieu. Cet héritage, c'est la cité céleste, indestructible, bâtie par Dieu même et splendidement ornée par lui (chap. XII, 22). La possession de Canaan, promise au patriarche dans le texte de la Genèse, reçoit ici une signification typique.

Dans le 11e verset, les copistes ont mal à propos introduit deux mots superflus: Sara, quoique stérile, reçut la force.... et enfanta. Le fait de la maternité de Sara nonagénaire est également une preuve de la puissance de la foi (comp. surtout Rom. IV, 19). Au Heu de ces mots: enfanter un fils, d'autres traducteurs mettent: fonder une postérité. Mais évidemment il ne s'agit que du fait immédiat. Ce qui est dit de Sara est présenté avec une couleur étrangère à la Genèse (chap. XVIII, 12) et provenant de la tradition qui se plaisait à réhabiliter l'aïeule d'Israël. Pour la fin, voy. Gen. XXII, 7.

13 Dans cette foi ils moururent tous, sans avoir obtenu les choses promises, mais après les avoir seulement vues et saluées de loin, et se confessant étrangers et passagers sur cette terre. Ceux qui parlent ainsi montrent qu'ils sont à la recherche d'une patrie; or, s'ils avaient songé à celle d'où ils étaient sortis, il leur aurait été loisible d'y retourner. Mais c'en est une meilleure qu'ils désirent, savoir la céleste. C'est pourquoi Dieu n'a pas honte d'eux, en se faisant nommer leur Dieu, car il leur a préparé une cité.

XI, 13-16. La foi des patriarches est d'autant plus digne d'être remarquée, qu'à vrai dire elle ne fut pas récompensée par la jouissance ici-bas. Ils arrivèrent tous au terme de leur vie, sans voir l'accomplissement des promesses qui leur avaient été faites: la nombreuse postérité, la possession de Canaan et l'établissement du royaume théocratique. Aussi bien savaient-ils que l'entier accomplissement de ces promesses est réservé à un autre monde, à un autre ordre de choses. Cette terre ne leur apparaissait pas comme leur véritable patrie (voy. Gen. XXIII, 4; XLVII, 9, passages interprétés ici théologiquement). En parlant comme ils le font dans ces textes, ils ne songeaient pas à la Mésopotamie d'où ils étaient venus, mais bien à la cité de Dieu. Aussi Dieu aime-t-il à s'appeler le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, honneur insigne et exclusivement réservé à eux. — Au V. 13, le texte vulgaire lit: vues et crues et saluées.

17 C'est par foi qu'Abraham offrit Isaac, lorsqu'il fut éprouvé, et qu'il offrit son fils unique, lui qui avait reçu la promesse, et auquel il avait été dit: C’est d'Isaac que ta race portera le nom! Il pensait que Dieu a le pouvoir de ressusciter même les morts; c'est pour cela qu'il lui fut rendu afin d'être un type.

20 C'est par foi et en vue des choses futures qu'Isaac bénit Jacob et Ésaü. C'est par foi que Jacob, en mourant, bénit chacun des fils de Joseph et se prosterna devant la tête de son bâton. C'est par foi que Joseph, lors de sa mort, songea à la sortie des enfants d'Israël et donna des ordres au sujet de ses ossements.

XI, 17-22. Le sacrifice d'Isaac est l'exemple le plus frappant de la foi d'Abraham, car la demande de Dieu, abstraction faite de toute autre considération, devait lui paraître en opposition directe avec les promesses qu'il avait reçues. C'était précisément à ce fils unique qu'elles se rattachaient (chap. XXI, 12), et maintenant il devait lui-même en rendre l'effet impossible! L'auteur a soin de rappeler que ce fut une épreuve dignement soutenue par Abraham. C'est lui d'ailleurs, et non la Genèse, qui attribue au patriarche la pensée d'une résurrection possible; aussi ce point de vue fournit-il l'occasion de rattacher cette histoire à un fait théologique. Ce fils unique fut effectivement comme ressuscité des morts, Abraham ayant dû le considérer comme déjà mort; il devint ainsi le type de Christ, cru mort lui aussi et ressuscité par Dieu. Le terme grec que nous traduisons ainsi a positivement cette signification (voyez chap. IX, 9). D'autres traduisent, certainement, sans épuiser le sens du texte: contre toute attente, ou bien encore: de là (d'entre les morts) il lui fut rendu pour ainsi dire, comme s'il avait été réellement mort.

