En Allemagne aussi, on se préoccupait
vivement des mouvements religieux anglais qui se
rattachaient aux noms de Moody, de Pearsall Smith,
de Boardman. De nombreux pasteurs et
chrétiens allemands s'étaient rendus
aux réunions d'Oxford et, à leur
retour, ils avaient défendu le mouvement par
la parole et par la plume.
Dans le pays de Luther, comme
ailleurs, on soupirait après une plus grande
spiritualité ; on sentait que pour
avoir puissance sur le monde il ne suffisait pas
d'endosser l'armure de la science, de multiplier
les oeuvres, mais qu'il fallait être
débarrassé des souillures d'une
mauvaise conscience et rempli des forces de
Dieu.
Si, en pays anglo-saxon,
c'était avant tout le Méthodisme et
les milieux influencés par lui qui
étaient demeurés les
dépositaires des doctrines de
sanctification, en pays allemand, c'étaient
les Gemeinschaften, ces cercles de
piété, demeurés comme un
levain dans les Églises officielles et dont
la fondation remontait au pieux pasteur Spelier (1),
qui travaillaient avec un
succès variant selon les temps et les lieux,
à la réalisation pratique de
l'Évangile intégral. Tantôt
parmi les « piétistes »
le besoin de sanctification se refroidissait -
exactement comme dans les milieux américains
et anglais - puis survenait un réveil et il
se rallumait avec intensité. Tantôt le
mouvement allait à l'extrême et des
manifestations inquiétantes de
perfectionnisme se manifestaient. Toujours est-il
que les Gemeinschalten, en restant
fidèlement attachées à
l'oeuvre de Jésus-Christ - justification et
sanctification - en gardant le respect de
l'Écriture, ont fait à l'Allemagne un
bien immense. Elles y ont développé
une vie spirituelle intense et, sous leur
influence, la mission intérieure et
extérieure a pris un développement
considérable. Les quatre volumes de L.
Tiesmeyer (2) sont remplis des
mouvements
de
réveil dont les diverses contrées. de
l'Allemagne sont devenues les
bénéficiaires par leur
moyen.
En regardant vers le passé,
les propagateurs allemands du mouvement d'Oxford
aimaient à mentionner deux hommes qu'ils
considéraient un peu comme leurs
ancêtres spirituels : Arndt et
Tersteegen.
Jean Arndt, né en 1555, s'est
fait connaître surtout comme l'auteur du
« Vrai Christianisme ». Il
s'est efforcé de ramener dans les âmes
la foi vivante, la piété pratique et
féconde et de montrer à ses lecteurs
et auditeurs ce que signifie la parole de
l'apôtre : « Je ne vis plus
moi-même, mais Christ vit
en moi. » Il a eu de
nombreux disciples parmi les pasteurs et les
théologiens
évangéliques.
Tersteegen, né à Meurs
(Westphalie) en 1677, insistait aussi sur la
présence de Jésus-Christ en l'homme.
Il signa de son sang, dans l'un de ses vers - il
était poète et musicien - la
résolution de se consacrer à Christ
comme au fiancé de son âme. Ses
cantiques et ses écrits se
répandirent largement et exercèrent
une grande influence
(3).
En 1874, l'évangéliste
Baedecker, un chrétien anglais
zélé et puissant, dont le plus beau
titre était d'avoir été
surnommé « l'apôtre des
prisons russes », avait travaillé
avec un plein succès en même temps que
lord Radstock à
l'évangélisation de Berlin sous les
auspices de plusieurs pasteurs
dévoués et vivants, en particulier
des deux prédicateurs de la cour, Baur et 0.
Pank.
Aux réunions de
prières de janvier, en 1875, il y eut foule
et un esprit remarquable d'intercession se
manifesta. À la fin de la semaine, dans la
chapelle des Moraves, Baur demanda aux assistants
s'ils voulaient jurer fidélité au
Père céleste pour la nouvelle
année et tous de répondre :
Oui ! Au même instant l'auditoire se
leva et répéta spontanément le
symbole des apôtres. Beaucoup de
chrétiens adressaient à Dieu de
ferventes prières pour que P. Smith
vînt à Berlin.
Pendant ce temps des milliers
d'Allemands, aux États-Unis, priaient pour
le réveil de leur patrie et demandaient
à Dieu que le mouvement d'Oxford se
répandît parmi leurs compatriotes et
en particulier dans la capitale.
Baur, après en avoir conféré
avec ses amis, invita Smith qui arriva à
Berlin le 30 mars.
Dès le lendemain avait lieu
la première réunion chez le comte
Egloffstein, président de la branche
allemande de l'Alliance évangélique.
Il avait convoqué chez lui une centaine de
personnes dont plusieurs appartenaient aux cercles
les plus élevés de la
société berlinoise. Bismark, dit-on,
avait accepté l'invitation.
Ne sachant pas l'allemand, P.
Smith
dut se faire traduire. Le Dr Baedecker était
revenu providentiellement à Berlin et c'est
lui qui s'acquitta de cette fonction d'une
manière à la fois spirituelle et
intéressante : P. Smith
prononçait une période et Baedecker
la reproduisait brièvement en l'accompagnant
parfois d'une prière ou d'une parole de son
crû.
