Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre 7

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1 Le grand-prêtre lui dit: «Est-ce qu'il en est ainsi?» Et il répondit: «Mes frères et mes pères, écoutez-moi! Le Dieu de gloire apparut à notre père Abraam, lorsqu'il était encore en Mésopotamie, avant qu'il allât s'établir à Harran, et lui dit: Quitte ton pays et ta parenté et viens ici, dans le pays que je te montrerai.

4 Alors il sortit du pays des Chaldéens et s'établit à Harran. De là, après la mort de son père, il le fit passer dans ce pays-ci, que vous habitez maintenant; et il ne lui donna là aucune propriété, pas même de quoi y mettre le pied, mais il promit de le lui donner en possession, à lui et à sa race, bien qu'il n'eût pas encore d'enfant. Mais Dieu parlait dans ce sens que sa race demeurerait dans un pays étranger et qu'on l'asservirait et la maltraiterait pendant quatre cents ans: mais le peuple auquel ils seront asservis, c'est moi, dit Dieu, qui le jugerai. Et après cela, ils partiront et m'adoreront dans ce lieu-ci.

8 Puis il lui donna l'alliance de la circoncision, et ainsi il engendra Isaac et le circoncit le huitième jour, et Isaac en fit de même à l'égard de Jacob, et Jacob à l'égard des douze patriarches. Les patriarches jaloux de Joseph, le livrèrent en Égypte, mais Dieu était avec lui et le délivra de toutes ses tribulations et lui fit trouver grâce et lui donna de la sagesse devant Pharaon, le roi d'Égypte, qui l'établit comme chef sur l'Égypte et sur toute sa maison.

11 Et il survint une disette dans tout le pays d'Égypte et de Canaan, et une grande détresse, et nos pères ne trouvaient point de vivres. Alors Jacob ayant appris qu'il y avait du blé en Égypte, y envoya nos pères une première fois, et la seconde fois Joseph se fit reconnaître par ses frères et la nationalité de Joseph fut révélée à Pharaon.

14 Alors Joseph envoya pour faire appeler son père Jacob et toute sa famille, au nombre de soixante-quinze âmes. Et Jacob s'y rendit et y mourut, lui, ainsi que nos pères, et ils furent transportés à Sichem et déposés dans le sépulcre qu'Abraam avait acheté à prix d'argent de la part des fils d'Emmor, fils de Sichem.

17 Et lorsqu'arriva le temps de la promesse que Dieu avait solennellement faite à Abraam, le peuple s'accrut et se multiplia en Égypte, jusqu'à ce qu'il s'élevât un autre roi, qui n'avait point connu Joseph. Celui-ci imagina des ruses contre notre race et maltraita nos pères, au point de leur faire exposer leurs enfants, pour qu'ils ne restassent pas en vie.

20 C'est à cette époque que naquit Moïse; il était d'une beauté divine et fut élevé pendant trois mois dans la maison de son père. Et quand il eut été exposé, la fille de Pharaon l'enleva et le fit élever comme son propre fils. Et Moïse fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens, et il était puissant en paroles et en œuvres. Or, quand il eut accompli sa quarantième année, il lui vint l'idée de visiter ses frères, les enfants d'Israël. Et ayant vu quelqu'un à qui l'on faisait du tort, il prit son parti et vengea celui qui était maltraité en frappant l'Égyptien.

25 II croyait que ses frères comprendraient que c'était par ses mains que Dieu voulait les sauver; mais ils ne le comprirent point. Et le lendemain, il se présenta devant eux, au moment où ils se querellaient et il voulait les réconcilier en disant: Mes frères, pourquoi vous faites-vous tort les uns aux autres? Mais celui qui avait fait tort à son prochain le repoussa en disant: Qui est-ce qui t'a établi chef et juge sur nous? Veux-tu me tuer aussi comme tu as tué hier cet Égyptien? Moïse, à ce mot, prit la fuite, et vint habiter comme étranger le pays de Madian, où il engendra deux fils.

30 Et après quarante ans accomplis, un ange lui apparut au désert du mont Sinaï, dans la flamme d'un buisson en feu. Et Moïse, en le voyant, fut étonné de cette apparition, et comme il s'approchait pour l'examiner, la voix du Seigneur se fit entendre: Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d'Abraam, d'Isaac et de Jacob. Et Moïse, tout tremblant, n'osa pas y regarder de plus près. Alors le Seigneur lui dit: Ote la chaussure de tes pieds, car le lieu où tu es placé est un sol sacré. J'ai vu la misère de mon peuple en Égypte et j'ai entendu ses gémissements, et je suis descendu pour les délivrer. Et maintenant viens que je t'envoie en Égypte.

