Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APOCALYPSE DE JEAN

Chapitre 2

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1 À l'ange de l'église d'Éphèse tu écriras: Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, et qui marche au milieu des sept candélabres d'or: Je connais tes œuvres et ta peine et ta constance, et je sais que tu ne peux pas supporter les méchants, et que tu as mis à l'épreuve ceux qui se disent apôtres et qui ne le sont pas, et que tu les as trouvés menteurs; et tu as de la constance, et tu as souffert à cause de mon nom, et ne t'es point laissé fatiguer. Mais j'ai contre toi que tu as perdu ton premier amour. Souviens-toi donc d'où tu es déchu, et repens-toi. et fais tes premières œuvres; sinon, je viendrai à toi et j'ôterai ton candélabre de sa place, si tu ne te repens point. Cependant tu as ceci que tu hais les œuvres des Nicolaïtes que je hais aussi. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux églises: Au vainqueur je donnerai à manger de l'arbre de la vie, lequel est dans le jardin de mon Dieu.

II, 1-7. Dans l'adresse, les attributs de Christ sont empruntés à la description du chap. I, v. 13 et 16, Dans la péroraison la promesse est formulée au moyen d'une image que nous retrouverons dans la description de la nouvelle Jérusalem, chap. XXII, 2.

Le corps de l'épître, destiné à peindre et à apprécier les œuvres de l'église d'Éphèse, c'est-à-dire son état religieux et moral, tout ce qui peut servir à constater l'esprit et les tendances de la communauté au point de vue évangélique, mêle le blâme à l'éloge et nous la représente comme se trouvant dans une période de relâchement après un beau début. Elle ne laisse rien à désirer relativement à sa constance et à la pureté de la doctrine, malgré l'invasion de certains éléments pernicieux, mais le zèle évangélique s'est refroidi à d'autres égards et l'exercice des devoirs de la charité est négligé. La peine (ou, comme on traduit vulgairement, le travail) peut être rapportée à toutes les sphères de l'activité chrétienne; cependant l'usage du mot et le contexte nous recommandent de songer ici de préférence aux tribulations venues du dehors, aux vexations essuyées de la part des ennemis de l'Évangile, et auxquelles les fidèles doivent et savent opposer la constance, la persévérance, c'est-à-dire à la fois une patiente résignation et une ferme confiance en la victoire de la bonne cause. (Dans beaucoup d'éditions, le texte du 3e verset, sans changer de sens, offre une rédaction plus verbeuse.)

Les Éphésiens sont encore loués de ce qu'ils n'ont pas cédé aux influences des faux apôtres. Il y a trois phrases dans le texte qui peuvent être rapportées à ce fait:

1° tu ne peux pas supporter les méchants; à moins qu'on ne veuille voir là un éloge d'une portée plus générale et relatif à la pureté des mœurs et à la sévérité de la discipline, dont l'église d'Éphèse pouvait se vanter. Dans un sens plus restreint, ces méchants seraient précisément, 2° ceux qui se disaient apôtres sans en avoir le droit. Tu les as mis à l'épreuve, tu as exercé à leur égard le droit et le devoir de l'examen des esprits (1 Jean IV, 1 suiv. 1 Thess. V, 21. 1 Cor. XII, 10), et tu as reconnu que leurs prétentions sont sans fondement; ce qui implique l'assertion que leur enseignement était contraire à la vérité. Nous n'apprenons ici rien de précis sur la nature de cet enseignement, ni surtout sur les personnes auxquelles il est fait allusion. Mais on ne manquera pas de remarquer qu'elles sont accusées de vouloir se faire passer pour apôtres. Ce seul fait démontre que notre Apocalypse n'a pas pu être écrite à la fin du siècle, comme le prétend la tradition patristique, parce qu’à cette époque personne n'aurait plus osé usurper ce nom. 3° Si nous ne nous trompons fort, ces faux apôtres reviennent encore plus loin sous le nom des Nicolaïtes, et ces derniers ne constituent pas une nouvelle catégorie d'hérétiques ou de corrupteurs. Le texte ne fournit ici aucun moyen de déterminer la valeur de ce nom, mais comme nous rencontrerons celui-ci une seconde fois, v. 15, dans un passage plus explicite, nous en essayerons l'explication plus bas.

Le relâchement signalé à l'égard du zèle des chrétiens d'Éphèse provoque une menace de la part du Seigneur: Je viendrai à toi (le texte vulgaire ajoute: promptement, mot très superflu d'après l'esprit général des prophéties de ce livre, mais très familier aussi aux copistes) et j'ôterai ton candélabre de sa place; cela signifie que l'église elle-même, représentée par un candélabre (I, 20), sera rejetée par le Seigneur et éloignée de sa présence.

L'Esprit qui parle au v. 7, c'est l'esprit de prophétie qui émane de Christ (chap. XIX, 10) et dont Jean est l'organe, parlant, comme tous les prophètes, au nom d'un plus élevé que lui et non au sien propre. Le vainqueur est le fidèle persévérant jusqu'à la fin et triomphant de toutes les séductions du monde et de la chair, ainsi que de toutes les entraves posées à l'exercice de ses devoirs (1 Jean II, 13; V, 4. Apoc. XV, 2; XXI, 7).

8 À l'ange de l'église de Smyrne tu écriras: Voici ce que dit le Premier et le Dernier, qui était mort et qui revint à la vie: Je connais ta tribulation et ta pauvreté (mais tu es riche !) et la calomnie de la part de ceux qui se disent Juifs et ne le sont pas, mais qui sont une synagogue de Satan. N'aie pas peur de ce que tu vas souffrir. Vois ! le diable va jeter plusieurs des vôtres en prison pour que vous soyez éprouvés, et vous aurez une tribulation de dix jours. Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de vie ! Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux églises: Le vainqueur ne sera pas affligé par la seconde mort !

II, 8-11. Les attributs de Christ dans la formule de salutation sont pris dans chap. I, 17, 18. La promesse finale anticipe sur ce qui sera dit chap. XXI, 8. Dans l'exposé lui-même, les copistes, pour rendre la rédaction plus uniforme, ont introduit la formule: je sais tes œuvres. Il en est de même au v. 13.

Pour l'église de Smyrne, Christ n'a que des éloges. Rien dans son état actuel ne provoque le blâme. Mais cela ne lui épargnera pas les tribulations par lesquelles les fidèles serviteurs de Dieu sont éprouvés, et que celui-ci permet ou amène même pour les affermir et les purifier. L'église de Smyrne a déjà souffert et souffrira encore, mais seulement dix jours, c'est-à-dire pendant un court espace de temps, car la période totale des épreuves jusqu'à la parousie est de 1260 jours (chap. XI, 2, 3). Au point de vue matériel et extérieur c'est une église pauvre, recrutée sans doute dans les rangs inférieurs de la population; mais il est bon de lui rappeler qu'aux yeux du chrétien (et de Dieu) la véritable richesse consiste en d'autres biens qu'en ceux que prise le monde (chap, III, 18. Jacq. II, 5. 2 Cor. VIII, 9. 1 Tim. VI, 18, etc.).

Les ennemis les plus acharnés de l'église naissante sont ici comme ailleurs les Juifs, qui par des calomnies attirent sur les disciples de Christ les soupçons et les rigueurs des autorités païennes. Mais en agissant ainsi ils commettent un crime, ils ne sont plus dignes du nom de Juda, de ce nom d'honneur et de privilège auquel Dieu avait attaché ses promesses: ce nom ne saurait appartenir qu'à ceux qui, loin de mépriser les grâces du Très-Haut, cherchent à s'en rendre dignes en resserrant les liens de son alliance. Les véritables Juifs, le peuple de Dieu, ce sont les disciples de Christ (Gai. VI, 16). Eux, au contraire, appartiennent à Satan, dont ils forment l'église.

Sois fidèle jusqu'à la mort, jusqu'au bout, v. 26, ou bien: dusses-tu souffrir pis que la prison. La couronne de vie, 2 Tim. IV, 8. Jaq. I, 12. 1 Pierre V, 4. La seconde mort, la damnation éternelle, chap. XXI, 8.

12 À l'ange de l'église de Pergame tu écriras: Voici ce que dit celui qui tient l'épée aiguë à deux tranchants: Je sais où tu demeures, c'est là où est le trône de Satan. Et tu tiens fermement à mon nom et tu n'as pas renié ma foi, dans les jours où Antipas, mon fidèle témoin, a été tué chez vous, là où Satan demeure. Mais j'ai contre toi quelque chose: tu as là des gens qui tiennent à la doctrine de Balaam, lequel enseigna à Balak à poser un piège aux enfants d'Israël, de sorte qu'ils mangèrent des viandes consacrées aux idoles et se livrèrent au libertinage. C'est ainsi que toi aussi tu en as qui tiennent pareillement à la doctrine des Nicolaïtes. Repens-toi donc; sinon, je viendrai à toi promptement et je combattrai contre eux avec l'épée de ma bouche. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux églises: Au vainqueur je donnerai de la manne cachée et je lui donnerai une pierre blanche sur laquelle est inscrit un nom nouveau, que nul ne connaît, si ce n'est celui qui la reçoit.

II, 12-17. Pour l'attribut de Christ, voyez chap. I, 16. — L'épître fait ressortir trois choses particulières à l'église de Pergame. C'est d'abord la condition très périlleuse et affligeante dans laquelle elle est placée vis-à-vis du pouvoir ou de l'esprit païen. Satan, est-il dit, a établi sa demeure chez vous, dans votre ville. Christ sait cela, et tient compte aux siens de ce surcroît de dangers et de tentations. La phrase évidemment figurée, a été souvent expliquée comme se rapportant au fait que Pergame possédait un fameux temple d'Esculape, et que le Dieu y était représenté avec son emblème bien connu du serpent. Mais il suffit d'y voir en général une allusion, soit à une plus grande bigoterie idolâtre de l’endroit, nécessairement alliée à un esprit de fanatisme et de persécution, soit à des rigueurs officielles plus grandes ici qu'ailleurs. Il est naturel de supposer que la position civile de l'église naissante dépendait partout du bon et du mauvais vouloir des autorités locales.

En second lieu, il est fait mention d'une persécution récente, toute spéciale, dans laquelle un chrétien de Pergame, Antipater, périt victime de sa foi. Ce martyr ne nous est pas autrement connu, car les traditions qu'on trouve chez les Pères à son sujet ne reposent sur aucun fondement historique. D'un autre côté, il n'y a aucun motif de voir dans ce nom une énigme apocalyptique, comme cela est le cas pour celui qui va suivre.

Enfin le fait le plus saillant de cette épître, c'est la présence à Pergame de certains faux docteurs appelés d'abord successeurs ou disciples de Balaam et ensuite Nicolaïtes. Car le texte réclame impérieusement l’identification des deux noms. Dans le v. 15 il y a jusqu'à trois fois ces mots: c’est ainsi, aussi, pareillement (ce dernier remplace aujourd'hui dans les éditions l'ancienne leçon: que je hais), qui nous obligent de reconnaître que le nom de Nicolaïtes est pour l'auteur la forme grecque, ou moderne, ou historique, de ce qui est appelé dans le récit typique de l'Ancien Testament du nom de Balaam. Nous rejetons formellement l'opinion des Pères qui fait d'un diacre Nicolas de l'église de Jérusalem (Act. VI, 5), le chef d'une secte hérétique. Le nom de Balaam pouvait se traduire en grec par Nikolaos (Bila'-am. devorator, corruptor, subactor populi). L'auteur appelle donc Nicolaïtes ou Biléamites des hommes qui voulaient introduire dans l'église les principes prêchés jadis par Balaam (Nombr. XXV, 1 ss. ; XXXI, 16), c'est-à-dire qui représentaient la participation aux festins et même au culte des païens, comme chose licite ou indifférente (1 Cor. VIII; X. Act. XV, 29), tandis que c'était une abomination aux yeux des chrétiens rigides et pieux, et de fait un acte d'apostasie (1 Cor. X, 21). L'impudicité mentionnée en même temps peut se rapporter aux orgies qui accompagnaient certaines cérémonies du culte païen, ou bien encore il peut être question de ce libertinisme châtié aussi par Paul (1 Cor. VI, 12 ss.) et provenant d'une fausse idée de la liberté chrétienne, ou enfin il pourrait être parlé (comme dans le passage cité des Actes) de principes relâchés au sujet des degrés défendus pour le mariage. Sur l'usage homilétique du nom de Balaam, voyez encore 2 Pierre II, 15. Jud. 11, et sur la prétendue polémique de l'auteur de l'Apocalypse contre Paul, voyez Histoire de la théol. apost. I, 360. Du reste, l'injonction du repentir, V. 16, semble indiquer que l'église de Pergame usait de plus de tolérance que celle d'Éphèse à l'égard de ces faux docteurs.