Après cette première
réunion un des pasteurs très
évangéliques de Berlin
(4) fit
des
objections à P. Smith et lui donna de
paternels conseils. L'Américain, tout en
gardant ses convictions, accepta les conseils de
très bonne grâce et avant de prendre
congé implora la bénédiction
du vieillard. Celui-ci étendit ses mains sur
la tête de Smith qui s'était mis
à genoux et dit : « Que le
Seigneur te bénisse et te garde ! Que
le Seigneur fasse luire sa face sur toi et te soit
propice ! Que le Seigneur tourne sa face vers
toi et te donne la
paix ! »
La séance du jeudi matin,
sous la présidence de Baur, devait
être décisive. C'était une
conférence pastorale contradictoire dont les
laïcs n'étaient pas exclus. Les
journaux ne parlaient que du mouvement d'Oxford,
les brochures en sens divers se
succédaient, aussi l'assistance
était-elle considérable. Un grand
nombre de pasteurs étaient arrivés de
Brandebourg, de Poméranie, de
Silésie, de la Prusse rhénane. On
apercevait dans l'auditoire le Dr Hegel, fils du
célèbre philosophe et
président du Consistoire de Brandebourg, le
Dr Buchsel, super-intendant général -
titre qui correspondait à celui
d'archevêque dans l'Église anglicane -
et par contraste, un peu en arrière, dans
leurs pittoresques costumes nationaux, tout un
groupe de paysans qui avaient fait en famille le
voyage de Berlin pour entendre comment on peut
être délivré du
péché.
Smith s'adressa à cet
auditoire avec un tact parfait ; s'il
s'était posé en maître sa cause
était perdue. Il prit l'attitude d'un
enfant ; au lieu de s'étendre sur la
théorie de la sanctification, il parla du
mouvement de Moody en Angleterre et de celui qu'il
représentait ; il rendit
témoignage des grandes choses que Dieu avait
faites pour lui. La discussion s'engagea. Quelques
pasteurs luthériens firent divers reproches
au mouvement, en particulier celui de n'accorder
aucune importance aux sacrements. Jellinghaus et Le
Roi décrivirent les
bénédictions qu'ils avaient
reçues à Oxford. Le vieux pasteur qui
avait béni Smith maintint ses objections.
On attendait avec impatience les
déclarations des deux grands
dignitaires : Hegel et Buchsel.
Le premier remercia
chaleureusement
P. Smith : « Vous nous avez
rappelé, dit-il, à quelle source
inépuisable nous trouverons la force et la
vie. »
Le second, tout en faisant
quelques
réserves, ajouta : « Ces
derniers temps toute notre énergie s'est
portée vers la politique, politique
séculière et ecclésiastique,
tandis que nous avons
négligé la politique du coeur. Soyons
attentifs aux paroles de notre frère et
mettons-les en pratique. »
Le jeudi soir, comme chaque soir
du
reste, l'affluence était si grande qu'il
fallut se rendre à la
« Garnisonskirche »
(5)
que
l'empereur accorda gracieusement. Les allocutions
de Smith étaient coupées par des
moments de prière silencieuse et par des
chants qu'indiquait l'un ou l'autre des pasteurs
assis auprès de lui. Une réunion
joyeuse, fut celle que P. Smith tint à la
mode anglo-saxonne parmi la population des
faubourgs. Précédé d'un
monsieur très bien qui agitait une cloche,
l'Américain parcourut les rues en portant
une grande affiche sur laquelle on lisait en
grosses lettres le texte biblique sur lequel il
devait prêcher.
Le vendredi nouvelle réunion
de salon, cette fois chez le ministre des Affaires
étrangères, de Bulow. La
dernière réunion
préparée pour la jeunesse fut la plus
solennelle. Après les exhortations de M.
Smith l'interprète Beedecker s'agenouilla
pour prier et par un mouvement spontané les
quatre mille personnes de l'auditoire
tombèrent aussi à genoux.
Après la sortie, des centaines de personnes
se pressaient à la sacristie pour remercier
Smith.
Mlle Toni von Blücher avait
entendu dans cette réunion que le
Saint-Esprit « rend clair le sacrifice
que Christ demande à chacun. »
Elle rentra dans sa chambre et se mit à
genoux, décidée à entrer dans
le royaume de Dieu par la porte étroite.
« Seigneur, maintenant ou
jamais ! » s'écria-t-elle.
Quand elle se releva elle était devenue une
nouvelle créature en Jésus-Christ et
elle se mit aussitôt à travailler
pour le Seigneur
(6). Avec
deux
compagnes de la même société,
Mlles von Arnim et von Bunzen, elle ouvrit une
école du dimanche, distribua des
traités et commença dans des salles
spéciales une oeuvre
d'évangélisation à
Berlin.
Les correspondants de journaux
suisses sont tout abasourdis par le succès
de P. Smith.