35 C'est ce même Moïse, qu'ils avaient renié en disant: Qui est-ce qui t'a établi chef et juge? que Dieu envoya comme chef et rédempteur par l'intermédiaire de l'ange qui lui était apparu dans le buisson. C'est lui qui les fit sortir d'Égypte, en opérant des prodiges et des miracles dans ce pays, et dans la mer rouge, et dans le désert pendant quarante ans. C'est ce même Moïse qui a dit aux enfants d'Israël: Dieu vous suscitera, d'entre vos frères, un prophète pareil à moi. C'est lui qui se trouvait au milieu de la communauté au désert, avec l'ange qui lui parlait sur la montagne de Sinaï et avec nos pères; qui reçut des oracles vivants pour nous les transmettre, et à qui nos pères refusèrent d'obéir, qu'ils repoussèrent pour tourner leurs cœurs vers l'Égypte, et en disant à Aaron: Fais-nous des dieux qui nous conduisent; car ce Moïse, qui nous a fait sortir du pays d'Égypte, nous ne savons ce qu'il est devenu.

41 Et en ces jours-là, ils firent un veau et offrirent un sacrifice à cette idole et firent une joyeuse fête pour ce qu'ils avaient fabriqué de leurs mains. Alors Dieu les repoussa et les abandonna au culte de l'armée du ciel, comme cela est écrit dans le livre des prophètes: «M'avez-vous offert des victimes et des sacrifices au désert, pendant quarante ans, maison d'Israël, lorsque vous portiez le tabernacle de Moloch, et l'étoile du dieu Rephan, les figures que vous aviez faites pour vous prosterner devant elles? Mais je vous ferai déporter au-delà de Babylone!» Nos pères avaient le tabernacle du témoignage au désert, comme l'avait ordonné celui qui avait dit à Moïse de le faire d'après le modèle qu'il avait vu; puis nos pères, qui l'avaient reçu à leur tour, l'introduisirent avec Josué, lors de la soumission des peuples que Dieu chassa devant nos pères, jusqu'aux jours de David, qui était aimé de Dieu et qui désirait arranger une demeure pour le Dieu de Jacob.

47 Et ce fut Salomon qui lui bâtit une maison. Mais le Très-Haut n'habite pas dans ce qui est fait de main d'homme, selon cette parole du prophète: «Le ciel est mon trône, la terre est mon marche-pied; quelle maison m'édifierez-vous, ou quel sera mon lieu de repos? N'est-ce pas ma main qui a fait tout cela?»

51 Hommes au col raide, incirconcis du cœur et des oreilles! Toujours vous vous opposez au Saint-Esprit; de même que vos pères, vous aussi! Quel est le prophète que vos pères n'ont pas persécuté? Ils ont tué ceux qui annonçaient d'avance la venue du Juste dont vous êtes devenus les meurtriers après l'avoir trahi, vous qui avez reçu la loi d'après le commandement des anges, et qui ne l'avez pas observée!»

VII, 1-53. Le contenu de ce discours (le plus long de tous ceux qui sont insérés dans le livre des Actes, c'est-à-dire celui dont la tradition a conservé le plus de détails ou que la rédaction de l'historien a le moins contracté par forme de résumé), est de nature à provoquer plus d'une question préalable et générale. Et tout d'abord, on a de la peine à se rendre compte du rapport qu'il peut y avoir eu entre l'accusation produite contre Étienne, et un récit si détaillé, et en apparence si prolixe et si oiseux, de l'ancienne histoire des Juifs, de faits si généralement connus, et qui, après tout, sont ici simplement rappelés sans le moindre essai d'interprétation théologique qui les ferait servir à la défense de l'accusé. La difficulté, ou, selon quelques-uns, l'impossibilité de comprendre la portée d'un pareil discours, a même quelquefois disposé la critique à douter de son authenticité. Nous pensons, au contraire, que rien ne plaide plus éloquemment pour cette dernière, que cette difficulté même; car on peut hardiment affirmer qu'un rédacteur tout à fait indépendant de la tradition et n'ayant, pour composer cette apologie, d'autre donnée que la situation indiquée et surtout le principal chef d'accusation, ne serait guère arrivé à se renfermer dans un cercle d'idées qui semble si étrangement éloigné des faits et intérêts de la cause. Il faut donc admettre que le résumé qui nous est donné se fonde sur une communication ancienne et authentique, ce qui n'implique ni une rédaction écrite, préparée d'avance par Étienne lui-même, ni une reproduction sténographique faite séance tenante par un auditeur chrétien. Ces deux hypothèses, d'ailleurs inutiles, méconnaissent l'esprit et les habitudes de cette époque. En les écartant, nous réclamons la permission de ne pas avoir à nous astreindre à signaler l’à-propos de chaque fait de détail signalé dans le texte, mais de nous borner à retrouver les idées principales qui doivent avoir guidé l'orateur.