La manne, représentée par la tradition des Juifs comme tombée du ciel (Exod. XVI. Psaum. LXXVIII, 24; GV, 40), est nommée ici comme l'aliment des bienheureux. Cependant l'auteur n'y revient pas dans la description de la nouvelle Jérusalem. Elle est dite cachée, parce qu'elle ne se montrera plus sur la terre avant la consommation des temps; peut-être aussi est-il fait allusion à l'antique tradition, d'après laquelle les objets sacrés, déposés autrefois dans le sanctuaire, et parmi lesquels se serait trouvé un vase rempli de la manne du désert, auraient été sauvés de la destruction par Jérémie et devront reparaître lors de l'avènement du Messie (2 Macc. II, 5 ss.). En tout cas il n'y a pas lieu de chercher l'explication de notre texte dans l'évangile de Jean VI, 31 ss., où il s'agit de tout autre chose.

En outre, les saints recevront une pierre Manche, brillante, sur laquelle sera inscrit un nom nouveau, et lisible seulement par celui qui la (et non pas le) reçoit. Des pierres, désignées précisément par le terme technique employé dans notre texte, servaient chez les Anciens à différentes fins. On en donnait aux vainqueurs dans les jeux gymnastiques, on en usait dans les élections, dans les votes judiciaires, pour absoudre ou pour condamner; c'étaient aussi des marques de reconnaissance entre des hôtes de différentes villes ou nations, ou bien encore ce que sont aujourd'hui des billets d'entrée ou de recommandation. Elles serviront donc ici aussi de signe de reconnaissance, ou de titre d'admission au royaume de Dieu, et nous aurons à songer de préférence à des bijoux gravés ou servant de cachet. Le nom inconnu et ineffable qui y sera inscrit n'est pas un nom d'individu, un nouveau nom personnel qu'on adopterait comme le fait un catholique en entrant en religion. C'est le nom de Jéhova même (chap. III, 12; XIV, I; XIX, 12), ce nom mystérieux dont la véritable prononciation est un secret, que le ciel se réserve de dévoiler à ceux qui lui appartiendront. C'est un nom nouveau, aucun mortel ne l'ayant jamais entendu.

18 À l'ange de l'église de Thyatire tu écriras: Voici ce que dit le fils de Dieu dont les yeux sont comme des flammes de feu, et dont les pieds sont semblables à l'airain: Je connais tes œuvres et ton amour et ta foi et tes services et ta constance, et tes dernières œuvres plus nombreuses que les premières. Mais j'ai contre toi que tu tolères ta femme Jézabel, qui se dit prophétesse et qui séduit mes serviteurs en leur enseignant à se livrer au libertinage et à manger des viandes consacrées aux idoles. Je lui ai donné du temps pour qu'elle se repentît, et elle ne veut pas se repentir de son impudicité. Voici, je vais la jeter sur le grabat, et ceux qui ont commis adultère avec elle, je leur enverrai une grande tribulation, s'ils ne se repentent de leurs œuvres. Et je ferai mourir de mort ses enfants, et toutes les églises reconnaîtront que c'est moi qui sonde les reins et les cœurs, et je vous donnerai à chacun selon vos œuvres. Quant à vous autres qui êtes à Thyatire, qui ne professez pas cette doctrine, et qui n'avez point connu les profondeurs de Satan, comme ils les appellent, je vous dis: Je ne vous impose pas d'autre fardeau; seulement ce que vous possédez, tenez-y ferme jusqu'à ce que je vienne! Et le vainqueur, et celui qui garde mes œuvres jusqu'à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les nations, et il les paîtra avec une verge de fer, comme on brise les vases de terre, comme moi aussi j'en ai reçu le pouvoir de mon père, et je lui donnerai l'astre matinal. Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux églises!

II, 18-29. La formule initiale de cette épître reproduit les traits de Christ d'après chap. I, 14, 15.

