Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APOCALYPSE DE JEAN

Chapitre 4

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1 Après cela je regardai et voici, une porte était ouverte dans le ciel et la première voix que j'avais entendue, pareille à une trompette qui me parlait, me dit: Monte ici, que je te fasse voir ce qui doit arriver dans la suite! Aussitôt je me trouvai en extase, et voici, un trône était placé dans le ciel, et sur le trône quelqu'un était assis; et celui qui y était assis avait l'éclat de la pierre de jaspe et de la sardoine, et un arc-en-ciel était tout autour du trône, d'aspect semblable à l'émeraude.

4 Et tout autour du trône étaient vingt-quatre sièges, et sur les sièges je vis assis vingt-quatre vieillards revêtus de manteaux blancs, et sur leurs têtes il y avait des couronnes d'or. Et du trône sortaient des éclairs et des voix et des tonnerres, et sept flambeaux brûlaient devant le trône (ce sont sept esprits de Dieu); et devant le trône c'était comme une mer transparente, semblable à du cristal. Et au milieu du trône et tout autour du trône étaient quatre animaux tout couverts d'yeux par devant et par derrière. Et le premier animal était semblable à un lion, et le second animal était semblable à un jeune taureau, et le troisième animal avait le visage comme d'un homme, et le quatrième animal était semblable à un aigle volant.

8 Ces quatre animaux, ayant chacun, l'un comme l'autre, six ailes, sont couverts d'yeux tout autour et vers l'intérieur, et ne cessent de dire jour et nuit: Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu, le tout-puissant, qui a été, qui est et qui viendra! Et quand ces animaux rendent gloire, honneur et actions de grâces à celui qui est assis sur le trône, et qui vit aux siècles des siècles, les vingt-quatre vieillards se jettent à terre devant celui qui est assis sur le trône et se prosternent devant celui qui vit aux siècles des siècles, et déposent leurs couronnes devant le trône, en disant: Tu es digne, ô notre Seigneur et Dieu, de recevoir la gloire et l'honneur et la puissance, car c'est toi qui as créé toutes choses et c'est par ta volonté qu'elles existent et ont été créées!

IV, 1-11. C'est avec ce morceau que commence l'Apocalypse proprement dite, c’est-à-dire l'apparition successive des événements, futurs, qui sont désignés dans la théologie juive et chrétienne par le terme des choses finales. La première vision, qui a servi de cadre au prologue, a disparu, il s'en présente une seconde, laquelle, bien que plusieurs fois variée et modifiée, dure sans interruption jusque vers la fin du livre.

Le prophète en extase est transporté au ciel et y assiste au spectacle de la majesté divine entourée de ses anges supérieurs et préparant l'avènement des choses à venir. Le mortel devient ainsi témoin oculaire de faits qui n'existent pas encore en réalité, mais dont le drame céleste se déroule d'avance devant ses yeux. Il s'y trouve dans un état dont il ne saurait se rendre compte que par un terme inexplicable à qui n'a pas fait d'expérience pareille (2 Cor. XII, 2).

Le prophète commence par décrire le théâtre de ses visions. Cette description est copiée, quant à ses traits principaux, dans Ézéchiel (chap. I et X). C'est de là que viennent les images des pierres précieuses, de l'arc-en-ciel et surtout des quatre animaux. Le centre de la scène est occupé par le trône de Dieu. Celui qui y siège n'est nommé par aucun nom; la langue humaine n'en connaît point qui exprime son essence, ou du moins la bouche du mortel n'oserait le prononcer. Tout ce que la nature a de plus brillant sert, soit à peindre, soit à refléter l'éclat de sa personne.

À l'entour du trône divin, ce qui frappe d'abord le regard, ce sont les vingt-quatre vieillards, lesquels occupent cette place d'honneur dans toutes les scènes jusqu'à la fin du livre et apparaissent ici pour la première fois dans la littérature prophétique. Leur présence donne un grand relief au tableau. Il est d'autant plus surprenant que les commentateurs se soient si souvent mépris à leur égard. Les couronnes et les habits blancs étant nommés ailleurs comme l'apanage des fidèles entrés dans la gloire céleste, on s'est hâté d'en conclure que ces vieillards sont des mortels glorifiés. Mais cela est contraire à l'esprit du livre. Les fidèles, au début de celui-ci, sont encore loin de ce bienheureux moment; plus d'une fois il leur est dit qu'ils aient à attendre encore. Du reste, l'auteur distingue ces vieillards des fidèles (chap. VII, 13 suiv.); il les nomme Seigneurs, quand il s'adresse à eux. Ce sont donc certainement des anges supérieurs, le plus immédiatement placés autour du trône de Dieu; leur haute dignité se révèle dans leur costume sacerdotal; leur nombre même rappelle les 24 classes des prêtres lévitiques; leur nom de vieillards ne peut gêner que ceux qui s'obstinent à croire que l'imagination orientale s'est représenté les anges comme des jeunes gens d'une beauté parfaite et qui oublient que Christ même (chap. I, 14) a la barbe blanche.

