Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre 25

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6 Après s'y être arrêté huit ou dix jours au plus, il retourna à Césarée, et dès le lendemain, ayant pris place sur son tribunal, il ordonna d'amener Paul. Celui-ci s'étant présenté, les Juifs venus de Jérusalem l'entourèrent, en formulant de nombreuses et graves accusations qu'ils ne pouvaient prouver, tandis que Paul se défendait en disant qu'il n'avait rien fait de mal, ni contre la loi des Juifs, ni contre le temple, ni contre l'empereur.

9 Cependant Festus, qui voulait obliger les Juifs, prit la parole et dit à Paul: «Veux-tu aller à Jérusalem et y être jugé en ma présence relativement à ces choses?» Mais Paul répondit: «C'est devant le tribunal de l'empereur que je suis placé; c'est là que je dois être jugé! Je n'ai fait aucun tort aux Juifs, comme tu le sais parfaitement toi-même. Si je suis coupable et que j'aie fait quelque chose qui doive être puni de mort, je ne demande pas grâce. Mais si je n'ai rien fait de ce dont ceux-ci m'accusent, personne n'a le droit de me livrer à eux par complaisance. J'en appelle à l'empereur!»

12 Alors Festus, après en avoir délibéré avec son conseil, répondit: «Tu en as appelé à l'empereur, tu paraîtras devant l'empereur.»

XXV, 6-12. On reconnaît facilement la nature des accusations formulées par les Juifs, par les dénégations que leur oppose Paul. Le gouverneur a dû comprendre sans peine que l'accusé était innocent au point de vue de la loi romaine, et il ne pouvait être question de livrer un citoyen romain à un tribunal étranger. Mais il lui répugnait aussi d'inaugurer son administration par un acte qui aurait évidemment indisposé au plus haut point l'aristocratie du Sanhédrin. Il cherche donc un moyen de satisfaire à la fois sa conscience de juge et les exigences de sa politique. Il propose à Paul de se faire juger à Jérusalem en sa présence. C'était ce que les Juifs lui avaient demandé. Il ne pouvait pas légalement forcer Paul d'accepter cette proposition; il pouvait même prévoir que celui-ci la rejetterait; mais, dans ce cas même, il s'était montré favorable aux Juifs, et c'était tout ce qu'il désirait. À son tour, Paul fait une démarche à laquelle Festus ne s'attendait pas. Il interjette appel, non contre un arrêt qui n'avait pas été rendu, mais pour décliner la compétence d'un juge qui paraissait assez disposé à faire fléchir le droit par complaisance. À cet effet, il divise les divers chefs d'accusation en deux catégories: la première, ce seraient des torts contre les Juifs et leurs lois; quant à ceux-là, le gouverneur ne sait que trop bien (mieux qu'il ne veut en avoir l'air) qu'ils sont purement imaginaires. Il n'y a donc pas lieu de prononcer un renvoi au Sanhédrin. La seconde catégorie, la seule qui soit en question ici, ce seraient des crimes prévus par la loi romaine. Eh bien, quant à ceux-ci, dit Paul, de deux choses l'une: ou bien je suis coupable, qu'on me juge, qu'on me condamne; ou bien je suis innocent, comme on paraît le reconnaître; dans ce cas, on n'a pas le droit de me livrer à un autre tribunal. Et, fatigué de ces éternels délais et chicanes, il demande à être jugé par la cour de l'empereur. Le conseil de préfecture consulté, ayant reconnu que Paul était recevable dans sa demande, le gouverneur lui en donne acte.

13 Quelques jours après, le roi Agrippa et Bérénice arrivèrent à Césarée, pour complimenter Festus. Comme ils s'y arrêtèrent plusieurs jours, Festus exposa au roi l'affaire de Paul, en disant: «Il y a ici un homme que Félix a laissé prisonnier, au sujet duquel, lors de ma présence à Jérusalem, les chefs des prêtres et les anciens des Juifs introduisirent une plainte, en demandant contre lui un arrêt de condamnation. Je leur répondis que les Romains n'avaient pas l'habitude de livrer un homme par complaisance, avant que l'accusé ait été confronté avec ses accusateurs, et qu'il ait obtenu la faculté de se justifier à l'égard de l'accusation.

17 En conséquence, ils se rendirent ici avec moi, et dès le lendemain, sans plus de délai, je pris place au tribunal et je fis amener cet homme. Mais les accusateurs qui se présentèrent n'articulèrent aucun des griefs auxquels je m'attendais; c'étaient des controverses relatives à leur propre religion, qu'ils avaient à débattre avec lui, entre autres au sujet d'un certain Jésus, qui était mort, et que Paul prétendait être en vie. Moi, ne sachant que faire à l'égard d'un pareil différend, je lui demandai s'il consentirait à aller à Jérusalem pour y faire juger ce procès. Mais Paul ayant interjeté appel, à l'effet de faire réserver sa cause à la connaissance de Sa Majesté, j'ordonnai de le garder jusqu'à ce que je pusse l'envoyer vers l'empereur.»

22 Sur cela, Agrippa dit à Festus: «Je désirerais bien entendre cet homme moi-même.» — «Eh bien, dit-il, demain tu l'entendras!»

XXV, 13 - 22. Cet Agrippa était le fils du roi Hérode Agrippa, dont la mort a été racontée au chap. XII. L'empereur Claude lui avait donné une petite principauté au nord-est de la Palestine, sur le versant oriental du Liban, celle-là même qu'avait autrefois gouvernée son grand-oncle Philippe, dont il est question dans l'histoire évangélique. Il résidait habituellement à Jérusalem, où il exerçait une certaine influence sur les affaires publiques. La visite qu'il vient faire au nouveau gouverneur était un acte de politesse de la part d'un petit vassal de l'empire envers le représentant du gouvernement de l'empereur, et cet acte aura été d'autant plus significatif, si Agrippa venait directement de sa province pour faire la première visite; s'il était venu de Jérusalem, ce n'aurait été sans doute qu'une courtoisie rendue. Bérénice, sa sœur (et sœur de Drusille, XXIV, 24), était veuve d'un petit prince syrien, également vassal des Romains; elle vivait à cette époque à la cour de son frère, se remaria plus tard à un roi (vassal) cilicien, et acquit une certaine célébrité dans l'histoire et dans la littérature (par la tragédie de Racine), comme maîtresse des deux empereurs Flaviens, père et fils, Vespasien et Tite.

L'exposition de la cause, telle que Festus la fait à Agrippa, est assez simple et naturelle, au point de vue du droit romain. Il s'y dessine d'une manière non méconnaissable une certaine indifférence dédaigneuse. On entrevoit même que le gouverneur se serait exprimé d'une manière plus ironique encore, s'il n'avait eu à parler à un prince juif, dont il devait ménager les susceptibilités tout en présumant, et non sans raison probablement, qu'il se mettait, lui aussi, au-dessus de pareilles querelles.

23 Le lendemain donc, Agrippa et Bérénice étant arrivés en grande pompe, et s'étant rendus à la salle d'audience avec les officiers supérieurs et les personnes les plus considérées de la ville, Paul fut introduit également sur l'ordre de Festus, et Festus dit: 0 roi Agrippa, et vous tous, citoyens ici présents, vous voyez cet homme au sujet duquel le peuple entier des Juifs a insisté auprès de moi, tant à Jérusalem qu'ici, en demandant à grands cris de ne pas le laisser vivre plus longtemps. Pour moi, ayant reconnu qu'il n'avait rien fait qui méritât la mort, et lui-même d'ailleurs en ayant appelé à Sa Majesté, j'ai décidé qu'il serait envoyé à Rome. Mais je n'ai rien de bien certain à écrire à son sujet au Maître; c'est pour cette raison que je l'ai fait paraître devant vous, et surtout devant toi, ô roi Agrippa, afin que, à la suite de cet examen, je sache ce que je dois écrire. Car il me semble absurde d'envoyer un prisonnier, sans notifier en même temps les charges à produire contre lui.»

XXV, 23-27. Il est essentiel de constater qu'il ne s'agit pas ici d'un acte judiciaire, d'un incident officiel du procès de Paul. Du moment que le gouverneur, sur l'avis de son conseil de préfecture, avait admis l'appel interjeté, il n'avait plus qualité pour revenir au fond de la cause. Mais il détermine nettement la nature et le but de la présente réunion. Le prisonnier devait être traduit devant ce que nous pourrions appeler la cour impériale, c'est-à-dire jugé à Rome même. À cet effet, le premier juge devait présenter un rapport sur la cause, et sur l'état dans lequel elle se trouvait actuellement. Il est disposé à faire un rapport favorable à Paul, ne lui trouvant pas de crime au point de vue de la loi romaine; mais comme les cris fanatiques des Juifs l'ont un peu intimidé, il feint de ne pas encore y voir assez clair (ce en quoi il pouvait même être sincère), et demande l'avis du roi Agrippa et des principaux Juifs de Césarée, qu'il suppose être moins prévenus contre Paul, moins aveuglés par la passion, et dont l'assentiment pouvait justifier ses conclusions et mettre à couvert sa responsabilité. Il est donc simplement question d'un examen, fait par des personnes intelligentes et compétentes, et non d'une enquête judiciaire ou d'un interrogatoire. (Maître, titre usuel à cette époque, pour désigner les empereurs, Dominus.)

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