Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX

Chapitre 10

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1 Car la loi, puisqu'elle ne contient que l'ombre des biens à venir, et non la forme réelle des choses, ne peut jamais, au moyen de ces mêmes sacrifices qu'on vient offrir chaque année et perpétuellement, donner la parfaite pureté à ceux qui s'y présentent.

2Autrement n'aurait-on pas cessé de les offrir, par la raison que ceux qui sacrifiaient, étant une fois purifiés, n'auraient plus eu la conscience de leurs péchés? Mais, au contraire, par le fait même, le souvenir des péchés était ravivé chaque année; car il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés.

X, 1-4. L'impuissance de la loi a déjà été signalée plus haut (chap. VII, 11, 19). L'auteur reproduit ici cette thèse, parce qu'il veut la traiter à fond. On voit, du reste, que c'est le fait de la répétition annuelle du sacrifice lévitique, opposé à l'unique sacrifice de Christ, qui forme la liaison des idées.

La loi ne contient que l'ombre des biens à venir; de même que son culte n'est que le symbole du culte véritable et définitif, et que son prêtre et son temple sont les images prophétiques d'un prêtre et d'un temple plus parfaits, de même la purification qu'elle peut procurer aux pécheurs qui la recherchent par son moyen, n'est qu'une purification imparfaite, un simulacre, une image sans couleur et sans lumière, projetée sur le mur du temple terrestre, par la forme réelle, l'essence propre, l'apparition matérielle et adéquate de la seule purification efficace qui soit possible.

Et d'abord l'auteur fait valoir cette circonstance, que les sacrifices expiatoires selon la loi se répétaient annuellement à jour fixe. Cela prouve que la purification n'a pas été réelle et radicale. Le lendemain de la fête et du sacrifice, la série des péchés recommence, et avec elle la nécessité d'une nouvelle expiation. La conscience reste chargée du péché, et le sacrifice ne fait que rappeler la réalité et la puissance permanente de ce qu'il aurait dû ôter, si cela avait été possible. Le péché une fois ôté de fait, le sacrifice eût cessé nécessairement.

Il est évident, d'après cela, que l'auteur raisonne du point de vue d'une théorie qui attribuait au chrétien une pureté morale réelle; nous voulons dire d'une théorie idéale et absolue, qui ne tenait pas compte de l'expérience journalière ou qui ne profanait pas le nom des fidèles en l'appliquant indistinctement à tous les individus baptisés (comp. chap. VI, 4 suiv. Rom. VI, 2 suiv.).

Au 2e verset, le texte vulgaire omet la négation; dans ce cas, ce n'est plus une question, mais une affirmation directe, et le sens reste le même.

5 C'est pour cela qu'il dit en entrant dans le monde: Tu n'as point voulu de sacrifice ni d'offrande, mais tu m'as formé un corps; tu n'as point agréé d'holocaustes ni ce qu'on donne pour le péché; alors j'ai dit: Voici, je viens (dans le volume du Livre il est écrit de moi) pour faire, ô Dieu, ta volonté. Après avoir dit plus haut: Des sacrifices et des offrandes et des holocaustes et ce qu'on donne pour le péché, tu n'en as point voulu, et tu ne les as pas agréés, bien qu'ils soient offerts en vertu de la loi, il dit plus loin: Voici, je viens pour faire ta volonté. Il abolit le premier ordre pour établir le second. C'est d'après cette volonté que nous sommes sanctifiés une fois pour toutes, nous qui le sommes par le sacrifice du corps de Jésus-Christ.

X, 5-10. L'auteur veut prouver sa thèse par une autorité scripturaire. Il pouvait trouver de nombreux textes dans les prophètes et dans les psaumes, qui affirmaient explicitement que Dieu demande autre chose que le sang des animaux pour prendre plaisir aux hommes. Mais il fallait plus que cela, il fallait un texte qui parlât en même temps de la substitution d'un dernier sacrifice, du sacrifice définitivement suffisant, de celui de Christ, enfin; et ce texte, l'auteur le trouve dans le 40e Psaume, v. 7-9, d'après la version des Septante, qu'il copie ici. Les paroles qu'il transcrit sont censées prononcées (d'après l'interprétation qu'il en donne et qui, après tout, était la plus naturelle avec un pareil texte et de ce point de vue) par le Fils de Dieu, au moment où il se fait homme pour le salut de l'humanité. Le Psalmiste a donc écrit ses paroles sous la dictée de l'esprit de Christ, qui voulait d'avance consigner dans l'Écriture le fait et le but de son incarnation. Ces paroles disent que Dieu n'agrée aucune espèce de sacrifices, tels qu'ils sont offerts d'après les rites du culte établi; qu'il en demande un autre, celui de son Fils; il lui forme en conséquence un corps humain, le fait naître homme; et le Fils, obéissant sans hésiter à cette volonté du Père, se présente pour accepter la mission et s'y dévoue, de manière à accomplir toutes les prédictions faites au sujet de la nouvelle dispensation qui doit sauver le genre humain. L'auteur, analysant ce texte, y trouve facilement ces deux éléments: 1° l'abrogation implicite du sacrifice légal et mosaïque, et 2° la substitution du sacrifice de Christ, comme représentant la véritable volonté de Dieu. Donc, conclut-il, la sanctification réelle, la pureté parfaite est seulement obtenue, mais est obtenue très positivement, par ceux qui l'obtiennent au moyen du sacrifice du corps de Christ.

