Organisation et participation. - Direction. - Plan de P. Smith. - Manifestations dangereuses. - Allemands et Français. - Témoignages. - Varley et l'évangélisation de la ville. - Réunion d'adieu. - Adresse des pasteurs allemands. - Ombres et lumières.
Th. Monod disait un soir dans une réunion
à Brighton : « Je
m'étonne que nous ne soyons pas plus
étonnés de ce que nous voyons.
Supposez deux amis chrétiens causant
librement il y a cinq ou six ans, les pieds sur les
chenets.
Et tout en tisonnant le feu,
l'un
disait à l'autre :
- Sais-tu ce que je
souhaite ?
Je voudrais voir des chrétiens s'assembler
non pas dans un but ecclésiastique, si bon
soit-il, ni non plus pour entendre le rapport de la
meilleure de nos sociétés
religieuses, mais uniquement pour chercher Dieu
ensemble.
- Très bien !
répondait l'autre, ta pensée est
excellente mais elle n'est pas près de se
réaliser.
- Je voudrais encore, continuait
le
premier, que laïcs et ecclésiastiques
de toutes les dénominations s'unissent. Oui,
je souhaiterais que dans une de nos villes, disons
à Brighton par exemple, une grande
assemblée de chrétiens se
réunît, des Américains, des
Anglais, des Français, des Allemands, des
Suisses, des Italiens, des Hollandais, des Belges,
des Espagnols, pour prier, pour lire ensemble la
Parole de Dieu, pour se
rapprocher du Seigneur et pour être remplis
d'une nouvelle force à son service. Et puis
pendant qu'on est à souhaiter, je
demanderais que cette ville de Brighton
accordât à ces chrétiens les
plus vastes édifices dont elle
dispose.
- Mon pauvre ami, tu tombes de
la
lune ! Tu rêves. Cela se passera
peut-être ainsi au Millénium mais
assurément pas avant !
Or voici que le miracle s'est
accompli ! »
La ville balnéaire de
Brighton, à quatre-vingts kilomètres
de Londres, surnommée « London
super mare », avec ses hôtels, ses
villas, ses grandes salles de concert, veuve de
baigneurs à cette saison de l'année,
avait été judicieusement choisie par
le Comité d'organisation pour la
manifestation projetée.
La municipalité avait
gracieusement mis à la disposition des
organisateurs le Pavillon, une ancienne
résidence royale du temps de Georges IV, qui
contenait un grand nombre de salles, quelques-unes
très vastes. On a pu ainsi réunir
sous le même toit tout l'ensemble des bureaux
et des salles de réunions
particulières.
« C'était chose
étrange et réjouissante, remarque M.
Lelièvre, que de voir rempli de
chrétiens évangéliques ce
palais construit par un roi d'Angleterre pour ses
plaisirs et d'entendre la voix de la prière
et le chant des cantiques en deux ou trois langues
s'élever vers Dieu de toutes les parties de
cet édifice. »
À proximité, le
Dôme et le Corn Exchange fournissaient des
locaux qui pouvaient contenir plus de trois mille
auditeurs.
Les visiteurs anglais avaient
à se loger à leurs frais. Plusieurs
d'entre eux avaient loué pour
la durée des
réunions des maisons entières
où ils exercèrent la plus cordiale
hospitalité. Il est tel de ces
« homes » où une
vingtaine de pasteurs du continent furent
reçus. Du reste partout la
générosité britannique avait
pourvu à l'hospitalité la plus large
envers les étrangers. Une immense halle
avait été transformée en salle
à manger ; les continentaux y
trouvaient gratuitement, les Anglais à un
prix modique, des repas substantiels.
Lorsque M. et Mme A. Bovet
avaient
pris congé de M. P. Smith après les
réunions d'Oxford, celui-ci leur avait
encore dit, en montant à cheval pour sa
promenade quotidienne : « Nous nous
reverrons l'an prochain à Brighton. Cette
année nous avons été quinze
cents, j'ai demandé à Dieu que
l'année prochaine nous soyons cinq
mille. » Le chiffre a été
atteint ; le Daily News et d'autres
journaux politiques évaluèrent le
nombre des participants à sept ou huit
mille. Sur ce chiffre on comptait environ deux
cents pasteurs du continent.
L'Allemagne venait en tête
avec soixante-quinze délégués,
dont quarante-cinq pasteurs, la Suisse suivait avec
trente-trois, puis la France avec vingt-cinq, la
Hollande avec quatorze, la Belgique avec douze,
l'Italie avec dix et l'Espagne avec cinq. La Chine,
l'Inde, le sud de l'Afrique avaient envoyé
des missionnaires ou des pasteurs. Le
vénérable évêque Gobat
(1) de
Jérusalem représentait la mission
parmi les Juifs. On y
rencontrait les pasteurs français : G.
Appia, Babut, E. Barnaud, Dumas, A. Fisch, Lauga,
M. Lelièvre, Edmond, Léopold,
Théodore et William Monod, Élie
Vernier, Hermann Kruger ; M. Dyke,
missionnaire au sud de l'Afrique ; les Suisses
-. Th. Rivier, A. Bovet, Rappard, Auguste et John
Glardon, Ed. Barde, 0. Valette, Rollier,
Kober-Gobat, Périllard, Siordet, Rau ;
les Belges : Rochedieu, Nicolet, Brocher, J.
