Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APOCALYPSE DE JEAN

Chapitre 3

----------


1 À l'ange de l'église de Sardes tu écriras: Voici ce que dit celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles: Je connais tes œuvres; tu passes pour être vivant, et tu es mort. Sois vigilant et affermis ce qui reste et ce qui est sur le point de mourir, car je n'ai pas trouve tes œuvres parfaites devant mon Dieu. Rappelle-toi donc comment tu as reçu et entendu, et retiens, et repens-toi! Or, si tu n'es pas vigilant, je viendrai comme un voleur et tu ne sauras pas à quelle heure je viendrai vers toi. Cependant tu as un petit nombre de noms à Sardes, qui n'ont pas souillé leurs vêtements; ils marcheront avec moi en habits blancs, parce qu'ils en sont dignes. Le vainqueur, lui, se revêtira d'habits blancs et je n'effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom à la face de ses anges. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux églises!

III, 1-6. Pour les attributs donnés à Christ, voy. chap. I, 4 et 20. En tant que possesseur des sept esprits Christ est élevé au niveau de Dieu, car il possède la plénitude des attributs divins (Col. 1,19; II, 9).

L'église de Sardes ne reçoit aucun éloge. Sa vie spirituelle n'existe que de nom, elle n'est qu'apparente. En réalité elle est morte, elle ne produit aucun fruit. Comme ce blâme n'est pas motivé par des allégations de détails, nous déduirons ces derniers de l'éloge opposé de Thyatire (chap. II, 19); du moins, il ne paraît pas qu'il s'agit ici d'un reproche d'hérésie. L'exemple étant contagieux, l'assoupissement va en se propageant. Il n'y a plus que quelques restes, un petit nombre de noms, c'est-à-dire de personnes, qui vivent encore dans cette église, chez lesquelles la vie n'est pas éteinte. Mais elles risquent, elles aussi, d'en arriver là si on ne veille sur elles. Il importe que le dépôt sacré de l'Évangile soit retenu et gardé dans son intégrité; il faut se rappeler comment, dans quelle teneur et à quelle condition on l'a reçu et entendu.

La menace ne fait ici ressortir que l'un des caractères du châtiment. Il sera imprévu, soudain et d'autant plus terrible. Cela est exprimé par une comparaison proverbiale familière déjà aux écrivains de l'Ancien Testament (Jér. XLIX, 9. Abd. 5) et souvent employée par Jésus et les apôtres (Matth. XXIV, 43. 1 Thess. V, 2, etc.).

Les vêtements représentent les qualités morales, déjà, dans la prose de l'Ancien Testament. On se revêt de courage, de justice, etc. Avoir l'habit souillé, est donc un état de défectuosité spirituelle. La blancheur, symbole de la pureté et de l'innocence, en tant que donnée par Dieu, représentera la justification, c'est-à-dire la déclaration du juge suprême que le péché est effacé et pardonné, l'admission au nombre des saints et des élus (voy. Zach. III, 3, et ci-après chap. VI, 11; VII, 9).

Le livre de vie est souvent mentionné dans l'Ancien Testament (Exod. XXXII, 32. Ps. LXIX, 29. És. IV, 3. Dan. XII, 1). L'inscription d'un nom dans ce livre équivaut à l'assurance du salut; la radiation du nom serait un arrêt de mort. L'image appartient à une série d'idées d'après laquelle la destinée des individus est fixée dès avant leur mort. L'autre formule, au contraire: Je confesserai son nom, nous fait entrevoir une scène de jugement, où Christ assistera les siens devant le Juge et les réclamera comme lui appartenant. Les anges sont censés être présents à cette scène.

7 À l'ange de l'église de Philadelphie tu écriras: Voici ce que dit le Saint, le Véridique, qui tient la clef de David, qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul n'ouvrira: Je connais tes œuvres; voici, j'ai mis devant toi une porte ouverte que nul ne peut fermer, parce que tu as une petite puissance et que tu as gardé ma parole et n'as pas renié mon nom. Voici, je t'en donne, de ceux de la Synagogue de Satan, qui disent être des Juifs et qui ne le sont pas, mais qui mentent, voici, je ferai en sorte qu'ils viennent et qu'ils se prosternent devant tes pieds et reconnaissent que je t'ai aimé. Puisque tu as gardé la parole de la persévérance pour moi, moi aussi je te garderai dans l'heure de l'épreuve qui va venir sur tout l’univers, pour éprouver les habitants de la terre. Je viendrai bientôt: retiens ce que tu as, afin que personne n'enlève ta couronne. Du vainqueur je ferai une colonne dans le temple de mon Dieu et il n'en sortira plus, et j'inscrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui va descendre du ciel d'auprès de mon Dieu, et mon nom à moi, le nouveau. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux églises!

III, 7-13. L'épithète de véridique revient à Christ principalement en sa qualité de révélateur (chap. I, 1; comp. chap. III, 14; XIX, 11, etc.), et c'est en vue de la présente révélation apocalyptique que ce terme est fréquemment employé dans ce livre. C'est à tort que d'autres traduisent le véritable, comme s'il s'agissait de l'opposer à un faux Christ. On devrait plutôt reconnaître que le même terme a une signification différente dans l'Apocalypse et dans le quatrième évangile.

L'image de la clef de David est empruntée à un passage du prophète Ésaïe (chap. XXII, 22) où il est question de l'installation d'un nouveau ministre de la maison du roi, d'un intendant du palais, auquel sont remises les clefs, symbole de son ministère. Ainsi Christ a reçu de Dieu le pouvoir des clefs dans sa maison, dans le royaume spirituel dont celui de David n'était que l'ombre, le typé préfigurant. S'il ouvre à quelqu'un, personne ne pourra l'exclure; s'il exclut quelqu'un, personne ne pourra lui ouvrir. La porte est ouverte devant l'église de Philadelphie, son entrée dans le royaume lui est assurée, à tous ses membres sans exception, car aucun blâme ne vient se mêler aux éloges qui lui sont donnés. (Pour la figure, voyez encore És. XXVI, 2.) Sa puissance est petite, elle est peu nombreuse, elle possède peu de moyens d'action matériels, mais elle se distingue par sa fidélité. Nous avons traduit littéralement: la parole de la persévérance, la langue française ne permettant pas, à moins d'une fastidieuse périphrase, de rendre la pensée du texte d'une manière plus directe. Il ne s'agit pas de la persévérance de Christ même, comme on pourrait le croire d'après le grec, mais de la fermeté persévérante et patiente avec laquelle les fidèles attendent la parousie de Christ, et la parole est l'Évangile, en tant qu'il provoque cette attente et promet de la satisfaire.

Parmi les promesses messianiques mentionnées ici, il y a d'abord celle d'une conversion des Juifs, lesquels aujourd'hui sont les ennemis de l'Église (comp. chap. II, 9), mais qui finiront par se soumettre et par rendre hommage à la vérité, d'après És. LX. Il y a ensuite l'image de la colonne dans le temple. (Beaucoup d'éditions, par suite d'une faute d'impression remontant à R. Estienne, 1551, et conservée par Bèze et les Elzevirs, disent dans le peuple) Le temple est le royaume de Dieu; la colonne est le symbole de la solidité inébranlable, de la position immuable. De même que les colonnes du temple de Salomon portaient des noms divins (1 Rois VII, 21), de même les élus, à leur entrée dans la félicité, seront marqués d'un nom sacré. Non pas de trois noms, comme on pourrait le croire d'abord, mais d'un seul, qui appartient à la fois à Dieu, à la ville éternelle, et désormais aussi à Christ. C'est le nom sacré de Jéhova (chap. II, 17). Déjà le prophète Ézéchiel (chap. XLVIII, 35) avait nommé la nouvelle Jérusalem: Jéhova-là, et Jérémie (chap. XXIII, 6) avait désigné le Messie par le titre de: Jéhova notre justice. Enfin Daniel (chap. IX, 19) peut avoir directement suggéré à notre auteur l'idée de transmettre ce même nom aux élus. Pour Christ, ce nom est nouveau dans le sens indiqué à la fin de l'épître à Pergame. — L'Apocalypse, écrit le nom de Jérusalem d'après la prononciation hébraïque, dans le quatrième évangile on trouve toujours la forme grecque (Hiérosolyma).