« Voici un laïque,
écrit l'un d'eux, un étranger ne
connaissant pas la langue du pays. Il arrive dans
la capitale d'un vaste empire, où l'orgueil
de l'esprit est le péché dominant et,
en vingt-quatre heures, des milliers de personnes
l'entourent. L'empereur lui cède son
église, l'impératrice et sa fille, la
grande-duchesse de Bade, ont avec lui un long
entretien, des hommes d'État lui ouvrent
leur maison, des professeurs de l'université
se mêlent aux simples artisans pour
l'entendre, c'est un courant électrique qui
parcourt toute la population. Comment expliquer
cela ? Smith est un homme de Dieu et il
répond aux besoins de milliers d'âmes,
et Dieu en l'envoyant a répondu aux
prières de ses enfants
(7). »
« Donne gloire à
ton nom, et non point à nous,
écrivait le Libérateur,
après les succès de P. Smith à
Berlin, ni même à aucun de nos
frères, ni même à aucun de ceux
par lesquels tu nous as fait de grandes choses et
qui ont part, à ce titre, à notre
affection reconnaissante. Nous voulons que tu
croisses et qu'ils diminuent ; et alors
même que leurs noms se trouvent sur nos
lèvres et sous notre plume, tu sais que nous
appliquons à eux comme à nous la
confession de ton apôtre :
« Nous portons ce trésor dans
des vases de terre, afin que
l'excellence de cette force soit de Dieu et non pas
de nous. »
Mais nous admirons tes voies
à leur égard, nous t'adorons pour ce
que tu accomplis par eux, et la contemplation de
leurs travaux et des bénédictions que
tu y attaches nous rapproche de toi et nous fait du
bien. »
En allant à Berlin, P. Smith
avait passé par la Belgique et la Hollande.
Il s'était arrêté à La
Haye, Utrecht, Delft. Mais en dehors d'un petit
cercle on parlait peu de ces questions. Plus tard
quelques pasteurs hollandais se rendirent à
Brighton. À leur retour, touchés par
ce qu'ils avaient entendu, ils rassemblèrent
à Neerbosch leurs collègues qui
n'avaient pas eu le même privilège et
leur communiquèrent leurs impressions. Un
mois plus tard ils se retrouvaient à Leyde.
Le soir, les réunions étaient
publiques et les auditoires devinrent si nombreux
qu'il fallut se transporter dans un des plus grands
temples de la ville.
Un des fruits les plus
remarquables
de ce mouvement fut le rapprochement des
différentes Églises, qui se produisit
à Leyde. L'attention des chrétiens
hollandais avait été
détournée des questions
ecclésiastiques et dogmatiques et
s'était reportée sur l'appropriation
du salut. « Au lieu de se nourrir de
pierres, on a eu du pain », dira M. Henri
Gagnebin alors pasteur en Hollande. Il
écrira à propos de ces
réunions :
« Le coup de grâce a
été donné à tout
amour-propre ; les écailles sont
tombées de bien des yeux ; le fils
aîné de la parabole, avec son
obéissance servile et son activité
triste, s'est reconnu dans le fils cadet,
éloigné qu'il était
lui-même du Père et de l'intelligence
de son amour
(8). »
De Berlin P. Smith arriva
directement à Bâle pour les
réunions qui eurent lieu dans cette ville du
4 au 11 avril 1875.
M. et Mme Vischer-Sarasin, M.
Théodore Sarasin du Volksbole
étaient entrés dans le mouvement. Un
comité d'Alliance évangélique
comprenant des membres de l'Église
nationale, des Wesleyens et des Moraves,
s'était constitué. Les Irwingiens et
les Darbystes avaient refusé leur
adhésion. Une invitation, signée des
noms de MM. W. Ecklin, P. Kober, C.-H. Rappard, A.
Vischer, F. Walz, CI. Achard, fut
insérée dans la presse religieuse.
Outre les indications d'ordre pratique et le
programme des réunions, l'invitation
contenait les affirmations suivantes :
- 1° La base de nos entretiens doit être la foi au Christ de l'Écriture, au Seigneur qui est notre justice et notre force.
- 2° Toute controverse religieuse est exclue comme stérile ; nous recherchons la vie et les bénédictions que le Seigneur a promises à ceux qui demeurent unis entre eux.
- 3° Notre but est de nous sanctifier dans le Seigneur avec nos frères. Que tous ceux qui prendront part à nos réunions veuillent bien ne pas perdre ce but de vue. Abstenons-nous également, en dehors des assemblées, des distractions inutiles et recueillons-nous dans le silence devant Dieu.
Les organisateurs de ces réunions avaient
beaucoup prié, mais ils n'étaient pas
sans inquiétudes. Jusqu'alors, dans les
réunions de consécration, on
s'était abstenu de mettre en vedette aucun
nom d'homme. Celui de P. Smith attirait maintenant
les foules. On avait appris l'accueil enthousiaste
qui lui avait été
fait à Berlin. L'Américain devenait
une célébrité
européenne. « Ce n'était
pas manque d'amour qui nous faisait craindre,
c'était « la crainte de
l'amour », écrit Mme Rappard et
elle ajoute : « Le mouvement
d'Oxford a démontré dès le
commencement que « Dieu donne sa
grâce aux humbles. »
Ce sont ceux qui ont creusé
profond qui ont trouvé les sources
jaillissantes de la vie éternelle. Ceux qui
ont semé avec larmes ont moissonné
avec chants de triomphe. Ceux qui ont
accepté la mort sont arrivés à
la vie. La porte est étroite mais la
liberté est
glorieuse. »
Des foules sont venues à
Bâle et comme partout P. Smith édifia
et charma. Les Neuchâtelois étaient
arrivés nombreux. On retrouve l'écho
de leur enthousiasme dans le Journal
religieux :
« Ce qui frappe au
premier
abord dans le prédicateur anglais,
écrit M. Jules Paroz, c'est sa grande
sérénité et sa conviction
inébranlable. Quand il parle on se sent en
présence d'une foi puissante qui agit sur la
volonté de l'auditeur. »
Le pasteur Ecklin de Neuchâtel
a été conquis :
« Smith est un homme
d'action et de prière qui, sans
prétendre à aucune gloire de
théologien ou de réformateur,
personnifie admirablement tout le mouvement actuel.
Plût à Dieu que l'Église
eût souvent et en maint endroit de tels
hommes
(9). »
M. Charles Borel, ancien
pasteur,
logeait avec P. Smith chez M. Sarasin-Bischof. Il
nous écrit : « Pearsall Smith
m'avait fait une très bonne impression. Il
avait le don remarquable de placer
immédiatement les âmes devant Dieu.
Mais je me souviens que Mme *** qui avait à
un haut degré le discernement des esprits,
n'était pas sans inquiétude à
son égard
(10). »
« Nous n'oublierons
jamais, écrit de son côté le
correspondant de l'Union jurassienne, le
tact parfait, l'humble simplicité,
l'énergie pleine de douceur, l'affection
émue et convaincante avec lesquels M. Smith
s'est adressé à une soixantaine de
pasteurs qu'il avait invités à un
repas pour leur parler de ses convictions et des
grâces extraordinaires que Dieu lui a
accordées. »
P. Smith se défendait contre
cette sorte d'attraction qu'exerçait sa
personne :
« Supposez, disait-il,
qu'un cercle d'amis soit réuni à la
tombée de la nuit et qu'il entre un
domestique apportant une lampe
allumée ; il la pose sur la table, tout
au plus lui dira-t-on merci ; personne
n'aurait l'idée de courir après
lui ; on resterait tranquillement autour de la
lampe et tous les regards se fixeraient sur
elle. »
Le péril ne fut pas
conjuré ; tandis que l'hostilité
tombait, que des sympathies nouvelles
étaient gagnées en grand nombre, les
amis de la première heure se demandaient
avec angoisse quelles seraient les suites de
l'exaltation dont cet homme était
enveloppé et s'il n'en serait pas en
définitive la victime. Ce qui
n'empêcha pas les réunions de
Bâle d'être spirituellement excellentes
et P. Smith d'apporter une grande
bénédiction.
Il était traduit par C.-H.
Rappard ou J.-P. Riggenbach et même parfois
par le conseiller d'État Christ.
Le thème de P. Smith dans ces
réunions de Bâle a
été : La consécration et
la pleine confiance. « Quand
un aigle, disait-il, prend son
vol pour s'élever au-dessus des nuages vers
le soleil, il ne se sert pas d'une aile seulement.
Toi aussi, chrétien, veux-tu
t'élever ? Il te faut les deux ailes de
la complète consécration et de la
pleine confiance. Ne sépare jamais ce que
Dieu a uni. Donne tout, tout ce que la Parole et la
Pensée de Dieu tiennent pour mauvais, tout
ce qui à toi te paraît douteux.... Et
puis crois tout ce qu'Il promet. Ne reste pas
prosterné dans la poussière à
ses pieds quand ton Dieu brûle de te serrer
sur son coeur. »
Le dimanche à deux heures, P.
Smith tint une réunion spéciale pour
les ouvriers. Quinze cents d'entre eux vinrent et
entendirent leur parler de Jésus-Christ un
industriel, « qui sait ce que c'est que
de travailler dur et de se coucher
fatigué ».
Un millier de personnes
assistaient
à la réunion de prière de sept
heures du matin. Une demi-heure avant les
assemblées, tout le monde courait dans les
rues de Bâle, son petit recueil vert des Hymnes du Croyant à
la main, pour
trouver de la place. Les plus grands locaux
contenaient à peine les foules qui les
prenaient d'assaut. Sankey était là,
ponctuant de ses soli les appels au salut ou les
moments de prière silencieuse.
Comme à Berne les objections
se firent jour librement. Mais il y eut aussi
d'extraordinaires rétractations.
Le pasteur Lindenmayer, de
Fribourg-en-Brisgau, déclarait le jeudi au
Vereinshaus, dans une réunion pastorale
(11),
qu'il
n'avait rien reçu
personnellement des
réunions de Bâle et que le
réveil dans son ensemble n'apportait aucun
bénéfice réel à
l'âme. Le vendredi, blessé d'entendre
prier pour ceux qui s'opposaient au mouvement, il
était parti. Le dimanche soir à cinq
heures il était de retour. Au moment de son
départ le vendredi, un ami l'avait
supplié de bien peser ses objections devant
le Seigneur Jésus lui-même. Le regard
de cet ami l'atteignit profondément. Il se
disait : « Ces gens possèdent
quelque chose que tu n'as pas ! »
À peine était-il installé dans
son wagon qu'un malaise insurmontable s'emparait de
sa conscience. Puis, tout à coup, il passa
par une illumination intérieure.
Transformé, plein de joie, il était
revenu à Bâle pour rendre
témoignage à son Maître. Il ne
voulait plus « mettre de limites à
la puissance et à la fidélité
du Seigneur dans l'oeuvre de salut par laquelle les
pécheurs sont
transformés. »
Le culte de Sainte-Cène,
présidé le dimanche dans la
cathédrale par l'antistès Stockmayer,
réunit une foule immense.
« Il y avait, écrit
M. Jules Paroz, certainement plus de trois mille
auditeurs dont la plupart sont restés pour
la communion. On s'approchait de la table sainte
sur quatre rangs. Le flot de fidèles a
défilé pendant près de deux
heures.... Je n'oublierai jamais cette communion et
le sentiment de ma faiblesse et de la
miséricorde infinie du Sauveur, lorsque j'ai
reçu le pain et le vin au milieu de tant de
frères inconnus, mais entre lesquels on
sentait le lien de la communion fraternelle....
(12) »
Ces réunions de Bâle
auxquelles on était venu de l'Allemagne du
sud, de l'Alsace, de la Suisse, eurent un grand
retentissement et contribuèrent au
succès de la convention
de Brighton qui allait s'ouvrir quelques semaines
plus tard.
Mlle Mathilde Escher, du
Felsenhof,
la fille du fondateur de la maison Escher, Wyss
& Cie, prit l'initiative d'appeler P. Smith
à Zurich. Celui-ci présida les 12 et
13 avril six réunions, dont trois à
la Tonhalle, devant une foule compacte. Il
était traduit par M. de
Schulthess-Rechberg.
Dans les cercles de l'Église
officielle, on accusa le mouvement de se produire
au seul bénéfice de la
communauté méthodiste, dont le
pasteur était à ce moment-là
Ernst Gebhardt, un chanteur et un musicien
distingué, surtout un chrétien vivant
(13). Celui-ci
prit une part très active aux
réunions de P. Smith. Il venait de traduire
en allemand les cantiques de Sankey qui
paraissaient alors en Angleterre. Il les
accompagnait à l'harmonium ; il les
chantait en solo et les faisait exécuter
à des choeurs ; il les enseignait
même aux auditeurs de la Tonhalle qui en
reprenaient les refrains avec enthousiasme. Il
était lui-même l'auteur de nombreux
chants de réveil.
Gebhardt avait été
gagné au mouvement de sanctification. Il
écrivait à cette époque :
« Combien d'incrédulité on
trouve encore chez les croyants ! Dieu
conduit-Il quelqu'un au trésor de ses
promesses et lui découvre-t-Il la
plénitude du salut, « la
bonté et la miséricorde de
l'Éternel nous accompagnant tous les jours
de notre vie », aussitôt le
spectateur de tant de richesses s'écrie,
rempli d'admiration : C'est merveilleux !
- mais il ne lui vient pas à l'esprit
de faire main basse sur elles et
de s'en retourner chargé de
bénédictions. On se réjouit et
l'on se console tant bien que mal ; on vit
d'émotions et l'on reste le
même ; on s'en va se plaignant toujours
de sa pauvreté et de sa misère, - et
il y a vraiment de quoi se plaindre quand on est
trop prudent, trop orgueilleux, ou trop paresseux
pour tirer en sa faveur les dernières
conséquences de la rédemption
(14). »
Pearsall Smith, après avoir
reconnu le talent de Gebhardt dans la direction du
chant d'ensemble et l'exécution des soli, le
pressa de l'accompagner pendant quelques semaines
à travers l'Allemagne du sud. Gebhardt y
consentit. Un peu plus tard il était
invité par son comité londonien
à assister à la convention de
Brighton. Il fit le voyage avec vingt-un
« frères »
méthodistes allemands qui s'y rendaient
aussi. Pendant le trajet, ils chantaient ensemble
de véritables choeurs sous la direction de
Gebhardt. À Paris, ils
exécutèrent à table
d'hôte le cantique alors universellement
chanté dans les milieux
réveillés allemands : Jesus
errettet mich jetzt.
- Hört es, ihr Lieben, und lernet ein Wort,
- Das euch zum Segen gesetzt,
- Sprecht es mir nach, und dann sagt's weiter fort :
- « Jesus errettet mich jetzt ».
- Sind eure Sünden gleich Blut rot und schwer,
- Ist das Gewissen verletzt,
- 0 so sprecht gläubig (vergesst es nicht mehr) :
- « Jesus errettet mich jetzt ».
