Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX

Chapitre 4

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1 Soyons donc bien sur nos gardes, afin que, tandis que la promesse d'entrer dans son repos nous est réservée, aucun d'entre vous ne vienne à en perdre le bénéfice. Car elle nous a été adressée comme aux autres, mais la parole prêchée ne profita pas à ceux-ci parce qu'elle ne s'allia pas à la foi chez les auditeurs. C'est que nous entrerons dans le repos en tant que nous aurons cru, ainsi qu'il l'a dit: Aussi ai-je juré dans ma colère: Ah! certes, ils n'entreront point dans mon repos! bien que ses œuvres fussent achevées depuis la création du monde.

4 Car il dit quelque part au sujet du septième jour: Et Dieu se reposa le septième jour de toutes ses œuvres. Et ici, de nouveau: Ah! Certes, ils n'entreront point dans mon repos! Or, puisqu'il demeure réservé que quelques-uns y entreront, et que ceux qui d'abord avaient reçu la promesse ne sont point entrés à cause de leur désobéissance, il détermine de nouveau un jour, en disant: Aujourd'hui, dans David, après un si long espace de temps, comme cela a été cité plus haut: Aujourd'hui, si vous entendez, sa voix, n'endurcissez point vos cœurs! Car, si Josué leur avait procuré le repos, il ne parlerait pas d'un autre jour ultérieur. Donc il est réservé un repos de sabbat au peuple de Dieu. Car celui qui sera entré dans son repos se reposera de ses œuvres comme Dieu s'est reposé des siennes.

IV, 1-10. Seconde application du passage cité du Ps. XCV: la promesse. Le raisonnement de l'auteur, qui cette fois n'a pas réussi à exprimer sa pensée d'une manière bien transparente, est le suivant: Le texte du Psaume contient une menace pour l'avenir, Dieu jurant: ils n'entreront pas! Or, il faut remarquer que ces paroles sont prononcées dans un psaume supposé être de l'époque de David, par conséquent longtemps après Moïse; donc, implicitement, il est réservé un repos pour ceux auxquels Dieu parle dans ce psaume, bien entendu s'ils n'endurcissent point leurs cœurs à l'appel qui leur est adressé; et comme le passage cité vient d'être appliqué à la génération contemporaine de l'auteur, il s'ensuit que c'est à elle que le repos est réservé.

Cette argumentation est confirmée par deux autres considérations. Les Juifs regardaient l'entrée en Canaan comme ce repos promis, et, à vrai dire, c'est bien là le sens historique de la promesse; or, l'auteur dit qu'il ne peut pas être question de l'interpréter ainsi, car si la conquête de Canaan avait réalisé la promesse, si Josué avait donné Christ repos à Israël, Dieu ne parlerait pas après quelques siècles, dans David, c'est-à-dire dans le livre des Psaumes, d'un repos à espérer encore. D'un autre côté, il ne faut pas perdre de vue qu'il est partout parlé d'un repos de Dieu (ils n’entreront pas dans mon repos!); cela nous fait voir qu'il est question d'autre chose que du pays de Canaan. Qu'est-ce que le repos de Dieu? La Genèse parle du repos de Dieu au septième jour de la création, mais c'est là un fait passé depuis longtemps; ce repos est donc un type, une image prophétique de celui qui est promis pour l'avenir, et qui sera pour le peuple de Dieu un sabbat, comme le septième jour l'a été pour Dieu, un repos relativement aux œuvres accomplies, lesquelles auront été jugées bonnes et parfaites comme lorsque Dieu entra dans son repos (Gen. I, 31).

Il ne reste que peu d'observations à faire sur les détails. Tous les exégètes ont compris que le personnage nommé au v. 8 est Josué, le général des Israélites, et non Jésus. On sait que, depuis l'époque de l'exil, le nom de lehos'oua se transforma dans la bouche du peuple en celui de Iés'oua, par abréviation, et que les Juifs hellénistes adoptèrent en conséquence la forme lésous, que les Septante ont employée même dans les livres anciens qui présentaient la forme primitive. — Le Ps. XCV n'a pas d'inscription dans le texte hébreu. Les manuscrits de la traduction d'Alexandrie y ont mis le nom de David. On peut dire plus généralement qu'à cette époque déjà David passait, dans l'opinion vulgaire, pour avoir composé tous les Psaumes (comp. Act. IV, 25). . — Au V. 7, notre traduction (comme cela a été cité plus haut) est autorisée par une variante que la critique moderne a introduite dans le texte. — Pour l'idée de représenter la béatitude éternelle sous l'image du repos, comp. Apoc. XIV, 13; XXI, 4. Il faut, à cette occasion, se rappeler les lamentations de tous les siècles sur les peines de la vie présente (par exemple dans l'Ecclésiaste) et les théories des écoles juives, où le nom de sabbat est fréquemment appliqué à l'état des bienheureux. Ce parallélisme n'est pas un simple jeu d'esprit. Entre la paix et le repos du jour férié ou de la tranquille possession de Canaan, et la paix céleste à obtenir par Christ dans l'éternité, il y a le rapport du symbole à l'idée, de la chair à l'esprit.

11 Empressons-nous donc d'entrer dans ce repos-là, de manière qu'aucun ne tombe en donnant le même exemple de désobéissance. Car elle est vivante et puissante, la Parole de Dieu, et plus acérée qu'aucune épée à deux tranchants; elle pénètre jusqu'à diviser l'âme et l'esprit, les jointures et les moelles; elle scrute les sentiments et les pensées du cœur, et nulle créature n'est cachée devant elle, tout est nu et découvert devant les yeux de Celui à qui nous avons affaire.

