Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APOCALYPSE DE JEAN

Chapitre 19

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1 Après cela j'entendis comme un grand bruit, c'était d'une foule nombreuse dans le ciel, qui disait: Alléluia! La victoire, la gloire et la puissance sont à notre Dieu, car ses arrêts sont vrais et justes, en ce qu'il a jugé la grande prostituée qui corrompait la terre par son impudicité et qu'il a vengé sur elle le sang de ses serviteurs! Et pour la seconde fois ils dirent: Alléluia! sa fumée s'élève aux siècles des siècles! Et les vingt-quatre vieillards se jetèrent par terre, ainsi que les quatre animaux, et se prosternèrent devant Dieu assis sur le trône, en disant: Amen, alléluia! Et une voix partit d'auprès du trône, qui disait: Louez notre Dieu, vous tous, ses serviteurs, et vous qui le craignez, petits et grands!

6 Et j'entendis comme la voix d'une foule nombreuse et comme le bruit de grandes eaux, et comme le bruit de forts tonnerres, qui disaient: Alléluia! Le Seigneur notre Dieu, le Tout-Puissant, a pris possession de la royauté! Réjouissons-nous et soyons dans l'allégresse et glorifions-le de ce que les noces de l'agneau sont venues et son épouse s'est préparée et il lui a été donné de se revêtir d'un habit de lin pur et éclatant. (Car le lin est l'apanage des saints.) Et il me dit: Écris! «Heureux ceux qui sont appelés au festin de noce de l'agneau!» Et il me dit: Ce sont là les véritables paroles de Dieu. Et je me jetai à ses pieds pour me prosterner devant lui, mais il me dit: Garde-toi de faire cela! Je suis un serviteur comme toi et tes frères qui tiennent le témoignage de Jésus: c'est Dieu que tu dois adorer! (Car le témoignage de Jésus est l'esprit de la prophétie.)

XIX, 1-10. La chute de Rome, déplorée sur la terre par tous ceux que leurs intérêts mondains attachaient à l'empire, est un sujet de réjouissance pour le ciel et ceux qui s'intéressent à rétablissement du royaume des cieux. Les chants de triomphe pour la première victoire (supposée accomplie en ce moment) sont en même temps une nouvelle annonce de la seconde.

Nous distinguons dans ce morceau une série de voix diverses, mais s'accordant toutes dans le sentiment que nous venons d'indiquer. Il y a d'abord la voix d'une foule nombreuse que l'auteur ne désigne que vaguement en la faisant venir du ciel, v. 1-3. Il semble naturel de l'attribuer à des anges. Ils chantent Alléluia, formule empruntée aux psaumes et à la liturgie de la Synagogue. Pour le reste, voyez chap. XI, 15 ss. ; XII, 10. La fumée de l'incendie de Rome montera aux siècles des siècles, son châtiment sera éternel, comme celui de Sodome, chap. XIV, 11. — Ensuite les vieillards et les quatre animaux entonnent le chœur final, V. 4 (chap. V, 14). Puis une voix partie du trône invite les fidèles à s'unir à leur tour à ce chœur céleste, v. 5. Cette voix, non autrement déterminée, pourrait être celle de Christ; mais peut-être l'auteur, sans avoir en vue un personnage particulier, a-t-il seulement voulu provoquer d'une manière dramatique la participation de ceux qui parlent aux v. 6 ss. Ceux-ci, formant le troisième chœur, se réjouissent de ce que Dieu s'est enfin posé comme roi; qu'il ait donné, par la ruine de Rome, le signal de l'avènement de Christ. L'établissement du royaume de Dieu et de Christ est appelé en style symbolique la noce de l’Agneau. Ce symbole est au fond beaucoup plus ancien que le christianisme. Le rapport conjugal entre Jéhova et Israël est l'une des allégories les plus fréquentes chez les prophètes. Et Jésus lui-même s'est comparé à un fiancé, dans un sens différent, à la vérité, mais de manière à faciliter le retour à l'ancienne métaphore (Matth. IX, 15; XXV, 1 ss.); les apôtres, à leur tour, ont employé l'image de la fiancée pour l'Église (2 Cor. XI, 2. Éph. V, 32). Seulement il ne faut pas perdre de vue que les noces comprennent avant tout un festin et que c'est ce festin qui sert d'image aux Juifs pour peindre la félicité du royaume de Dieu (chap. III, 20; XIX, 17. Matth. XXII, 1 ss.). C'est pour ce festin, pour entrer dans sa béatitude, que la fiancée, la communauté des fidèles, se prépare en mettant son habit de fête. L'auteur ajoute en parenthèse, afin de prévenir toute fausse interprétation du symbole, que l’habit blanc est l'apanage, le salaire légitime des saints, ce qui leur revient de droit (chap. VI, 11). C'est le seul sens admissible pour le terme grec employé ici, et qui signifie ce qui émane du juge (chap. XV, 4), ce qui est décidé par lui, ce qui est institué légalement (Hébr. IX, 1, 10). On traduit communément: les habits blancs symbolisent les vertus des saints, idée absolument étrangère au texte. — Du reste, les saints et l'épouse, c'est la même chose.