L'argumentation est simple et logique et pouvait produire son effet là où l'intelligence chrétienne avait besoin de pareils raisonnements pour s'ouvrir à l'idée de la supériorité de l'Évangile sur la Loi. Elle peut paraître artificielle et précaire au point de vue d'une conviction plus religieuse que scolastique. Mais indépendamment de cette appréciation variable selon les besoins intimes et la tournure d'esprit d'un chacun, ce passage est surtout remarquable pour le jugement à porter sur la théorie herméneutique et les études exégétiques des apôtres en général. D'abord ces quelques lignes sont arrachées de leur contexte, autrement l'auteur n'aurait pas pu y voir un discours du Fils de Dieu, le Psalmiste disant immédiatement après que ses péchés sont plus nombreux que les cheveux sur sa tête; puis il faut savoir que les phrases les plus importantes pour l'exégèse de notre auteur sont absolument étrangères au texte hébreu, qui ne dit pas: tu m'as formé un corps, mais: tu m’as percé les oreilles, c'est-à-dire tu m'as instruit, tu m'as fait connaître ta volonté. Et plus loin il faut traduire: dans le volume du Livre il m'est prescrit, c'est-à-dire j'y trouve l'expression claire et précise de tes commandements et je dois et veux me régler sur eux. Notre auteur ne connaissait pas le texte hébreu, qui évidemment est le seul juste et authentique ici; croyant, comme tous les théologiens hellénistes et les Pères grecs, à l'infaillibilité de sa version alexandrine, il ne pouvait guère éviter la curieuse méprise que nous signalons.

(Le volume, litt.: le rouleau, d'après la forme antique des livres. Le terme grec signifie proprement le gros bouton qui termine le cylindre de bois sur lequel on roulait les feuilles.)

11 De plus, tout autre prêtre se tient là chaque jour officiant et offrant itérativement les mêmes sacrifices, lesquels ne peuvent jamais ôter les péchés, tandis que lui, après avoir offert son unique sacrifice pour les péchés, s'est assis à tout jamais à la droite de Dieu, attendant désormais que ses ennemis soient renversés sous lui comme son marchepied. Car, par un unique sacrifice, il a pour toujours donné la parfaite pureté à ceux qu'il sanctifie.

X, 11-14. Si ces lignes ne doivent pas faire double emploi avec les premiers versets du chapitre, où la répétition incessante des sacrifices lévitiques et leur inefficacité a déjà été opposée au sacrifice unique et seul efficace de Christ, il faut mettre ici l'accent sur l'antithèse entre les deux sacrificateurs. Celui de l'Ancien Testament officie toujours et debout, il n'arrive jamais à finir sa besogne interminable et éternellement incomplète, il est l'esclave de sa charge, sans repos pour lui, sans satisfaction pour les autres; celui du Nouveau Testament, au contraire, accomplit réellement sa mission, et dès lors peut s'asseoir, se reposer, jouir de la gloire de son œuvre terminée, et, ce qui plus est, s'asseoir à la droite de Dieu, ce qui, en soi, est déjà un privilège qu'il ne partage avec personne (chap. I, 12), et ce qui lui garantit d'autres triomphes encore sur les puissances des ténèbres.

15 C'est ce que nous atteste aussi le Saint-Esprit; car, après avoir dit d'abord: Voici quelle sera l'alliance que je ferai avec eux après ces temps-là, dit le Seigneur; je mettrai mes lois dans leurs cœurs et je les inscrirai dans leurs pensées,... et de leurs péchés et de leurs iniquités, je ne m'en souviendrai plus. Or, là où il y a pardon, il n'est plus question de sacrifice pour le péché.

X, 15-18. Cette citation, amenée ici comme dernière preuve scripturaire de la réalité de l'expiation ou de la purification parfaite et définitive, est encore tirée de Jér. XXXI, 33 et suiv., elle reproduit et complète celle du VIIIe chapitre. La phrase de l'auteur est défectueuse, en ce sens qu'il oublie la formule par laquelle il avait commencé, et qui nécessitait de sa part l'emploi d'un mot pour introduire la seconde partie du texte cité, omission que nous avons signalée par quelques points. La plupart des traducteurs n'hésitent pas à combler la lacune, et Th. de Bèze a même osé corriger le texte dans ce sens. Mais cela est inutile, une méprise exégétique Christ n'étant pas possible.

Ici se termine l'exposition théorique et raisonnée de la thèse que l'auteur s'était proposé de développer; il demeure établi que la sacrificature et le sacrifice de Christ sont supérieurs à tous égards à tout ce que l'Ancien Testament offrait d'analogue. Les institutions légales n'étaient donc qu'une forme typique (antitypique, d'après la terminologie et le point de vue de l'auteur), la figure prophétique d'une dispensation extérieurement semblable et parallèle, mais en réalité plus vraie, plus puissante et surtout aussi seule durable et définitive. Tout ce qui va suivre peut être regardé comme une application pratique dérivée naturellement de la thèse dogmatique.

19 Ainsi donc, mes frères, puisque nous avons la liberté d'entrer dans le sanctuaire, au moyen du sang de Jésus, par la voie nouvelle et véritable qu'il nous a inaugurée à travers le rideau, c'est-à-dire par son corps, et un grand-prêtre préposé à la maison de Dieu, approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi, les cœurs purifiés d'une mauvaise conscience, et le corps lavé d'eau pure. Retenons inébranlablement la profession de notre espérance (car il est fidèle, celui qui nous a fait la promesse !), et soyons attentifs les uns aux autres pour nous exciter à la charité et aux bonnes œuvres, en ne quittant point nos réunions, comme quelques-uns en ont pris l'habitude, mais en nous y exhortant, et cela d'autant plus que vous voyez approcher le grand jour.

X, 19-25. Cette exhortation débute très convenablement par une figure qu'a suggérée à l'auteur la discussion qu'il vient d'achever. Sous l'empire de la loi, les Israélites étaient exclus du sanctuaire; le lieu où se consommait l'expiation typique par le sang, et où Dieu était censé siéger pour recevoir cette offrande, était fermé par un rideau qui ne s'ouvrait jamais aux mortels, à une seule et rare exception près (chap. IX, 7). Aujourd'hui l'accès du sanctuaire où se consomme la véritable expiation, l'approche du trône de la grâce est libre pour tous ceux qui se sanctifient au moyen du sang de Christ. Par sa mort, le rideau est déchiré (Matth. XXVII, 51), le tabernacle céleste (la maison de Dieu) ouvert, le chemin frayé — il n'y a plus qu'à vouloir entrer.

Nous avons traduit la voie véritable; le texte dit vivante, ce que l'on prend à tort comme synonyme de: conduisant à la vie. Vivant, l'opposé de mort, équivaut à réel, l'opposé à d'imaginaire. Cette antithèse rentre dans le parallélisme typologique de l'épître, À travers le rideau, par son corps (le texte dit: sa chair); la métaphore est dure; elle le serait moins, si l’on mettait le sang à la place du corps. Nous avons tâché de la rendre plus naturelle en variant les prépositions. Les mots: par son corps, nous semblent devoir être pris dans le sens de: en passant par l'existence terrestre. — Purifié, litt.: aspergé, la purification lévitique se faisant par l'aspersion avec le sang que le grand-prêtre portait vers l'arche au sanctuaire. Les ablutions aussi appartiennent au rite légal; elle se faisaient en diverses occasions, mais toujours dans le but de la purification, et étaient sans cesse réitérées. La nôtre est faite une fois pour toutes et avec une eau bien plus pure. La plupart des interprètes voient ici une allusion au baptême; mais, à moins que l'auteur se soit approprié l'idée de Paul (Rom. VI, 2 et suiv.), le contexte ne nous fait pas penser à ce rite chrétien. Il s'agit ici, comme dans toute cette partie de l'épître, du sang de Christ. C'est ce sang qui nous lave mieux que l'eau des Lévites. En exhortant ses lecteurs à être attentifs les uns aux autres, l'auteur n'a pas voulu dire sans doute qu'il y aurait des exemples à suivre, mais plutôt des faiblesses à amender, des défauts à corriger, des courages à retremper. Les réunions: le mot grec choisi par l'auteur est assez remarquable; il rappelle la Synagogue, l'assemblée juive, en y ajoutant une préposition qui souvent donne aux mots la signification de quelque chose d'additionnel; l'épisynagogue (que nous ne regardons pas comme un terme technique et usité, mais comme une forme heureusement inventée par l'auteur) ne serait-elle pas la réunion spéciale des fidèles ajoutée à la réunion juive à laquelle les judéo-chrétiens continuaient à assister? Le texte nous signale ici un commencement de refroidissement parmi ces derniers; ils contractaient déjà l'habitude de ne plus fréquenter les réunions particulières. Le grand jour, le jour par excellence, c'est le jour de la parousie, comme partout ailleurs.

26 Car si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus désormais de sacrifice pour les péchés, mais une attente terrible du jugement et le feu du courroux qui dévorera les rebelles» Si quelqu'un a violé la loi de Moïse, il doit mourir sans miséricorde, dès qu'il y a deux ou trois témoins; de quel pire châtiment pensez-vous que sera jugé digne celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, et regardé comme chose commune le sang de l’alliance par lequel il est sanctifié, et qui aura outragé l'Esprit de la grâce? Car nous connaissons celui qui a dit: à moi la vengeance; moi je récompenserai ! et ailleurs: Le Seigneur jugera son peuple. C’est chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant.

X, 26-31. Les exhortations de l'auteur avaient pris tout à l'heure (v. 25) la tournure d'un avertissement sévère, surtout par la perspective du jour décisif. Les lignes qu'on vient de lire s'arrêtent à cette pensée et la rendent plus pressante encore. Pécher, après avoir reçu de Dieu le grand bienfait d'une véritable purification, c'est provoquer son courroux, ravaler sa grâce, méconnaître la valeur sacrée du sang de Jésus-Christ et renoncer à toute expiation efficace, car, hors de là, il n'y en a pas de réelle.

L'exégèse traditionnelle (comp. chap. VI, 4 et suiv.) s'est beaucoup effrayée d'une pareille assertion, et, pour ménager aux chrétiens, c'est-à-dire aux membres de l'Église existante, la permission de pécher encore, sauf à faire valoir itérativement le sang de Christ, on a imaginé de dire que notre auteur ne parle ici que du péché de l'apostasie ou bien encore de celui contre le Saint-Esprit.

Mais son texte ne définit pas un péché particulier de manière à le classer à part; il parle de péchés au pluriel; il parallélise les péchés avec les transgressions punies par la loi mosaïque, ou expiées d'après elle par des sacrifices; il oppose ces péchés à la charité, aux bonnes œuvres (v. 24). Tout cela prouve surabondamment qu'il est question de tous les péchés sans distinction, et que l'auteur ne peint pas les chrétiens comme ils sont, mais comme ils devraient être. C'est l'idéal et la théorie d'après laquelle il raisonne, et non l'actualité imparfaite. En même temps on voit que la purification n'est pas prise dans un sens superficiel, de sorte qu'elle serait considérée comme effaçant tel ou tel péché particulier, ainsi que l'a compris la théologie de tous les siècles et surtout la théologie protestante, mais comme la guérison radicale de l'homme dans le sens moral. À ce point de vue, sans doute, le péché devient une véritable apostasie. Cette purification-là venant à nous manquer par notre faute, tant pis pour nous, il n'y en a pas d'autre.

v. 27. Le feu du courroux, litt.: le courroux du feu ou enflammé, ou bien la jalousie vengeresse de Dieu. — Les deux ou trois témoins, voy. Deut. XVII, 6.

Fouler aux pieds (v. 29) est l'acte le plus outrageant, la manifestation la plus passionnée du mépris.

La chose commune, dans le sens de la loi lévitique, est opposée à la chose sacrée. Nous avons évité à dessein de dire chose profane, parce qu'en français il s'attache à cette expression une notion positive de répulsion, d'horreur, qui n'appartient pas du tout à celle de l'original.

Les citations du v. 30 sont tirées du Deut. XXXII, 35, et du Ps. CXXXV, 14, mais elles paraissent être faites de mémoire, car elles ne s'accordent ni avec l'original ni avec les Septante. Le sens que l'auteur y attache est d'ailleurs clair. La menace qu'il vient de faire n'est pas vaine, elle est sanctionnée d'avance par des paroles solennelles de l'Écriture.