- Wenn euch die Welt mit Versuchung anficht,
- Satan euch nachstellt und hetzt,
- So wiederholt es und fürchtet euch nicht
- « Jesus errettet mich jetzt ».
- Wenn euch die Träne der Trübsal und Not
- Oftmals die Wange benetzt,
- Sagt nur ganz ruhig im Anblick auf Gott :
- « Jesus errettet mich jetzt ».
- Kommt ihr dann hin zu dem finsterntz Tal,
- O so sprecht jubelnd zuletzt :
- « Nun geht's zur Herrlichkeit, freut euch zumal,
- « Jesus errettet mich jetzt ».
L'influence du mouvement d'Oxford se fit sentir
dans tout le reste de la carrière pastorale
et musicale de Gebhardt.
Dans l'Allemagne du sud les
ecclésiastiques se tinrent sur la
réserve à l'égard de P. Smith.
De Carlsruhe, Gebhardt écrit le 17 avril
1875 :
« De grandes
réunions ont eu lieu ici, mais les
ecclésiastiques n'y prennent aucune part
(15), ce
n'est
que par l'influence personnelle de la famille
grand-ducale que l'église principale nous a
été accordée. La
grande-duchesse, le frère du grand-duc et
son épouse ont assisté dans la loge
de la cour à toute la réunion du
jeudi. Il a surgi quelques difficultés
à propos du chant. Les membres du
comité ne nous autorisaient à chanter
que d'anciens chorals traînants. Nous avons
passé outre et puis le comité a fini
par trouver grand plaisir à ces nouvelles
mélodies qu'il entendait pour la
première fois.... »
À Stuttgart l'affluence fut
très grande, les réunions
vivantes ; mais comme à Carlsruhe, en
dehors des pasteurs Hoffmann et Theurer, le
clergé « regardait de
loin ». Le prélat Kapff
était favorable mais très
réservé. C'est aussi par
l'intervention du roi que la
« Leonhardskirche » fut
accordée aux organisateurs des
assemblées.
« À Stuttgart,
raconte P. Smith, un homme vint à moi, le
visage triste et me dit :
- Oh ! monsieur, hier à
votre réunion, il me semblait être au
ciel ; aujourd'hui j'ai perdu toute ma
joie.
- Je m'en réjouis, lui
répondis-je. Il me regarda avec
étonnement. Avez-vous déjà
traversé un tunnel en chemin de fer ?
continuai-je.
- Mais oui.
- Les rails ne sont-ils pas
aussi
solides dans le tunnel qu'au
dehors ?
- Certainement.
- Étiez-vous plus triste en
traversant le tunnel qu'au dehors ?
- Non pas. Je commence à
comprendre....
- Hier vous avez fait de votre
joie
votre salut. Dorénavant confiez-vous au
Seigneur seul et louez-le toujours que vous soyez
joyeux ou triste. »
Il y eut beaucoup de
chrétiens vivifiés dans le
grand-duché de Bade, au Wurtemberg. Les
cercles pieux furent réveillés et
réchauffés. Le directeur Thumm, de
Wilhelmsdorf, s'écriait après les
réunions de Carlsruhe et de Stuttgart
auxquelles il avait pris part : « Ce
qui s'est passé pour moi ? Mon voyage
au désert a pris fin. Le Seigneur m'a rendu
ma jeunesse avec la fraîcheur de sa foi et sa
force triomphante, je me fais l'effet d'un
miracle. »
À Francfort sur le Mein, les
assemblées furent moins nombreuses ;
aussi bien que le clergé officiel, les
Méthodistes avaient mis Smith à
l'index.
Mais c'est au Wupperthal que
l'affluence et l'enthousiasme furent les plus
grands.
La vallée de la Wupper dans
la Prusse rhénane, avec
ses deux grandes villes soeurs de Barmen et
d'Elberfeld, est célèbre dès
longtemps par sa piété. Les Gemeinschalten ont pris pied dans
cette
contrée comme nulle part ailleurs. De
nombreuses dénominations s'y sont
installées ; des réveils
profonds y ont éclaté ; des
prédicateurs vivants - tel
Frédéric Wilhelm Krummacher - ont
semé l'Évangile à pleines
mains dans ce pays privilégié. Depuis
lors l'industrie, l'invasion d'ouvriers de toute
provenance, les revendications sociales sont en
voie de ramener ce petit paradis au niveau des
autres contrées protestantes.
En 1875, Smith fut accueilli
avec
bonheur par les ecclésiastiques aussi bien
que par les diverses dénominations de la
région. Deux cents pasteurs
assistèrent aux réunions. Smith
sentit qu'il était comme porté par
son auditoire. Dans l'une des rencontres, il parla
durant deux heures et demie avec une puissance
d'amour et une humilité auxquelles personne
ne put résister. Une émotion
profonde, telle que peu des assistants en avaient
jamais éprouvé de pareille, s'empara
de l'assemblée. Smith lui-même
déclara, après la réunion,
qu'il ne se rappelait pas avoir jamais parlé
avec un si intime saisissement et une si franche
liberté. Le Dr Fabri, le directeur de la
maison des Missions de Barmen, remercia Smith d'un
mouvement spontané au nom de
l'assemblée, qui s'y associa par un
« amen » retentissant
(16).
