Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II


Avénement de Louis XV. – Le régent. – Etat où se trouvait la religion réformée en France. – Plan que conçut Antoine Court.

Le duc d'Anjou, son arrière-petit-fils, lui succéda sous le nom de Louis XV; mais comme il était mineur, le duc Philippe d'Orléans fut nommé régent du royaume. Ce prince était fils de Henriette, soeur de Charles 1er, roi d'Angleterre, et se trouvait par cela même allié à un monarque protestant; aussi parut-il, en prenant possession de sa charge, disposé à laisser dormir dans l'arsenal des lois les armes exterminatrices de l'hérésie qui avaient constitué la législation du dernier règne; mais comme cette résolution était plutôt le résultat de la faiblesse de son caractère, que la conséquence d'une conviction réelle de la légitimité de la tolérance, il l'abandonna aussitôt que le clergé lui manifesta une hostilité générale, à cause du cynisme d'irréligion et d'immoralité qu'il affichait dans ses paroles et dans sa conduite; dès lors, il lui fut impossible de réprimer les requêtes violentes des évêques et les mesures barbares des intendants contre les réformés, qui attirèrent l'attention générale, parce que, se persuadant qu'ils étaient moins surveillés, ils se réunirent plus souvent dans leurs baumes du désert.

Dans le nombre de ces prélats délateurs, il est juste de ne pas compter l'évêque de Nîmes, Jean-César Rousseau de la Parisière, qui avait succédé à Fléchier le 11 juillet 1710, quoique les renseignements écrits laissés sur son compte soient contradictoires; les uns, en effet, lui sont très favorables et affirment que les qualités de son esprit égalant les sentiments de son coeur, il se conduisit en prêtre actif, intelligent et modéré, tel qu'il le fallait à cette époque pour diriger les consciences des fidèles et assoupir les passions de la multitude; les autres, au contraire, l'accusent de n'avoir été qu'un prélat servile et vénal. Ce qui est certain toutefois, c'est qu'Antoine Court, en arrivant dans son diocèse pour y prêcher les saines doctrines du pur Évangile de Jésus-Christ, qui condamnent d'une manière si évidente et si claire les enseignements erronés de la tradition romaine, n'eut pas à subir les attaques de l'intolérance et les poursuites de la persécution de ce prélat.

Aussi commença-t-il ses travaux en paix. Nous laissons à sa plume le soin d'en décrire la nature, les difficultés et les résultats: «Qui pourrait dépeindre, dit-il dans un mémoire qui a été conservé, l'état où se trouvait la religion dans l'Église de Nîmes et en France? À peine en connaissait-on quelques traces. La persécution d'un côté, l'ignorance et le fanatisme de l'autre l'avaient entièrement ou anéantie ou défigurée. Le plus grand nombre de ceux qui conservaient le plus d'attachement pour elle, démentaient et déshonoraient cet attachement par leur conduite extérieure. Ils tenaient, pour ainsi dire, d'une main l'Évangile et de l'autre l'idole. Pendant la nuit ils rendaient à Dieu, dans leurs maisons, un culte secret, et pendant le jour ils allaient publiquement à la messe. Quels soins ne fallut-il pas pour les retirer d'une conduite aussi déshonorante et si contraire aux maximes de l'Évangile? Combien n'en fallut-il pas pour retirer la religion de l'état déplorable où les causes dont j'ai parlé l'avaient réduite? Quatre moyens, avec la bénédiction du Seigneur que j'implorais sans cesse, se présentèrent à mon esprit. Le premier fut de convoquer le peuple et de l'instruire dans des assemblées religieuses; le second, de combattre le fanatisme, qui, comme un embrasement, s'était répandu de tout côté, et de ramener à des idées plus saines ceux qui avaient eu la faiblesse de s'en laisser infecter; le troisième, de rétablir la discipline, l'usage des consistoires, des anciens, des colloques et des synodes, le quatrième, de former, autant qu'il serait en mon pouvoir, de jeunes prédicateurs, d'appeler des ministres des pays étrangers, et, s'ils manquaient de vocation pour le martyre et qu'ils ne fussent pas disposés à répondre à mes invitations pressantes, de solliciter auprès des puissances protestantes des secours en argent, pour aider aux études et à l'entretien des jeunes gens en qui je trouverais assez de courage et de bonne volonté pour se dévouer au service de Dieu et au salut de leurs frères.»

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