32 Ressouvenez-vous des jours passés où, après avoir été éclairés, vous avez dû supporter maint combat plein de souffrances, soit que vous ayez été vous-mêmes exposés, comme en spectacle, aux outrages et aux tribulations, soit que vous ayez sympathisé avec ceux qui vivaient dans ces conditions. Car vous avez montré de la compassion pour les prisonniers, et vous vous êtes résignés avec joie à ce qu'on vous enlevât vos biens, sachant que vous avez à vous, dans les cieux, un bien meilleur et durable.

35 Ne renoncez donc point à votre confiance, à laquelle est attachée une riche rémunération. Car vous avez besoin de persévérance, afin que, après avoir accompli la volonté de Dieu, vous remportiez ce qui vous est promis. Car encore un tout, tout petit espace de temps, et celui qui doit venir viendra et ne tardera point; alors mon juste vivra par la foi; mais s'il recule, mon âme ne prend point plaisir à lui. Mais nous ne sommes pas de ceux qui reculent, pour aller nous perdre, mais de ceux qui croient, pour le salut de l'âme !

X, 32-39. Mais, dit l'apôtre en terminant, des avertissements menaçants du genre de ceux que je viens de vous donner sont sans doute superflus auprès de vous. Vos antécédents me font mieux augurer de vos dispositions pour l'avenir. Depuis votre illumination, depuis que vous êtes devenus chrétiens, vous avez fait vos preuves; les quelques dizaines d'années écoulées depuis l'établissement de l'Église n'ont pas été sans vous fournir mainte occasion de montrer votre patience et votre courage. Du reste, il nous semble que l'auteur parle ici distributivement: tel d'entre vous a souffert dans sa propre personne, a subi la captivité, a vu confisquer ses biens; tel a pu montrer son courage et son dévouement en ne se laissant pas effrayer par ces exemples, mais en faisant au contraire tout.ce qui était en son pouvoir pour consoler ses frères persécutés. Être exposé en spectacle (comp. 1 Cor. IV, 9) se dit parce que le malheur est pour la brutale curiosité de la foule indifférente un sujet de récréation; il n'est pas nécessaire de penser au cirque et aux combats des chrétiens avec les bêtes féroces; seulement on peut dire que cette locution figurée vient sans doute originairement des exécutions publiques des malfaiteurs. Les prisonniers: le texte vulgaire offre la leçon assez singulière: mes liens, comme si l'auteur voulait rappeler qu'il avait été lui-même emprisonné dans une certaine localité déterminée, où nous aurions à chercher les lecteurs de son épître. Le contexte à lui seul fait ressortir l'absurdité de cette leçon, aujourd'hui généralement abandonnée et inconnue surtout aux témoins latins. Dans le même v. 34 il y a deux autres variantes: à vous (pour en vous-mêmes), c'est-à-dire un bien qui vous appartient, qui vous est assuré; et dans les cieux, mots qui manquent dans quelques éditions et qui pourraient bien être une glose inutile. Renoncer à la confiance (litt.: la rejeter), c'est la perdre pour ainsi dire volontairement, de propos délibéré. La vie entière du chrétien doit être employée à faire la volonté de Dieu; ce n'est qu'à cette condition que la promesse qui lui est faite aboutira à une réalisation.

Ici l'auteur dirige derechef (v. 25) le regard de ses lecteurs sur la proximité du retour de Christ. Il y a un nouveau motif d'encouragement dans la certitude que les épreuves préalables et douloureuses ne se prolongeront pas indéfiniment. La promesse de cet avenir meilleur est formulée au moyen d'un passage du prophète Habacuc (chap. II, 3). Pour le sens de l’original, nous renvoyons aux commentaires sur l'Ancien Testament. Les Septante, dont notre auteur dépend, ou bien n'ont pas compris leur texte, ou bien en avaient un autre que nous. Mais le leur lui-même n'est pas exactement reproduit ici. Voici, du reste, le sens que l'apôtre y attache: Christ ne tardera pas à venir et à juger chacun selon le rapport dans lequel il se sera mis avec les promesses de Dieu; mon juste (le pronom manque dans beaucoup d'éditions; les Septante le joignent à la foi, la foi en moi), celui qui m'aura été fidèle et aura mérité mon approbation, dit le Seigneur, il vivra par sa foi, c'est-à-dire il aura la vie éternelle parce qu'il aura cru et qu'il n'aura pas chancelé dans sa ferme espérance en mes promesses, malgré toutes les épreuves; celui, au contraire, qui se sera laissé intimider par ces dernières, qui aura reculé devant le danger, qui aura laissé affaiblir sa confiance, je ne veux pas de lui (comp. Rom. I, 17, où ce même passage est tout autrement compris et interprété).

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