Hocart fils. D'Italie étaient venus les
pasteurs Pigott, Vernon, Comba ; d'Allemagne,
Pank, Proknow, Ninck, Nippert, Doering, Sultz,
etc., etc.
De généreux
chrétiens anglais avaient facilité
à plusieurs pasteurs le voyage de Brighton
et pourtant une semblable participation pastorale
ne peut s'expliquer que par un intérêt
spirituel intense ; on voulait juger du
mouvement par soi-même, en voir, en entendre
les promoteurs.
Chaque soir P. Smith et son
état-major arrêtaient le programme de
la journée du lendemain. L'affluence des
auditeurs, la multiplicité des locaux
obligeaient à beaucoup d'ordre. De
nombreuses réunions devaient se tenir
simultanément ; certains jours on en
compta jusqu'à trente. Le programme
était imprimé la nuit et
distribué pendant les réunions de
prières du matin.
Voici, à titre d'exemple, le
programme d'une de ces journées, celui du
samedi 5 juin.
De 7 à 8 du matin
réunion de prière (P. Smith) ;
à la même heure réunion de
prière allemande et réunion de
prière française.
De 8 à 10 déjeuner
pour les pasteurs étrangers, avec
allocutions, naturellement.
De 9 1/2 à 11, réunion
de dames (Mme Smith) ; en même temps
« enquiry-meetings »,
réunions de chercheurs, à quatre
endroits différents avec
le concours de Boardman, du rév. Hopkins, du
Dr Graham, de Thornton, de Sawday, de Battersby, de
Morgan, de Fox, de Miller.
De 11 1/2 à 1 3/4 trois
assemblées générales dans
trois lieux de culte différents sous la
direction de M. Th. Monod, de M. Blackwood et de
l'amiral Fishbourne.
De 2 3/4 à 4 lecture biblique
de Mme Smith ; meeting (Blackwood) ;
« conversational enquiry
meeting » À trois endroits,
réunion de prière italienne.
De 6 1/4 à 7 1/2, meeting
(Th. Monod) ; à la même heure
réunion d'expériences pastorales (P.
Smith) et culte musical.
De 8 à 10: réunion
pour hommes seuls ; meeting (Varley) ;
enquiry-meeting ; réunion pastorale
hollandaise et en même temps réunions
d'évangélisation dans toutes les
églises, chapelles de la ville et dans la
tente dressée spécialement pour
l'occasion au bord de la mer.
P. Smith, en homme pratique,
avait
fait placarder des affiches sur les portes,
interdisant de quitter la salle pendant les
discours, les prières ou le chant des soli.
Des gardiens de l'ordre se tenaient en permanence
près des portes, dans les couloirs,
échelonnés de distance en distance,
portant à la main un long bâton de
sapin, insigne de leurs fonctions. C'étaient
des jeunes gens chrétiens qui
s'étaient offerts pour ce
service.
Un recueil spécial de cent
cinquante cantiques avait été
édité en vue de Brighton.
« Plusieurs de ces cantiques, disait P.
Smith, ont été composés par
des hommes remplis de l'Esprit et dont le travail,
paroles et musique, a été fait
à genoux. »
Comme à Oxford et à
Bâle, de belles voix chrétiennes
ponctuaient par des soli les moments les plus
solennels.
La Convention s'ouvrit le samedi
29
mai à sept heures du matin par une
réunion d'actions de grâces dans le
Dôme. M. Smith exhorta à la louange.
Il lut et commenta l'histoire du jeûne et de
la victoire de Josaphat (2 Chron. XX). Il montra
les Lévites « louant
l'Éternel d'une voix haute » et
Josaphat « établissant des gens
pour chanter à l'Éternel et louer sa
sainte magnificence » et cela au moment
même où le combat n'avait pas encore
commencé. Qu'ainsi fasse le peuple de Dieu,
rendant grâce pour les victoires non encore
remportées et pour les
bénédictions à
recevoir.
Dès cette première
réunion, M. Smith souhaita la bienvenue aux
pasteurs du continent avec une véritable
effusion de coeur. Il les invita à se lever
au milieu de l'assemblée afin que tous
apprissent à les connaître et pussent
les aborder sans autre présentation
préalable.
Mais ce fut surtout dans deux
réunions spéciales,
l'après-midi du samedi et le lundi, qu'eut
lieu la réception publique des frères
du continent. Le Dr Prachnow de Berlin parla au nom
de l'Allemagne, M. Lelièvre au nom de la
France, M. Rappard au nom de la Suisse, M. Comba au
nom de l'Italie, M. Nicolet au nom de la Belgique,
M. Cabrera au nom de l'Espagne, M. Tottie au nom de
la Suède, etc.
À cette même
réunion, P. Smith invita un pasteur
français à prier pour l'Allemagne,
ajoutant malicieusement : « Personne
n'est mieux qualifié pour le
faire. » Puis un pasteur allemand fut
invité à rendre la pareille à
la France. Quelques jours plus tard P. Smith ayant
entendu dire que des étrangers se
plaignaient de l'isolement, il adressa un appel chaleureux
en leur faveur
aux
Anglo-Saxons : « Mes amis leur
dit-il, nous avons parmi nous des frères du
continent - il n'y avait pas que des pasteurs venus
du continent - qui souffrent d'être loin de
leur famille et qui ont besoin d'être
entourés ; je vous prie, ouvrez-leur
vos demeures, recevez-les à votre table,
exercez envers eux
l'hospitalité. »
Dès lors ce fut parmi les
Anglais à qui introduirait un frère
étranger dans le cercle de sa famille. Les
journées étaient remplies comme
à Oxford ; les rencontres avaient le
même caractère, mais toutes les
assemblées y prenaient des proportions
beaucoup plus considérables ; ainsi aux
réunions de prière du matin se
pressaient jusqu'à trois mille personnes. P.
