Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APOCALYPSE DE JEAN

Chapitre 1

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1 Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt, et qu'il a signifiée, en envoyant son ange, à son serviteur Jean, lequel atteste la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ, tout ce qu'il a vu. Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent ce qui y est écrit: car le moment est proche!

I, 1-3. Titre et épigraphe du livre. Il s'agit d'une révélation à faire aux hommes de la part de Dieu; celui-ci la donne à Jésus pour la transmettre à ses serviteurs; Jésus envoie un ange pour la signifier à Jean; enfin, Jean atteste ce qu'il a vu et entendu et en fait ainsi part à ses lecteurs. Cette transmission par plusieurs intermédiaires sert à rehausser d'avance la grandeur du sujet. Le terme de révélation est pris ici dans le sens subjectif; c'est le Christ qui la fait et la transmet à d'autres. Mais le sujet même de tout le livre, c'est la révélation de Christ dans le sens objectif, le récit de la manière dont il sera révélé lui-même au monde. Pour le troisième sens du mot, exprimé dans le titre, nous avons conservé le terme grec.

La révélation se fait, du moins pour le prophète, non pas exclusivement en paroles, mais encore et surtout en images. Voilà ce qui a fait choisir à l'auteur l'expression très juste de signifier, et la phrase: ce qu’il avu, par laquelle il résume ce qu'il venait de nommer la parole de Dieu et le témoignage de Jésus. Car la vision est la forme la plus fréquente de cette communication.

L'ange qui sert d'intermédiaire entre Christ et le prophète n'est pas désigné par un nom propre, comme c'est le cas dans d'autres apocalypses (le livre de Daniel nomme Michael, le livre d'Hénoch, Uriel). Il faut d'ailleurs remarquer que dans le cours de la nôtre, divers anges viennent parler au prophète.

Deux fois dans ces premières lignes, l'auteur insiste sur ce que les choses ici révélées vont s'accomplir sans retard, l’époque en étant proche. Les interprètes de tous les siècles ont hardiment passé à pieds joints sur cet avertissement.

4 Jean aux sept églises qui sont en Asie. Grâce et salut à vous de la part de Celui qui est et qui a été et qui viendra, et de la part des sept esprits qui sont en face de son trône, et de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts et le souverain des rois de la terre! À lui qui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son sang, et qui a fait de nous un royaume, des prêtres à Dieu son père, à lui la gloire et la puissance à tout jamais! Amen. Voyez! il vient avec les nuées, et tout œil le verra, et ceux qui l'ont transpercé, et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui. «Oui, amen! Moi, je suis l'alpha et l'oméga!» dit le Seigneur Dieu, qui est et qui a été et qui viendra, le Tout-Puissant.

I, 4-8. Dédicace. Le livre, destiné, d'après sa portée prophétique, à la chrétienté contemporaine tout entière, est dédié à un cercle plus restreint de communautés, reliées entre elles par des liens à la fois politiques et ecclésiastiques, et en même temps, comme on le verra aux chap. II et III, plus particulièrement connues de l'auteur. L’Asie est partout dans le Nouveau Testament, non le grand continent auquel nous donnons ce nom, mais la province romaine qui comprenait seulement la partie sud-ouest de ce que nous appelons l'Asie-mineure, et dont Éphèse était le chef-lieu. Dans cette province il y avait, à cette époque déjà, plus de sept églises chrétiennes. Outre celles dont l'énumération va suivre, les épîtres de Paul nomment encore Colosses et Hiérapolis. D'autres, signalées dans les épîtres d'Ignace, sont peut-être d'une origine plus récente. Les deux que nous venons de mentionner, peuvent avoir été regardées comme des annexes de Laodicée, leur voisine. Mais on admettra tout aussi bien que le nombre sept a été choisi arbitrairement comme nombre sacré, ainsi qu'il se rencontre fréquemment dans ce livre.

Le prophète salue les églises au nom dé Dieu et de Jésus-Christ, qui tous les deux sont distingués par une série d'attributs.

