Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre 4

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1 Pendant qu'ils parlaient au peuple, le chef de la garde du temple survint tout à coup avec ses prêtres, ainsi que les Sadducéens, qui étaient vexés de ce qu'ils enseignaient au peuple, et lui prêchaient la résurrection des morts en parlant de Jésus. Et ils mirent les mains sur eux et les jetèrent en prison jusqu'au lendemain; car c'était déjà le soir. Cependant beaucoup de ceux qui avaient entendu le discours crurent, et le nombre de ces hommes arriva à cinq mille environ.

IV, 1-4. L'auditoire de Pierre allant toujours en grossissant, la garde lévitique, sous la conduite de son chef, qui y voyait un attroupement contraire au bon ordre et qui ne voulait pas souffrir une prédication en plein air à une heure indue, survint pour disperser la foule. Quelques Sadducéens, qui avaient par hasard entendu le discours de l'apôtre, en avaient conçu du dépit et s'étaient senti la vocation de veiller à l'ordre public en faisant arrêter les orateurs par les lévites de service. Ce qui les vexait, ce n'était pas, sans doute, la doctrine de la résurrection en elle-même, quoiqu'elle ne fût pas de leur goût (car elle était généralement enseignée dans les synagogues et formait une partie intégrante de la foi du peuple); c'était d'entendre dire que cette résurrection n'était déjà plus une pure théorie, ou une espérance, mais un fait accompli dans la personne de Jésus. Nous voyons ici pour la première fois les Sadducéens susciter une persécution aux disciples de Jésus; le même fait se reproduira plus loin d'une manière de plus en plus caractéristique, et les rapports différents dans lesquels l'Église se trouvera placée à l'égard de ce puissant parti, et de celui des Pharisiens, ses adversaires, serviront à nous faire mieux comprendre la marche de son développement religieux. — Comme il était trop tard pour mettre tout de suite en présence des juges compétents les personnes arrêtées, on les déposa provisoirement en lieu sûr.

Le sens du dernier verset n'est pas bien clair. Luc peut avoir voulu dire que Pierre avait converti 5000 hommes ce jour-là. Nous avons exprimé un autre sens: avec les nouveaux convertis, le nombre total des croyants se trouvait avoir atteint le chiffre indiqué.

5 Le lendemain il se tint une assemblée de leurs magistrats, anciens et docteurs, à Jérusalem, avec le grand-prêtre Annas et Caïaphas, et Jean et Alexandre, et tous ceux qui appartenaient aux grandes familles sacerdotales. Et les ayant fait placer au milieu, ils leur posèrent cette question: «En vertu de quel pouvoir, ou en quel nom avez-vous fait cela?» Alors Pierre, ayant été rempli d'Esprit saint, leur dit:

IV, 5-8. L'auteur veut parler d'une réunion solennelle du Sanhédrin ou de la cour suprême, qui avait à connaître de toutes les affaires religieuses ou ecclésiastiques. Mais il en parle comme un étranger et populairement. Car, au lieu de magistrats, anciens et docteurs, il aurait dû dire: prêtres, anciens et docteurs; le sanhédrin étant composé de représentants de trois ordres de citoyens, clergé, laïcs et légistes. Pour Annas et Caïaphas, nous nous en rapportons à ce qui a été dit dans l'histoire évangélique. La tradition s'est trompée en désignant Annas comme le grand-prêtre de cette époque. Cette dignité était alors encore occupée par son gendre Caïaphas. Les deux autres personnages ne sont pas autrement connus. Les membres ecclésiastiques de la cour étaient choisis dans les familles les plus distinguées; peut-être veut-on parler des chefs des 24 classes de lévites.

La question posée aux apôtres concerne le miracle et non la prédication. Mais il va sans dire qu'en commençant par la question de fait, ce n'était pas pour en rester là. La prétendue puissance miraculeuse des apôtres et le nom officiellement proscrit de Jésus se liaient dans la cause. Nous n'avons d'ailleurs devant nous qu'une esquisse de tout ce qui a dû être dit dans cette circonstance.

Pierre est sommé de répondre solennellement de sa foi en Christ et de la mission qu'il a reçue. Aussi, conformément à la promesse du Seigneur (Matth. X, 19, etc.), le Saint-Esprit vient lui inspirer les paroles de sa défense, qui devient par là même une nouvelle prédication évangélique. Ainsi encore une fois l'inspiration se répète au moment où elle devient nécessaire, et se caractérise comme essentiellement destinée à donner aux fidèles le courage et les moyens d'agir partout où l'intérêt de la cause de Dieu réclame leur coopération.

