Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IX

Les réunions de consécration se multiplient.

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Le Libérateur. - C.-H. Rappard. - Le Glaubensweg. - Réunions de Berne, de Nîmes, de Montauban, de Marseille, du Locle et de Genève.


L'année 1875 s'ouvrit par l'apparition de deux périodiques, l'un en français - Le Libérateur, l'autre en allemand Des Christen Glaubensweg qui devinrent les organes du mouvement sur le continent et correspondirent au journal anglais : The Christians Palhway of Power. Celui-ci avait débuté une année plus tôt, en janvier 1874, sous la direction de P. Smith.

Le Libérateur - en sous-titre : Journal d'études bibliques et d'expériences chrétiennes - paraissait chez J. Bonhoure à Paris et avait pour rédacteur en chef M. Th. Monod. Le prospectus annonçant son apparition disait : « Ce journal ne s'occupera ni de questions politiques, ni de questions ecclésiastiques ; il s'abstiendra même, autant que possible, de polémique sur le terrain de la théologie. Il ne sera l'organe d'aucune Église, d'aucun système, d'aucun parti. Il ne donnera point de nouvelles, sinon celles qui se rapportent directement aux progrès de la vie de Dieu dans les âmes.

En deux mots, cette petite feuille a essentiellement pour objet, par l'étude de la Bible et de l'expérience chrétienne, le progrès dans la grâce et dans la connaissance de Jésus-Christ, qui affranchit les croyants de la condamnation qu'ils ont méritée, de la domination du péché et de tous les fardeaux qui les oppressent ; de là notre titre : Le Libérateur....
Nous pouvons dès aujourd'hui compter parmi nos collaborateurs - MM. G. Appia, Armand-Delile, Babut, Boardman, Bonifas, A. Bovet, Challand, Dieterlen, Aug. Fisch, Good, Hocart, Jean Monod, Léopold Monod, Th. Rivier, L. Sautter, M. et Mme P. Smith, etc.... »

Dès son apparition le Libérateur rencontra le plus favorable accueil, et tira à quatre mille exemplaires.
Au même moment apparaissait chez Spittler à Bâle : Des Christen Glaubensweg (zur Weekung und Förderung des christlichen Lebens) rédigé par M. Rappard, le directeur de l'École d'évangélistes de Sainte-Chrischona.

C.-H. Rappard avait été impressionné et enrichi à Oxford (1). Il écrivait à sa femme : « Le principal obstacle à la bénédiction, c'est le moi. Il faut qu'il se renie catégoriquement, oui, même le moi qui prêche. C'est l'un des pires.... Il faut que l'inspecteur même reste mort.... »

À propos de cette mort à soi-même, mise en lumière à Oxford, Rappard rapporte ce témoignage raconté par un évangéliste : « Mon Dieu s'est approché de moi une de ces dernières nuits ; il avait beaucoup à reprendre en moi, il me dit d'abord :
- Voilà un rameau qui ne vaut rien, il faut le couper.
- Oui, Seigneur, répondis-je non sans qu'il m'en coûtât, coupe-le Toi-même. Le Seigneur continua :
- Voici une branche qui ne porte pas de fruit ; et voilà une pousse qu'il ne convient pas de laisser dans ma vigne.
- Oui, Seigneur, répondis-je encore, taille seulement, émonde pourvu que je te possède, Toi... !

Mais la nuit passée le Maître est venu plus près encore et m'a dit :
- Ce n'est pas seulement tel rameau ou telle branche c'est toi tout entier qu'il faut abattre et mettre à mort. « Mes frères, c'était douloureux, mais c'est fait et définitivement fait. »

Rappard écrivait encore d'Oxford : « Le Seigneur nous bénit de plus en plus. On pourrait se figurer, de loin, que c'est affaire de sentiments, mais je puis certifier que c'est une réalité. Ajouter foi aux promesses de Dieu, qu'y a-t-il au monde de plus réel ? Prends une déclaration de ton Dieu, examine-la attentivement dans son contexte, puis d'un coeur entièrement livré crois tout simplement que Dieu entend bien dire ce qu'Il dit. »

Rentré à Chrischona, Rappard souhaitait que les élèves et les professeurs de l'Institut reçussent quelque chose de la bénédiction qu'il avait trouvée lui-même. Dans cette attente il mit à part quelques jours, du 16 au 21 novembre 1874, et il invita son ami, J.-J. Riggenbach, pasteur-adjoint de la paroisse de St-Léonard à Bâle, à venir lui aider : « Dans ces réunions, écrit-il, nous avions entièrement remis la direction au Saint-Esprit. Le Seigneur eut d'abord à nous faire descendre très profond. La lumière d'En-Haut fit venir au jour bien des choses qui avaient entravé la bénédiction et paralysé l'effort. Mais une fois le mal ouvertement reconnu et abandonné sans restriction, quand l'on put se livrer pleinement et se jeter dans les bras de Dieu, l'expérience de la vérité divine de 1 Jean I, 7 se réalisa, à savoir que « le sang de Jésus-Christ purifie de tout péché ». Plusieurs des habitants de l'Institut obtinrent la grâce demandée et « se placèrent avec gratitude entre les bras du bon Berger pour se laisser désormais garder et porter par lui jusqu'à la fin ».

