Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APOCALYPSE DE JEAN

Chapitre 8

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1 Quand il ouvrit le septième sceau, il se fit dans le ciel un silence de près d'une demi-heure. Et je vis les sept anges qui se tiennent debout devant Dieu, et il leur fut donné sept trompettes. Et un autre ange vint se placer près de l'autel en tenant un encensoir d'or, et il lui fut donné beaucoup de parfums, afin qu'il les déposât, avec les prières de tous les saints, sur l'autel d'or placé en face du trône. Et la fumée des parfums monta de la main de l'ange devant Dieu, avec les prières des saints. Et l'ange prit l'encensoir et le remplit de la braise de l'autel et le jeta sur la terre. Et il se fit des bruits, et des tonnerres, et des éclairs, et un tremblement de terre.

VIII, 1-5. L'entracte est terminé; tout est préparé pour la péripétie finale du drame apocalyptique. Le dernier sceau est ouvert et un silence profond et solennel, une attente à la fois pleine d'espoir et d'anxiété, accueille le moment décisif qui s'annonce.

Mais la catastrophe est trop riche d'incidents pour pouvoir être comprise dans le cadre étroit d'un tableau unique. Aussi ce cadre s'élargit-il soudain, eu se décomposant, et en formant sept nouvelles scènes ou évolutions, lesquelles dans leur ensemble sont censées représenter le contenu du septième sceau; leur disposition symétrique est de tous points parallèles à celle des sept premières. Aux sept sceaux succèdent les sept trompettes.

Les sept anges, qui se tiennent debout devant Dieu, comme ses premiers serviteurs et ministres, ne doivent pas être confondus avec les sept esprits dont il a été question plus haut. Ce sont de véritables anges, les sept anges supérieurs (archanges, amschaspands) de la mythologie judéo-chrétienne (Tob. XII, 15). Nous verrons tout à l'heure la mission spéciale qu'ils auront à remplir dans cette partie du drame; mais avant qu'ils ne commencent à l'accomplir, une scène préparatoire se passe sous les yeux du prophète. Le symbolisme de cette scène est aussi ingénieux dans sa forme que beau par l'idée qu'il exprime. Un ange brûle de l'encens devant Dieu, la fumée monte; quand l'encensoir est devenu vide, l'ange le remplit de braise qu'il jette sur la terre et des phénomènes sinistres éclatent aussitôt: cela veut dire que les prières des croyants naguère encore mis en demeure d'attendre (chap. VI, 11) sont maintenant exaucées, que le moment de la vengeance est arrivé, qu'elle s'annonce par les signaux précurseurs qui jettent la terreur dans les âmes. L'image est empruntée à Ez. X, 2,.

La phrase: avec les prières des saints, s'explique très naturellement par la conception religieuse des anciens peuples qui voyaient dans le fait que la fumée montait de l'autel dans les airs, le signe de l'acceptation du sacrifice par la divinité. L'ange brûle donc de l'encens pour que la fumée montante emporte en même temps les prières des saints persécutés; cette fumée est en quelque sorte le véhicule les prières. Car c'est proprement cette dernière préposition qu'il faudrait employer pour traduire le texte à la lettre.

6 Puis les sept anges qui tenaient les sept trompettes se mirent en devoir d'en sonner. Et le premier ayant sonné, il survint de la grêle et un feu mêlé de sang qui furent jetés sur la terre, et le tiers de la terre fut brûlé, et le tiers des arbres fut brûlé et toute herbe verte fut brûlée. Et le second ange ayant sonné, quelque chose comme une grande montagne tout en feu fut jeté dans la mer, et le tiers de la mer se changea en sang, et il mourut le tiers des créatures vivantes qui sont dans la mer, et le tiers des vaisseaux périt. Et le troisième ange ayant sonné, il tomba du ciel un grand astre brûlant comme un flambeau, et il tomba sur le tiers des rivières et sur les sources d'eau. Cet astre avait nom Absinthos, et le tiers des eaux se changea en absinthe et un grand nombre d'hommes moururent par les eaux, parce qu'elles étaient empoisonnées. Et le quatrième ange ayant sonné, le tiers du soleil fut frappé, et le tiers de la lune, et le tiers des étoiles, afin que le tiers en fût obscurci, et que le jour perdit un tiers de sa clarté et la nuit pareillement. Et je vis et entendis un aigle qui volait par le milieu du ciel en criant à haute voix: Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre, à cause des autres sons de trompette, des trois anges qui ont encore à sonner!