Dieu est nommé Celui qui est et qui a été et qui viendra. On peut regarder cette formule comme l'analyse théologique du nom de Jéhova (Iaheweh), dérivé du verbe hawah (être), et désignant, selon les Juifs mêmes, l'existence d'après toutes les relations du temps. Seulement l'auteur, en mettant: qui viendra, au lieu de: qui sera, a choisi une formule plus particulièrement apocalyptique et servant en même temps à rapprocher le Fils du Père, parce qu'elle doit avant tout rappeler la venue future du premier, laquelle, dans la conception humaine du moins, domine ici la notion de l'éternité; car tout ce qui sera, est subordonné au fait que le Christ doit venir.

Après cette première formule, qui exprime ce qu'on peut appeler l'absoluité de Dieu, le texte en offre une seconde qui introduit les perfections concrètes de l'Être suprême, ses attributs. Il les nomme les sept esprits placés devant le trône de Dieu. On aurait positivement tort de voir là sept anges supérieurs, les amshaspands de la mythologie parse, qui reparaissent aussi dans celle des Juifs et des chrétiens. Ces sept esprits sont des personnifications des attributs de Dieu; on pourrait dire des rayons de la lumière divine, une dans son essence, septuple dans ses manifestations. La théologie juive fondait cette conception sur un passage du prophète Ésaïe (chap. XI, 2). Elle est d'ailleurs analogue à ces autres plus connues et plus populaires, d'après lesquelles l’Ancien Testament déjà parle de la Sagesse, de la Parole, de l'Esprit (au singulier), comme d'êtres personnels, d'hypostases. Le prophète Zacharie (chap. III, 9) paraît avoir conçu l'idée de la providence ou du gouvernement du monde sous une image analogue imitée dans notre Apocalypse (chap. V, 6). Les attributs de Dieu étant considérés comme ayant une existence personnelle et distincte, à côté de l'être divin considéré en lui-même et d'une manière abstraite, nous ne saurions être surpris de voir les églises saluées en leur nom. Mais nous nous permettrons de faire remarquer qu'un auteur qui parle de sept esprits de Dieu ne saurait avoir été préoccupé d'une formule théologique d'après laquelle l’Esprit est une des trois personnes de la divinité.

Les épithètes données au Fils sont au nombre de trois. La première (le témoin) rappelle son ministère prophétique, le plus important dans ce moment, et s'applique nécessairement aux révélations contenues dans ce livre (comp. v. 2 et chap. XXII, 20). La seconde (le premier-né des morts) signale le fait le plus glorieux de son existence antérieure (comp. Col. I, 18). La troisième exprime l'idée de la suprême domination de Christ sur toutes les puissances (Éph. I, 21. Col. II, 10). À ces trois épithètes se rattache une longue doxologie ou formule de glorification, laquelle à son tour se compose de deux éléments. Elle rappelle d'abord l'œuvre terrestre de Christ, œuvre d'amour et de réparation; elle s'arrête en second lieu, et plus au long, à son œuvre ultérieure, le jugement dernier.

L'idée d'une purification du pécheur par le sang de Christ se trouve aussi ailleurs dans le Nouveau Testament (I Jean I, 7. Hébr. IX, 22 ss.); ici cependant cette idée est rendue par une métaphore très hardie (et même paradoxale dans la forme qu'elle prend chap. VII, 14), qui combine le fait de l'effusion du sang avec celui d'une ablution. C'est qu'il ne faut pas oublier que le premier seul est un fait matériel, le second est idéal et appartient à la sphère spirituelle. (Une variante adoptée par plusieurs éditeurs modernes met: déliés, au lieu de: lavés.) Par cette ablution opérée au moyen du sang de Christ, les hommes se trouvent avec Dieu dans un rapport nouveau. Pareils aux sacrificateurs de l'ancienne Alliance qui se purifiaient avant de s'approcher du lieu saint, les croyants ont maintenant le privilège de venir au sanctuaire, de se présenter devant l’Éternel qu'ils, n'ont plus à craindre comme juge. Ce privilège leur est acquis dès à présent, mais ils n'auront à le faire valoir pleinement que dans cet avenir dont la perspective s'ouvre ici même devant eux. De cette manière, le fait en question relie l'un à l'autre les deux mondes ou ordres de choses et forme la transition au jugement dernier. La même remarque s'applique à l'autre qualification donnée aux croyants: Christ a fait d'eux un roymme; idéalement ce royaume existe déjà, mais il doit se réaliser visiblement par la venue future de son roi et il se composera de ceux qui dès à présent en font partie sans jouir encore de sa gloire. Le texte vulgaire, pour employer une expression en apparence plus naturelle, met: il nous a faits rois. Mais notre leçon vaut mieux en ce qu'elle rend exactement la forme hébraïque de la pensée. Car l'Ancien Testament aussi n'appelle pas rois les citoyens du royaume de Dieu, il emploie le mot royaume au sens concret (Exod. XIX, 6).