L. Tiesmeyer, l'historien
très évangélique des
réveils allemands, a entendu P. Smith
à Barmen. Il n'éprouve pas une
tendresse particulière pour le mouvement
d'Oxford, et pourtant voici ce qu'il
dit :
« Une après-midi Smith
parlait, d'après 1 Jean I, 4-7, de la «
joie parfaite » et du « sang de
Jésus qui purifie de tout
péché». Il y eut dans son
discours des paroles vraiment empoignantes. Quand
il eut fini il invita l'auditoire à prier
à genoux, ce qui se fit aussitôt. Dans
une autre église de Barmen, je l'entendis
dire: « Je n'ai pu apprendre qu'une seule
phrase allemande; mais elle suffit à me
rendre heureux toute ma vie et à me conduire
à la gloire éternelle. Cette phrase
c'est : Jesus errettet mich jetzt !
»
C'est à Barmen aussi que
Smith employait cette comparaison : « Les
époux ne recommencent pas chaque jour la
cérémonie de leur mariage: ils se
marient une fois, et puis envisagent la chose comme
bien et dûment accomplie quand bien
même, au cours de la vie, l'union devient
toujours plus étroite. Je me suis offert
à Dieu une fois en sacrifice vivant, je ne
l'oublie jamais. Puis je complète mon
sacrifice, je me donne sur des points nouveaux,
sans remettre perpétuellement en question ma
consécration initiale. »
C'est là dans cette
série de réunions que le professeur
Christlieb fut gagné à la
pensée profonde de la sanctification. Sans
doute il y avait des choses dans «
l'américanisme » de Smith qu'il avait
de la peine à accepter. Il disait par
exemple : « C'est naturel que nous soyons un
peu méfiants contre ce qui est nouveau et
étranger et ce qui ne correspond pas
à notre culture ecclésiastique et
théologique. Mais si nous consentons
à ne pas toujours mesurer les autres
à notre propre mesure, nous arrivons
à reconnaître qu'il peut certainement
venir quelque chose de bon de ce mouvement.
»
« Il est excellent,
disait-il encore, que nous soyons pressés de
faire la révision, je ne dis pas de nos
confessions de foi, de nos conceptions, mais de
notre vie personnelle, de notre homme
intérieur, en nous plaçant tout
entiers devant Dieu. Au contraire du sentiment
naturel qui s'imagine si volontiers posséder
déjà tout ce dont il a besoin, il est
salutaire de chercher dans l'humiliation et avec
l'Esprit de Dieu les points sur lesquels nous avons
encore à
croître. »
Le Dr Fabri rend le meilleur
témoignage à la personne de P.
Smith :
« Ce n'est pas
seulement
un homme d'une amabilité charmante, mais
d'une profonde et vraie cordialité et d'une
confiance filiale et forte dans le Seigneur. Ses
qualités m'ont rempli d'amour et de
vénération pour lui.... Je me suis
expliqué sur divers points avec P. Smith,
écrit-il à la Neue evangelische
Zeitung, dans un entretien des plus fraternels.
P. Smith me déclara que c'était une
vérité essentielle, une bienheureuse
expérience de sa vie qu'il était
appelé à proclamer, mais il convint
que l'Écriture - comme je le lui faisais
remarquer - contient beaucoup d'autres
vérités importantes ; il ne veut
nullement leur porter atteinte. »
Cependant, Fabri, dans cette
même lettre, affirme que ni l'enthousiasme
qui s'est manifesté aux réunions de
Barmen, ni le contact personnel avec P. Smith n'ont
fait tomber toutes ses réserves de fond
à l'égard de ce qu'il appelle
« les lacunes de l'enseignement doctrinal
de P. Smith, le manque d'une solide exposition
théologique et biblique, et l'espèce
d'excitation méthodiste qui se fait jour
dans ce mouvement. »
Et l'article se termine par ces
lignes : « Je dis de tout mon coeur
avec vous : Dieu veuille que le
mouvement commencé ne
devienne pas, dans le cercle des croyants de
l'Allemagne évangélique, le signal de
divisions et de disputes nouvelles ! Que l'on
réussisse à en écarter ce qui
est excentrique et malsain pour ne garder que le
bien avec la bénédiction. Mais pour
cela il faut s'abstenir de tout jugement
précipité et prévenu....
Une protestation de quelques
chers
amis de Stuttgart, quelques passages dans les
articles de l'AlIgemeine evangelische
lutherische Zeitung, certaines critiques d'une
feuille de Halle et d'autres appréciations
risquent d'égarer l'opinion et de faire
juger sans bienveillance la personne de M. Smith.