IV, 11-13. Péroraison de la précédente exhortation et en même temps de la première partie du livre. La rhétorique de l'auteur s'élève ici à des formes très oratoires, comme c'est aussi le cas à la fin de la seconde partie (chap. XII, 18 et suiv.).

La liaison des idées se rétablit facilement par cette pensée de transition: il faut que nous prenions au sérieux les invitations de Dieu et nos résolutions, car Dieu ne parle pas en vain, il accomplit ses menaces comme ses promesses, selon le cas, et il sait démêler au fond même des cœurs les plus secrètes pensées et la vraie tendance d'un chacun. C'est surtout cette dernière idée qui est mise en relief dans les lignes qu'on vient de lire.

La Parole de Dieu est pour ainsi dire personnifiée ici comme elle l'était assez fréquemment dans la littérature judaïque de l'époque et dans le Nouveau Testament, par exemple Jean XII, 48. Les Pères de l'Église et d'autres théologiens ont eu positivement tort de voir ici le Verbe hypostatique: les épithètes données à la Parole ne favorisent pas cette interprétation. La comparaison avec une épée est une figure favorite des écrivains juifs (Ps. LVII, 5; LIX, 8; LXIV, 4. Sap. XVIII, 15. Comp. Apoc. I, 16; II, 12).

Ici elle est employée pour rendre l'idée de la pénétration, le pouvoir de scruter le fond caché des choses, comme l'auteur a soin de l'expliquer lui-même. Mais il faut se garder de traduire: Elle pénètre jusqu'à l'endroit où Verne se sépare de l’esprit, ce qui serait passablement singulier. Les quatre termes âme, esprit, jointures et moelle, sont mis pour ce qu'il y a de plus intime et de plus caché; ils sont tous coordonnés les uns aux autres et non accouplés deux à deux pour subir une séparation; chacun de ces éléments est pénétré et examiné en lui-même.

On aura remarqué qu'insensiblement l'auteur en vient à substituer le nom de Dieu à celui de la Parole, ce qui prouve une fois de plus qu'il s'agit au fond du premier. Les derniers mots: Celui à qui nous avons affaire, doivent se prendre dans le sens d'un compte à rendre, et non dans celui d'un sujet de méditation ou de discussion.

L'auteur s'apprête maintenant à passer à la seconde partie de son traité. Après avoir parlé de la dignité du Fils considéré comme Révélateur, à l’égard de laquelle il l'a comparé successivement avec les anges et avec Moïse, il arrive à le considérer comme Réconciliateur ou Médiateur, c'est-à-dire comme Grand-Prêtre de la nouvelle Alliance, idée qui, comme nous l'avons dit, est le thème capital de tout le discours.

14 Ainsi, puisque nous avons dans la personne de Jésus, le fils de Dieu, un grand Archiprêtre qui a traversé les cieux, tenons ferme à notre profession de foi! Car nous n'avons point un grand-prêtre qui ne saurait compatir à nos infirmités; au contraire, il a été éprouvé en toutes choses à l'instar de nous, mais sans pécher. Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, afin d'obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour un secours très opportun.

IV, 14-16. Par ces lignes, l'auteur formule la transition de la partie parénétique qui précédait à l'exposé de la thèse dogmatique qui va suivre. Elle se fait d'autant plus facilement que deux fois déjà (chap. II, 17; III, I) il avait donné à Jésus le nom de Grand-Prêtre; les autres éléments de ce morceau sont également compris par anticipation dans les passages cités. L'absence du péché dans la personne du Sauveur est expressément relevée chap. VII, 26. 2 Cor. V, 21. 1 Pierre II, 22, et ailleurs.

Il y a cependant dans ces lignes quelques expressions qui demandent une attention particulière. Ainsi, quand il est dit que notre Grand-Prêtre a traversé les deux, et que ce fait est même signalé comme un motif de plus de rester fermement attaché à la foi chrétienne, cela doit nous rappeler qu'il a pénétré jusqu'au trône de la Majesté divine (chap. I, 3; IX, 11; VII, 26; X, 12, etc.) pour y accomplir son ministère de réconciliation. Dieu étant considéré comme siégeant dans le ciel le plus élevé. Les infirmités et les épreuves sont encore des termes choisis exprès (comp. chap. II, 18) pour embrasser toutes les misères humaines et non point exclusivement une catégorie, par exemple la misère morale. Christ, à cet égard, est dans une position pareille à celle du grand-prêtre de la loi mosaïque, mais il lui est supérieur: 1° par l'absence du péché, 2° par l'excellence du sanctuaire dans lequel il accomplit son ministère, 3° parce qu'il nous ouvre à nous aussi l'accès du Irone de Dieu, lequel était inaccessible aux Israélites (chap. X, 20). Le trône de grâce rappelle implicitement l'arche de l'alliance déposée dans le sanctuaire du tabernacle où Dieu était censé trôner sur les chérubins, et devant laquelle le souverain sacrificateur consommait l'acte d'expiation (chap. IX, 4 et suiv.). Enfin, le secours de la grâce divine, obtenue par la médiation de Christ, est appelé opportun parce que nous en avons besoin et que l'invitation d'en profiter était bien pressante (aujourd’hui, chap.III, 13).

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