Les dispositions de l'église de Thyatire et les actes qui en sont la manifestation, sont compris sous le nom général des œuvres, comme cela a lieu dans plusieurs autres épîtres. Mais ce terme est ici analysé au moyen de plusieurs caractères spéciaux, sur la valeur relative desquels il est intéressant de s'arrêter un instant. A notre avis, l'amour et la foi, les services et la constance (dans l'énumération desquels les éditions suivent un ordre différent), ne représentent que deux caractères et non quatre. Le service est très certainement l'ensemble de tous les actes de charité fraternelle, l'accomplissement des devoirs envers le prochain, et non pas exclusivement le soin donné aux pauvres que nos traductions se permettent de glisser dans le texte: c'est donc la manifestation pratique de l'amour chrétien. La constance est, comme nous l'avons déjà fait remarquer, la patiente résignation et surtout la confiance en Dieu et en sa cause, et comme telle, la manifestation de la foi, laquelle se rapporte essentiellement aux choses à venir, ici comme dans beaucoup d'autres livres du Nouveau Testament (excepté Paul et le 4e évangile). Encore ne faut-il pas négliger ce fait que l'amour précède la foi, ce qui serait impossible avec la notion de la foi telle qu'elle est conçue et formulée par les deux auteurs nommés en dernier lieu. — Les dernières œuvres plus nombreuses que les premières, marquent les progrès des chrétiens de Thyatire, et les représentent comme se trouvant dans ^une condition opposée à celle des Éphésiens.

Mais ici encore il y a des erreurs et des égarements à signaler, non seulement comme existant de fait, mais surtout comme tolérés, tandis que l'église aurait dû s'opposer à leur invasion ou travailler à leur extirpation. Pour le fond, ces erreurs sont les mêmes que celles que nous avons vues à Pergame; il n'y a que le nom de changé; Balaam est remplacé par Jézabel. Les deux noms sont également mystiques et caractérisent la tendance qu'ils représentent comme tenant au paganisme tant par les principes que par les actes. S'il est dit: ta femme Jézabel, c'est que cette tendance exerce à Thyatire un ascendant marqué sur l'esprit de la communauté et prétend s'y poser en maîtresse. Nous ne pensons pas que l'auteur veut désigner (comme on l'a cru) une personne historique, par exemple la femme de l'évêque du lieu (!) ou une prostituée connue de toute la ville. Une pareille personne aurait dû être expulsée purement et simplement et non invitée à se repentir. Les gens qui commettent adultère avec elle sont les mêmes que ceux qui sont appelés ses enfants; ce sont les fauteurs de ce libertinisme païen déjà caractérisé plus* haut. Le grabat, symbole de la maladie, est une expression figurée pour toute espèce de châtiment divin; elle est choisie par opposition à l'idée d'un lit de luxure, symbole du dévergondage religieux reproché aux faux docteurs de Thyatire. La mort, dans le style populaire, c'est la peste, l'épidémie mortelle; cependant rien n'empêche de prendre cette menace à la lettre.

Un nouveau trait caractéristique de cette fausse doctrine est donné dans la phrase: connaître les profondeurs de Satan. Les adversaires combattus par l'auteur se vantaient évidemment de posséder une connaissance plus approfondie des choses divines, ils affichaient une gnose particulière de ce qu’ils appelaient les profondeurs de Dieu, c'est-à-dire les mystères de son être et de ses rapports avec le monde (voyez pour le terme, 1 Cor. II, 10). Eh oui! dit le prophète, on peut accepter et cette prétention à la science exclusive et ce nom donné à son objet, seulement il faudra substituer au nom de Dieu celui de Satan. L'ironie de cette rétorsion se montre surtout dans l'emploi de la phrase: comme ils les appellent, qui dans l'esprit des gnostiques doit se rapporter au terme de profondeurs, mais que le texte a l'air de vouloir étendre au nom de Satan. En tout cas, c'est Christ qui fait cette rétorsion et non les fidèles de Thyatire.

La promesse finale rappelle un passage du Psaume II (v. 8, 9), où l'empire du monde et le triomphe sur toutes les résistances sont promis à l'oint du Seigneur. Ici cette promesse est faite à tous les fidèles. L'expression: il les paîtra, au lieu de: il les Irisera, est empruntée à la traduction fautive des Septante. L'astre matinal, l'étoile du matin, la plus belle du ciel, est le symbole de l'éclat le plus parfait, de la gloire céleste. Comme Christ lui-même est appelé de ce nom (chap. XXII, 16), cela revient à dire: Je les recevrai dans ma gloire, je la leur ferai partager. Comp. Dan. XII, 3. Matth. XIII, 43.

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