Quand on apprit à Bâle qu'il se produisait un réveil à Chrischona, plusieurs personnes vinrent se joindre à leurs frères que Dieu bénissait et reçurent à leur tour une nouvelle vie.

C'est quelques semaines plus tard que Rappard fondait le Glaubensweg en collaboration avec son beau-frère Kober, libraire à Bâle.
Conçu selon les mêmes principes que le Libérateur, le nouveau journal poursuivait le même but :
« .... La croix de Christ, lit-on dans le premier numéro, nous a délivrés du châtiment du péché, elle est aussi le moyen de nous affranchir de sa domination. Le chemin qui y mène, c'est la foi qui nous unit à Christ. Elle est le trait d'union entre notre faiblesse et la toute-puissance de Dieu.... Nous voudrions mettre les croyants en garde contre le danger de rabaisser les exigences de Dieu au niveau de leurs propres expériences défectueuses et les pousser au contraire à hausser leur vie intérieure et extérieure au niveau de la révélation divine, à marcher dans une lumière toujours croissante et dans la victoire sur le péché et sur le moi.... »

Les principaux collaborateurs de Rappard étaient Th. Jellinghaus, sur lequel nous aurons à revenir, Markus Hauser de Zurich, Boardman, M. et Mme Smith, Wilh. Claus, le pasteur W. Ecklin, etc.
D'emblée le nouveau journal recueillit, comme le Libérateur, de nombreuses adhésions et bientôt il tira à huit et neuf mille exemplaires. Rappard eut plus d'une fois la joie d'apprendre que tel numéro avait été en bénédiction spéciale et avait - petit grain de semence - rapporté du cent pour un. Un des premiers exemplaires, tombé aux mains d'un soldat de la légion étrangère en Algérie, devint le moyen de ramener cet homme au Sauveur d'abord, dans sa patrie ensuite.

C'est avec une sagesse vraiment spirituelle, avec amour, avec une cordialité distinguée que le Glaubensweg, comme ses deux partenaires français et anglais, fut rédigé. Tel article signé de son rédacteur constitue un pain savoureux et fortifiant. Voici quelques lignes, détachées de l'un d'entre eux et qui donneront une idée des autres :
« Une fois consacrés au Seigneur par une sorte de contrat intime et décisif, en vertu duquel nous avons renoncé à tout ce qui, à la lumière de Dieu, apparaît comme coupable ou seulement douteux, cette consécration peut et doit se continuer en une expérience qui se prolonge.

C'est maintenant que va se démontrer si cette consécration est une réalité ou un simple flux de paroles. Le croyant consacré se considérera comme mort au péché et comme propriété vivante de Jésus. Surgit-il un désir coupable ou quelque tentation venant du dehors, il s'écriera : « Je suis à mon Bien-aimé ; comment pourrais-je me souiller ? » Une question se pose-t-elle à propos de l'emploi du temps ou de l'argent, une voix ne manquera pas de se faire entendre au fond du coeur : « Mon temps, mon argent, tout n'appartient-il pas à mon Seigneur, à qui je me suis livré corps et âme ? » C'est toujours le même ancien message, éternellement nouveau : Venez à moi ! et Demeurez-en moi !

Le pasteur Correvon, de Francfort, rend cet hommage à Rappard : « Ce qui m'a toujours frappé en lui, c'est sa grande sobriété alliée à une chaleur juvénile, à un amour bouillant pour le Seigneur, qui nous enthousiasmait, nous, les jeunes d'alors (2). »

La première semaine de janvier 1875, le Comité de l'Alliance évangélique de Berne, dans lequel huit dénominations étaient représentées, organisa une série de réunions dans le but d'étudier les doctrines du mouvement d'Oxford. Plusieurs chrétiens n'étaient pas sans inquiétudes. Les uns se demandaient comment on remplirait ces journées en l'absence des rapports et conférences d'usage ; les autres craignaient de voir des discussions pénibles s'introduire entre partisans et adversaires du mouvement. On fut trompé en bien ; le temps parut trop court pour célébrer ce qu'on appela « la fête de l'Éternel ».

L'hospitalité bernoise fut à la hauteur de l'affluence des participants. Il en vint de partout, de la Suisse allemande, de la Suisse française, de l'Allemagne. Le besoin d'entendre parler de ces grandes grâces et de recevoir quelques miettes était intense. Les maisons familiales s'ouvraient toutes larges ; les hôtels étaient remplis ; les tables d'hôte étaient présidées par des membres du comité organisateur. Un hôtelier disait : comme à Oxford - « Ah ! Monsieur, quelle semaine nous avons passée ! Si nous avions toujours de tels voyageurs, comme notre métier serait différent ! »

Des choeurs étaient admirablement exécutés. On chantait les hymnes de Sankey qui venaient d'être traduites et imprimées. La plus grande liberté ne cessa de régner et toutes les opinions se faisaient jour, parfois avec tant de vivacité qu'un éclat se serait produit si l'Esprit n'était intervenu. Plusieurs s'étaient rendus à Berne avec défiance craignant que la sanctification ne devînt une affaire d'enthousiasme ou qu'il n'en résultât pour finir une secte nouvelle. De vieux chrétiens se demandaient ce que l'on pouvait avoir de nouveau à leur dire.