Le sol sur lequel repose le trône de Dieu, la mer de cristal (de verre, comme disent nos traductions), c'est ce ciel azuré, considéré comme une étendue solide, telle que la décrit la Genèse (chap. I, 7). Devant ce trône sont sept flambeaux allumés, image que l'auteur a soin d'expliquer et dans laquelle nous reconnaissons une nouvelle forme (comp. chap. I, 4), la personnification des attributs de Dieu que l'analyse métaphysique et le symbolisme oriental concourent à séparer de son essence.

Le trône, dont la forme n'est pas indiquée, mais qu’on a peut-être tort de se figurer comme un fauteuil, l'Ancien Testament recommandant plutôt l'analogie d'un char, ou du moins d'un siège présentant quatre côtés, est porté par quatre animaux. Car ces derniers doivent se trouver au milieu et tout autour, ce qui veut dire qu'ils regardent dans quatre directions, tout en étant placés sous le trône. Ces animaux portent ce nom à cause de leur forme, mais ils sont représentés comme doués d'intelligence, comme possédant la pleine connaissance de l'être divin. Ce ne sont pas des anges proprement dits, des êtres faisant les fonctions de messagers de Dieu. Ce ne sont pas non plus des êtres semblables à ces monstres symboliques qui paraîtront ultérieurement sur la scène (chap. XII; XIII). Aussi l'auteur leur donne-t-il un autre nom (animaux, zoa, et non: bêtes, théria), bien que l'Ancien Testament n'en connaisse qu'un seul pour ces deux catégories (comp. Ez. I avec Dan. VII). Nous avons devant nous les Keroûbs que l'Ancien Testament (Psaume XVIII,11. Ézéch., I. c.) représente également comme les porteurs du trône de Dieu. Ézéchiel, en fixant leur nombre à quatre, leur donnait à chacun quatre attributs symbolisés par des formes animales: sagesse (homme), force (lion), toute science (aigle), et puissance créatrice (taureau). Jean sépare ces quatre attributs et les isole.

Pour la forme symbolique, la peinture d'Ézéchiel est plus conforme à l'esprit antique; pour le fond, l'idée est la même: ce sont les quatre attributs fondamentaux de l'Être suprême, séparés pour ainsi dire de l'idée de la personne par l'analyse de son essence et obtenant une existence propre par le moyen du symbole, comme c'était le cas tout à l'heure pour les sept esprits. Les six ailes, empruntées à Ésaïe (chap. VI, 2), peuvent être censées y ajouter l'idée de la rapidité de l'action. Tout le monde sait que les anciens chrétiens ont fait de ces quatre animaux les symboles des quatre évangiles. Les yeux représentent la providence éternellement vigilante; ils se trouvent sur tout le corps, même en dedans, c'est-à-dire sur la partie placée sous le trône, et cette masse d'yeux marque l'universalité, la toute-présence de l'œil de la Providence (Ez. X, 12), comme la masse de mamelles sur la figure de la grande déesse d'Éphèse (Actes XIX, 28) représentait l'universalité de la force nutritive de la nature.

Ces animaux proclament la gloire de Dieu. Cela ne prouve pas que, dans la pensée de l'auteur, ce soient des créatures ou des anges. La gloire de Dieu, de ce Dieu inaccessible à la pensée de l'homme, ne peut être révélée que par lui-même (Rom. I, 19). Ce n'est pas dans son essence que le monde le connaît et le comprend, mais bien dans et par sa puissance, sa sagesse, et ses autres attributs concrets. Il y a donc une idée à la fois théologique et philosophique, et surtout profondément vraie, sous cette figure des attributs-symboles proclamant la grandeur de celui que la conception des êtres créés n'atteint pas. La formule qui résume cette glorification est prise dans Ésaïe VI, 3. Les vieillards répondent aux animaux, cela veut dire que la gloire de Dieu étant révélée par lui-même, les êtres célestes sont les premiers à la reconnaître; ils donnent l'exemple de l'adoration aux autres créatures placées à une distance plus grande du trône (chap. V, 11 s.).

On remarquera que l'auteur passe insensiblement du prétérit de la narration au présent de la contemplation immédiate. Cela est dû en partie à la vivacité de l'imagination qui saisit ces images comme n'ayant pas encore disparu, en partie à ce fait que ces images ou symboles représentent des idées permanentes et non des circonstances accidentelles. Mais si plus loin les traducteurs affectent de passer du présent au futur (v. 9 suiv.), cela prouve seulement qu'ils ne comprennent pas le langage de l'auteur, lequel, pensant en hébreu et traduisant littéralement sa pensée en grec, s'est servi d'une forme verbale qui dans cette dernière langue ne correspond pas au mode hébreu qu'il avait en vue.

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