Tout d'abord il est clair qu'Étienne s'efface lui-même et ne s'arrête pas à faire son apologie personnelle, soit en donnant des explications sur ses principes ou sa méthode, soit en réfutant les interprétations fausses et malveillantes par lesquelles on avait pu dénaturer sa pensée. Il s'en tient à la chose même et reproduit, sans doute, la substance même de son enseignement, quant à sa partie historique et préparatoire. Ainsi il prouve d'abord, par tout l'ensemble de son discours, qu'il ne refuse nullement de reconnaître les révélations divines qui faisaient la base de la foi nationale. Il en récapitule toute la série depuis Abraham jusqu'à Moïse; il en relève particulièrement révolution progressive, par laquelle, d'individuelles, de locales, de restreintes qu'elles étaient d'abord, elles devinrent nationales, et s'appliquèrent à des sphères de plus en plus élevées. En même temps, il fait ressortir le principe que le culte du vrai Dieu est indépendant d'une forme localement déterminée, que le sanctuaire pouvait suivre les adorateurs, que Jéhova pouvait aimer David sans exiger de lui la construction d'un temple. Enfin il insiste sur la perspective messianique déjà ouverte par Moïse même et qui se combinait facilement avec les déclarations des prophètes, relatives à un culte en esprit et en vérité. D'un autre côté, et d'un bout à l'autre du discours, avec une énergie croissante, il châtie les tendances oppositionnelles du peuple, sa résistance permanente et opiniâtre aux volontés de Dieu. Depuis le jour où les patriarches vendirent leur frère, en Égypte, où les Israélites renièrent Moïse s'offrant pour les délivrer, au désert, où ils adorèrent le veau d'or et les divinités sidérales, dans le pays de Canaan, où ils persécutèrent les prophètes, partout et toujours Jéhova les trouva sourds à ses appels, rebelles à ses commandements. La mort de Jésus n'est qu'un chaînon de plus dans cette longue série d'actes de révolte, qui commence au pied du Sinaï où pourtant les anges se présentèrent en personne pour donner de l'autorité aux paroles du prophète.

Ces idées sont un peu effacées ou du moins décolorées par une rédaction qui ne tenait pas à les faire ressortir, mais qui n'en prouve que mieux qu'elle ne les a pas introduites arbitrairement. On n'a pas même besoin (comme cela a été proposé quelquefois) de supposer que le discours est incomplet, dans ce sens qu'il aurait été interrompu par le tumulte (v. 54), de sorte que, si nous en avions la fin telle que l'orateur voulait l'y ajouter, nous en comprendrions mieux la pensée fondamentale et la disposition. Ce qui nous arrête surtout, la forme essentiellement narrative qui est étrangère à nos goûts rhétoriques, c'est précisément ce qui est l'élément le plus conforme aux habitudes et aux méthodes de ces temps et de cette sphère. Des résumés de l'histoire sainte (d'Abraham à Josué, avec la mention du temple de Salomon) sont on ne peut plus fréquents dans l'Ancien Testament (Ps. LXXVIII, CV, CVI, CXXXV, CXXXVI. Ézéch. XX. Néh. IX. Judith V. Sir. XLIV-L), et dans notre livre même, nous en aurons un second exemple (chap. XIII).