Les bénédictions données par Isaac (Gen. XXVII) et par Jacob (Gen. XLVIII) sont des preuves de leur foi; car bénir signifie ici appeler la faveur de Dieu sur quelqu'un; ils croyaient donc que cette faveur (dont les effets les plus salutaires restaient pourtant encore invisibles) était réellement ce qu'il y avait de meilleur à désirer. Les derniers mots du 2P verset sont obscurs. Le texte hébreu, Gen. XLVII, 31, a tout autre chose et dit simplement que Jacob, après avoir donné des ordres touchant son enterrement, retomba sur le chevet de son lit. Au lieu du lit (mittah), les Septante ont lu le bâton (matteh), et leur texte, s'il doit avoir un sens, signifie que Jacob, après avoir reçu le serment de Joseph, s'inclina vers la tête du bâton de celui-ci, en signe de soumission, c'est-à-dire pour reconnaître solennellement Joseph comme chef de la famille. Le bâton est le symbole du pouvoir. (La traduction vulgaire, qui veut que Jacob se soit appuyé sur son propre bâton pour prononcer une prière, est absurde. Le verbe grec a toujours le sens de se prosterner, et, en se prosternant, on ne s'appuie pas sur un bâton.) L'auteur de l'épître insiste évidemment sur la transmission héréditaire de la foi en l'héritage promis, et par conséquent aussi des titres à faire valoir à cet égard. La bénédiction et l'inclinaison symbolique de la tête devant le bâton expriment la même idée, celle de la dignité de l'héritier. Et c'était bien la chose importante pour l'application pratique que l'auteur avait en vue.

Ce qui est dit de Joseph, v. 22, se rapporte à Gen. L, 24. Ce patriarche aussi croyait aux promesses de Dieu, bien qu'elles ne dussent se réaliser que beaucoup plus tard, et à l'avance il en réclamait sa part par la sépulture. Il est facile de traduire cette pensée dans le sens spirituel.

23 C'est par foi que Moïse, à sa naissance, fut caché trois mois par ses parents, parce qu'ils virent que l'enfant était beau et qu'ils ne craignirent pas l’édit du roi. C'est par foi que Moïse, devenu grand, renonça à être appelé le fils de la fille de Pharaon, aimant mieux partager les misères du peuple de Dieu que d'avoir la jouissance passagère du péché, et regardant l'opprobre de Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l'Égypte. Car il avait l'œil fixe sur la rémunération. C'est par foi qu'il quitta l’Égypte, sans craindre la colère du roi, car il tint ferme, comme s'il voyait l'invisible. C'est par foi qu'il fit la Pâque et l'aspersion du sang, afin que l'exterminateur ne touchât pas à leurs premiers-nés. C'est par foi qu'ils traversèrent la mer Rouge comme une terre sèche, tandis que les Égyptiens, en le tentant à leur tour, y furent engloutis.