8 Magistrats du peuple, et anciens d'Israël! Puisque nous sommes aujourd'hui interrogés au sujet d'un bienfait accordé à un homme malade, à savoir par quoi celui-ci a été guéri, sachez, vous tous, ainsi que tout le peuple d'Israël, que cela s'est fait au nom de ce Jésus de Nazareth que vous avez crucifié, mais que Dieu a ressuscité des morts; c'est par lui que cet homme est là devant vous en bonne santé.

11 C'est lui qui est la pierre rejetée par vous, les architectes, mais devenue la pierre angulaire. Et le salut n'est en aucun autre; car il n'y a point d'autre nom sous le ciel qui soit donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés.

IV, 8-12. Les premières paroles prononcées par Pierre expriment sa surprise de ce qu'on lui fait le procès à l'occasion de la guérison d'un malade, comme si un bienfait pareil constituait un délit. Mais, dit-il, puisque vous vous placez sur ce terrain, je vous dirai des choses qui nous feront changer de rôle (Marc XIII, 9). Du reste, si le discours, en relevant la question posée, commence d'une manière abstraite (par quoi, comment, par quel moyen?), la réponse amenait tout de suite la personne de Jésus, et le par quoi se change naturellement en un par lui.

Tout le monde s'apercevra qu'ici encore nous n'avons devant nous que des réminiscences fragmentaires d'un discours qui aura été nécessairement plus étendu, s'il devait produire quelque effet et justifier les remarques faites par le narrateur aux v. 8 et 13. Nous voyons cependant que l'exposition de Pierre se rattachait essentiellement à un texte scripturaire (Ps. CXVIII, 22), qui est aussi cité ailleurs (Matth. XXI, 42, 1 Pierre II, 7), et qui se prêtait parfaitement à servir de base à une prédication assez développée. Il pouvait suggérer l'antithèse de deux édifices construits sur des fondements différents, et l'application naturelle de cette idée au rapport entre l'ancienne et la nouvelle économie n'était positivement pas étrangère à l'esprit de Jésus quand il rappelait ce mot du psaume. Ici cependant, il paraîtrait que Pierre s'est renfermé dans ce qui regardait la personne du Seigneur, son rejet par les Juifs et sa dignité messianique reconnue par ses disciples.

Le salut (v. 12), ainsi nommé d'une manière absolue, et dans un pareil contexte, c'est la participation au règne messianique, la jouissance de tous les avantages, tant spirituels qu'extérieurs, désignés plus haut (III, 19) par les termes de repos, rétablissement, pardon, sanctification, en un mot, le contraire de ce qui existe dans le monde tel qu'il est. Ce salut ne peut ni ne doit venir que par et avec celui que Dieu a désigné lui-même comme son Christ, en le ressuscitant des morts. Il n'y a point d'autre nom, c'est-à-dire point d'autre personne, de la main, parole ou puissance de laquelle nous ayons à espérer le salut. Car par ces mots: donné parmi les hommes (on traduit très faussement: aux hommes), Jésus est mis en parallèle avec Moïse, les prophètes ou tel autre personnage historique dont le nom, pour les Juifs, pouvait avoir une autorité ou suggérer des espérances quelconques. Bien comprise, cette phrase, comme celle du psaume citée tout à l'heure, implique encore l'idée de la déchéance de l'ancienne économie, et il est intéressant de remarquer que les thèses les plus simples et en apparence les plus inoffensives de la prédication évangélique, exposées presque instinctivement par des hommes qui n'avaient guère réfléchi sur la portée scientifique ou providentielle de ce qui chez eux était le produit d'une naïve conviction, contenaient en germe et devaient amener nécessairement les conceptions et les théories qui bientôt creusèrent un abîme entre la Synagogue et l'Église, que Pierre et ses collègues ne songeaient pas le moins du monde à séparer.