Une autre circonstance qui a beaucoup préoccupé les commentateurs, c'est le fait que le récit mis dans la bouche d'Étienne diffère très souvent de celui des textes historiques de l'Ancien Testament. Ainsi v. 2, il est question d'une apparition de Dieu ordonnant à Abraham d'aller à Harran. Mais la Genèse (XII, 1), citée ici, parle d'un ordre donné à Abraham de quitter Harran, pour aller en Canaan. Vers. 4, il est dit qu'Abraham quitta Harran après la mort de son père; mais cela est en désaccord avec la chronologie de la Genèse (XI, 26, 32; XII, 4), d'après laquelle Tarah vécut encore 60 ans après le départ de son fils. D'après le v. 16, tous les patriarches seraient enterrés à Sichem dans un sépulcre acheté par Abraham. Mais le sépulcre acheté par Abraham( Gen. XXIII) ne se trouve pas à Sichem; et Jacob, qui a fait réellement cette acquisition (Gen. XXXIII, 18), n'y est pas enterré (Gen. XLIX, 30; L, 13). On a mis ces divergences tantôt sur le compte de l'improvisation d'Étienne (ce qui nous ramènerait indirectement à l'hypothèse de la rédaction sténographiée), tantôt sur des erreurs de mémoire de l'auditeur, source de la tradition (ce qui n'aurait pas empêché le rédacteur de les éviter); mais ces expédients sont superflus, et en même temps ils n'expliquent pas une série d'autres faits qu'il nous reste à mentionner. Ainsi le nombre de 75 personnes, venues avec Jacob en Égypte, n'est pas le même que celui indiqué par le texte hébreu (Gen. XLVI, 27); la beauté et l'érudition de Moïse ne sont point signalées ainsi dans l'original, qui ne parle même pas du tout de cette dernière; son éloquence n'est guère exaltée dans l'Exode (IV, 10), qui se tait absolument sur ses hauts faits. Son âge (40 ans lors de sa fuite, encore 40 ans lors de sa vocation) n'est marqué nulle part dans les relations du Pentateuque; les livres mosaïques représentent Jéhova comme ayant été personnellement présent et en rapport avec Moïse, dans le buisson ardent, sur le Sinaï et pendant le trajet du désert, tandis qu'ici on lui substitue partout des anges; enfin, l'Ancien Testament ne sait rien de ce que les prophètes, tous, tant qu'ils étaient, auraient été tués par les Israélites. Tous ces détails, notamment en ce qu'ils complètent ou illustrent le texte officiel, et en ce qu'ils en effacent les éléments anthropomorphistiques, appartiennent à la forme traditionnelle de l'histoire. Plusieurs de ces changements peuvent déjà être constatés par la traduction des Septante, d'autres se retrouvent dans Philon, ou dans la littérature rabbinique. Ils ne sont donc dûs, ni à une erreur d'Étienne, ni à une méprise du rédacteur; ils représentent la forme populaire de l'histoire, telle qu'elle se transmettait alors dans les écoles. Les livres du Nouveau Testament contiennent beaucoup d'exemples de ce fait (Matth. I, 5. Jaq. V, 17. 2 Pierre II, 15; III, 10. Jud. 9. Gal. III, 19. 2 Tim. III, 8. Hébr. II, 2; XI, 21, 24, 27, 37, etc.), et la tradition chrétienne en a largement usé de même à l'égard de l'histoire évangélique, surtout depuis qu'elle a été fixée par les peintres.

Pour le fond même, ce n'est guère le cas d'ajouter d'autres explications encore, les faits étant généralement connus. Ce ne sont que les dernières lignes qui demandent quelques éclaircissements. Étienne allègue un passage d'Amos (V, 25 s.), pour établir que déjà au désert, à une époque où Jéhova était pour ainsi dire constamment au milieu de la communauté, celle-ci se livrait au culte des divinités païennes. Ce fait, confirmé par plusieurs passages d'Ézéchiel, n'est point mentionné dans les livres mosaïques (comp. l’Introduction aux prophètes, p. 6 suiv.). Les divinités en question étaient ce qu'on appelait l’armée céleste, c'est-à-dire les astres, plus particulièrement les planètes, parmi lesquelles on signale ici Moloch (le soleil) et Rephan (Saturne). Ce dernier nom, diversement orthographié dans les éditions, est égyptien, et remplace dans la bible grecque le nom hébreu correspondant Kiyoun. Ces divinités étaient représentées ordinairement par des figures symboliques, quelquefois par de simples pierres coniques ou des aérolithes; on les transportait dans des caisses et on les plaçait sous des tentes. Ce culte idolâtre est représenté ici comme une juste punition d'une première désobéissance, de l'adoration du veau d'or. Amos menaçait ses contemporains d'une déportation à Damas, capitale du puissant royaume de Syrie, avec lequel on était alors fréquemment en guerre. Notre texte y substitue le nom plus connu de Babylone, pour rappeler en même temps la plus fameuse catastrophe de l'ancienne histoire. — Le tabernacle mosaïque ou sanctuaire portatif des anciens Israélites, est toujours appelé dans la bible grecque le tabernacle du témoignage, bien que l'étymologie semble devoir faire préférer un autre terme. Ce sanctuaire avait dû être construit (Exod. XXV, 40, comp. Hébr. VIII, 5) d'après un modèle que Moïse aurait vu sur le Sinaï. Pour comprendre ce qui est dit de l'introduction de ce tabernacle dans le pays de Canaan, il suffit de se rappeler que la génération qui accomplit la conquête sous Josué, n'était plus celle qui était sortie d'Égypte avec Moïse. — La seconde citation est tirée d'Ésaïe LXVI, 1,2. — La péroraison véhémente qui termine le discours est formulée au moyen d'expressions empruntées également au style des prophètes; le col raide, et le cœur non circoncis, sont des métaphores qui transportent au moral des qualités purement physiques, soit des animaux, soit des hommes. La tournure est déjà un peu hardie, quand elle étend l'image aux oreilles, pour désigner l'esprit de désobéissance. — La phrase rendue par: d’après le commandement des anges, pourrait bien aussi signifier: promulguée par les anges. En tout cas, elle doit représenter la loi comme ayant été donnée sous la sanction la plus auguste, et son rejet comme d'autant plus criminel.

54 Quand ils entendirent cela, ils en eurent la rage au cœur et ils grincèrent des dents contre lui. Mais lui, plein d'Esprits saints, et le regard fixé au ciel, vit la majesté divine et Jésus placé à la droite de Dieu. Et il dit: «Ah! je vois le ciel ouvert et le fils de l'homme placé à la droite de Dieu!»

57 Alors ils poussèrent de grands cris en se bouchant les oreilles; et ils se jetèrent tous ensemble sur lui, le traînèrent hors de la ville et le lapidèrent. Et les témoins déposèrent leurs manteaux aux pieds d'un jeune homme nommé Saul. Et ils lapidèrent Étienne, qui priait et disait: «Seigneur Jésus, reçois mon esprit!» Puis, s'étant mis à genoux, il s'écria à haute voix: «Seigneur, ne leur demande pas compte de ce péché!» Et après ces mots, il expira. 1 Saul avait approuvé ce meurtre.

VII, 54 -VIII, 1. On comprend que le discours d'Étienne, loin de faire sur un auditoire si mal disposé l'impression d'une apologie victorieuse, dut produire tout juste l'effet contraire, effet que l'orateur, nous en sommes convaincu, ne songeait pas à écarter. Aussi, la scène qui nous est décrite ici n'est-elle plus une scène de tribunal; il ne s'agit pas d'un arrêt peut-être inique, mais toujours entouré des formes solennelles de la justice; les juges cèdent la place à la populace, s'ils ne lui donnent pas l'exemple, et la passion du fanatisme se charge d'exécuter une sentence que celle des magistrats n'a pas même le temps de formuler. Le supplice se fait dans les formes reconnues par l'émeute, et sans qu'on songeât à en demander l'autorisation au représentant du gouvernement, seul dépositaire légal du droit de vie et de mort. La rapidité tumultueuse des événements se reflète dans le récit même qui nous les retrace. On ne voit pas où finit la participation des membres du Sanhédrin, et où commence celle de la cohue des auditeurs.

Au milieu de ce sauvage vacarme, Étienne reste serein et comme transporté dans un autre monde. Son regard se lève vers le ciel, son œil se repaît de la gloire du Dieu révélateur et de son Christ, et une exclamation, qui est un accent de victoire et d'espérance, domine un instant le bruit de la salle. Tout cela est aussi naturel que sublime; le même fait, préalablement introduit par le récit de l'auteur d'une manière trop objective, trop froidement prosaïque, y perd quelque chose de sa grandeur. Il n'y manquait plus que la sotte curiosité des théologiens, qui n'ont pas bien compris pourquoi ici Jésus est debout, tandis qu'ailleurs il est assis à la droite de Dieu. Convaincu que le rédacteur n'a pas songé à cette question, nous avons effacé ce qui en fournissait le prétexte, autant que le texte le permettait. C'est d'ailleurs la seule fois que le nom de fils de l'homme est donné à Jésus par un autre que par lui-même.

On sait que les témoins dont la déposition avait amené une condamnation capitale, étaient tenus de jeter les premières pierres (Deut. XVII, 7). Ici, pour s'acquitter de cette obligation, ils se débarrassent de leurs manteaux, à l'effet d'avoir les bras libres. Ces manteaux sont jetés à la place où se tenait, nous ne dirons pas la personne qui présidait à l'exécution (car il n'y avait là rien d'officiel), mais celui qui, sans doute, avait été pour beaucoup dans toute cette triste affaire, et que nous apprendrons bientôt à connaître davantage.

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