Je me joins quant au fond à
la plupart des objections formulées ;
je n'en tiens pas moins pour injuste et
fâcheux de ne pas apprécier
impartialement les bons côtés du
mouvement et de ne pas se demander ce que Dieu veut
nous dire et nous donner par le moyen de cette
manifestation certainement digne
d'attention.... »
Au milieu de toutes les
appréciations qui se croisaient dans la
presse religieuse allemande et de toutes les
petites brochures qui s'échangeaient entre
théologiens, apparut tout à coup un
écrit jeune d'allures, enthousiaste,
documenté, plein de sève
spirituelle : Les Lettres de Brighton
(17) du
Dr
Warneck qu'on a plaisir et profit à lire
encore aujourd'hui.
D. Gustave Warneck, né le 6
mars 1834 à Naumbourg sur la Saale, tout en
exerçant un ministère vivant devint
en Allemagne le champion de l'oeuvre missionnaire.
Il fut nommé professeur de science
missionnaire à la faculté de
théologie de Halle et
mourut le 26 décembre
1910. Le professeur Kähler, son ami, lui a
consacré une notice biographique
(18) et
rappelle cette parole de Warneck :
« Le mouvement d'Oxford a fait de moi
« un joyeux chrétien ».
Et cette conquête du
réveil d'Oxford n'a pas été
d'un mince profit pour les milliers de
chrétiens et d'étudiants qui ont
bénéficié de la
piété « joyeuse »
et féconde de cet homme.
Warneck n'est pas tendre dans
ses
lettres pour la théologie disputante et
critiquante :
« De semblables
réunions, dit-il (celles de
consécration) sont autrement
réconfortantes que celles dans lesquelles la
discussion a la première place. C'est une
vraie misère de constater combien la
critique perpétuelle rend aveugle à
l'égard de ce qui est bon et vrai et combien
vides elle nous laisse. Le besoin de critiquer est
tout particulièrement le péché
des théologiens et je me suis senti
humilié quand j'entendais P. Smith
dire : « J'ai désappris deux
choses : 1° à critiquer quand
j'entends prêcher, 2° à
polémiser quand je prêche
moi-même. »
Ce n'est pas que toutes mes
hésitations à l'égard du
mouvement d'Oxford soient tombées, mais ma
critique a appris la modestie. Je lui ai mis une
muselière pour ne pas perdre, en mordant
à droite et à gauche, la bonne
nourriture qui m'est offerte
(19)....
Je ne puis pas être
entièrement objectif en parlant de ce
mouvement parce que nous n'avons pas seulement
entendu des paroles, mais vécu quelque
chose.... Avec une puissance qui ne s'était
jamais manifestée à moi de semblable
manière, cette vérité s'est
emparée de ma conscience
à Brighton à savoir que l'homme,
parce qu'il est la créature de Dieu et parce
qu'il a été racheté par Christ
à grand prix, est un être qui ne
s'appartient plus à lui-même....
(20)
« Combien de fois nous,
pasteurs, avons-nous répété,
découragés : Nous avons
travaillé toute la nuit sans rien
prendre ! et quand quelqu'un vient nous rendre
le courage de la foi et nous aider à
dire : Maître ! à ta parole
- et pas autrement - je jetterai le filet, ne
voulons-nous pas lui serrer la main avec
reconnaissance ?
Avant d'obtenir la conversion de
la
masse, il faut que s'opère l'affermissement
de la foi, la sanctification, l'effusion du
Saint-Esprit chez les croyants et que ceux-ci
apparaissent comme des flambeaux dans le monde, que
les hommes voient leurs bonnes oeuvres et
glorifient - non pas nous - mais le Père qui
est dans les cieux. Les éléments
sains du mouvement sont bien plus
considérables que les autres...
(21) »
Il faisait aussi ses
réserves. Voici la principale :
« Je ne dis pas avec le
rédacteur de l'Evangelisches Wort au
sujet de P. Smith : « On ne trouve
pour ainsi dire pas trace dans ses discours et dans
ses expériences de cette croissance
organique que Jésus a rappelée dans
cette parole de Marc
IV: 28 : « Car
la terre produit d'elle-même son fruit,
premièrement l'herbe, ensuite l'épi,
puis le grain tout formé dans
l'épi. » Tout doit se faire pour
lui par bonds, coup sur coup, tout est notoirement
miracle, point de vie se développant
naturellement par l'Esprit, mais toujours des actes
directs de l'Esprit. » Non, je n'irai pas
jusque là. Et pourtant le
chemin de la patience ne semble pas connu de M.
Smith ; les mots
« attendre »,
« patience », il ne les
relève jamais. Il y a pourtant les
« heures de Dieu » avec
lesquelles il faut compter.
À ces affirmations si nettes
de « maintenant », de
« réalisation
immédiate » il faudrait parfois un
correctif pour ne pas risquer les déceptions
(22). »
Si Warneck, qui a
« éprouvé » ce
mouvement, en a retenu beaucoup, c'est
qu'apparemment le mouvement contenait beaucoup de
bon. « On ne coupe pas un pommier de son
jardin, affirme-t-il avec sa bonhomie malicieuse,
parce qu'il en est tombé quelques pommes
aigres ; on fait le triage et on se
régale des fruits excellents. »
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