XI, 23-29. Dans l'histoire de Moïse, les traits de foi abondent. Si ses parents, se livrant au désespoir, n'avaient pas imaginé un moyen de le sauver, les espérances d'Israël auraient été compromises. La beauté de l'enfant (Ex. II, 2) est certainement relevée ici comme une espèce d'avertissement céleste pour les parents, qui, en effet, y reconnurent le doigt de Dieu. Moïse lui-même, d'après la tradition (non d'après le texte), avait le choix entre une vie de fatigues et de dégoûts et le trône de Pharaon; en préférant ce trône, il aurait manqué sa vocation, il aurait commis un péché qui lui eût procuré un bonheur passager en lui faisant perdre une gloire éternelle et sa part aux promesses divines. Il s'attacha à celles-ci, bien qu'il ne vît devant lui que les privations inséparables d'une condition humble et difficile. Il n'est pas question ici de Moïse prophète et chef d'Israël, mais de sa vie comme pâtre du désert. Voilà ce qui est appelé l’opprobre de Christ, non^à titre de comparaison, mais pour rappeler que Christ et son royaume étant au bout de toutes les promesses de Dieu, c'est pour lui, en vue de lui, que la foi souffre et supporte les peines d'une vie qui dédaigne le monde et ses plaisirs. Au V. 27, l'histoire est encore changée en vue de l'interprétation théologique. Exode II, 14, il est dit que Moïse s'enfuit par crainte; ici son départ est rattaché à un motif plus élevé, à celui-là même qui est signalé partout dans ses actes. D'autres préfèrent rapporter ce verset à l'émigration du peuple entier (dont il est question plus tard), pour faire disparaître la contradiction entre notre texte et celui de l'Ancien Testament. C'est encore la foi qui préserva les Israélites lors de la mort des premiers-nés et du trajet de la mer Rouge; s'ils n'avaient pas cru aux paroles de Dieu, ils n'auraient point mis le sang pascal sur leurs portes et ne seraient pas entrés dans la mer. On peut supposer que l'auteur, quoiqu'il n'en parle pas explicitement, pense en cette occasion à cet autre sang pascal dont il avait entretenu ses lecteurs. Si cependant il ne s'y arrête pas, c'est peut-être parce qu'il avait mis la mort de Christ en parallèle, non avec le rite pascal, mais avec celui de l'expiation.

30 C'est par foi que les murs de Jéricho tombèrent après qu'on en eut fait le tour pendant sept jours. C'est par foi que Rahab la prostituée ne périt pas avec les incrédules, parce qu'elle avait bien reçu les espions.

XI, 30, 31. Si les Israélites n'avaient pas cm, le miracle de Jéricho n'aurait pas eu lieu; si Rahab n'avait pas cru, elle aurait été enveloppée dans la ruine de ses compatriotes; mais elle savait de quel côté venait le salut. Son action est appréciée à un tout autre point de vue par Jacques II, 25. Elle avait reçu les espions hospitalièrement, au lieu de les livrer. Nos vieilles traductions changent la prostituée en une hôtelière, comme si cela n'amoindrissait pas la portée de la citation, sans parler de l'impossibilité philologique qui s'oppose à une pareille interprétation.

C'est à la conquête de Canaan que s'arrêtent toujours les résumés de l'histoire sainte tels que nous les trouvons dans divers passages de l'Ancien Testament. Le Pentateuque (avec le livre de Josué qui en est une partie intégrante) contenait ce qu'il y avait de plus sacré dans cette histoire, la partie la plus miraculeuse et en même temps celle qui était le mieux connue par les lectures publiques. Notre auteur aussi ne jette plus qu'un coup d'œil sur tout le reste.

32 Et que dirai-je encore? Le temps me manquerait si je voulais parler de Gédéon, de Barak, de Samson et de Jephté, de David et de Samuel et des prophètes, qui par la foi soumirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent des promesses, fermèrent la gueule aux lions, éteignirent la violence du feu, échappèrent au tranchant de l’épée, reprirent des forces après la maladie, devinrent puissants dans la guerre, repoussèrent des invasions étrangères.

35 Des femmes recouvrèrent leurs morts par la résurrection; d'autres essuyèrent des tortures et ne demandèrent point la délivrance, afin d'obtenir une résurrection meilleure; d'autres encore subirent l’ignominie, la flagellation, les chaînes, le cachot; ils furent lapidés, sciés, tourmentés, ils moururent frappés du glaive, ils marchèrent couverts de toisons, de peaux de chèvres, manquant du nécessaire, opprimés, maltraités, eux dont le monde n'était pas digne, errant dans les déserts et les montagnes, dans les cavernes et les antres de la terre.

39 Et tous, bien que loués pour leur foi, ils n'obtinrent point ce qui leur était promis, Dieu ayant en vue quelque chose de meilleur pour nous-mêmes, afin qu'ils n'arrivassent pas sans nous à la perfection.

XI, 32-40. L'auteur, dans ce résumé final qu'il introduit par une transition rhétorique assez fréquente, commence en énumérant sans ordre chronologique les noms propres de quelques héros de la foi; il passe ensuite à la récapitulation de tous les genres de succès obtenus en vertu de la même foi; et enfin, avec plus de complaisance encore, il glorifie les nombreux martyrs de cette foi. Dans le bonheur comme dans le malheur, elle s'est montrée victorieuse et triomphante, mais elle est surtout admirable là où elle n'a pas profité visiblement et immédiatement à ceux qui la possédaient.