Ensuite l'ange conducteur du prophète (chap. I, 1; XVII, 1) lui fait écrire une sentence, un adage d'exhortation et de souvenir. C'est encore là un de ces mots ou avertissements brefs, incisifs, solennels, qui se rencontrent par-ci par-là dans notre livre et qui sont destinés à joindre immédiatement l'application pratique, l’actualité de l'enseignement, aux tableaux plus ou moins fantastiques de l'avenir (chap. XIV, 13). Cet avertissement est corroboré ici par l'affirmation qu'il vient de Dieu. (Le texte étant incertain, on pourrait aussi traduire: ces paroles de Dieu sont véridiques). L'ange, à ce moment, se présente au prophète sous un aspect si majestueux, que le sentiment de la faiblesse naturelle à l'homme fait tomber celui-ci à terre: mais l'ange le relève et lui déclare que les fidèles sont les égaux des anges.

Les fidèles sont ceux qui ont le témoignage de Jésus (chap. XII, 17), qui tiennent à ce dont Jésus témoigne, à ce qu'il enseigne (et non pas: ceux qui témoignent pour lui). Or, ce que Jésus atteste et enseigne, c'est, dit-il, l’esprit de prophétie; cela veut dire que Christ ayant inspiré et inspirant encore tous les vrais prophètes, son témoignage et le leur s'accordent: ceux qui croient à eux, croient aussi à lui. Avis aux Juifs incrédules!

11 Après cela je vis le ciel s'ouvrir, et il apparut un cheval blanc, et celui qui le montait s'appelle le Fidèle et le Véridique, et il juge et combat avec justice. Ses yeux étaient comme une flamme de feu et sur sa tête il y avait beaucoup de diadèmes. Il portait inscrit un nom que nul ne sait si ce n'est lui-même, et il était couvert d'un manteau teint de sang et son nom s'appelle la Parole de Dieu. Et les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs, revêtues d'habits de lin blancs et purs. Et de sa bouche il sort un glaive tranchant, pour en frapper les nations qu'il paîtra avec une verge de fer, et il foule la cuve du vin brûlant de la colère du Dieu tout-puissant. Et sur son manteau et sur son flanc il porte écrit le nom: Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

XIX, 11-16. Nous allons assister au second combat, à celui qui doit s'engager entre l'Antéchrist destructeur de Rome, et Christ le fondateur du royaume éternel. On ne manquera pas de remarquer qu'après toutes les scènes préliminaires qui ont déjà passé sous nos yeux, l'auteur s'arrête encore assez longtemps à la description des préparatifs de cette nouvelle lutte, mais qu'il ne consacre que deux lignes au combat lui-même et à la victoire qui le termine, comme s'il voulait à dessein exciter de plus en plus l'impatience du lecteur, en lui faisant voir l'effrayante puissance de l'ennemi, et lui faire sentir ensuite la facilité, la rapidité du triomphe de Christ, par la brièveté même de la relation.

Le combat a naturellement lieu sur la terre; le prophète se trouve sur place pour assister au spectacle. Il voit le ciel s'ouvrir, et l'armée céleste en sortir pour aller au devant de l'ennemi. Christ est monté sur un cheval blanc comme les triomphateurs. Les attributs de sa personne nous sont déjà connus. Pour ses noms, voyez chap. III, 14; XVII, 14; pour les yeux, chap. I, 14; pour le nom inconnu (Jéhova), chap. II, 17; pour le glaive, chap. I, 16; pour la cuve, chap. XIV, 20; pour la verge de fer, chap. II, 27. La description résume ainsi toutes celles qui ont précédé. Cependant il y a aussi quelques éléments nouveaux. Les diadèmes nombreux signifient qu'il réunit en sa personne la dignité et les pouvoirs de tous les rois. Une variante que nous n'avons pas introduite dans notre traduction, parle de noms inscrits (au pluriel); ce seraient alors, à côté du nom de Jéhova (au singulier), les noms de Messie, Christ, Verbe, fils de Dieu, fils de David, et autres par lesquels TÉcriture et les fidèles ont coutume de le désigner. Le manteau teint de sang rappelle moins sans doute la mort expiatoire du Sauveur, que la victoire remportée sur la puissance rebelle (Ésaïe LXIII, 1 ss.), c'est l'effet de la cuve foulée (chap. XIV, 20). La Parole de Dieu est une expression familière à la théologie judaïque dès avant l'ère chrétienne, pour désigner l'hypostase révélatrice et créatrice (Hist, de la théol. apost., chap. I, 84, 461). Le terme (d'origine hébraïque) n'est pas tout à fait identique, quant à la conception, avec celui de Verbe (Logos) d'origine hellénistique.

17 Puis je vis un ange placé dans le soleil, et criant à haute voix en parlant à tous les oiseaux qui volaient à travers le ciel: Venez! rassemblez-vous pour le grand festin de Dieu, pour dévorer les chairs des rois, et les chairs des capitaines, et les chairs des guerriers, et les chairs des chevaux et de ceux qui les montent, et les chairs de tous les hommes, libres et esclaves, petits et grands! Et je vis la bête et les rois de la terre, et les armées assemblées pour faire la guerre à celui qui était assis sur le cheval et à son armée: et la bête fut saisie et avec elle le faux prophète, qui avait fait les miracles devant elle, par lesquels il avait séduit ceux qui avaient accepté la marque de la bête et qui s'étaient prosternés devant son image. Ils furent précipités vivants, tous les deux, dans l'étang de feu brûlant de soufre. Et les autres furent tués par le glaive qui sortait de la bouche de celui qui était assis sur le cheval, et tous les animaux se rassasièrent de leurs chairs.

XIX, 17-21. Le carnage devant être immense dans cette bataille livrée par le ciel au monde armé par Satan, un ange appelle d'avance les vautours pour dévorer les cadavres. C'est ce qui est appelé le grand festin de Dieu, le festin préparé par les armées de Dieu aux oiseaux de proie. Tout ce passage est copié dans Ézéchiel (chap. XXXIX, 17).

L'auteur ne dit pas un mot qui puisse faire naître l'idée d'une lutte, c'est-à-dire de chances égales, d'une victoire disputée, d'une résistance énergique. À la première rencontre, l'Antéchrist est saisi et jeté dans la géhenne. C'est que personne ne saurait résister à Christ, et il suffit du souffle de sa bouche pour anéantir ses ennemis (És. XI, 4; comp. 2 Thess. II, 8). La destinée des vaincus est diverse. L'antéchrist et le faux prophète sont jetés vivants dans le goufre brûlant de l'enfer et n'en reviennent plus; leurs adhérents périssent par le glaive comme d'autres mortels; ils ressusciteront en conséquence pour le jugement dernier et alors l'arrêt de damnation sera prononcé contre eux aussi.

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