Smith s'efforçait de donner à ces
moments de prière un caractère
varié : « Il se mettait si
bien à la place des assistants, remarque M.
A. Bovet, qu'il proposait à chaque instant
précisément ce qui leur était
agréable et ce qui répondait aux
besoins de leurs coeurs. »
Ce qui, au premier abord, frappa
désagréablement les pasteurs du
continent dans les « general
meetings », qui avaient lieu
simultanément au Dôme et au
Corn-Exchange, c'est que la parole n'y était
pas libre. Le président, soit P. Smith ou
l'un de ses remplaçants, désignait de
sa seule autorité ceux qui devaient parler
après lui. Quand P. Smith présidait,
il le faisait avec une maîtrise
remarquable : « Constamment
entouré, dit M. Aug. Glardon, d'un
état-major d'hommes parvenus comme lui
à une pleine certitude de la foi, il leur
donnait ses ordres par un geste, par un regard, les
faisant prier, parler, chanter ou lire à son
gré
(2) ».
Quand la présidence humaine s'affirme aussi
énergiquement, on risque
de se priver du concours d'un frère dont la
parole d'expérience ou d'exhortation aurait
été d'un grand prix, comme aussi on
fait parler tel autre qui se borne à
apporter à ses auditeurs l'écho
affaibli de la pensée présidentielle.
D'autre part la discipline qu'on
sentait nécessaire dans une telle foule et
l'unité d'enseignement que poursuivaient les
organisateurs finirent par gagner toutes les
sympathies à cette méthode un peu
militaire : « Nous reconnûmes
plus tard, dit à ce propos M. Aug. Glardon,
qu'au point de vue pratique auquel P. Smith
s'était placé, sa manière
avait du bon. Un accord parfait entre les orateurs,
aucun hors d'oeuvre, pas une allocution qui ne
portât coup, pas une prière ou un
chant de cantique qui ne fît faire à
l'assemblée un pas en avant !...
Dès le milieu de la seconde journée,
ceux d'entre nous qui connaissaient par
expérience la marche d'un réveil,
avaient le sentiment que l'ennemi commençait
sa retraite....
(3) »
Dans la pensée de P. Smith,
il y avait un plan qui se déroula à
travers ces « general
meetings ». Il était parti de
l'idée qu'il avait affaire à des
chrétiens, pécheurs
réconciliés avec Dieu. Il chercha
tout d'abord à dégager chez ses
auditeurs le sentiment de leur véritable
vocation qui est la sainteté et,
conséquence logique, le dégoût
du péché, la haine croissante du moi,
les amenant peu à peu à pousser le
cri de saint Paul - « Misérable
que je suis, qui me délivrera de ce corps de
mort ? » Alors il s'appliqua
à produire l'acte de consécration
complète, indispensable à la marche
en avant. Puis vinrent les études sur la
foi. L'enfant de Dieu, purifié de ses
souillures, soumis sans
réserve à son Sauveur, possède
une assurance qui lui permet de demander avec foi
et par conséquent d'obtenir toutes les
richesses comprises dans le baptême du
Saint-Esprit. Dès lors le chrétien
rempli de l'Esprit, revêtu de la puissance
d'En Haut, entre dans une carrière de
victoires, livrant en vainqueur le combat de la
foi. Son Sauveur l'associe à son oeuvre de
miséricorde, le fait ouvrier avec lui, le
rend participant de sa mort et de sa vie, de ses
souffrances et de ses joies, de ses travaux et de
sa gloire.
Un jour que P. Smith parlait du
péché obstacle, il insista sur le
pardon des offenses et posa cette question :
« Pardonnez-vous ? » Puis
il ajouta : « Ne me répondez
pas, répondez à Dieu ! Nous
allons avoir un instant de prière
silencieuse pendant lequel nous Lui ferons la
réponse. »
Et cette immense assemblée
courba la tête devant Celui qui sonde les
coeurs et les reins.
« C'était un
spectacle saisissant, raconte M. Lelièvre,
de voir ces trois mille personnes s'incliner,
demeurer dans une immobilité absolue pendant
que se faisait entendre dans le fond des coeurs le
son doux et subtil de l'amour
divin. »
Un mot qui revint
continuellement
dans les exhortations des orateurs, c'était
celui de maintenant.
Quand faut-il obéir à
l'appel du Seigneur ?
Quand faut-il se consacrer à
Lui ?
Quand faut-il avoir en Lui cette
confiance absolue, illimitée ?
Maintenant !