« Il y avait toute une petite phalange d'amis, lisons-nous dans une lettre particulière, qui n'étaient pas du tout d'accord avec nous pendant les premières journées. On parlait même de leur intention de s'en aller dès le troisième jour. Je m'en souviens bien à cause des heures de la nuit passées en prières pour demander à Dieu de donner et de maintenir une union vraie et profonde. Cette prière fut exaucée.... Je n'ai pas oublié les luttes intenses par lesquelles passait M. J.-G. qui s'écriait dans une réunion intime : - Non, vous ne me prendrez pas ce Jésus qui pardonne, qui a pitié des pécheurs misérables! - Il n'avait pas encore compris que ce Jésus qu'on proclamait comme le Libérateur, comme celui qui sanctifie, était le même que celui qui pardonne et dont le sang précieux lave les souillures et détruit la puissance du péché. Ceux qui l'ont entendu rendre son témoignage dans la suite, après qu'il eut saisi la grâce remise en lumière par le mouvement d'Oxford, ne l'ont jamais oublié.... Je me souviens fort bien du premier témoignage de M. et de Mme Vischer, de Bâle, de la splendide expérience du major Brunschweiler qui, dans une crise d'angoisse intérieure, avait demandé les supplications du peuple de Dieu à l'une des réunions de prières du matin et qui, le soir, dans le même cercle, la figure rayonnante de joie, bénissait le Seigneur de lui avoir fait grâce et de l'avoir accepté.... »

Le mardi, un pasteur aimé à Berne, M. G. s'exprima comme si ce mouvement était d'origine sectaire et maladive. Le jeudi encore il parlait dans le même sens, ajoutant toutefois que s'il se trompait, il ne désirait rien tant que d'être convaincu d'erreur et d'apprendre à connaître un moyen de sanctification autre que ceux qu'il avait pratiqués jusque là.
Le lendemain, à la fin de la conférence du matin, pendant laquelle encore plusieurs objections avaient été formulées contre la doctrine en question, M. G. déclara que le jour commençait à poindre dans son esprit, qu'il comprenait de plus en plus ce qui d'abord lui avait paru hérissé de difficultés et que la conviction se faisait en lui que ce mouvement ne venait pas des hommes mais de Dieu. Il terminait son discours en disant :
« Oui, que le Seigneur me dirige, m'éclaire, me porte ! Qu'il me sauve, c'est-à-dire qu'il me justifie et me sanctifie ; pour moi, je renonce enfin, une fois pour toutes, à vouloir le faire moi-même ! »

Ce témoignage fit une grande impression sur l'assistance. L'opposition était vaincue. Plusieurs donnaient gloire à Dieu de ce qu'il s'était révélé à eux comme le Sauveur parfait qui a délivré les siens non seulement de la condamnation du péché, mais aussi de son empire.

« À Berne on parla du péché comme on doit en parler, ainsi s'exprime un correspondant du Journal religieux, comme des vignerons parleraient du phylloxéra, comme des infirmes du mal qui empêche leur guérison. On ne craignit pas de prendre « la bête par les cornes ». On traitait ces sujets comme des choses réelles et palpables. Dans la réunion d'hommes du matin il fut question de péchés et de tentations dont on ne parle d'ordinaire qu'à mots couverts ou par de lointaines allusions, aussi le sérieux fut-il réel et profond. »

Mais la note dominante c'étaient la louange et l'adoration. La foi, peu à peu, se changeait en vue et la prière en action de grâce. Des larmes coulaient de bien des yeux. À propos du témoignage public, M. Th. Rivier fit remarquer que lorsque Jésus guérissait, il disait à l'un : « Va et raconte les grandes choses que le Seigneur t'a faites ! » tandis qu'il recommandait à d'autres de ne rien dire à personne. Il en est encore ainsi aujourd'hui, l'un doit parler, l'autre se taire. Ce que M. Rappard confirmait en disant « Il est bien entendu que nous ne réclamons d'autres témoignages que ceux qui sont des actes de fidélité, auxquels ceux qui les apportent ne pourraient se soustraire sans désobéir.... »

L'intérêt est allé en croissant ; l'Esprit de Dieu était là. Il ne se produisit aucune manifestation déplacée ; une grande sérénité, une paix réelle, la paix d'En-Haut rayonnait sur les visages.
« Malgré l'autorité de la parole d'un Rappard, d'un Stockmayer, d'un Riggenbach, conclut le même correspondant, on quittait ces réunions en oubliant les hommes et en se retrouvant comme les disciples après la transfiguration, avec « Jésus seul », se sachant gardé par lui et sanctifié par l'onction de sa grâce. »

Le correspondant de Berne du Chrétien évangélique, feu M. le pasteur Bernard, écrivait les lignes suivantes de sa plume fine et savoureuse :
« Peu curieux de nouveautés, ce n'est pas sans méfiance que j'ai écouté les premiers échos des conférences d'Oxford ; mais je n'ai pas tardé à sentir qu'il y avait là un souffle divin et que Dieu exauçait enfin la demande mille fois répétée d'une nouvelle effusion du Saint-Esprit. En entendant nos amis Riggenbach, Rappard, Stockmayer, je me disais : voici ce qu'il nous faut ! Leurs discours respiraient je ne sais quelle fraîcheur printanière qui épanouissait les coeurs. On voyait renaître à l'espérance bien des chrétiens affadis ou découragés.... J'ai été ensuite agréablement impressionné par l'absence de toute polémique, soit contre les adversaires du christianisme, soit contre des chrétiens de telle ou telle dénomination. On insistait uniquement sur ce qui constitue à chaque instant la vie de l'âme, sur une entière consécration à Dieu, sur une obéissance absolue aux appels du Saint-Esprit, sur un sacrifice sincère de tout interdit. Je sais bien que dès que la dogmatique s'en mêle, on arrive à des difficultés.

La théorie de la sanctification par la foi peut conduire à des abus... Pressé par les appels chaleureux de nos frères, je cherchais un renouvellement de ma vie intérieure, une connaissance plus intime de l'amour divin, une confiance plus entière au Sauveur « qui sauve toujours », un renoncement plus sincère au péché, une délivrance des pièges de Satan....

Une autre considération s'est présentée à mon esprit. N'est-il pas étrange qu'au moment où nos libéraux exaltent la science aux dépens de la foi, Dieu suscite trois Américains théologiquement peu lettrés qui obtiennent des effets merveilleux que mille savants réunis ne pourraient pas produire. On découvre dans l'histoire une ironie divine, bien amère pour les impies. « Dieu se rira d'eux », dit l'Écriture.

Avec toute la science dont ils se vantent et que quelques-uns possèdent réellement, les libéraux vident les églises et les facultés théologiques, minent la foi et le sérieux moral, tandis que l'inculte Moody, le chanteur Sankey, l'industriel Smith ne trouvent nulle part des locaux assez vastes pour contenir les foules affamées et poussent des centaines de jeunes hommes dans la carrière théologique. C'est que ces hommes croient la Bible et la comprennent (fides praecedit intellectum, la foi précède la compréhension) tandis que le Dr Strauss et ses disciples, semblables à l'homme psychique de saint Paul, ne comprennent point les choses de l'Esprit, parce que la foi fait défaut.

« Enfin le mouvement d'Oxford m'a conduit à considérer le rôle singulièrement proéminent assigné aux Îles Britanniques dans les destinées du règne de Dieu. C'est le pays missionnaire par excellence. Dès les premiers siècles de notre ère, l'Irlande (l'île des saints), l'Écosse, l'Angleterre couvraient le continent de leurs fondations pieuses. Saint Béat était écossais, Fridolin, irlandais, Colomban et ses douze collègues sortaient du couvent de Bangor, Willibrod et ses compagnons étaient anglais de mère ainsi que le grand Winfried (Boniface). Wiclef fut le père spirituel de Jean Huss et indirectement de l'Église morave. À partir de Wesley et de Whitefield quelle succession presque ininterrompue de réveils en Amérique comme dans la mère patrie ! Si les Églises du continent se délabrent et présentent un aspect souvent lamentable, nous ne nous soustrairons pas au souffle vivifiant venu d'Oxford.... (3) »

Aux réunions de consécration qui eurent lieu à Nîmes au mois de février suivant, mêmes bénédictions, mêmes actions de grâces.
La participation fut comme partout extraordinaire, tous les lieux de culte se remplissaient d'une foule compacte, il fallait continuellement se partager en deux ou trois réunions parallèles.
L'affluence des pasteurs et évangélistes fut considérable, on en compta cent seize.
Citons parmi les pasteurs français MM. Babut de Nîmes, Matth. Lelièvre, Daniel Benoît de Montmeyran, Brocher de Nîmes, Molines et R. Leenhardt de Montpellier, Puaux de Nîmes, etc., etc.

De la Suisse, MM. Dardier, Descombaz, Fuster (Genève) ; Favre, Glardon, Meylan, Perrelet (Vaud) ; Comtesse, Coulon, Doutrebande, Jacottet, Monnerat, Nagel, F. et H. de Rougemont, Verdan (Neuchâtel) ; G. Fayot (Jura bernois).
M. Th. Monod figurait à ces réunions parmi les organisateurs et les orateurs.

Un moment palpitant dans la première journée fut la séance pastorale de 4 heures et demie, bientôt transformée en réunion de prières. Au lieu de discuter, les pasteurs s'humilièrent. Ils confessaient publiquement à Dieu les péchés de leur ministère. Le je remplaçait le nous et on sentait que cet aveu était réclamé de Dieu lui-même comme une condition de délivrance. « Et à la vérité, dit le correspondant du Chrétien évangélique, quelques-unes de ces confessions étaient si humiliantes, qu'il fallait bien toute la puissance de l'Esprit de Dieu pour les arracher du fond des coeurs. En les écoutant, nous sentions tous nos yeux se mouiller de larmes. Plus d'une fois l'émotion abrégea la prière. Jamais je n'avais assisté à pareille scène. »

De l'avis général ce fut bienfaisant d'entendre avec quelle clarté les divers orateurs parlèrent de la nécessité et de la possibilité de réaliser une vie sainte et avec quel courage et quelle humilité beaucoup d'entre eux témoignèrent, soit au cours des réunions de prières, soit dans leurs allocutions, des capacités et des joies spirituelles que Dieu donne à celui qui le prend au mot.