14 À l'ange de l'église de Laodicée tu écriras: Voici ce que dit l’Amen, le témoin fidèle et véridique, le commencement de la création de Dieu: Je connais tes œuvres, et je sais que tu n'es ni froid ni chaud. Ah, que n'es-tu froid ou chaud! Or, puisque tu es tiède, et que tu n'es ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. Parce que tu dis: je suis riche et je me suis enrichi et n'ai besoin de rien, et que tu ne sais pas que tu es le plus misérable et le plus pitoyable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille d'acheter de moi de l'or affiné dans le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs pour t'en couvrir et pour que la honte de ta nudité ne paraisse point, et un collyre pour oindre tes yeux afin que tu voies. Ceux que j'aime, je les reprends, moi, et je les châtie: sois donc zélé et repens-toi! Vois, je suis à la porte et je frappe: si quelqu'un veut écouter ma voix et ouvrir la porte, j'entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi. Au vainqueur je permettrai de s'asseoir avec moi sur mon trône, comme moi aussi j'ai vaincu et me suis assis avec mon père sur son trône. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux églises!

III, 14-22. Le mot hébreu Amen réunit les notions de la fidélité et de la véracité; comme terme emprunté à une langue étrangère et sacrée, il a plus de solennité. Jéhova a d'ailleurs reçu le même nom, És. LXV, 16 (comp. ci-dessus chap. I, 5). Christ est encore appelé le commencement de la création. Cette formule est analogue à celles employées Jean I, 1 ss. Hébr. I, 2. Col. I, 15. Éph. III, 9. Ktisis est l'acte de la création, bien qu'il signifie aussi la créature; mais arché est toujours le commencement et ne signifie le chef que dans le sens abstrait de pouvoir, autorité, magistrature, dans lequel il n'est jamais employé de Christ. La phrase entière, dans laquelle ces deux mots sont combinés, a toujours le sens que nous avons exprimé dans la traduction (2 Pierre III, 4. Marc X, 6; XIII, 19). Christ a donc préexisté à la création; cette dernière est un effet de sa puissance, en tant que c'est par lui que Dieu a créé le monde. La question de savoir si sa préexistence est absolue ou relative n'est pas décidée par notre texte; elle n'y est pas même touchée. En tout cas la traduction: le prince de la création, ou: le chef des créatures, est une concession faite au dogme officiel, mais qu'aucune raison exégétique ne justifie. Même Osterwald ne se l’est pas permise.

Les termes de froideur, ardeur, tiédeur, sont assez fréquemment employés chez nous dans le sens moral et n'ont pas besoin d'explication. La tiédeur, l'absence de tout caractère décidé, de toute volonté énergique, est quelque chose de méprisable et de dégoutant; elle facilite toute espèce de mal et ne donne aucune garantie pour le bien. L'emploi du mot vomir donne la mesure du sentiment qu'inspire une pareille disposition. Cette tiédeur n'exclut pas le moins du monde la vanité et la présomption, bien que celle-ci cache la plus triste faiblesse, voire une honteuse pauvreté. Les images destinées à peindre cette dernière s'expliquent aisément. La cécité, comme la nudité, est souvent la compagne ou la cause même de la misère, dans le sens propre comme dans le sens figuré. Il n'y a de vrai riche que Christ seul. C'est chez lui que chacun doit se pourvoir pour couvrir sa nudité naturelle, pour avoir les yeux clairvoyants et tous les trésors qui ne sont pas purement passagers et périssables. Mais pour cela il faut commencer par se reconnaître pauvre et misérable.

Je parle avec sévérité, ajoute le Seigneur; je le fais par amour (Prov. III, 12). Je suis toujours prêt à tendre la main à quiconque veut la saisir, je frappe à toutes les portes, il ne s'agit que de m'ouvrir. Cette dernière image devient aussitôt une allégorie. * Christ est reçu comme hôte par ceux qui l'aiment, qui sont heureux de le voir chez eux; il partage leur repas, c'est-à-dire qu'il vit dans leur intimité, comme jadis, pendant son séjour terrestre, il aimait à s'asseoir à la table des pécheurs dont il avait touché le cœur. En revanche, il les invite aussi à son propre festin, au banquet de son royaume, dont ses paraboles entretenaient autrefois ses disciples, et dont il sera question plus bas (chap. XIX, 9). À ce banquet, les élus siégeront près de lui (Matth. XX, 21), partageant sa gloire et sa félicité, comme lui-même siège à la droite du Père (Hébr. I, 3).

***

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant