Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre 23

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12 Le lendemain de bonne heure, les Juifs firent un complot et se dévouèrent en jurant qu'ils ne mangeraient ni ne boiraient qu'ils n'eussent tué Paul. Il y en avait plus de quarante qui avaient fait cette conjuration, et s'étant rendus chez les chefs des prêtres et les anciens, ils leur dirent: «Nous nous sommes dévoués par serment de ne rien goûter avant d'avoir tué Paul. Or donc, vous vous adresserez au commandant, au nom du Sanhédrin, pour obtenir qu'il l'amène devant vous, sous prétexte que vous voulez examiner son affaire plus exactement. Mais nous, avant qu'il n'arrive jusqu'à vous, nous serons là tout prêts à nous défaire de lui.»

XXIII, 12-15. Les termes dont le narrateur se sert et la nature même du complot font voir qu'il s'agit d'un acte réputé religieux. Il y a serment, il y a ce qu'on appelait en grec judaïque anathème, en hébreu hêrem, une dévotion, dans le sens étymologique de ce mot: car on se dévouait, on s'engageait par un vœu à faire une chose, plus particulièrement ici à exterminer quelqu'un qui était considéré comme ennemi de Dieu. C'est dans ce sens qu'il est fréquemment question du hèrem dans les livres historiques de l'Ancien Testament, quand il s'agit de l'extermination des Cananéens.

16 Cependant le fils de la sœur de Paul ayant entendu parler de cette embuscade projetée, alla se rendre à la citadelle et en fit part à Paul. Sur cela, Paul fit appeler l'un des capitaines et lui dit: «Conduis ce jeune homme chez le commandant, car il a quelque chose à lui rapporter.» Celui-ci remmena donc chez le commandant et dit: «Le prisonnier Paul m'a fait appeler et m'a demandé de conduire ce jeune homme auprès de toi, comme ayant quelque chose à te dire.» 19 Alors le commandant le prit par la main, se retira à l'écart et lui demanda: «Qu'est-ce que tu as à m'annoncer?» Et il répondit: «Les Juifs se sont concertés pour te prier d'amener demain Paul au Sanhédrin, sous prétexte de vouloir prendre des informations plus exactes à son sujet. Or, garde-toi de céder à leurs instances, car il y a plus de quarante hommes parmi eux qui veulent se mettre en embuscade et qui se sont dévoués en jurant de ne manger ni de boire avant de l'avoir tué, et maintenant ils sont tout prêts et n'attendent que la nouvelle de ton consentement.»

XXIII, 16-21. Le commandant représente dans toute cette affaire non seulement l'autorité suprême, mais encore l'ordre et le droit. Les Romains, tout despotes qu'ils étaient, avaient des notions bien plus nettes de la justice et de l'administration que les peuples corrompus de l'Asie, qui ne connaissaient guère que la force brutale ou l'anarchie. D'ailleurs Paul était toujours encore pour cet officier un personnage mystérieux, et eût-il été un criminel aux yeux de la loi de l'État, il importait d'autant plus de voir clair dans son affaire. Une justice expéditive et populaire ne pouvait pas être tolérée ici. Le commandant prend donc le parti de mettre son prisonnier à la disposition de l'autorité supérieure.

22 Le commandant congédia le jeune homme, après lui avoir recommandé de ne dire à personne qu'il lui avait fait cette confidence. Puis il fit appeler deux capitaines et leur dit: «Tenez prêts deux cents soldats, pour aller vers Césarée, et soixante-dix cavaliers, et deux cents hommes du train, après la troisième heure de la nuit, et faites amener des chevaux pour y faire monter Paul et le conduire sain et sauf auprès du gouverneur Félix.

25 Il avait écrit une lettre dont voici la teneur: «Claude Lysias au très excellent gouverneur Félix, salut! L'homme que voici a été arrêté par les Juifs, et allait être tué par eux, quand je survins avec la troupe pour le leur arracher, ayant appris qu'il est citoyen romain. Voulant connaître le motif pour lequel ils l'accusaient, je l'amenai devant leur Sanhédrin, et j'appris qu'il était accusé au sujet de certaines questions controversées relatives à leur loi, mais qu'il n'y avait contre lui aucun chef d'accusation qui pût motiver un arrêt de mort ou l'emprisonnement. Cependant comme il me fut rapporté qu'il se préparait contre cet homme un guet-apens, j'ai pris le parti de te l'envoyer sans délai, en invitant en même temps ses accusateurs à plaider eux-mêmes devant toi.»

XXIII, 22-30. La garnison de la citadelle ne se composant que de 600 hommes d'infanterie régulière (une cohorte), c'était beaucoup que d'en détacher tout un tiers pour servir d'escorte à un simple prisonnier civil. Aussi bien ce détachement n'a-t-il accompagné ce dernier qu'à moitié chemin, comme on le voit par la suite du récit qui précise les dispositions indiquées ici plus vaguement. Pour le reste du voyage, on se contente d'un faible escadron de cavalerie, renforcé d'une troupe nombreuse de gens du train. Car c'est ainsi que nous croyons devoir traduire un terme militaire dont se sert l'auteur et qui ne se rencontre nulle part dans la littérature classique. Un corps d'infanterie aurait mis trop de temps à faire le trajet et le commandant craignait une attaque de la part des Juifs. Nous ne saurions donc admettre les interprétations recommandées par les commentateurs qui parlent d'archers, de troupes légères, de frondeurs, de licteurs, etc. Pour tout cela, la langue avait d'autres termes très connus. Le commandant fait accompagner ses cavaliers, les seuls probablement dont il pouvait disposer, par une masse de gens des équipages, qui étaient là pour faire nombre, pour tenir en respect les téméraires qui auraient tenté un coup de main. Les légions traînaient à leur suite un grand matériel de guerre et de campement, et un dexiolabe doit avoir été un homme qui tenait un second cheval par la main droite.

Antonius Félix, frère du fameux Pallas, favori de l'empereur Claude, et comme lui affranchi de ce dernier, était beau-frère d'Agrippa II, et gendre du roi Hérode Agrippa (chap. XII), dont il avait épousé la fille Drusille. Il était un des plus détestables gouverneurs de la Judée. Tacite (Hist. V, 9) le dépeint par un seul mot, en disant qu'il exerça le pouvoir royal avec une âme d'esclave, en commettant toutes sortes d'actes cruels et arbitraires.

La lettre du commandant nous est donnée selon sa teneur, et non comme document textuellement transcrit. Aussi bien le style de cette pièce ne trahit-il nulle part un original latin; et pour ce qui est du grec, si l'on veut admettre que Lysias, qui paraît n'avoir pas été Italien de naissance (XXII, 28), se soit servi de cet idiome, c'est celui du Nouveau Testament, avec ses hébraïsmes bien caractérisés. Mais quant au fond, la présente rédaction est certainement exacte, car elle contient un effronté mensonge, tel que cet officier l'a dû écrire pour effacer ce qu'il y avait d'irrégulier dans sa propre conduite. Il prétend avoir sauvé Paul, parce qu'il aurait reconnu en lui un citoyen romain (voir XXII, 24 ss.). Ce qu'il dit de la séance du Sanhédrin confirme pleinement notre supposition que le récit de notre texte est incomplet. Car les questions controversées relatives à la loi, qu'il dit avoir fait le sujet de l'accusation, ont dû être plus amplement débattues que cela n'a été raconté ici. (On pourrait encore demander comment le commandant a pu suivre les débats du Sanhédrin. Y discutait-on en grec?)

31 Cependant les soldats, selon les ordres qu'ils avaient reçus, prirent Paul et le conduisirent pendant la nuit jusqu'à Antipatris; le lendemain, ils laissèrent les cavaliers continuer la route avec lui et rentrèrent à la citadelle. Les autres, quand ils furent arrivés à Césarée, remirent la lettre au gouverneur et lui présentèrent eu même temps Paul. Après avoir lu la lettre, le gouverneur lui demanda de quelle province il était, et ayant appris qu'il était de la Cilicie, il lui dit: «Je t'entendrai dès que tes accusateurs seront arrivés aussi,» puis il ordonna de le garder dans le prétoire d'Hérode.

XXIII, 31-35. Antipatris était à peu près à moitié chemin entre Jérusalem et Césarée, à huit lieues environ de chacune de ces deux villes. On y sera donc arrivé dans le courant de la matinée, après une marche très rapide pour un si fort détachement.

Paul n'est pas jeté dans une prison, mais mis aux arrêts dans l'hôtel même du gouverneur. Car le prétoire, ou comme nous dirions aujourd'hui, l'hôtel de la préfecture, n'était autre que le palais qu'Hérode-le-Grand avait fait construire autrefois, quand il créa la ville moderne de Césarée sur les ruines de l'ancienne «Tour de Straton».

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