« Subdivisez votre vie,
disait M. Th. Monod, en parties aussi petites que
vous voudrez, fussent des cinquièmes de
secondes ; si le Seigneur vous garde pendant
un cinquième et que vous ayez confiance
pendant un cinquième, quelle raison
avez-vous de croire qu'il n'en sera
plus ainsi pour le
cinquième suivant ? Du reste ne vous
inquiétez donc pas de l'avenir, ayez
confiance maintenant, toujours maintenant et vous
aurez confiance toute votre vie, car demain ne
vient jamais, je n'ai jamais vu quelqu'un vivant
demain ; on vit toujours dans le
présent. »
Il y eut pendant la Convention
des
réunions d'un genre nouveau pour beaucoup
d'assistants.
M. Smith répondait aux
questions qu'on lui adressait de divers points de
la salle. Ces questions devaient être
rédigées par écrit, et les
huissiers les apportaient à M. Smith.
Questions de doctrine, de morale, de casuistique,
d'exégèse, questions importantes,
questions oiseuses, M. Smith répondait
à toutes sans que sa
sérénité et sa douceur se
démentissent jamais. Sa présence
d'esprit, sa sagesse, la lucidité de ses
explications, sa simplicité, mélange
de bonhomie et de finesse, excitaient l'admiration
générale.
« Je ne veux pas
oublier
de mentionner, dit le correspondant du Journal
religieux, les « enquirer
meetings », ou réunions pour les
chercheurs, présidées par des hommes
d'expérience dans des locaux plus
restreints.... Un élève de
l'école de théologie de M. Spurgeon,
M. Sawday, homme jeune encore, excellait dans la
direction de ces réunions. Ce qui me
frappait et m'humiliait, c'était de voir la
connaissance approfondie de la Bible qui le
distinguait et qui était le seul secret de
sa force.... C'est là aussi que j'entendis
avec une grande joie le témoignage rendu par
un jeune docteur en médecine qui
déclara avec bonheur qu'il pouvait
maintenant, depuis sa conversion, annoncer le
Sauveur à ses malades, prier pour eux et
avec eux. Il nous assura, ce qui ne
nous étonna pas mais nous
fit du bien, que tout lui réussissait mieux,
depuis qu'il se plaçait, lui et ses
patients, aux pieds du Tout-Puissant
(4). »
Sans doute tout n'était pas
parfait à Brighton. M. Rau
écrit :
« Ce qui
m'inquiétait c'était que P. Smith
avait autour de lui certains Américains
qu'il favorisait ou laissait faire. Ces gens
travaillaient dans des locaux annexes. J'ai
toujours pensé que là
s'élaboraient ces erreurs auxquelles Smith
confessa plus tard avoir cédé....
(5) »
Une chrétienne de grande
valeur qui a assisté aux réunions de
Brighton, nous affirmait de son côté
qu'une recherche malsaine d'un baptême
sensationnel du Saint-Esprit se manifestait et
effrayait quelques-uns des meilleurs amis de P.
Smith.
Asa Mahan n'échappait pas
à cette tendance dangereuse. Un certain
jour, en particulier, il passa la mesure. Voici
comment M. Rau raconte cet incident :
« .... Après avoir
échauffé son auditoire en
répétant sans cesse qu'il faut le
(c'est-à-dire ce) baptême du
Saint-Esprit, il s'écria : Vous pouvez
l'avoir ! Alors quelques jeunes pasteurs
anglicans se levèrent et
s'écrièrent : Pourquoi pas tout
de suite ... !! Il fallait je pense, qu'un
vent passât sur nous .... Alors j'eus
franchement peur et j'étais prêt
à sortir.
Félix Bovet, lui aussi,
comprit qu'il se passait quelque chose
d'anormal ; avec son impartialité
ordinaire, il me rappela, un moment après,
qu'il y avait ou pouvait y avoir parfois
« du vin doux » dans les
manifestations chrétiennes. Heureusement que
lord Radstock et un ou deux autres se
levèrent aussitôt pour imposer silence et donner
un
autre cours à la réunion
(6). »
Sans préjudice porté
à la réunion générale
de prière, les pasteurs allemands à
part, les pasteurs français de leur
côté se réunissaient d'une
manière plus intime pour prier. Les uns et
les autres affirmaient que cette heure marquait
pour eux l'un des moments les plus bénis de
la journée. C'était la
première fois que des chrétiens
d'Allemagne et de France se trouvaient
rapprochés depuis la guerre. L'attitude
réservée qu'ils gardaient les uns
à l'égard des autres et que n'avaient
pas fait disparaître les prières du
premier jour allait-elle jeter un froid sur la
Convention et empêcher la
bénédiction ? Non. On sentit de
part et d'autre que Dieu enrichirait les coeurs
dans la mesure où toute amertume en aurait
disparu.
Un matin un jeune pasteur
alsacien
se leva et déclara avec un sérieux
impressionnant qu'il avait un poids sur le
coeur ; tant que ce fardeau ne serait pas
enlevé, il ne retirerait aucun bien des
réunions de Brighton. « Les
Allemands m'ont pris mon pays, je ne puis le leur
pardonner. Je sens même au fond de mon coeur
de la haine contre eux. Priez pour moi que je sois
délivré.... » La glace
était rompue. On se jeta à genoux
pour pleurer et prier. M. Babut exprima la
résolution de ne pas permettre aux souvenirs
du passé de troubler les sentiments de
fraternité entre chrétiens
français et allemands et conjura les
frères des deux pays de tout faire pour
empêcher le retour de pareilles
calamités et, si par malheur elles se
reproduisaient, de se préserver de tout
sentiment contraire à la charité
(7).
Quelques jours après, les
pasteurs allemands, luthériens pour la
plupart, invitaient leurs frères de France
à prendre en commun la Cène du
Seigneur. Un seul ne s'était pas senti libre
d'adhérer à cette résolution,
et il avait immédiatement quitté
Brighton pour ne pas troubler la bonne harmonie par
sa présence. Le dimanche 6 juin les pasteurs
continentaux, Allemands, Français, Belges,
Suisses, Italiens prenaient ensemble la Cène
dans l'église du pasteur Gonin.
Un service de Cène couronna,
le lundi soir, ces journées. On avait
d'abord hésité à
l'organiser ; on désirait
ménager les susceptibilités
ecclésiastiques des pasteurs anglicans
auxquels les lois de leur Église
défendent à la fois d'administrer la
Cène dans un lien non consacré et de
la recevoir des mains d'un pasteur dissident. On
décida alors que la Cène serait
distribuée exclusivement par les pasteurs du
continent. « Nous vous avons reçus
à nos tables, leur dit M. Smith, en retour
vous nous recevrez à la table du
Seigneur. » De quatre à cinq mille
communiants prirent la Cène des mains de
quatre-vingts pasteurs français, allemands,
suisses, belges ou hollandais.
« C'était, raconte un
témoin oculaire, comme si nous avions
été transportés par la foi au
milieu de cette autre multitude de toute langue et
de toute tribu qui se rassemblera un jour autour du
festin des noces de
l'Agneau. »
Le samedi 10 juin M. Smith et
quelques amis avaient convié à un
déjeuner les pasteurs
présents.
Environ quatre cents
répondirent à l'appel. Après
le repas ils se groupèrent autour des
hôtes à une des
extrémités de la grande salle. M.
Smith lut le chapitre
VII de l'Apocalypse et il
demanda aux assistants de répéter
chacun dans sa langue, le cri des
rachetés : « Le salut vient
de notre Dieu qui est assis sur le trône et
de l'Agneau ! » C'était comme
l'Église militante s'associant à
l'Église triomphante pour rendre toute
gloire à Jésus-Christ
« l'Agneau de Dieu qui ôte le
péché du monde ». Des
prières montèrent alors pour demander
le Saint-Esprit. La puissance du Seigneur se
faisait sentir d'une manière si distincte
que tous tombèrent à genoux et,
pendant dix minutes, pas un murmure ne troubla le
recueillement de cet acte d'adoration silencieuse.
Asa Mahan disait en sortant que jamais
réunion ne lui avait fait entrevoir comme
celle-là ce qu'avait dû être la
Pentecôte.
Comme à Oxford il se tint des
réunions de témoignages.
On vit des vieillards, des
jeunes
gens, des laïques, des ecclésiastiques,
des Anglais, des continentaux se lever tour
à tour et rendre grâce à Dieu
pour les grandes bénédictions
reçues. L'un disait : « Je
sais une chose, j'étais aveugle et
maintenant je vois. » Un autre :
« J'ai attendu patiemment
l'Éternel et il s'est tourné vers
moi. » Un troisième :
« Éternel, mon Dieu, j'ai
crié vers toi et tu m'as
guéri. »
Des centaines affirmaient ainsi
d'un
mot, d'une phrase, d'un passage le bien qu'ils
avaient reçu. Ces déclarations
étaient accueillies avec des chants de
reconnaissance. Plusieurs pasteurs allemands,
connus par leur haute position
ecclésiastique, leur science ou leur talent
n'hésitaient pas à rendre aussi leur
témoignage :
« Nous avons longtemps
cru, nous autres Allemands, s'écriait l'un
d'eux, que le chrétien peut vivre de science
théologique. Nous reconnaissons aujourd'hui
avec humiliation et avec joie, que la personne
même de Christ est l'aliment qui convient
à nos âmes et que c'est un aliment
à la portée de
tous. »
Citons ce témoignage d'un
pasteur hollandais :
« Mon seul but, dit-il,
en
venant ici était de préparer un
rapport sur le mouvement actuel et il m'est
arrivé plus d'une fois de critiquer vivement
ce que j'entendais. Oh ! vous ne pouvez vous
figurer combien vos paroles nous semblaient
étranges, à nous théologiens
hollandais ! Et, d'emblée, je puis bien
le confesser ici, nous avions prononcé, mes
collègues et moi, que tout était faux
dans la doctrine d'Oxford.
Le jeudi soir arriva et, à
cette même place, adossé à ce
pilier, j'entendis notre cher frère Monod
nous exhorter à nous approcher de Celui qui
est digne de toute notre confiance. Pendant seize
ans j'avais travaillé pour le Seigneur,
prêchant l'Évangile
fidèlement ; et quoique j'eusse dit aux
autres de se confier en Jésus, je sentis
à ce moment-là que je ne
m'étais jamais abandonné à Lui
sans réserve. Il me sembla que mon Sauveur
se tenait devant moi disant : « Ne
veux-tu pas te confier en moi a
présent ? » Que pouvais-je
répondre ? - Oui, Maître, je veux
me confier à Toi, maintenant.... Mon coeur
fut brisé. Je ne pus que me réjouir
comme un petit enfant dans cet amour
infini.... »
M. Aug. Glardon écrit de son
côté : « J'eus pendant
ces journées l'occasion de suivre le travail
qui s'opérait chez plus d'un ami. Les cas ne
se ressemblaient guère ; chacun avait
ses difficultés spéciales provenant de ses
antécédents, de son caractère,
de ses circonstances particulières. Ce qu'il
y avait de commun, c'était l'esprit de
résistance ; et il était curieux
vraiment de voir apparaître, puis
disparaître toutes les excuses, toutes les
objections, que le coeur naturel tient en
réserve dans ses profondeurs pour la
défense de son terrain.
Certaines âmes arrivaient
dès les premiers moments à la pleine
lumière et à la pleine
délivrance. On aurait cru de certaines
autres qu'elles étaient résolues
à s'ensevelir sous les décombres de
leurs théories plutôt que de
céder la place ; de jour en jour plus
sombres, plus taciturnes, sur la défensive
jusqu'au bout.
Non pourtant pas jusqu'au
bout ! Rencontrant à Londres, huit
jours après la Convention de Brighton, un
ami qui m'avait paru ne pas
bénéficier beaucoup des
réunions, je le trouvai radieux.
- Eh bien ? lui
demandai-je.
- Eh bien, me répondit-il,
j'ignore comment cela s'est fait ; mais
j'avais à peine quitté Brighton que
la vérité m'est apparue ; mes
résistances ont cessé et je suis le
plus heureux des hommes. Ma confiance en
Jésus-Christ augmente d'heure en heure, Dieu
me bénit au delà de tout ce que
j'aurais pu imaginer. »
Trois ou quatre jours avant la
fin
des conférences, P. Smith
s'écriait :
- Jusqu'ici nous ne nous sommes
occupés que de nous. Notre premier devoir
était de rechercher la face de notre Dieu,
pour parvenir au repos définitif en lui.
Aujourd'hui que notre coupe est comble, le moment
est venu de songer à la grande ville qui
nous donne l'hospitalité et aux milliers de
pécheurs qu'elle
renferme.
Le même jour il
disait :
- J'ai demandé avec foi au
Seigneur un millier d'âmes comme salaire de
notre travail d'évangélisation
à Brighton. L'heure est venue de
moissonner.
Plus d'une centaine de frères
se firent inscrire pour prendre part à cette
oeuvre. Des services d'évangélisation
furent aussitôt organisés.
Deux vastes tentes avaient
été dressées, l'une dans un
quartier populeux, l'autre sur la plage. Une petite
tribune de sapin, un harmonium, quelques centaines
de chaises en composaient tout l'ameublement. Un
certain nombre de chrétiens des deux sexes
se groupèrent sur la plage, près de
la tente. Ils se mirent à chanter. Quand une
centaine de personnes furent rassemblées, on
les conduisit sous la tente et le service
commença, au milieu des rires et des
quolibets de la foule restée sur le
quai.
Le premier orateur qui monta
à la tribune était heureusement
doué d'une voix puissante. Il parla
longtemps sans se laisser déconcerter par le
bruit. Quand il eut fini la tente était
remplie de marins, de cochers, de portefaix, de
cireurs de bottes, de femmes en haillons. Les
allocutions, les chants, les prières
alternèrent pendant une heure et demie.
À l'issue du service, une trentaine de
personnes des deux sexes restèrent sous la
tente pour prendre part à un
« after meeting ».
« Un soir, raconte M.
A.
Glardon, comme nous étions réunis
dans le Corn Exchange, au nombre d'environ trois
mille, M. Smith monta à la tribune et nous
dit :
- Une centaine de frères
parcourent en ce moment la ville en chantant pour
ramasser la population des rues
et l'amener en masse dans le Dôme, où
nous nous proposons d'avoir un service
d'évangélisation. Soutenez-nous de
vos prières.
Nous nous mettons aussitôt
à prier. Au bout d'un quart d'heure, une
vague rumeur, qui va grandissant d'instant en
instant, nous apprend que la cohorte approche. Un
joyeux refrain de cantique domine la foule en
marche. La voilà qui passe devant les
fenêtres, elle s'engouffre dans la vaste
salle dont les échos s'éveillent.
Puis un grand calme ; le travail d'amour a
commencé. Quelle soirée que
celle-là ! Ici les combattants luttant
avec le prince de ce monde pour lui arracher les
âmes qu'il retient captives ; là,
l'Église luttant avec son Dieu pour obtenir
la bénédiction.
Je m'esquive du Corn Exchange et
me
rends au Dôme pour voir ce qui s'y passe.
Quel coup de filet ! Environ quinze cents
hommes, jeunes gens, vieillards appartenant pour la
plupart aux classes inférieures, sont
rassemblés au pied de la tribune,
d'où la parole évangélique
descend comme un torrent de feu. La plupart sont en
vêtements de travail, la casquette graisseuse
ou le feutre déformé sur les genoux,
dans une attitude gênée. On voit
qu'ils se sentent dépaysés dans un
lieu de culte. Quelques-uns se regardent du coin de
l'oeil en ricanant. Un ou deux font des remarques
désobligeantes ou expriment leur approbation
à demi-voix. En voici trois ou quatre qui en
ont assez ; ils s'échappent à
grand bruit pour aller fumer dans la rue ou au
cabaret le cigare qu'ils ont entre les doigts.
D'autres entrent sur la pointe du pied, en
regardant autour d'eux d'un air
effaré.