M. G. Fayot, pasteur à Saint-Imier, disait : « Mettons-nous face à face avec la Parole de Dieu pour apprendre à nous repentir comme nous le devons. La vie hors de Jésus-Christ, c'est la vie qui se traîne. Soyons bibliques, évangéliques dans notre foi, notre repentance et notre sanctification.... (4) »

M. Th. Monod rendait sous cette forme originale son joyeux témoignage : « S'il y a un grand danger à parler, même du Seigneur, pour l'amour de soi, il y a une grande bénédiction à parler même de soi pour l'amour de Lui. Mon expérience n'est pas bien ancienne, mais depuis quelques mois je réalise enfin ce que j'avais prêché, publié, que le chrétien ne s'appartient plus à lui-même. »

Un autre frère disait : « Nous n'avons pas à garder Dieu, Dieu nous gardera. Quand Lincoln fit sa proclamation d'émancipation, tous les esclaves furent libres en droit, mais en fait il n'y eut de libres que ceux qui vivaient sous la protection des troupes fédérales. Nous sommes tous libres du péché en Jésus-Christ, mais nous ne jouissons de cette liberté que sous la protection du Saint-Esprit, puissance que Dieu nous envoie pour nous garantir nos droits ! »

« Le point culminant des conférences, le moment décisif fut celui où, après avoir exposé d'après l'Écriture le devoir d'une entière consécration, le président (M. Th. Monod) nous invita à accomplir ce devoir. Il y eut d'abord quelques minutes de prière silencieuse ; puis l'assemblée se leva et chanta lentement avec un sentiment de profond sérieux le cantique :

Mon coeur, mon corps, mon âme
Ne m'appartiennent plus ;
Ton amour les réclame,
Ils sont à toi, Jésus.
Reçois mon sacrifice, il est sur ton autel.
Esprit, Esprit, descends ! j'attends le feu du Ciel !

Bien des âmes se donnèrent alors à Dieu. On en eut la preuve le lendemain ; un si grand nombre de frères, pasteurs ou laïques, éprouvaient le besoin de magnifier l'amour de Dieu à leur égard que, pour donner à ce besoin une pleine satisfaction aussi bien que pour gagner du temps, M. Monod invita toutes les personnes qui désiraient rendre publiquement leur témoignage à se tenir debout pendant qu'on chanterait un cantique d'actions de grâces. Les deux tiers de l'assemblée se levèrent; et, tandis qu'un alléluia montait vers le ciel, on pouvait voir sur tous ces visages rayonner la joie, une joie céleste, à travers les larmes. Cette scène restera gravée dans la mémoire de ceux qui eurent le privilège de la vivre. Après la Sainte Cène finale, une collecte que l'on fit en faveur de la Société des Missions de Paris rapporta plus de deux mille francs (5).

Le lendemain M. Barnaud, pasteur de l'Église libre de Beauvoisin, disait :
« Dans la journée d'hier, nous nous sommes consacrés à Dieu. Qu'allons-nous faire ? Simplement retourner chacun à notre vocation. Comment ! ne rien faire d'extraordinaire ? Employer à tenir un ménage, à labourer un champ, une vie toute consacrée à Dieu ? Oui, car rien n'est changé dans notre vie que nous-mêmes. Ne nous préoccupons pas de l'avenir ; c'est à Dieu de diriger et de conduire. Nous aurons chaque jour la grâce qui nous est nécessaire, mais pas plus ; la veuve de Sarepta n'avait chaque jour dans sa fiole que l'huile nécessaire pour la journée.... »

Il y eut des conversions très remarquables, des délivrances spirituelles extraordinaires. Entre les réunions, à chaque instant, des personnes s'abordaient le visage tout joyeux pour se dire les grandes choses que le Seigneur avait faites pour elles. Des gens qui ne se connaissaient pas s'accostaient et se déclaraient qu'ils avaient pu jeter leur fardeau aux pieds de Jésus.

De Nîmes, M. P. de Coulon écrivait au Journal religieux :
« Certainement, j'ai ressenti quelque chose de ce que devaient éprouver les enfants d'Israël lorsqu'ils participaient aux fêtes solennelles de Jérusalem et qu'ils chantaient le psaume bien connu : « Oh ! que c'est une chose bonne et que c'est une chose agréable que les frères demeurent unis ensemble.... »

La partie la plus substantielle de ces assemblées était certainement les excellentes expositions et explications de notre président, M. Th. Monod. Elles ont jeté la lumière dans les esprits et elles ont été l'instrument dont Dieu s'est servi pour dissiper bien des préventions et faire luire d'une clarté resplendissante la précieuse doctrine de la sanctification parla foi.... »