VIII, 6-13. Les quatre premières trompettes forment un ensemble, comme cela avait été le cas pour les quatre premiers sceaux. De même elles sont séparées des trois dernières par une figure particulière qui marque pour ainsi dire le point d'intersection des deux séries ou moitiés. Plus haut ç'avait été l'Enfer engloutissant les victimes des quatre fléaux, ici c'est une voix lugubre et prophétique qui annonce que les catastrophes des quatre premières trompettes ne sont rien en comparaison de celles qui doivent survenir plus tard.

On remarquera facilement que les tableaux dans le présent morceau sont moins pittoresques que ceux de la série correspondante du chap. VI. Aussi bien était-il difficile d'en inventer de nouveaux sans se copier. Malgré cela l'auteur a su trouver des images qui ont une certaine grandeur, à condition qu'on n'essaie pas de les reproduire par le pinceau ou le burin, car elles manquent de contours bien déterminés et ne se subordonnent pas trop scrupuleusement aux lois de la nature. Ainsi, sans parler de l'aigle à voix humaine, qui a déjà choqué les anciens copistes (qui en ont fait un ange), et de l'étoile brûlante qui, en tombant sur un grand nombre de rivières et de fontaines à la fois, y verse un poison, il est impossible de se faire une idée claire de la manière dont partout un tiers seulement (par exemple du soleil, de la mer, etc.) est frappé par les diverses plaies. C'est qu'il faut toujours s'en tenir à l'idée que l'allégorie veut symboliser, et ne point appliquer aux symboles mêmes les règles classiques ou modernes de l’esthétique où de l'art.

Nous avons devant nous la description de diverses plaies qui sont en partie copiées sur celles de l'Égypte (voy. Exod. VII, 20; IX, 23; X, 21; grêle, pluie de feu, eau changée en sang, ténèbres), en partie empruntées aux prophètes (Jér. LI, 25, montagne de feu). Elles sont destinées à commencer le châtiment réservé au monde incrédule et persécuteur. Dans leur ensemble elles frappent l'univers, divisé en quatre sphères, savoir la terre, l'océan, les rivières, le ciel (comp. chap. XVI, 1-9); leur effet est de détruire le tiers de tout ce qu'elles atteignent (pour la proportion, voy. Zach. XIII, 8. Éz. V, 2), savoir les végétaux, les animaux, les hommes, enfin même les astres. Relativement à ces derniers il ne s'agit donc plus d'éclipsés passagères, mais d'une destruction partielle de leur lumière par suite de laquelle les jours sont moins clairs et les nuits plus sombres.

L'étoile qui empoisonne les eaux potables doit être considérée comme une espèce de vase rempli d'un liquide végétal délétère et venant à éclater dans les airs, ou peut-être comme une masse compacte de substance du même genre qui en se brisant sème des germes de mort dans toutes les directions. Il ne faut pas demander à quelle substance naturelle l'auteur a pu songer ici, ni objecter que l'absinthe n'est pas un poison. Il suffit de se rappeler que l'absinthe est une plante qui contient un suc amer, et que l'amertume, dans le langage populaire de tous les temps, tient de près à l'idée du poison (comp. Jér. IX, 14; XXIII, 15, où le parallélisme joint le poison à l'absinthe). Le reste appartient à l'hyperbole.

Comme l'aigle du dernier verset est le seul animal qui paraît dans notre livre, outre les quatre Keroûbs qui portent le trône de Dieu, et qui, à vrai dire, ne sont pas des animaux mais des symboles, on pourrait être tenté de lire: quelqu'un volant comme un aigle.

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