Un orateur succède à
un autre, le calme se fait peu à peu dans la
salle. Un musicien se place
devant l'harmonium ; il
entonne d'une voix mélodieuse, admirablement
pure, un des soli que Sankey a mis en honneur. On
entendrait maintenant voler une mouche. Plus d'un
de ceux qui m'entourent s'essuie les yeux du revers
de la main. L'assemblée a été
congédiée, il est dix heures du soir.
Une centaine d'auditeurs sont restés
cloués à leur place ; plusieurs
se cachent le visage dans les mains. Les
travailleurs chrétiens se répandent
dans l'auditoire. Des conversations s'engagent
à mi-voix ; on se dirait à
l'école du dimanche pendant la demi-heure
consacrée aux groupes. Ici on lit quelques
versets des Écritures, là on prie
à genoux. Qui dira les résultats de
cette soirée.
Henri Varley, le puissant
évangéliste, tenait deux ou trois
meetings par jour, tantôt dans un quartier,
tantôt dans un autre. La première fois
que je l'entendis, c'était dans la grande
salle de l'Hôtel de Ville, mise à sa
disposition par la municipalité. Il parla de
Nicodème et insista sur la
nécessité de la nouvelle naissance.
L'impression produite par sa parole était
telle qu'on eût dit par moment qu'un coup de
vent passait sur l'assemblée. Je compris
alors ce que Paul voulait dire par une
démonstration de puissance.
À la suite de cette
réunion, un si grand nombre de personnes
demandèrent à s'entretenir avec
Varley qu'il eût été impossible
de leur accorder à chacune un entretien
particulier. Il les engagea à se grouper au
pied de la tribune ; puis, faisant venir
auprès de lui un jeune chrétien qui
se trouvait là, il engagea avec lui un
dialogue de nature à faire
pénétrer la clarté dans les
intelligences les plus ténébreuses.
Il y avait dans ce dialogue quelque chose à
la fois de si enfantin et de si puissant, tant de
vie et d'entrain, Varley en tira
parti si excellemment pour amener ces âmes
timides ou irrésolues à se confier en
Christ, que l'auditoire en fut profondément
remué.
À la suite de cet entretien,
plusieurs personnes se levèrent pour dire
à haute voix qu'elles venaient d'obtenir
l'assurance de leur pardon et la paix de
Dieu.
- Je n'oublierai jamais,
s'écria d'une voix vibrante un jeune ouvrier
aux traits accentués, que, dans cette salle,
à cette place où je me trouve, j'ai
reçu ce soir le don de la vie
éternelle.
Quand nous quittâmes Brighton,
plusieurs centaines de personnes avaient
déjà fait profession, publiquement ou
par lettre, de s'être converties ; et
les prédications d'appel, les visites de
quartier en quartier, devaient se continuer encore
pendant huit jours. Nous avons appris depuis qu'une
grande bénédiction a reposé
sur ce travail, et il est permis de croire que M.
P. Smith a reçu de la fidélité
de Dieu la conversion des mille âmes qu'il
avait demandées pour salaire de son travail
(8). »
Une dernière réunion,
dite réunion d'adieu, se tint le mardi de
bonne heure. Dès 6 1/2 h. du matin il n'y
avait plus une seule place libre dans le Corn
Exchange. Il y eut des prières, des chants,
des témoignages. Varley raconta que la
veille au soir à la Tonhalle, un vieillard
s'était converti ainsi que ses deux filles.
« Il voulait me baiser la main, ajouta
l'orateur, et je l'embrassai comme un
père. » Au moment où ces
mots étaient prononcés, un cri partit
d'une extrémité de la salle :
« C'est vrai ! c'est parfaitement
vrai ! je suis cet
homme-là ! » Il sembla
à plusieurs qu'ils
venaient d'être témoins de l'un des
miracles de Jésus-Christ.
L'heure avançait, il fallait
songer à se quitter. M. Smith invita les
participants à se dire vraiment à
Dieu, et à se serrer la main les uns aux
autres ; cette scène spontanée
et naturelle était émouvante, aussi
eût-il été difficile de trouver
un oeil sec dans toute cette assemblée. On
se disait à Dieu et on ne parvenait pas
à se séparer. Une voix s'était
élevée pour dire : « 0
Dieu, bénis ton serviteur M.
Smith » ; puis une voix de
femme : « 0 Dieu, bénis Mme
Smith ». D'autres voix
s'élevèrent demandant la
bénédiction de Dieu sur tous ceux qui
avaient exhorté au nom du Seigneur, sur ceux
qui avaient exercé
l'hospitalité ; sur les pasteurs du
continent. Et c'est aussi en se recommandant les
uns les autres à la grâce de Dieu que
l'immense assemblée sortit de la salle et
commença à se disperser.
Plus d'un se répétait
les premiers mots de l'invitation qui
annonçait les réunions de
Brighton : « Dieu a visité
son peuple.... »
Rentrés dans leurs foyers,
les pasteurs allemands adressèrent à
leurs frères anglais le manifeste suivant
(9) :
« Nous, soussignés,
qui avons suivi les réunions tenues à
Brighton par P. Smith du 29 mai au 7 juin, nous
nous sentons pressés d'exprimer notre
profonde reconnaissance non seulement pour
l'hospitalité et l'amour fraternel qui nous
ont été témoignés, mais
surtout pour la bénédiction
spirituelle que nous tous avons emportée
dans une riche mesure. Nous avons reçu
d'inoubliables impressions et nous reconnaissons,
avec une profonde reconnaissance envers le
Seigneur, que nous avons fait de sérieux
progrès dans la
connaissance de nous-mêmes, dans
l'assimilation des plus importantes
vérités scripturaires, dans l'amour
fraternel, dans la joyeuse confiance de la foi,
dans la prière et dans la sanctification.