Les dernières lignes du texte peignent déjà l'avenir lui-même comme tel (au futur), et introduisent ainsi dès la première page du livre une esquisse du tableau que donnera la dernière. Le Messie triomphateur apparaîtra dans les nuées (Dan. VII, 13. Matth. XXIV, 30), et se montrera non plus seulement à ses disciples intimes, mais à ses ennemis mêmes, à ceux qui l'ont transpercés (Zach. XII, 10), c'est-à-dire crucifié; sa présence les remplira de terreur et leurs cris de désespoir retentiront à côté des chants de gloire des élus.

Voilà ce que la doxologie prononcée par le prophète proclame d'avance pour la consolation de ses lecteurs et comme pour corroborer une promesse faite en son nom. Dieu lui-même prend finalement la parole et prononce un solennel Amen!

Dans les éditions ordinaires, le texte est assez peu châtié ici. D'abord on rattache très mal à propos le: Oui, Amen! à ce qui précède, comme si c'était l'auteur qui parle. Ensuite le nom de Dieu est omis, de sorte que les commentateurs croient devoir mettre la phrase dans la bouche de Christ. Enfin, les copistes ont cru nécessaire d'ajouter à ces mots: Je suis l'alpha et L'oméga (la première et la dernière lettre de l'alphabet grec), cette note explicative: le commencement et la fin.

9 Moi, Jean, votre frère et associé dans la tribulation, dans le royaume et dans l'attente de Jésus-Christ, je me trouvai dans File qui est appelée Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je me trouvai en extase, le jour du Seigneur, et j'entendis derrière moi une voix puissante, comme le son d'une trompette, qui disait: Ce que tu vas voir, écris-le dans un livre, et envoie-le aux sept églises, à Éphèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatires, à Sardes, à Philadelphie et à Laodicée.

12 Je me retournai pour voir la voix qui me parlait et, m'étant retourné, je vis sept candélabres d'or, et au milieu des candélabres quelqu'un, semblable à un fils d'homme, vêtu d'une longue robe et ceint autour de la poitrine d'une ceinture d'or; sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme de la neige; et ses yeux étaient comme des flammes de feu, et ses pieds semblables à l'airain, comme rougis dans une fournaise; et sa voix comme le bruit de grandes eaux; dans sa main droite il tenait sept étoiles; une épée aiguë, à deux tranchants, sortait de sa bouche, et son visage ressemblait au soleil quand il luit dans tout son éclat.

17 Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort, et il posa sa droite sur moi en disant: « N'aie pas peur! Je suis le premier et le dernier, et le vivant; j'étais mort, et vois I je suis vivant aux siècles des siècles, et je tiens les clefs de la mort et de l'enfer. Écris donc ce que tu as vu, et ce qui est, et ce qui doit arriver après, le mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma droite, et les sept candélabres d'or. Les sept étoiles sont les anges des sept églises et les candélabres sont les sept églises.

I, 9-20. Vision préparatoire. Jésus apparaît à Jean pour le charger de la vision prophétique déjà annoncée au 1er verset.

L'auteur s'introduit (en imitant le style de Daniel VIII, 1; IX, 2; X, 2, etc.) comme l'associé des églises d'Asie dans la tribulation, dans le royaume et dans l'attente de Jésus-Christ. L'ordre logique aurait exigé que le royaume fût mis à la fin, à moins qu'on ne veuille voir ici le royaume encore invisible des croyants qui attendent la manifestation future de Christ. Quoi qu'il en soit, les trois phases ci-dessus indiquées de la vie des fidèles les mettent également en relation avec le Seigneur, bien qu'à des titres divers: la tribulation est endurée à cause de lui; l'attente patiente dirige ses regards vers lui, le royaume est l'union avec lui; mais le langage apostolique se sert d'une seule et même préposition (en) pour les trois rapports. Nous avons cru devoir l'omettre pour éviter toute obscurité.

Suit l'indication du lieu, du jour et de la forme de la communication céleste. Quant à ce qui est de l'île de Patmos, nous nous en rapportons à ce qui a été dit dans l'introduction. Le jour du Seigneur n'est pas nommé ailleurs dans le Nouveau Testament et l'exégèse n'est pas parvenue à fixer l'opinion à ce sujet. On hésite toujours entre le dimanche et la fête de Pâques, jour de la résurrection. Contre la première version on peut dire que l'expression du texte est trop précise, trop individuelle, et qu'il est difficile de croire qu'à cette époque le sabbat aura déjà été remplacé par le dimanche. Contre la seconde il y a à observer que notre livre , a été écrit entre le mois de juillet 68 et les premiers jours de 69, de sorte que la Pâque, si l'on devait s'y arrêter, appartiendrait à la fiction. Cette dernière considération et l'usage postérieur du terme dans le langage ecclésiastique peut faire pencher la balance en faveur du dimanche, à moins qu'on ne veuille admettre que les visions sont antidatées.

Ce qui nous intéresse davantage, c'est la condition d'esprit dans laquelle le prophète dit avoir été à partir du moment qu'il signale. Je me trouvai (littéralement) en esprit; cette phrase ne parle pas simplement d'une inspiration reçue, comme elle arrivait à tous les prophètes, mais d'un état tel, que l'esprit seul restait actif, éveillé, tandis que le corps, les sens restaient inactifs, neutres, et comme en léthargie. C'est là ce qu'on appelle l'extase, l'état où l'âme, transportée hors de la sphère des sens, est en contact avec un monde étranger à ces derniers et à la vie réelle.

Les sept églises sont énumérées dans l'ordre de leur situation géographique, en commençant par celle qui était la plus rapprochée de Patmos. Il n'y a donc point de mystère apocalyptique dans cette succession.

C'est au milieu de ces églises, représentées sous la figure de sept chandeliers ou flambeaux qui éclairent la chrétienté de leur lumière (Matth. V, 14 ss.), qu'apparaît Christ, dans son rôle et costume de révélateur, et tout différent de ce qu'il sera dans les tableaux de l'avenir lui-même. Les traits du portrait sont empruntés au livre de Daniel; cependant là ils s'appliquent, soit à Dieu même (chap. VII, 9), soit à l’ange (chap. X, 5); ce n'est que la formule: semblable à un fils d'homme, c'est-à-dire à un mortel (et non: au fils de l'homme), qui dans Daniel aussi (chap. VII, 13) est appliquée au Messie, d'après l'explication traditionnelle. La robe longue, descendant jusqu'aux talons (vestis talaris), c'est le costume sacerdotal. Les cheveux blancs, ici comme partout, sont le trait caractéristique de la vieillesse; et cela d'autant plus sûrement que le texte original (Dan., 1. c.) le dit exprès. Christ apparaît donc ici, non comme le personnage historique qui mourut avant d'avoir atteint sa quarantième année, mais comme la personne divine revêtue des attributs symboliques de l'éternité.