M. Aug. Glardon écrivait de son côté : « Des innombrables discours qui furent prononcés, pas un n'apporta dans ce beau concert une note discordante. On était trop près du ciel pour se souvenir des barrières terrestres. Il aurait suffi de voir avec quelle vigueur ces représentants d'Églises rivales s'embrassaient au moment du départ, pour comprendre qu'il y avait là autre chose qu'une fraternité de parade.... »

Est-ce à dire que si l'union des coeurs était complète, l'unité de vues était absolue ? Non, ce ne serait pas possible. Comme le remarquait l'Église libre, deux courants se faisaient jour. Certains frères considéraient le vieil homme comme réellement, absolument mort dans le chrétien et s'abandonnaient pleinement à l'amour de Dieu, sans réserver d'autre rôle à leur activité personnelle dans leur sanctification que celui de recevoir les dons du Seigneur. Ils insistaient sur la souveraineté sans limites de cette grâce d'En Haut qui doit faire tout en nous et qui nous unissant à Jésus-Christ d'une manière intime, doit nous faire trouver dans cette communion même et les forces nécessaires pour modifier notre vieille nature et les progrès spirituels destinés à nous rapprocher de Dieu. C'étaient ceux qui penchaient sur tout vers la confiance et qui pouvaient offrir des arguments à ceux qui accusaient le mouvement de quiétisme (6).

D'autres, tout en admettant que le vieil homme chez le chrétien est condamné depuis le jour même de la conversion, ne pouvaient le considérer comme absolument mort, comme péri, pour employer une expression d'une ancienne traduction biblique ; tout en reconnaissant que la foi au Sauveur avait détruit le charme, les attraits que le péché exerçait auparavant sur eux, ils affirmaient que cette foi même avait provoqué dans leur âme une lutte douloureuse entre la chair et l'esprit, lutte où ils se sentaient soutenus par le sentiment de leur élection, par la grâce du Seigneur, par une communion grandissante avec le Rédempteur, mais lutte réelle, dont ils ne se sentaient pas libres de s'affranchir, où, au contraire toutes les forces vives de leur être étaient engagées, et dont les péripéties devaient, ils le savaient, ils le croyaient, contribuer à leur sanctification et à la gloire de Dieu.

« Mais, concluait le journal cité plus haut, la rencontre de ces deux tendances n'a été qu'une bénédiction : elle a rappelé aux premiers le sérieux de la lutte chrétienne et de la responsabilité, après comme avant la grâce ; elle a placé dans une lumière plus vive sous les yeux des seconds le grand principe de la sanctification par la foi. Et tous se retrouvaient, gardant chacun son individualité et le cachet imprimé par Dieu sur ses expériences personnelles ; tous se retrouvaient dans une même fraternité, unis aux milliers d'âmes qui n'étaient venues à ces fêtes que pour adorer le Seigneur et se consacrer plus entièrement à son service. Oui, le Seigneur était là !

« Rien d'étrange, rien de nerveux. Le mouvement religieux se distingue surtout par un caractère de paisible sérieux, de repos dans le Seigneur, de sainte confiance en la rédemption accomplie par le Christ qui lui donne à la fois une grande élévation et une grande force.... »

Avec une sagesse tout évangélique, M. Matth. Lelièvre s'adressant aux promoteurs du réveil dont le succès était si grand, leur donnait ces judicieux conseils : « Efforcez-vous d'atténuer le plus possible cet élément d'imperfection qui s'attache aux meilleures oeuvres. Appliquez-vous à écarter de ce mouvement tout ce qui pourrait le compromettre et l'affaiblir. Autant nous disons aux uns : abstenez-vous de juger avec légèreté et précipitation une oeuvre qui porte si manifestement le cachet de Dieu, autant nous disons aux autres : Écartez avec soin tout ce qui pourrait servir à voiler ou à paralyser l'action de l'Esprit de Dieu. Et pour préciser notre pensée nous demanderons à nos amis : Qu'ils ne substituent jamais leurs sentiments ou même leurs expériences à la Parole de Dieu, mais plutôt qu'ils ne cessent de les contrôler au moyen de cette autorité souveraine. Qu'ils ne se lassent pas d'affirmer qu'il ne s'agit pas tant de théories nouvelles sur la sanctification, que d'un retour à Jésus, notre « sanctification » aussi bien que notre « justice ». Qu'ils soient sobres de théories, et qu'ils s'en tiennent aux paroles mêmes de l'Écriture plutôt qu'aux explications qu'en ont données les docteurs, anciens ou nouveaux. Qu'ils évitent les discussions sans fin qui ont été l'écueil de tant de réveils, et qu'ils se souviennent que de toutes les démonstrations qu'ils pourraient donner des vérités actuellement remises en lumière, une seule est absolument convaincante, c'est le témoignage d'une vie sanctifiée (7). »

À ce moment de l'année 1875, les réunions de consécration se multipliaient. Il s'en tenait à Montauban, à Nyons, à Bourdeaux, à Nérac, à Bergerac, à Die, à Marseille, à Londres sous les auspices de la fraction évangélique de l'Église anglicane, à Strasbourg. Dans cette dernière ville on vint de toute l'Alsace, de l'Allemagne du sud ; les auditoires réunissaient jusqu'à quinze cents personnes. Nous ne pouvons parler de toutes ces réunions, la place et les sources nous manquent. Bornons-nous à dire quelques mots de celles de Montauban et de Marseille.

Quelques professeurs de la faculté de théologie de Montauban avaient demandé des réunions dans l'espérance qu'il y aurait là un moyen d'édification et de réveil pour les étudiants. Les organisateurs de cette rencontre n'étaient cependant pas sans inquiétude. On craignait en particulier le labyrinthe des discussions théologiques. Or cette crainte se démontra chimérique. M. Th. Monod écrivait plus tard :
« Dans les réunions pastorales, on avait tellement peur de faire de la théologie qu'on n'en a pas fait du tout. On a constamment fait appel à la Parole de Dieu. »

Il faut dire qu'à ce moment commençaient à paraître des brochures, des articles hostiles au mouvement et qui suscitaient des controverses parfois violentes. Les professeurs et les étudiants de Montauban prirent aux réunions la part la plus sympathique. Un des moments les plus émouvants fut celui où le professeur Bois père insista avec une chaleur extraordinaire de parole sur le fait que le chrétien possède en Christ sa sanctification aussi bien que sa justice et que, par la foi, il peut être libéré aussi bien de la puissance que de la condamnation du péché. Il exhorta vivement ses auditeurs à entrer dans cette voie de confiance, qui n'exclut pas la lutte mais où la victoire est assurée.

Un grand nombre d'étudiants furent touchés. Quelques-uns priaient à haute voix, d'autres demandaient que l'on priât pour eux, plusieurs se sont ouverts à des frères expérimentés qui ont constaté qu'une oeuvre profonde s'accomplissait dans ces âmes.
À la suite de ce mouvement de réveil, dont l'étudiant Pierre Dieterlen fut un des bénéficiaires, des réunions de prières furent organisées le samedi soir à la Faculté de Montauban.
À propos de P. Dieterlen, disons qu'en arrivant à Valentigney comme jeune pasteur, il trouva là aussi tout un groupe de chrétiens entrés en contact avec le réveil d'Oxford, par l'intermédiaire de la famille Peugeot.
Rappelons aussi que Alfred Boegner, récemment sorti de la Faculté, ne resta pas étranger à ce mouvement ; les Pensées du matin (8), qu'il consignait dans son journal intime dès 1875 en font foi.

À Marseille, l'heure des diverses réunions avait été fixée de manière à laisser libres les commerçants aux heures qui sont plus spécialement celles des affaires.
Les organisateurs de ces réunions étaient émus du nombre des auditeurs - surtout des hommes - qui prenaient part aux services de l'après-midi. Ces hommes d'affaires, dont toute la semaine est prise par le commerce avaient su se réserver plusieurs heures chaque jour pour s'occuper de leurs intérêts spirituels. Il en est qui, durant ces journées, ont fermé leurs bureaux aux heures de réunions et invité leurs employés à s'y rendre avec eux.

Du 3 au 5 mars, réunions au Locle. L'intérêt de l'auditoire va grandissant. Le vendredi, le vaste temple est tellement rempli que plusieurs personnes doivent s'en retourner faute de place. De toutes les localités voisines on était accouru. C'était M. Stockmayer qui présidait. M. le pasteur P. Comtesse écrivait au Journal religieux : « L'Esprit de Dieu agissait sur les coeurs.
Les beaux cantiques : J'ai trouvé, j'ai trouvé la voie.... Sur toi je me repose.... qui répondaient si bien aux besoins de l'assemblée, retentissaient avec force, et l'on sentait que Jésus lui-même était là, criant : « Que celui qui a soif vienne à moi et qu'il boive ! »

Si nous n'avons pas contemplé ici ce que nous avions vu à Nîmes, des frères se lever au milieu de ces grandes assemblées pour déclarer qu'ils avaient trouvé la paix en se consacrant au Seigneur, nous savons que plusieurs soeurs l'ont pu dire en toute simplicité dans une réunion spéciale aux Billodes, le samedi matin ; et nous savons aussi par le culte du dimanche soir et par d'autres témoignages encore, que beaucoup d'âmes ont trouvé la paix et la joie en Jésus le Libérateur.... (9) »

Du 8 au 12 mars c'était Genève qui organisait à son tour une série de réunions. Le public genevois était assez partagé sur l'opportunité de ces assemblées. On disait couramment :
« Nous avons entendu déjà tant de choses cet hiver ! Nous avons tant d'assemblées ; il ne faut pas trop multiplier les appels, le public finira par se fatiguer. »

À quoi le rédacteur de la Semaine religieuse répliquait :
« Le public n'est pas fatigué, ou plutôt s'il est fatigué c'est des luttes stériles dans lesquelles on le promène depuis quelques années, sous prétexte de libéralisme et de progrès. »

Et en effet, quand bien même on ne lui avait promis ni grands orateurs, ni grands discours, ni fortes émotions, ni rapports substantiels mais qu'on lui a parlé de réveil, d'édification, de prières, il est accouru en foule, le public genevois, dans le sentiment que c'est bien là le besoin de l'Église. Le premier jour on respirait à la réunion une atmosphère pas très chaude. Ceux qui arrivaient de Montmeyran, de Nîmes, de Paris, de Neuchâtel, trouvaient les réunions bien froides, bien compassées. Les autres, ceux qui n'avaient encore rien vu se demandaient pourquoi il n'y avait pas de manifestations plus extraordinaires.