Nous avons expérimenté
ce que peut une personnalité bénie de
Dieu et sanctifiée par lui, dans laquelle
une grande richesse d'Esprit unie à une
remarquable simplicité, s'allie à un
amour plein d'humilité. La
bénédiction que nous en avons
retirée fut encore augmentée par le
concours d'hommes de diverses nations et par la
communion fraternelle qui nous a unis.
L'amour que nous ont
témoigné nos frères
français nous a été
bienfaisant et nous bénissons Dieu pour ce
lien de paix qui s'est manifesté comme un
fruit particulièrement précieux de
ces réunions. Pas plus la différence
des confessions que celle des nations n'est venue
détruire l'harmonie. Les convictions
ecclésiastiques de chacun ont
été respectées.
On ne nous a en aucune
manière imposé une nouvelle doctrine,
mais on nous a présenté sous ses
divers aspects l'expression vivante et vivifiante
d'une ancienne vérité. À
supposer que quelque chose dans la forme
extérieure des réunions de Brighton
nous ait paru un peu étrange, toute la
valeur interne de cette Convention demeure intacte.
Rentrés dans notre patrie
avec une foi renouvelée, nous avons
confiance que la bénédiction
reçue demeurera agissante dans nos familles
et dans notre vocation. Nous supplions tous ceux
qui n'ont pas encore eu l'occasion de faire
connaissance personnelle avec ce mouvement de ne
pas le juger avant d'en avoir compris le sens
profond. »
Suivaient les signatures de
quarante-huit pasteurs dont
plusieurs étaient haut placés dans la
hiérarchie ecclésiastique
(10).
Les conférences de Brighton
ont sorti le mouvement des cercles plus
étroits dans lesquels il se mouvait
jusqu'alors et l'ont placé sur des bases
plus larges. P. Smith a bien senti, et il l'a
déclaré sans aigreur, que le
mouvement maintenant lancé le
débordait et allait faire son chemin sans
lui. Le retentissement de Brighton a
été immense. Et comme c'est le cas
souvent, l'emballement a joué son
rôle. Ce n'étaient plus seulement les
croyants fatigués de leurs vains efforts
dans la lutte contre le péché et
pleurant sur leurs défaites morales qui
acceptaient le message de P. Smith, mais plusieurs
de ceux auxquels manquait l'expérience
primordiale de la conversion et qui le
défiguraient par leur manque de
consécration.
D'autre part le désir
immodéré d'un baptême de
l'Esprit destiné à agir non plus
seulement dans le domaine spirituel de la foi mais
jusque dans la sensation psychique, introduisait
dans la piété de plusieurs un
élément malsain.
Les meilleurs amis de P. Smith
n'étaient pas sans inquiétude
à son sujet. Certains membres de son
Comité trouvaient que véritablement
il se mettait trop en vue. Il s'était
laissé photographier au centre d'un groupe
de cinq cents frères. Il acceptait comme une
chose toute naturelle d'être le point de mire
de tous les regards. « Quand j'arrivai
à Brighton, écrit
M. Rau, il me sembla que ce n'était plus
cette bonne atmosphère d'Oxford.
C'était autre chose, je ne sais quoi, et
cette remarque me fut aussi faite par le baron de
Gemmingen, de Gernsbach (Bade) homme pieux,
beaucoup mieux renseigné que moi. Il me
disait : « Nous avions à
Oxford les bénédictions des
premiers-nés, ce n'est plus la même
chose ici. » C'était tout à
fait mon sentiment. Aussi fus-je moins assidu aux
diverses assemblées qui se tenaient au
palais ; j'allai en revanche dans les
réunions d'évangélisation,
admirables celles-ci, que lord Radstock et Varley
tenaient dans divers locaux de la ville. Aucun
orateur, même Moody, que j'ai entendu
à Londres, ne m'a fait une impression aussi
profonde que Varley,
l'évangéliste-né et puissant
et touchant au possible....
(11) »
Mais soyons équitables et
n'oublions pas le bien immense qu'a fait la
convention de Brighton. Des milliers de personnes
qui ne connaissaient que vaguement le message
d'Oxford ont été touchées et
gagnées à la vie de sanctification.
Comme aussi beaucoup d'amis du mouvement ont
été affermis et transportés
dans les lieux célestes par le contact de
ces foules enthousiasmées. « Je ne
puis exprimer tout ce que je dois à
Brighton », nous disait un Genevois qui
avait eu le privilège de s'y rendre. De son
côté M. Aug. Glardon nous
écrit : « Les
chrétiens de Brighton m'ont
révélé la puissance d'une foi
enfantine et la possibilité d'une vie
sanctifiée par la plénitude
(ordonnée d'En Haut) du Saint-Esprit. Je
fais encore journellement l'expérience de la
justesse de leur point de vue. Je sais qu'il en est
de même pour plusieurs ...
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