Le mot grec que nous avons traduit par airain ne se rencontre pas ailleurs dans l'ancienne littérature et est de signification douteuse. Il s'agit sans doute d'un métal composé. Le passage parallèle de Daniel (chap. X, 6) ne fournit pas d'éclaircissement et les scholiastes qui proposent le vermeil se sont trompés. Luther, en mettant le laiton, a été plus près de la vérité que de la poésie. Le bruit des grandes eaux, phrase consacrée par les psaumes et les prophètes, c'est en simple prose le mugissement de l'océan. L'épée à deux tranchants, c'est la parole divine (És. XI, 4; XLIX, 2. 2 Thess. II, 8. Hébr. IV, 12. Apoc. XIX, 15, 21). Le soleil dans son éclat (litt.: dans sa force), Juges V, 31. — Ce portrait, comme on voit, tient moins à Fart plastique qu'à la réflexion théologique, comme cela sera le cas partout ailleurs dans les peintures de ce livre. Le caractère sacerdotal, l’éternité, la puissance irrésistible de la parole, l’éclat impénétrable et éblouissant qui éloigne le regard profane de la contemplation directe de la divinité, voilà les idées qu'il s'agissait de rendre sensibles à l'intelligence au moyen de symboles. Ainsi comprises, elles seront toujours grandioses et expressives; sous le pinceau et le burin elles deviennent grotesques. On n'a qu’à voir dans nos vieilles bibles le Christ avec l'épée entre les dents et les sept étoiles sur le bout des doigts.

L'effet produit sur le mortel par cette vision majestueuse est le même que celui décrit dans Dan. VIII, 18; X, 8. Ez. I, 28. Il y a des scènes semblables dans toutes les apocalypses. La présence de l'être divin frappe de stupeur, et même de mort, le pécheur non purifié (Exod. XXXIII, 20. Juges VI, 23; XIII, 22. Es. VI, 4). Mais Christ, qui a lui-même vaincu la mort en sortant vivant du tombeau, et qui possède désormais une vie. sans fin (Hébr. VII, 16), lui qui a les clefs de l’enfer, de ce séjour des morts dont les portes seraient restées à jamais fermées sans lui, Christ peut dire au mortel effrayé: aie pas peur! (Dan. X, 12), et lui assurer la vie malgré la terreur accablante qui le fait tomber à terre.

Les commentateurs sont divisés au sujet des anges qui président aux sept églises. La majorité y voit des chefs mortels, des évêques, des surveillants. On rappelle à ce sujet que la Synagogue aussi avait un fonctionnaire appelé l'Envoyé (S'elîah) et chargé de faire la lecture, la convocation, la prière, la correspondance, etc. On dit encore que Jean n'aurait pas reçu l'ordre d'écrire des lettres à d'autres qu'à ses semblables. Malgré cela, nous n'hésitons pas à adopter l'opinion contraire qui y voit de véritables anges. D'abord il nous semble difficile d'admettre que ce mot, qui se rencontre près de 70 fois dans ce sens dans les autres chapitres, ait une signification différente dans les deux qui vont suivre. Ensuite le S'elîah de la Synagogue était un employé subalterne et un le chef dont parlent les évangiles (par exemple Marc V, 22. Luc VIII, 41). Le livre de Daniel parle d'anges préposés aux divers empires; le livre de Tobie connaît des anges députés auprès de certains individus; le Nouveau Testament parle d'anges gardiens (Matth. XVIII, 10); pourquoi, en présence d'une théorie comme celle exprimée Hébr. I, 14, l'auteur n'aurait-il pas pu assigner à des anges la garde spéciale des divers troupeaux? Du reste, qu'on veuille bien remarquer que ce n'est pas Jean qui écrit ces lettres, c'est Christ qui les dicte, et par conséquent l'argument mentionné plus haut tombe de lui-même. Il va sans dire que dans la réalité pratique ces lettres s'adressent aux fidèles, membres de ces églises; l'adresse qui nomme l'ange appartient à la forme apocalyptique.

Les seules images, dans tout ce morceau, qui appartiennent en propre à notre auteur, sont celles des sept étoiles et des sept chandeliers. Ce sont aussi les seules obscures, qu'il se voit obligé d'expliquer lui-même, comme c'est l'usage des anciens prophètes dans des cas pareils, Voyez, par exemple, Jér. I, II ss. ; XXIV. Amos VII; VIII; etc.

Suivent les sept épîtres aux sept églises de la province d'Asie. Pour ce qui concerne leur forme commune à toutes, nous renvoyons le lecteur à l'introduction générale, page 20.

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