13 Quand ils virent l'assurance de Pierre et de Jean, qu'ils savaient être des hommes du peuple non lettrés, ils en furent tout étonnés. Ils les reconnaissaient bien pour avoir été avec Jésus, mais voyant là, placé à côté d'eux, l'homme qui avait été guéri, ils n'avaient rien à répliquer. Ils leur ordonnèrent donc de sortir de la salle des séances et se mirent à délibérer entre eux en disant: «Que devons-nous faire à ces gens. Car qu'il ait été opéré par eux un miracle généralement reconnu comme tel, c'est ce qui est chose positive pour tous les habitants de Jérusalem et nous ne pouvons le nier. Mais pour que l'affaire ne se répande pas davantage dans le peuple, défendons-leur avec menaces de ne plus jamais parler à qui que ce soit au sujet de ce nom-là.»

18 Et les ayant rappelés, ils leur enjoignirent d'une manière absolue de ne plus parler ni enseigner au sujet du nom de Jésus. Mais Pierre et Jean reprirent et leur dirent: «Jugez vous-mêmes s'il est juste devant Dieu de vous écouter plus que Dieu; car nous, nous ne pouvons pas ne pas dire ce que nous avons vu et entendu.» 

21 Cependant ils les relâchèrent, après avoir réitéré leurs menaces, ne trouvant point de prétexte pour les punir, à cause du peuple; tout le monde glorifiant Dieu au sujet de ce qui était arrivé. Car l'homme sur lequel avait été opéré le miracle de la guérison, était âgé de plus de quarante ans.

IV, 13-22. La simplicité de la cause, la faveur du peuple, le courage des accusés, l'évidence du miracle, la majesté de la vérité, peut-être aussi le souvenir de Jésus, qui pesait à quelques-uns d'entre eux et qui pouvait même être cher à d'autres, tout cela amena le dénouement tel que nous le raconte le texte.

Ils savaient, ils avaient constaté, soit par l'interrogatoire, soit par des renseignements venus d'autre part, que les accusés n'étaient pas des hommes lettrés; ils étaient d'autant plus étonnés de leur entendre invoquer et expliquer les Écritures. Car dans la sphère judaïque les lettres, les études, c'était la connaissance et l'interprétation des textes sacrés, privilège de ceux qui avaient reçu une instruction régulière et prolongée sur les bancs de l'école.

Nous avons traduit le v. 16 de manière à lui donner une couleur effacée par nos prédécesseurs. Les juges ne veulent pas constater le fait du miracle, objectivement, mais l'opinion publique relativement à ce miracle. «Nous n'avons aucun moyen, disent-ils, de donner le démenti à cette opinion; le fait est là. Pour nous, il ne prouve rien, sans doute. Mais le peuple en es! émerveillé et ne permettra pas qu'on fasse quoi que ce soit à ceux qui en sont les auteurs (v. 21). Mais pour que l'affaire ne se répande pas» L'affaire, ce n'est pas le bruit du miracle même, qu'aucune puissance ne pouvait empêcher de se répandre, mais le mouvement religieux, la prédication novatrice que les accusés y rattachaient. La note sur l'âge de l'homme paralytique est introduite pour établir que le doute était tout aussi im possible en cette occasion qu'une supercherie.

23 Quand ils eurent été relâchés, ils vinrent auprès des leurs et racontèrent tout ce que les chefs des prêtres et les anciens leur avaient dit; et après l'avoir entendu, ceux-ci élevèrent unanimement la voix vers Dieu et dirent: «Seigneur, toi qui as fait le ciel et la terre et la mer, et tout ce qui s'y trouve! Toi qui as dit par la bouche de David, ton serviteur: «Pourquoi les gentils se sont-ils irrités et les peuples ont-ils médité de vains projets? Les rois du pays se sont élevés et les magistrats se sont rassemblés dans le même lieu contre le Seigneur et contre son Oint.»

27 Ils se sont rassemblés, en effet, dans cette ville, contre ton saint serviteur Jésus que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate, avec les gentils et les peuples d'Israël, pour faire ce que ta main et ta volonté a d'avance décrété qu'il arrivât. Et à présent, Seigneur, aie l'œil ouvert sur leurs menaces et donne à tes serviteurs de prêcher ta parole avec assurance, quand tu étendras ta main pour opérer une guérison, des signes et des miracles par le nom de ton saint serviteur Jésus.» Et quand ils eurent prié, le lieu où ils étaient réunis fut ébranlé, et tous furent remplis du Saint-Esprit.

IV, 23-31. Luc ne nous nomme pas les membres de cette réunion, en disant vaguement: les leurs. C'est chose très arbitraire que d'affirmer qu'il entend parler des Douze exclusivement, comme si le Saint-Esprit n'avait pu être donné qu'à eux seuls.