Mais peu à peu le souffle de Dieu pénétra de chaleur ces foules de plus en plus attentives, de plus en plus nombreuses qui se pressaient par centaines dans les locaux de la Rive droite et de l'Oratoire. Le soir la salle de la Réformation réunissait jusqu'à deux mille cinq cents auditeurs, toujours recueillis, souvent saisis d'une émotion profonde.
« Quelles que soient les opinions que l'on ait sur la doctrine de la sanctification par la foi, déclare le correspondant du Journal religieux, une chose demeure, c'est que le vent de l'Esprit passe sur nos Églises et qu'il est sage d'y regarder à deux fois avant de condamner à la légère ce mouvement.... (10) »

M. Ed. Barde, alors pasteur à Vandoeuvres, plus tard professeur d'exégèse du Nouveau Testament à l'Oratoire de Genève, écrivait après les réunions :
« La première impression que les assemblées du 8 au 14 me laissent c'est l'étonnement. Étonnement que cela réussît si bien, que le concours des chrétiens fût si considérable. On avait bien demandé Sa bénédiction, mais on n'osait pas l'attendre si pleine, si vaste...

Puis ce fut la joie !... Parmi les fruits visibles de ces réunions, il faut mentionner le rapprochement entre les chrétiens. Pasteurs, anciens, laïques sentaient qu'ils étaient avant tout membres de l'Église de Christ. Ils se sont aimés comme chrétiens....
Il faut noter aussi une vue beaucoup plus nette soit de la valeur de la Bible, soit de la manière de s'en servir et de la présenter. Les discours les plus saisissants n'ont été autre chose qu'une paraphrase biblique où l'explication et l'application étaient constamment associées. Les portions les plus connues de l'Écriture sont celles qui ont fait le plus d'impression et se sont trouvées les plus nouvelles.... (11) »

M. C. Correvon, alors étudiant à Genève, rappelle ses souvenirs de ce temps dans une lettre adressée à Mme Rappard. Nous en détachons ces lignes :
« .... Des centaines de pasteurs et de laïques furent empoignés par cet important mouvement et amenés à une vie nouvelle de consécration au Seigneur. Personnellement, je n'oublierai jamais que ce fut ce puissant courant spirituel qui me mit d'aplomb sur le terrain de la croix et me révéla la vraie signification éternelle de la mort de Christ. Ces vérités fondamentales de Rom. VI, VII, VI II étaient alors perdues pour la plupart des croyants, et c'est à Pearsall Smith qu'il fut donné de les remémorer à nos Églises assoupies....

.... L'affirmation claire et nette de la possibilité, pour quiconque croit, de la sanctification, de la pleine victoire en Christ et d'une communion ininterrompue avec le Sauveur crucifié et ressuscité, cette affirmation joyeuse, retentissait comme une fanfare dans les rangs des soldats de Christ épuisés et déprimés. C'était pour nous comme une nouvelle révélation, et je chantais avec transport en compagnie de mes amis de l'Union chrétienne et de la faculté de théologie, les cantiques de Moody et Sankey qui exprimaient avec tant d'émotion ces vues.

Il me serait impossible d'oublier certaines réunions de prières d'alors, une, entre autres, à la Salle de la Réformation, à Genève, où après quelques paroles pénétrantes de MM. Th. Monod et Godet, toute l'assemblée, d'un mouvement irrésistible et spontané, tomba à genoux pour entonner le magnifique psaume des Huguenots :

Comme un cerf altéré brame
Après le courant des eaux....

Je pense aussi à une réunion dans la Salle de la Rive droite, à laquelle M. Rappard prit une part prépondérante, et où beaucoup de pasteurs, déclarèrent avoir trouvé le Sauveur. Je ne saurais reproduire mot à mot ces allocutions.... Les traces bénies de ce réveil de 1875 sont encore visibles, et dans toute la Suisse romande et ailleurs, il est beaucoup d'hommes qui font remonter leur vie spirituelle à cette époque.... (12) »


1) Voir le chapitre « Temps bénis » dans la biographie de C.-H. Rappard, par Mme Rappard, Saint-Blaise, 1912.

2) C.-H. Rappard, p. 150.

3) Chrét. év. 1875, p. 288-290.

4) Bulletin de l'Union chrétienne des Jeunes gens, Nîmes, n° 13. 

5) Chrétien évangélique, 1875, p. 88-91. 

6) Tendance mystique à une sorte d'anéantissement de la volonté sous prétexte d'union avec Dieu. 

7) L'Évangéliste, 1875, p. 85 et 86. 

8) Fragments des cahiers de notes journalières d'Alfred Boegner, Paris, Fischbacher, 1914. 

9) N° du 20 mars 1875. 

10) N° du 20 mars 1875. 

11) Libérateur 1875, p. 64.

12) C.-H. Rappard, p. 149-151. 
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