Il n'est pas toujours facile de dire quel fait spécial l'auteur a en vue pour chaque citation générale qu'il fait. Plusieurs de ces citations, par exemple celle du 33e verset, s'appliquent à toute une série d'événements mentionnés dans l'Ancien Testament. Les victoires nous font penser de préférence à David; les exemples de justice et de promesses particulières sont nombreux dans l'histoire sainte; les lions nous rappellent Daniel, dont les amis furent préservés dans la fournaise. En parlant d'hommes qui échappèrent à la mort par l'épée, l'auteur a pu penser à David ou à Élisée (2 Rois VI, 1.4); la maladie nous suggère les noms d'Ezéchias ou de Job; l'invasion étrangère fut repoussée entre autres par Gédéon, par Barak, par divers Juges. Enfin, l'histoire d'Élie et d'Élisée fournit des exemples de résurrection.

Dans l'énumération des martyrs, l'auteur s'arrête d'abord à l'histoire des Maccabées, de ces premiers martyrs de la foi religieuse officiellement persécutée par les païens. Il fait principalement allusion au récit de la mort cruelle de ces jeunes gens auxquels la tradition populaire a conservé de préférence ce nom illustre. (Le tympan [v. 35] était un instrument de torture de forme inconnue servant probablement à une bastonnade avec raffinement de cruauté. Comme il n'est mentionné que 2 Macc. VI, 19, 28, notre passage est le seul du Nouveau Testament qui cite directement et positivement un livre apocryphe de l’Ancien.) On leur offrait la liberté s'ils voulaient renier leur Dieu; ils préférèrent une mort affreuse avec la perspective d'une délivrance meilleure, celle de la résurrection à la vie, réservée aux fidèles seuls. Nous n'oserions affirmer que l'auteur a voulu dire que cette résurrection était meilleure que celle des enfants ressuscités par les prophètes. Tout ce qui est dit v. 36 se rapporte encore aux Maccabées, peut-être en partie à Jérémie. Le grand-prêtre Zacharie fut lapidé (2 Par. XXIV, 20); le prophète Ésaïe, d'après une tradition populaire, aurait été scié vif par ordre du roi Manassé.

Dans le 37e verset, toutes nos éditions ont un mot qui est positivement fautif Nous l'avons traduit par tourmentés (litt.: éprouvés); cela est évidemment trop peu précis entre tant d'autres genres de morts. On a fait toutes sortes de conjectures pour corriger cette faute; la plus plausible est celle qui propose de mettre: ils furent bridés. L'histoire des frères Maccabées fournit des exemples de ce supplice. Il serait possible aussi que la leçon du texte vulgaire ne fût qu'une conjecture très superflue, destinée à remplacer le mot ils furent sciés, parce que l'Ancien Testament ne fournit pas d'exemple de ce dernier supplice.

Les peaux d'animaux servirent de vêtements à plusieurs prophètes (voyez 1 Rois XIX, 13, etc.). C'est en général à l'histoire d'Élie et de ses successeurs, ainsi qu'à celle des Maccabées, que sont empruntés les divers traits de ce verset et du 38e.

Les deux derniers versets amènent enfin l'application pratique de ces exemples. Ces hommes furent tous persévérants et pleins de foi jusqu'au bout, et pourtant Dieu retardait toujours l'accomplissement de ses promesses relatives à son royaume; il le réservait pour notre époque, privilège inappréciable et dont nous serions souverainement indignes si nous voulions avoir moins de foi que nos illustres devanciers. Eux ils ont dû attendre l'avènement de la génération qui devait enfin voir la consommation du siècle; ils n'ont pu parvenir à la perfection (il ne s'agit pas de la perfection morale, mais de l'entrée au royaume, de la possession pleine et parfaite des biens célestes), avant que nous y fussions aussi. Le mieux pour nous, c'est que nous pouvons y arriver sans plus attendre, notre génération ayant vu Christ entrer au sanctuaire et en ouvrir enfin la porte aux élus.

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