Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IV


Premier cri d'alarme. Retraite de l'intendant de Bâville. – Sa correspondance avec Bossuet. – Supplice d'Etienne Arnaud.

Quatre mois se passèrent sans inquiétudes sérieuses pour les Églises renaissantes et en voie de réorganisation régulière, mais le 1er juillet, un cri d'alarme se fit entendre d'Uzès; Duvilard, commandant de cette place, avertit les consuls de son ressort qu'il venait de recevoir des ordres plus rigoureux que par le passé, pour poursuivre et punir sévèrement les assemblées religieuses; puisque, désormais, les communes se trouveraient chargées de tous les frais que nécessiteraient d'abord le jugement des coupables, et ensuite la nourriture des femmes qui seraient prises et condamnées à une prison perpétuelle; et que, outre cela, la paroisse dans laquelle l'assemblée aurait été tenue, serait accablée par un logement de troupes, qui n'en sortiraient point sans l'avoir entièrement ruinée: «Ainsi, ajoutait-il, vous voyez, par tous ces châtiments, combien il est essentiel que tous les habitants des paroisses veillent, chacun en son endroit, pour empêcher ces sortes d'assemblées et pour faire arrêter ceux qui les convoquent. C'est là le seul moyen par où vous pourrez empêcher la ruine de vos paroisses.»

Ces instructions arrivèrent de la cour, parce que le vieux Bâville les sollicita, mais il n'en fit pas pour son compte un long usage, car au commencement de 1718, il quitta l'intendance du Languedoc, après l'avoir gardée pendant trente-trois ans, puisqu'il y avait été nommé dans le mois de juin 1686, pour se retirer à Paris, où il arriva sourd, morose et septuagénaire. Pendant sa longue administration, il avait dépeuplé la province par la barbarie de ses accusations qui avaient abouti à obtenir le consentement du ministre Phelippeaux de Pont-Chartrain au supplice de plus de douze mille Cévenols et de quinze prédicants [1]. Il est vrai que pour rassurer sa conscience, il avait demandé des conseils à Bossuet, en lui adressant plusieurs lettres du style d'un Père de l'Église, dans lesquelles il accusait les protestants qui avaient fui, d'avoir violé l'obéissance qu'ils devaient à leur souverain; ceux qui avaient abjuré, d'avoir préféré leurs biens à leur religion. «La seule ressource, disait-il, est dans la sévérité; aussi le seul moyen que j'aie trouvé pour empêcher les assemblées religieuses, a été d'en rendre les communautés responsables, de condamner à des amendes solidaires tous les habitants, de leur envoyer des troupes et de raser les maisons où ces assemblées ont été tenues. Le temps de délibérer est passé; il faut achever à la hâte, fermer son coeur à la pitié, sa raison à la justice, se faire une religion de circonstance et sauver promptement l'État par des rigueurs devenues nécessaires. La qualité de persécuteur des hérétiques ne fit jamais déshonneur aux princes chrétiens.» – Et Bossuet avait répondu: «Je conviens sans peine du droit des souverains à forcer leurs sujets errants au vrai culte sous certaines peines.»

Ces peines, Bâville avait compris quelle devait être leur nature et la manière de les appliquer; il en donna un dernier exemple avant de partir pour la capitale, en faisant, le 22 janvier, attacher au gibet Étienne Arnaud, ce jeune prédicateur des Cévennes, qui avait assisté jusque-là à toutes les réunions synodales, pour lequel toutes les personnes les moins sensibles à la pitié et les plus prévenues contre lui, comme le prévôt, les archers, le bourreau, les officiers, les soldats, et le jésuite qui l'accompagna jusqu'au pied de l'échafaud, témoignèrent beaucoup de compassion, et quelques-uns dirent: «que s'il avait été de la religion romaine, il aurait été à leurs yeux un saint et un véritable martyr.

[1] C'étaient: Fulcrand Rey, Manuel Dalgue, David Berthezène, Pierre Poisson, Dombres, Mazel dit Olivier, Bonnemère, Roussel, Étienne Llans, Colognac, Papus, Laporte, Henri Guérin, Pierre Llans, Claude Brousson.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant