Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XI

La convention de Brighton.

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Organisation et participation. - Direction. - Plan de P. Smith. - Manifestations dangereuses. - Allemands et Français. - Témoignages. - Varley et l'évangélisation de la ville. - Réunion d'adieu. - Adresse des pasteurs allemands. - Ombres et lumières.


Th. Monod disait un soir dans une réunion à Brighton : « Je m'étonne que nous ne soyons pas plus étonnés de ce que nous voyons. Supposez deux amis chrétiens causant librement il y a cinq ou six ans, les pieds sur les chenets.

Et tout en tisonnant le feu, l'un disait à l'autre :
- Sais-tu ce que je souhaite ? Je voudrais voir des chrétiens s'assembler non pas dans un but ecclésiastique, si bon soit-il, ni non plus pour entendre le rapport de la meilleure de nos sociétés religieuses, mais uniquement pour chercher Dieu ensemble.
- Très bien ! répondait l'autre, ta pensée est excellente mais elle n'est pas près de se réaliser.
- Je voudrais encore, continuait le premier, que laïcs et ecclésiastiques de toutes les dénominations s'unissent. Oui, je souhaiterais que dans une de nos villes, disons à Brighton par exemple, une grande assemblée de chrétiens se réunît, des Américains, des Anglais, des Français, des Allemands, des Suisses, des Italiens, des Hollandais, des Belges, des Espagnols, pour prier, pour lire ensemble la Parole de Dieu, pour se rapprocher du Seigneur et pour être remplis d'une nouvelle force à son service. Et puis pendant qu'on est à souhaiter, je demanderais que cette ville de Brighton accordât à ces chrétiens les plus vastes édifices dont elle dispose.
- Mon pauvre ami, tu tombes de la lune ! Tu rêves. Cela se passera peut-être ainsi au Millénium mais assurément pas avant !
Or voici que le miracle s'est accompli ! »

La ville balnéaire de Brighton, à quatre-vingts kilomètres de Londres, surnommée « London super mare », avec ses hôtels, ses villas, ses grandes salles de concert, veuve de baigneurs à cette saison de l'année, avait été judicieusement choisie par le Comité d'organisation pour la manifestation projetée.

La municipalité avait gracieusement mis à la disposition des organisateurs le Pavillon, une ancienne résidence royale du temps de Georges IV, qui contenait un grand nombre de salles, quelques-unes très vastes. On a pu ainsi réunir sous le même toit tout l'ensemble des bureaux et des salles de réunions particulières.
« C'était chose étrange et réjouissante, remarque M. Lelièvre, que de voir rempli de chrétiens évangéliques ce palais construit par un roi d'Angleterre pour ses plaisirs et d'entendre la voix de la prière et le chant des cantiques en deux ou trois langues s'élever vers Dieu de toutes les parties de cet édifice. »

À proximité, le Dôme et le Corn Exchange fournissaient des locaux qui pouvaient contenir plus de trois mille auditeurs.
Les visiteurs anglais avaient à se loger à leurs frais. Plusieurs d'entre eux avaient loué pour la durée des réunions des maisons entières où ils exercèrent la plus cordiale hospitalité. Il est tel de ces « homes » où une vingtaine de pasteurs du continent furent reçus. Du reste partout la générosité britannique avait pourvu à l'hospitalité la plus large envers les étrangers. Une immense halle avait été transformée en salle à manger ; les continentaux y trouvaient gratuitement, les Anglais à un prix modique, des repas substantiels.

Lorsque M. et Mme A. Bovet avaient pris congé de M. P. Smith après les réunions d'Oxford, celui-ci leur avait encore dit, en montant à cheval pour sa promenade quotidienne : « Nous nous reverrons l'an prochain à Brighton. Cette année nous avons été quinze cents, j'ai demandé à Dieu que l'année prochaine nous soyons cinq mille. » Le chiffre a été atteint ; le Daily News et d'autres journaux politiques évaluèrent le nombre des participants à sept ou huit mille. Sur ce chiffre on comptait environ deux cents pasteurs du continent.

L'Allemagne venait en tête avec soixante-quinze délégués, dont quarante-cinq pasteurs, la Suisse suivait avec trente-trois, puis la France avec vingt-cinq, la Hollande avec quatorze, la Belgique avec douze, l'Italie avec dix et l'Espagne avec cinq. La Chine, l'Inde, le sud de l'Afrique avaient envoyé des missionnaires ou des pasteurs. Le vénérable évêque Gobat (1) de Jérusalem représentait la mission parmi les Juifs. On y rencontrait les pasteurs français : G. Appia, Babut, E. Barnaud, Dumas, A. Fisch, Lauga, M. Lelièvre, Edmond, Léopold, Théodore et William Monod, Élie Vernier, Hermann Kruger ; M. Dyke, missionnaire au sud de l'Afrique ; les Suisses -. Th. Rivier, A. Bovet, Rappard, Auguste et John Glardon, Ed. Barde, 0. Valette, Rollier, Kober-Gobat, Périllard, Siordet, Rau ; les Belges : Rochedieu, Nicolet, Brocher, J. Hocart fils. D'Italie étaient venus les pasteurs Pigott, Vernon, Comba ; d'Allemagne, Pank, Proknow, Ninck, Nippert, Doering, Sultz, etc., etc.

De généreux chrétiens anglais avaient facilité à plusieurs pasteurs le voyage de Brighton et pourtant une semblable participation pastorale ne peut s'expliquer que par un intérêt spirituel intense ; on voulait juger du mouvement par soi-même, en voir, en entendre les promoteurs.

Chaque soir P. Smith et son état-major arrêtaient le programme de la journée du lendemain. L'affluence des auditeurs, la multiplicité des locaux obligeaient à beaucoup d'ordre. De nombreuses réunions devaient se tenir simultanément ; certains jours on en compta jusqu'à trente. Le programme était imprimé la nuit et distribué pendant les réunions de prières du matin.

Voici, à titre d'exemple, le programme d'une de ces journées, celui du samedi 5 juin.
De 7 à 8 du matin réunion de prière (P. Smith) ; à la même heure réunion de prière allemande et réunion de prière française.
De 8 à 10 déjeuner pour les pasteurs étrangers, avec allocutions, naturellement.
De 9 1/2 à 11, réunion de dames (Mme Smith) ; en même temps « enquiry-meetings », réunions de chercheurs, à quatre endroits différents avec le concours de Boardman, du rév. Hopkins, du Dr Graham, de Thornton, de Sawday, de Battersby, de Morgan, de Fox, de Miller.
De 11 1/2 à 1 3/4 trois assemblées générales dans trois lieux de culte différents sous la direction de M. Th. Monod, de M. Blackwood et de l'amiral Fishbourne.
De 2 3/4 à 4 lecture biblique de Mme Smith ; meeting (Blackwood) ; « conversational enquiry meeting » À trois endroits, réunion de prière italienne.
De 6 1/4 à 7 1/2, meeting (Th. Monod) ; à la même heure réunion d'expériences pastorales (P. Smith) et culte musical.
De 8 à 10: réunion pour hommes seuls ; meeting (Varley) ; enquiry-meeting ; réunion pastorale hollandaise et en même temps réunions d'évangélisation dans toutes les églises, chapelles de la ville et dans la tente dressée spécialement pour l'occasion au bord de la mer.

P. Smith, en homme pratique, avait fait placarder des affiches sur les portes, interdisant de quitter la salle pendant les discours, les prières ou le chant des soli. Des gardiens de l'ordre se tenaient en permanence près des portes, dans les couloirs, échelonnés de distance en distance, portant à la main un long bâton de sapin, insigne de leurs fonctions. C'étaient des jeunes gens chrétiens qui s'étaient offerts pour ce service.

Un recueil spécial de cent cinquante cantiques avait été édité en vue de Brighton. « Plusieurs de ces cantiques, disait P. Smith, ont été composés par des hommes remplis de l'Esprit et dont le travail, paroles et musique, a été fait à genoux. »
Comme à Oxford et à Bâle, de belles voix chrétiennes ponctuaient par des soli les moments les plus solennels.

La Convention s'ouvrit le samedi 29 mai à sept heures du matin par une réunion d'actions de grâces dans le Dôme. M. Smith exhorta à la louange. Il lut et commenta l'histoire du jeûne et de la victoire de Josaphat (2 Chron. XX). Il montra les Lévites « louant l'Éternel d'une voix haute » et Josaphat « établissant des gens pour chanter à l'Éternel et louer sa sainte magnificence » et cela au moment même où le combat n'avait pas encore commencé. Qu'ainsi fasse le peuple de Dieu, rendant grâce pour les victoires non encore remportées et pour les bénédictions à recevoir.

Dès cette première réunion, M. Smith souhaita la bienvenue aux pasteurs du continent avec une véritable effusion de coeur. Il les invita à se lever au milieu de l'assemblée afin que tous apprissent à les connaître et pussent les aborder sans autre présentation préalable.
Mais ce fut surtout dans deux réunions spéciales, l'après-midi du samedi et le lundi, qu'eut lieu la réception publique des frères du continent. Le Dr Prachnow de Berlin parla au nom de l'Allemagne, M. Lelièvre au nom de la France, M. Rappard au nom de la Suisse, M. Comba au nom de l'Italie, M. Nicolet au nom de la Belgique, M. Cabrera au nom de l'Espagne, M. Tottie au nom de la Suède, etc.

À cette même réunion, P. Smith invita un pasteur français à prier pour l'Allemagne, ajoutant malicieusement : « Personne n'est mieux qualifié pour le faire. » Puis un pasteur allemand fut invité à rendre la pareille à la France. Quelques jours plus tard P. Smith ayant entendu dire que des étrangers se plaignaient de l'isolement, il adressa un appel chaleureux en leur faveur aux Anglo-Saxons : « Mes amis leur dit-il, nous avons parmi nous des frères du continent - il n'y avait pas que des pasteurs venus du continent - qui souffrent d'être loin de leur famille et qui ont besoin d'être entourés ; je vous prie, ouvrez-leur vos demeures, recevez-les à votre table, exercez envers eux l'hospitalité. »

Dès lors ce fut parmi les Anglais à qui introduirait un frère étranger dans le cercle de sa famille. Les journées étaient remplies comme à Oxford ; les rencontres avaient le même caractère, mais toutes les assemblées y prenaient des proportions beaucoup plus considérables ; ainsi aux réunions de prière du matin se pressaient jusqu'à trois mille personnes. P. Smith s'efforçait de donner à ces moments de prière un caractère varié : « Il se mettait si bien à la place des assistants, remarque M. A. Bovet, qu'il proposait à chaque instant précisément ce qui leur était agréable et ce qui répondait aux besoins de leurs coeurs. »

Ce qui, au premier abord, frappa désagréablement les pasteurs du continent dans les « general meetings », qui avaient lieu simultanément au Dôme et au Corn-Exchange, c'est que la parole n'y était pas libre. Le président, soit P. Smith ou l'un de ses remplaçants, désignait de sa seule autorité ceux qui devaient parler après lui. Quand P. Smith présidait, il le faisait avec une maîtrise remarquable : « Constamment entouré, dit M. Aug. Glardon, d'un état-major d'hommes parvenus comme lui à une pleine certitude de la foi, il leur donnait ses ordres par un geste, par un regard, les faisant prier, parler, chanter ou lire à son gré (2) ». Quand la présidence humaine s'affirme aussi énergiquement, on risque de se priver du concours d'un frère dont la parole d'expérience ou d'exhortation aurait été d'un grand prix, comme aussi on fait parler tel autre qui se borne à apporter à ses auditeurs l'écho affaibli de la pensée présidentielle.

D'autre part la discipline qu'on sentait nécessaire dans une telle foule et l'unité d'enseignement que poursuivaient les organisateurs finirent par gagner toutes les sympathies à cette méthode un peu militaire : « Nous reconnûmes plus tard, dit à ce propos M. Aug. Glardon, qu'au point de vue pratique auquel P. Smith s'était placé, sa manière avait du bon. Un accord parfait entre les orateurs, aucun hors d'oeuvre, pas une allocution qui ne portât coup, pas une prière ou un chant de cantique qui ne fît faire à l'assemblée un pas en avant !... Dès le milieu de la seconde journée, ceux d'entre nous qui connaissaient par expérience la marche d'un réveil, avaient le sentiment que l'ennemi commençait sa retraite.... (3) »

Dans la pensée de P. Smith, il y avait un plan qui se déroula à travers ces « general meetings ». Il était parti de l'idée qu'il avait affaire à des chrétiens, pécheurs réconciliés avec Dieu. Il chercha tout d'abord à dégager chez ses auditeurs le sentiment de leur véritable vocation qui est la sainteté et, conséquence logique, le dégoût du péché, la haine croissante du moi, les amenant peu à peu à pousser le cri de saint Paul - « Misérable que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? » Alors il s'appliqua à produire l'acte de consécration complète, indispensable à la marche en avant. Puis vinrent les études sur la foi. L'enfant de Dieu, purifié de ses souillures, soumis sans réserve à son Sauveur, possède une assurance qui lui permet de demander avec foi et par conséquent d'obtenir toutes les richesses comprises dans le baptême du Saint-Esprit. Dès lors le chrétien rempli de l'Esprit, revêtu de la puissance d'En Haut, entre dans une carrière de victoires, livrant en vainqueur le combat de la foi. Son Sauveur l'associe à son oeuvre de miséricorde, le fait ouvrier avec lui, le rend participant de sa mort et de sa vie, de ses souffrances et de ses joies, de ses travaux et de sa gloire.

Un jour que P. Smith parlait du péché obstacle, il insista sur le pardon des offenses et posa cette question : « Pardonnez-vous ? » Puis il ajouta : « Ne me répondez pas, répondez à Dieu ! Nous allons avoir un instant de prière silencieuse pendant lequel nous Lui ferons la réponse. »
Et cette immense assemblée courba la tête devant Celui qui sonde les coeurs et les reins.
« C'était un spectacle saisissant, raconte M. Lelièvre, de voir ces trois mille personnes s'incliner, demeurer dans une immobilité absolue pendant que se faisait entendre dans le fond des coeurs le son doux et subtil de l'amour divin. »

Un mot qui revint continuellement dans les exhortations des orateurs, c'était celui de maintenant.
Quand faut-il obéir à l'appel du Seigneur ?
Quand faut-il se consacrer à Lui ?
Quand faut-il avoir en Lui cette confiance absolue, illimitée ? Maintenant !

« Subdivisez votre vie, disait M. Th. Monod, en parties aussi petites que vous voudrez, fussent des cinquièmes de secondes ; si le Seigneur vous garde pendant un cinquième et que vous ayez confiance pendant un cinquième, quelle raison avez-vous de croire qu'il n'en sera plus ainsi pour le cinquième suivant ? Du reste ne vous inquiétez donc pas de l'avenir, ayez confiance maintenant, toujours maintenant et vous aurez confiance toute votre vie, car demain ne vient jamais, je n'ai jamais vu quelqu'un vivant demain ; on vit toujours dans le présent. »

Il y eut pendant la Convention des réunions d'un genre nouveau pour beaucoup d'assistants.
M. Smith répondait aux questions qu'on lui adressait de divers points de la salle. Ces questions devaient être rédigées par écrit, et les huissiers les apportaient à M. Smith. Questions de doctrine, de morale, de casuistique, d'exégèse, questions importantes, questions oiseuses, M. Smith répondait à toutes sans que sa sérénité et sa douceur se démentissent jamais. Sa présence d'esprit, sa sagesse, la lucidité de ses explications, sa simplicité, mélange de bonhomie et de finesse, excitaient l'admiration générale.

« Je ne veux pas oublier de mentionner, dit le correspondant du Journal religieux, les « enquirer meetings », ou réunions pour les chercheurs, présidées par des hommes d'expérience dans des locaux plus restreints.... Un élève de l'école de théologie de M. Spurgeon, M. Sawday, homme jeune encore, excellait dans la direction de ces réunions. Ce qui me frappait et m'humiliait, c'était de voir la connaissance approfondie de la Bible qui le distinguait et qui était le seul secret de sa force.... C'est là aussi que j'entendis avec une grande joie le témoignage rendu par un jeune docteur en médecine qui déclara avec bonheur qu'il pouvait maintenant, depuis sa conversion, annoncer le Sauveur à ses malades, prier pour eux et avec eux. Il nous assura, ce qui ne nous étonna pas mais nous fit du bien, que tout lui réussissait mieux, depuis qu'il se plaçait, lui et ses patients, aux pieds du Tout-Puissant (4). »

Sans doute tout n'était pas parfait à Brighton. M. Rau écrit :
« Ce qui m'inquiétait c'était que P. Smith avait autour de lui certains Américains qu'il favorisait ou laissait faire. Ces gens travaillaient dans des locaux annexes. J'ai toujours pensé que là s'élaboraient ces erreurs auxquelles Smith confessa plus tard avoir cédé.... (5) »

Une chrétienne de grande valeur qui a assisté aux réunions de Brighton, nous affirmait de son côté qu'une recherche malsaine d'un baptême sensationnel du Saint-Esprit se manifestait et effrayait quelques-uns des meilleurs amis de P. Smith.
Asa Mahan n'échappait pas à cette tendance dangereuse. Un certain jour, en particulier, il passa la mesure. Voici comment M. Rau raconte cet incident :
« .... Après avoir échauffé son auditoire en répétant sans cesse qu'il faut le (c'est-à-dire ce) baptême du Saint-Esprit, il s'écria : Vous pouvez l'avoir ! Alors quelques jeunes pasteurs anglicans se levèrent et s'écrièrent : Pourquoi pas tout de suite ... !! Il fallait je pense, qu'un vent passât sur nous .... Alors j'eus franchement peur et j'étais prêt à sortir.

Félix Bovet, lui aussi, comprit qu'il se passait quelque chose d'anormal ; avec son impartialité ordinaire, il me rappela, un moment après, qu'il y avait ou pouvait y avoir parfois « du vin doux » dans les manifestations chrétiennes. Heureusement que lord Radstock et un ou deux autres se levèrent aussitôt pour imposer silence et donner un autre cours à la réunion (6). »

Sans préjudice porté à la réunion générale de prière, les pasteurs allemands à part, les pasteurs français de leur côté se réunissaient d'une manière plus intime pour prier. Les uns et les autres affirmaient que cette heure marquait pour eux l'un des moments les plus bénis de la journée. C'était la première fois que des chrétiens d'Allemagne et de France se trouvaient rapprochés depuis la guerre. L'attitude réservée qu'ils gardaient les uns à l'égard des autres et que n'avaient pas fait disparaître les prières du premier jour allait-elle jeter un froid sur la Convention et empêcher la bénédiction ? Non. On sentit de part et d'autre que Dieu enrichirait les coeurs dans la mesure où toute amertume en aurait disparu.

Un matin un jeune pasteur alsacien se leva et déclara avec un sérieux impressionnant qu'il avait un poids sur le coeur ; tant que ce fardeau ne serait pas enlevé, il ne retirerait aucun bien des réunions de Brighton. « Les Allemands m'ont pris mon pays, je ne puis le leur pardonner. Je sens même au fond de mon coeur de la haine contre eux. Priez pour moi que je sois délivré.... » La glace était rompue. On se jeta à genoux pour pleurer et prier. M. Babut exprima la résolution de ne pas permettre aux souvenirs du passé de troubler les sentiments de fraternité entre chrétiens français et allemands et conjura les frères des deux pays de tout faire pour empêcher le retour de pareilles calamités et, si par malheur elles se reproduisaient, de se préserver de tout sentiment contraire à la charité (7).

Quelques jours après, les pasteurs allemands, luthériens pour la plupart, invitaient leurs frères de France à prendre en commun la Cène du Seigneur. Un seul ne s'était pas senti libre d'adhérer à cette résolution, et il avait immédiatement quitté Brighton pour ne pas troubler la bonne harmonie par sa présence. Le dimanche 6 juin les pasteurs continentaux, Allemands, Français, Belges, Suisses, Italiens prenaient ensemble la Cène dans l'église du pasteur Gonin.

Un service de Cène couronna, le lundi soir, ces journées. On avait d'abord hésité à l'organiser ; on désirait ménager les susceptibilités ecclésiastiques des pasteurs anglicans auxquels les lois de leur Église défendent à la fois d'administrer la Cène dans un lien non consacré et de la recevoir des mains d'un pasteur dissident. On décida alors que la Cène serait distribuée exclusivement par les pasteurs du continent. « Nous vous avons reçus à nos tables, leur dit M. Smith, en retour vous nous recevrez à la table du Seigneur. » De quatre à cinq mille communiants prirent la Cène des mains de quatre-vingts pasteurs français, allemands, suisses, belges ou hollandais. « C'était, raconte un témoin oculaire, comme si nous avions été transportés par la foi au milieu de cette autre multitude de toute langue et de toute tribu qui se rassemblera un jour autour du festin des noces de l'Agneau. »

Le samedi 10 juin M. Smith et quelques amis avaient convié à un déjeuner les pasteurs présents.
Environ quatre cents répondirent à l'appel. Après le repas ils se groupèrent autour des hôtes à une des extrémités de la grande salle. M. Smith lut le chapitre VII de l'Apocalypse et il demanda aux assistants de répéter chacun dans sa langue, le cri des rachetés : « Le salut vient de notre Dieu qui est assis sur le trône et de l'Agneau ! » C'était comme l'Église militante s'associant à l'Église triomphante pour rendre toute gloire à Jésus-Christ « l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ». Des prières montèrent alors pour demander le Saint-Esprit. La puissance du Seigneur se faisait sentir d'une manière si distincte que tous tombèrent à genoux et, pendant dix minutes, pas un murmure ne troubla le recueillement de cet acte d'adoration silencieuse. Asa Mahan disait en sortant que jamais réunion ne lui avait fait entrevoir comme celle-là ce qu'avait dû être la Pentecôte.

Comme à Oxford il se tint des réunions de témoignages.
On vit des vieillards, des jeunes gens, des laïques, des ecclésiastiques, des Anglais, des continentaux se lever tour à tour et rendre grâce à Dieu pour les grandes bénédictions reçues. L'un disait : « Je sais une chose, j'étais aveugle et maintenant je vois. » Un autre : « J'ai attendu patiemment l'Éternel et il s'est tourné vers moi. » Un troisième : « Éternel, mon Dieu, j'ai crié vers toi et tu m'as guéri. »

Des centaines affirmaient ainsi d'un mot, d'une phrase, d'un passage le bien qu'ils avaient reçu. Ces déclarations étaient accueillies avec des chants de reconnaissance. Plusieurs pasteurs allemands, connus par leur haute position ecclésiastique, leur science ou leur talent n'hésitaient pas à rendre aussi leur témoignage :
« Nous avons longtemps cru, nous autres Allemands, s'écriait l'un d'eux, que le chrétien peut vivre de science théologique. Nous reconnaissons aujourd'hui avec humiliation et avec joie, que la personne même de Christ est l'aliment qui convient à nos âmes et que c'est un aliment à la portée de tous. »

Citons ce témoignage d'un pasteur hollandais :
« Mon seul but, dit-il, en venant ici était de préparer un rapport sur le mouvement actuel et il m'est arrivé plus d'une fois de critiquer vivement ce que j'entendais. Oh ! vous ne pouvez vous figurer combien vos paroles nous semblaient étranges, à nous théologiens hollandais ! Et, d'emblée, je puis bien le confesser ici, nous avions prononcé, mes collègues et moi, que tout était faux dans la doctrine d'Oxford.

Le jeudi soir arriva et, à cette même place, adossé à ce pilier, j'entendis notre cher frère Monod nous exhorter à nous approcher de Celui qui est digne de toute notre confiance. Pendant seize ans j'avais travaillé pour le Seigneur, prêchant l'Évangile fidèlement ; et quoique j'eusse dit aux autres de se confier en Jésus, je sentis à ce moment-là que je ne m'étais jamais abandonné à Lui sans réserve. Il me sembla que mon Sauveur se tenait devant moi disant : « Ne veux-tu pas te confier en moi a présent ? » Que pouvais-je répondre ? - Oui, Maître, je veux me confier à Toi, maintenant.... Mon coeur fut brisé. Je ne pus que me réjouir comme un petit enfant dans cet amour infini.... »

M. Aug. Glardon écrit de son côté : « J'eus pendant ces journées l'occasion de suivre le travail qui s'opérait chez plus d'un ami. Les cas ne se ressemblaient guère ; chacun avait ses difficultés spéciales provenant de ses antécédents, de son caractère, de ses circonstances particulières. Ce qu'il y avait de commun, c'était l'esprit de résistance ; et il était curieux vraiment de voir apparaître, puis disparaître toutes les excuses, toutes les objections, que le coeur naturel tient en réserve dans ses profondeurs pour la défense de son terrain.
Certaines âmes arrivaient dès les premiers moments à la pleine lumière et à la pleine délivrance. On aurait cru de certaines autres qu'elles étaient résolues à s'ensevelir sous les décombres de leurs théories plutôt que de céder la place ; de jour en jour plus sombres, plus taciturnes, sur la défensive jusqu'au bout.
Non pourtant pas jusqu'au bout ! Rencontrant à Londres, huit jours après la Convention de Brighton, un ami qui m'avait paru ne pas bénéficier beaucoup des réunions, je le trouvai radieux.
- Eh bien ? lui demandai-je.
- Eh bien, me répondit-il, j'ignore comment cela s'est fait ; mais j'avais à peine quitté Brighton que la vérité m'est apparue ; mes résistances ont cessé et je suis le plus heureux des hommes. Ma confiance en Jésus-Christ augmente d'heure en heure, Dieu me bénit au delà de tout ce que j'aurais pu imaginer. »

Trois ou quatre jours avant la fin des conférences, P. Smith s'écriait :
- Jusqu'ici nous ne nous sommes occupés que de nous. Notre premier devoir était de rechercher la face de notre Dieu, pour parvenir au repos définitif en lui. Aujourd'hui que notre coupe est comble, le moment est venu de songer à la grande ville qui nous donne l'hospitalité et aux milliers de pécheurs qu'elle renferme.

Le même jour il disait :
- J'ai demandé avec foi au Seigneur un millier d'âmes comme salaire de notre travail d'évangélisation à Brighton. L'heure est venue de moissonner.

Plus d'une centaine de frères se firent inscrire pour prendre part à cette oeuvre. Des services d'évangélisation furent aussitôt organisés.
Deux vastes tentes avaient été dressées, l'une dans un quartier populeux, l'autre sur la plage. Une petite tribune de sapin, un harmonium, quelques centaines de chaises en composaient tout l'ameublement. Un certain nombre de chrétiens des deux sexes se groupèrent sur la plage, près de la tente. Ils se mirent à chanter. Quand une centaine de personnes furent rassemblées, on les conduisit sous la tente et le service commença, au milieu des rires et des quolibets de la foule restée sur le quai.

Le premier orateur qui monta à la tribune était heureusement doué d'une voix puissante. Il parla longtemps sans se laisser déconcerter par le bruit. Quand il eut fini la tente était remplie de marins, de cochers, de portefaix, de cireurs de bottes, de femmes en haillons. Les allocutions, les chants, les prières alternèrent pendant une heure et demie. À l'issue du service, une trentaine de personnes des deux sexes restèrent sous la tente pour prendre part à un « after meeting ».
« Un soir, raconte M. A. Glardon, comme nous étions réunis dans le Corn Exchange, au nombre d'environ trois mille, M. Smith monta à la tribune et nous dit :
- Une centaine de frères parcourent en ce moment la ville en chantant pour ramasser la population des rues et l'amener en masse dans le Dôme, où nous nous proposons d'avoir un service d'évangélisation. Soutenez-nous de vos prières.

Nous nous mettons aussitôt à prier. Au bout d'un quart d'heure, une vague rumeur, qui va grandissant d'instant en instant, nous apprend que la cohorte approche. Un joyeux refrain de cantique domine la foule en marche. La voilà qui passe devant les fenêtres, elle s'engouffre dans la vaste salle dont les échos s'éveillent. Puis un grand calme ; le travail d'amour a commencé. Quelle soirée que celle-là ! Ici les combattants luttant avec le prince de ce monde pour lui arracher les âmes qu'il retient captives ; là, l'Église luttant avec son Dieu pour obtenir la bénédiction.

Je m'esquive du Corn Exchange et me rends au Dôme pour voir ce qui s'y passe. Quel coup de filet ! Environ quinze cents hommes, jeunes gens, vieillards appartenant pour la plupart aux classes inférieures, sont rassemblés au pied de la tribune, d'où la parole évangélique descend comme un torrent de feu. La plupart sont en vêtements de travail, la casquette graisseuse ou le feutre déformé sur les genoux, dans une attitude gênée. On voit qu'ils se sentent dépaysés dans un lieu de culte. Quelques-uns se regardent du coin de l'oeil en ricanant. Un ou deux font des remarques désobligeantes ou expriment leur approbation à demi-voix. En voici trois ou quatre qui en ont assez ; ils s'échappent à grand bruit pour aller fumer dans la rue ou au cabaret le cigare qu'ils ont entre les doigts. D'autres entrent sur la pointe du pied, en regardant autour d'eux d'un air effaré.

Un orateur succède à un autre, le calme se fait peu à peu dans la salle. Un musicien se place devant l'harmonium ; il entonne d'une voix mélodieuse, admirablement pure, un des soli que Sankey a mis en honneur. On entendrait maintenant voler une mouche. Plus d'un de ceux qui m'entourent s'essuie les yeux du revers de la main. L'assemblée a été congédiée, il est dix heures du soir. Une centaine d'auditeurs sont restés cloués à leur place ; plusieurs se cachent le visage dans les mains. Les travailleurs chrétiens se répandent dans l'auditoire. Des conversations s'engagent à mi-voix ; on se dirait à l'école du dimanche pendant la demi-heure consacrée aux groupes. Ici on lit quelques versets des Écritures, là on prie à genoux. Qui dira les résultats de cette soirée.

Henri Varley, le puissant évangéliste, tenait deux ou trois meetings par jour, tantôt dans un quartier, tantôt dans un autre. La première fois que je l'entendis, c'était dans la grande salle de l'Hôtel de Ville, mise à sa disposition par la municipalité. Il parla de Nicodème et insista sur la nécessité de la nouvelle naissance. L'impression produite par sa parole était telle qu'on eût dit par moment qu'un coup de vent passait sur l'assemblée. Je compris alors ce que Paul voulait dire par une démonstration de puissance.

À la suite de cette réunion, un si grand nombre de personnes demandèrent à s'entretenir avec Varley qu'il eût été impossible de leur accorder à chacune un entretien particulier. Il les engagea à se grouper au pied de la tribune ; puis, faisant venir auprès de lui un jeune chrétien qui se trouvait là, il engagea avec lui un dialogue de nature à faire pénétrer la clarté dans les intelligences les plus ténébreuses. Il y avait dans ce dialogue quelque chose à la fois de si enfantin et de si puissant, tant de vie et d'entrain, Varley en tira parti si excellemment pour amener ces âmes timides ou irrésolues à se confier en Christ, que l'auditoire en fut profondément remué.

À la suite de cet entretien, plusieurs personnes se levèrent pour dire à haute voix qu'elles venaient d'obtenir l'assurance de leur pardon et la paix de Dieu.
- Je n'oublierai jamais, s'écria d'une voix vibrante un jeune ouvrier aux traits accentués, que, dans cette salle, à cette place où je me trouve, j'ai reçu ce soir le don de la vie éternelle.

Quand nous quittâmes Brighton, plusieurs centaines de personnes avaient déjà fait profession, publiquement ou par lettre, de s'être converties ; et les prédications d'appel, les visites de quartier en quartier, devaient se continuer encore pendant huit jours. Nous avons appris depuis qu'une grande bénédiction a reposé sur ce travail, et il est permis de croire que M. P. Smith a reçu de la fidélité de Dieu la conversion des mille âmes qu'il avait demandées pour salaire de son travail (8). »

Une dernière réunion, dite réunion d'adieu, se tint le mardi de bonne heure. Dès 6 1/2 h. du matin il n'y avait plus une seule place libre dans le Corn Exchange. Il y eut des prières, des chants, des témoignages. Varley raconta que la veille au soir à la Tonhalle, un vieillard s'était converti ainsi que ses deux filles. « Il voulait me baiser la main, ajouta l'orateur, et je l'embrassai comme un père. » Au moment où ces mots étaient prononcés, un cri partit d'une extrémité de la salle : « C'est vrai ! c'est parfaitement vrai ! je suis cet homme-là ! » Il sembla à plusieurs qu'ils venaient d'être témoins de l'un des miracles de Jésus-Christ.

L'heure avançait, il fallait songer à se quitter. M. Smith invita les participants à se dire vraiment à Dieu, et à se serrer la main les uns aux autres ; cette scène spontanée et naturelle était émouvante, aussi eût-il été difficile de trouver un oeil sec dans toute cette assemblée. On se disait à Dieu et on ne parvenait pas à se séparer. Une voix s'était élevée pour dire : « 0 Dieu, bénis ton serviteur M. Smith » ; puis une voix de femme : « 0 Dieu, bénis Mme Smith ». D'autres voix s'élevèrent demandant la bénédiction de Dieu sur tous ceux qui avaient exhorté au nom du Seigneur, sur ceux qui avaient exercé l'hospitalité ; sur les pasteurs du continent. Et c'est aussi en se recommandant les uns les autres à la grâce de Dieu que l'immense assemblée sortit de la salle et commença à se disperser.
Plus d'un se répétait les premiers mots de l'invitation qui annonçait les réunions de Brighton : « Dieu a visité son peuple.... »

Rentrés dans leurs foyers, les pasteurs allemands adressèrent à leurs frères anglais le manifeste suivant (9) :
« Nous, soussignés, qui avons suivi les réunions tenues à Brighton par P. Smith du 29 mai au 7 juin, nous nous sentons pressés d'exprimer notre profonde reconnaissance non seulement pour l'hospitalité et l'amour fraternel qui nous ont été témoignés, mais surtout pour la bénédiction spirituelle que nous tous avons emportée dans une riche mesure. Nous avons reçu d'inoubliables impressions et nous reconnaissons, avec une profonde reconnaissance envers le Seigneur, que nous avons fait de sérieux progrès dans la connaissance de nous-mêmes, dans l'assimilation des plus importantes vérités scripturaires, dans l'amour fraternel, dans la joyeuse confiance de la foi, dans la prière et dans la sanctification.

Nous avons expérimenté ce que peut une personnalité bénie de Dieu et sanctifiée par lui, dans laquelle une grande richesse d'Esprit unie à une remarquable simplicité, s'allie à un amour plein d'humilité. La bénédiction que nous en avons retirée fut encore augmentée par le concours d'hommes de diverses nations et par la communion fraternelle qui nous a unis.
L'amour que nous ont témoigné nos frères français nous a été bienfaisant et nous bénissons Dieu pour ce lien de paix qui s'est manifesté comme un fruit particulièrement précieux de ces réunions. Pas plus la différence des confessions que celle des nations n'est venue détruire l'harmonie. Les convictions ecclésiastiques de chacun ont été respectées.

On ne nous a en aucune manière imposé une nouvelle doctrine, mais on nous a présenté sous ses divers aspects l'expression vivante et vivifiante d'une ancienne vérité. À supposer que quelque chose dans la forme extérieure des réunions de Brighton nous ait paru un peu étrange, toute la valeur interne de cette Convention demeure intacte.
Rentrés dans notre patrie avec une foi renouvelée, nous avons confiance que la bénédiction reçue demeurera agissante dans nos familles et dans notre vocation. Nous supplions tous ceux qui n'ont pas encore eu l'occasion de faire connaissance personnelle avec ce mouvement de ne pas le juger avant d'en avoir compris le sens profond. »

Suivaient les signatures de quarante-huit pasteurs dont plusieurs étaient haut placés dans la hiérarchie ecclésiastique (10).

Les conférences de Brighton ont sorti le mouvement des cercles plus étroits dans lesquels il se mouvait jusqu'alors et l'ont placé sur des bases plus larges. P. Smith a bien senti, et il l'a déclaré sans aigreur, que le mouvement maintenant lancé le débordait et allait faire son chemin sans lui. Le retentissement de Brighton a été immense. Et comme c'est le cas souvent, l'emballement a joué son rôle. Ce n'étaient plus seulement les croyants fatigués de leurs vains efforts dans la lutte contre le péché et pleurant sur leurs défaites morales qui acceptaient le message de P. Smith, mais plusieurs de ceux auxquels manquait l'expérience primordiale de la conversion et qui le défiguraient par leur manque de consécration.
D'autre part le désir immodéré d'un baptême de l'Esprit destiné à agir non plus seulement dans le domaine spirituel de la foi mais jusque dans la sensation psychique, introduisait dans la piété de plusieurs un élément malsain.

Les meilleurs amis de P. Smith n'étaient pas sans inquiétude à son sujet. Certains membres de son Comité trouvaient que véritablement il se mettait trop en vue. Il s'était laissé photographier au centre d'un groupe de cinq cents frères. Il acceptait comme une chose toute naturelle d'être le point de mire de tous les regards. « Quand j'arrivai à Brighton, écrit M. Rau, il me sembla que ce n'était plus cette bonne atmosphère d'Oxford. C'était autre chose, je ne sais quoi, et cette remarque me fut aussi faite par le baron de Gemmingen, de Gernsbach (Bade) homme pieux, beaucoup mieux renseigné que moi. Il me disait : « Nous avions à Oxford les bénédictions des premiers-nés, ce n'est plus la même chose ici. » C'était tout à fait mon sentiment. Aussi fus-je moins assidu aux diverses assemblées qui se tenaient au palais ; j'allai en revanche dans les réunions d'évangélisation, admirables celles-ci, que lord Radstock et Varley tenaient dans divers locaux de la ville. Aucun orateur, même Moody, que j'ai entendu à Londres, ne m'a fait une impression aussi profonde que Varley, l'évangéliste-né et puissant et touchant au possible.... (11) »

Mais soyons équitables et n'oublions pas le bien immense qu'a fait la convention de Brighton. Des milliers de personnes qui ne connaissaient que vaguement le message d'Oxford ont été touchées et gagnées à la vie de sanctification. Comme aussi beaucoup d'amis du mouvement ont été affermis et transportés dans les lieux célestes par le contact de ces foules enthousiasmées. « Je ne puis exprimer tout ce que je dois à Brighton », nous disait un Genevois qui avait eu le privilège de s'y rendre. De son côté M. Aug. Glardon nous écrit : « Les chrétiens de Brighton m'ont révélé la puissance d'une foi enfantine et la possibilité d'une vie sanctifiée par la plénitude (ordonnée d'En Haut) du Saint-Esprit. Je fais encore journellement l'expérience de la justesse de leur point de vue. Je sais qu'il en est de même pour plusieurs ... (12


1) L'évêque Gobat, comme on sait, était originaire de la paroisse de Grandval dans le Jura bernois. Quand il lut sur la liste des participants le nom de M. Maurice Guye, alors pasteur à Grandval, il fut tout ému ; il lui demanda une entrevue et bénit Dieu de ce que le conducteur spirituel de son lieu d'origine assistait à cette convention.

2) Chrétien évangélique 1875, p. 329.

3) Chrétien évangélique 1875, p. 329. 

4) Journal religieux, 10 juillet 1875.

5) Lettre particulière du 20 mai 1913.

6) Ibid.

7) Dans la lettre, devenue fameuse, que M. Babut adressa au pasteur Dryander, de Berlin, le 4 août 1914, au lendemain de la déclaration de guerre, le vénéré pasteur de Nîmes fait allusion, chacun s'en souvient, à ce moment inoubliable de la Convention de Brighton. (Voir l'Essor du 10 octobre 1914).

8
) Un Printemps spirituel, p. 62-66. 

9) Publié dans la Neue evangelische Zeitung du 30 juin 1875. 

10) Nous mentionnerons les noms suivants : 0. Pank, pasteur à Berlin ; Dr Prochnow, id. ; lic. G. Rietschel, pasteur à Zittau (Saxe) ; Gneist, prédicateur à la cour grand-ducale de Carlsruhe ; Dr Wangemann, directeur de mission à Berlin ; O. Erdmann, inspecteur de la Société évangélique à Elberfeld ; Dr Warneck, pasteur ; Seidenstucker, super-intendant à Heilsberg (Prusse) ; Dr Brand, pasteur, etc., etc. (voir le Glaubensweg, 1875, p. 146) 

11) Lettre particulière du 20 mai 1913.

12) Lettre particulière du 17 juin 1913.
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