La prière des disciples, après une invocation générale (Ps. CXLVI, 6), exprime deux idées: la première, que la mort de Jésus est l'accomplissement d'une prophétie et en même temps la preuve de l'inimitié du monde; la seconde, que le secours spirituel de Dieu doit être imploré par ceux qui sont, devant ce même inonde, les témoins de Jésus. Elle cite d'abord les premiers versets du Psaume II, anonyme dans l'original, mais attribué ici à David, selon l'habitude populaire qui, alors comme aujourd'hui, nommait ce roi comme auteur de tous les psaumes. On remarquera que dans la traduction de ces versets, nous avons choisi les expressions de manière à en rendre l'application, telle que le texte la demande et la fait, plus simple et plus directe. Ainsi nous avons mis les verbes au prétérit; nous avons dit les gentils, au lieu de: les nations (d'après le sens usuel du terme dans l'idiome hellénistique et l'exégèse traditionnelle des Juifs); les rois du pays, et non de la terre; les magistrats, et non les princes. Les termes grecs, cités d'après la version alexandrine, autorisant les deux manières de traduire, nous avons du préférer celle qui justifiait le plus immédiatement le sens qu'on en tirait; car il est de toute évidence qu'on veut dire: David a parlé d'Hérode, de Pilate, etc., et non pas: David a parlé de manière que l'on pourrait facilement appliquer ses paroles à Hérode, etc. De plus, nous avons explicitement dit: dans le même lien, mots qui pouvaient paraître superflus après le verbe rassembler, l'exégèse des apôtres faisant voir qu'on attachait de l'importance à cet élément particulier, puisqu'on l'explique par ces mots: dans cette ville, mots que les copistes et les éditeurs ont très mal à propos omis dans le texte. Cette même exégèse fait voir qu'on tenait à distinguer les nations et les peuples du texte hébreu (où ces mots sont tout à fait synonymes), parce que les Juifs hellénistes employaient le premier pour les païens et le second pour les Israélites, et que ces deux races, ailleurs hostiles l'une à l'autre, s'étaient donné la main pour faire mourir le Christ. Cet accord tout exceptionnel n'était pas la circonstance la moins remarquable pour l'interprétation messianique. Le Psaume II est d'ailleurs fréquemment cité en ce sens dans le Nouveau Testament (Hébr. I, 5; V, 5. Actes XIII, 33. Apoc. II, 27; XII, 5; XIX, 15).

Dans la seconde partie de la prière, la pensée dominante que nous avons déjà signalée, est naturellement amenée par les faits qui venaient d'avoir lieu. Le texte exprime la certitude que Dieu continuera à faire des miracles; les disciples ne les demandent pas, ils s'y attendent; ce qu'ils demandent, c'est qu'ils aient le courage nécessaire pour profiter de ces circonstances, afin de remplir leur mission.

Le dernier verset est important, parce qu'il nous dit en termes clairs et formels que l'événement de la Pentecôte se répéta: tremblement miraculeux de l'édifice (manifestation physique de la présence de Dieu) et effusion du Saint-Esprit (manifestation de son action sur les esprits). Personne n'est plus éloigné que Luc de la conception vulgaire, d'après laquelle la communication relatée plus haut aurait été la seule et unique de son genre.

31 Et ils continuaient à prêcher la parole de Dieu avec assurance. Quant à la masse des fidèles, ils étaient unis de cœur et d’âme, et pas un d'eux ne regardait ce qu'il possédait comme lui appartenant en propre; mais ils avaient tout en commun. Et les apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus avec une grande énergie, et une grande grâce leur fut accordée à tous.

34 Car il n'y avait aucun indigent parmi eux: tous ceux qui étaient possesseurs de terres ou de maisons, les vendaient et apportaient le prix de ce qu'ils avaient vendu et le déposaient aux pieds des apôtres; puis cela se distribuait à chacun selon qu'il en avait besoin. Ainsi Joseph (que les apôtres surnommèrent Barnabas, ce qu'on peut traduire par le Prédicateur), lévite originaire de l'île de Chypre, se trouvant possesseur d'un champ, le vendit et apporta l'argent et le déposa aux pieds des apôtres.

IV, 31-37. Nous avons dû changer la coupe des versets, car en passant du passé défini à l'imparfait, l'auteur rentre dans les généralités qui lui servent partout de transition d'un incident à l'autre. Voici ce qu'il veut dire: Ayant puisé de nouvelles forces dans ce qu'ils venaient d'éprouver, les membres de la communauté prêchaient avec une assurance soutenue et croissante.

Notre texte revient encore une fois à ce qui avait été dit précédemment (II, 44) d'une communauté des biens parmi les premiers chrétiens, comme étant la preuve la plus éclatante de leur union fraternelle. Les données sont ici plus détaillées et plus positives et nous permettent mieux de reconnaître le véritable état des choses. Il ne s'agit pas de communisme dans le sens théorique, mais d'une large application du principe de la charité; il s'agit, purement et simplement, d'une caisse commune, richement alimentée par des dons volontaires et si généreusement dotée, qu'elle suffisait à tous les besoins, au point de faire disparaître toute trace d'indigence individuelle. Voilà tout. Les dons étaient facultatifs et non obligatoires; c'est ce qui résulte: 1° des paroles de Pierre, chap. V, 4; 2° de cette expression: personne ne regardait son bien comme lui appartenant en propre; 3° de l'impossibilité de prendre à la lettre, et sur une grande échelle, ce qui est dit de la vente des maisons, dans une ville et à une époque où les locataires étaient bien moins nombreux que les propriétaires et où l'on n'avait pas précisément l'habitude de se loger dans des casernes; enfin 4° de la circonstance très significative qu'on cite ici un exemple isolé d'une vente pareille, laquelle n'aurait pu être signalée à part, si elle avait été l'effet d'une règle, d'un statut. Ainsi, nous aurons à considérer les faits mentionnés ici comme des preuves d'un dévouement d'autant plus digne d'admiration, que ceux qui les donnaient n'appartenaient probablement pas à la classe la plus aisée. Et c'est aussi le seul côté de la chose que nous voulons relever ici comme un exemple à suivre. Car, à un autre point de vue, la prudence pourrait faire ses réserves à l'égard de ces ventes dictées par l'enthousiasme de la charité. Celui-ci pouvait en partie être inspiré par la croyance à la proximité du royaume de Dieu, ou de ce qu'on appelle vulgairement la fin du monde; en tout cas, il sacrifiait l'avenir au présent. Jésus, en recommandant la charité, n'aura pas voulu proscrire l'agriculture, ou composer son église exclusivement de prolétaires, comme si la condition de ceux-ci favorisait mieux que toute autre la pratique des vertus. Et nous voyons quel fut l'effet assez prochain de cette aliénation de capitaux, suivie d'une consommation immédiate de leur valeur. À quelques années de là, les apôtres en sont réduits à mendier à l'étranger pour leur église de Jérusalem (Gal. II, 10), et Paul organise partout des souscriptions à cet effet (1 Cor. XVI, 1. 2 Cor. VIII-IX).

Le v. 33 a besoin d'une explication spéciale. Quand l'auteur parle du témoignage rendu à l'égard de la résurrection de Jésus, il veut certainement résumer par un seul mot toute l'activité des apôtres. Leur prédication se basait sur le fait de cette résurrection, et y rattachait tout ce qu'ils avaient à dire. Nous en avons vu des exemples plus haut. Aussi voit-on par de nombreux passages des divers écrits du Nouveau Testament que la prédication chrétienne est simplement appelée le témoignage; cela s'explique par la nature de son objet principal, et sa méthode primitive. L'auteur ajoute qu'une grande grâce leur fut accordée à tous, à tous les membres de l'Église. Il ne s'agit pas ici (comme II, 47) de la faveur populaire, mais de la grâce divine; car, dit-il la communauté se trouvait dans un état matériellement prospère et avait ainsi une preuve irrécusable de cette grâce.

Barnabas joue un rôle très distingué dans l'histoire apostolique et s'y trouve beaucoup plus en évidence que la plupart des Douze. Le nom sous lequel il fut dès lors connu dans l'Église, est expliqué par Luc de manière à autoriser la traduction que nous en proposons. En hébreu, le terme de fils sert à marquer les attributs d'un sujet, surtout des qualités morales. Le fils de la prédication serait ainsi celui auquel on reconnaît un don particulier pour la parole, pour le discours public, peut-être même la qualité de prophète, l'étymologie permettant ce rapprochement avec le Nabî ou prophète des anciens Israélites.

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