Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VII

La fin de l'année 1874.

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A. Bovet. - Le 3 août à Bienne. - Th. Rivier. - 1res Réunions de Neuchâtel. - 2e Réunion de Paris. - Montmeyran. - Fleurier. - Le chroniqueur du Chrétien évangélique.


Dès le début, la vague du mouvement d'Oxford atteignit le Jura bernois par l'intermédiaire d'Arnold Bovet, alors pasteur à Sonvilier.
Déjà à Männedorf, sous l'influence de Dorothée Trudel, Bovet avait passé par une crise intérieure. M. Dieterlen, son biographe, jette un coup d'oeil perspicace dans l'intimité de ces luttes : « La nature d'Arnold, et la mission à laquelle Dieu le destinait, exigeaient, semble-t-il, plus que pour d'autres, un travail minutieux, détaillé, profond. Lui-même nous initie, à plusieurs reprises, aux défauts particuliers de son caractère. Il parle souvent de son esprit badin et léger, enclin à plaisanter dans les moments les plus sérieux ; ailleurs il se plaint de son manque d'énergie et de persistance dans la volonté ; ailleurs encore, de son impressionnabilité incurable, et de la facilité avec laquelle il s'adapte à tous les milieux ; son âme, un peu molle et malléable, risquait de ressembler à la terre glaise, dont la forme varie, suivant la main qui la tient, et devient alternativement ange ou démon. Mais cette âme était tombée entre des mains qui surent la triturer ; cette terre molle passa longtemps par la fournaise. Mütterli (1) ne plaisantait pas sur ces « petits défauts », et ne ménagea ni la légèreté, ni la faiblesse, ni l'impressionnabilité de son malade. Il fallut que ces choses fussent vaincues, et elles disparurent au point que nous, qui n'avons connu Arnold Bovet que longtemps après sa conversion, nous avons de la peine à croire qu'il ait jamais pu être ce que nous dépeint son journal intime (2). »

Quand il fut question, en 1874, de sanctification complète, Bovet éprouva le besoin d'une vie chrétienne plus pure, et plus victorieuse encore. Aussi fut-il un des premiers en Suisse romande à s'enquérir de Pearsall Smith, de ses expériences, des débuts du mouvement, à Londres, à Broadlands et il ne manqua pas de se rendre à Oxford d'où il revint rempli d'une nouvelle puissance. Non seulement il fit profiter sa paroisse de Sonvilier du miel qu'il rapportait, mais il le distribua largement dans les nombreuses réunions de sanctification auxquelles il prenait part dans le pays. Du reste il avait déjà préparé au mouvement le coeur et la conscience de ses compatriotes jurassiens par les lettres pleines de sève qu'il leur avait adressées d'Oxford par l'Union jurassienne.

L'entrée d'A. Bovet dans le mouvement eut dans son petit pays une influence comparable, toutes proportions gardées, à celle que Théodore Monod exerça dans le sien. La piété de Bovet, vivante mais équilibrée, était un gage de la pondération du réveil. Il sut entraîner ses auditeurs par sa parole chaude, par les récits colorés de ce qu'il avait vu et entendu. Plusieurs de ses collègues dans le ministère prirent la peine, sous sa direction, d'étudier de près des doctrines qu'au premier abord ils auraient peut-être considérées comme des exagérations anglo-saxonnes.

C'est ainsi que les 2 et 3 août 1874, une dizaine de jours seulement après les réunions de Broadlands, la branche jurassienne de l'Alliance évangélique se réunissait en session annuelle à Bienne et portait à son ordre du jour ce sujet introduit par Arnold Bovet : « La sanctification du chrétien (3). » Au début de son rapport, Bovet déclare qu'il est très effrayé à la pensée de la responsabilité qui lui incombe mais, le matin même, il a été grandement fortifié en lisant dans le Texte morave les deux passages du jour : « Il y aura là un chemin frayé, une route qu'on appellera la voie sainte, nul impur n'y passera » (Esaïe XXXV, 8) et encore : « Car je vous dis, si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux. » (Matth. V, 20).
Ces deux paroles il les prend comme le mot d'ordre de Dieu pour le développement du mouvement dans le pays.

Arnold Bovet révéla à ses auditeurs la vie et l'oeuvre de P. Smith, dont on avait à peine entendu parler. « M. Smith, dit-il, appelle l'attention des chrétiens sur la sanctification en leur montrant qu'elle doit et peut s'opérer entièrement par la foi, c'est-à-dire par l'abandon complet et journalier de soi-même à Christ.... Ce mouvement rappelle celui qui eut lieu en 1760 parmi les Méthodistes d'Angleterre et d'Irlande qui, après vingt-cinq ans de fidélité chrétienne, ont été amenés par une seconde effusion du Saint-Esprit à une vigueur spirituelle toute nouvelle.... Cela nous rappelle aussi un fait particulier dont nous avons suivi de près les détails, celui de ce qu'on a appelé « la seconde conversion de Dorothée Trudel », à Männedorf.

Celle-ci, après avoir été fidèle, dévouée, ardente au service de Christ pendant quinze ans, reçut une lumière nouvelle sur le Saint-Esprit. Un matin, elle priait pour un de ses neveux qui causait beaucoup de chagrin à sa famille. À ce moment il vint à passer en jurant et en faisant du bruit ; elle ne put s'empêcher de s'écrier avec un peu d'humeur : « Seigneur convertis donc ce jeune homme ! » Elle entendit alors ou crut entendre une voix qui lui disait : « Avant de convertir les autres, convertis-toi toi-même ! »

Depuis ce moment elle fut entièrement transformée ; elle vit le nom de Dieu inscrit partout. Sur chaque page de la Bible elle lisait : C'est moi l'Éternel qui fais tout ! De là, par un abus de langage, elle employa le mot de conversion pour désigner l'affranchissement qu'elle reçut à l'âge de trente-sept ans (4). »

« Demeurer en Christ et avoir Christ demeurant en soi : ces mots expriment-ils un état dans lequel le chrétien doit et peut vivre habituellement ? Le principal objet de notre discussion doit porter sur Romains VII. Tout dépend en effet de savoir si l'on voit dans la lutte intérieure décrite ici un état exceptionnel et passager pour saint Paul, état qui a disparu entièrement plus tard, ou bien un état qui a reparu chez lui et qui reparaîtra toujours chez nous aussi....

« En tout cas il y a contraste entre le langage habituel des apôtres et le nôtre. Ce contraste peut provenir de notre ignorance, d'une certaine modestie chrétienne qui nous empêche de parler des choses spirituelles autrement que nous ne les sentons, mais surtout il provient de notre infidélité. Ce contraste est grave ; c'est un symptôme de chute et d'affaiblissement qui a lieu de nous inquiéter. Devons-nous passer cette inquiétude, secrète sous silence, ou bien faut-il nous l'avouer l'un à l'autre et nous en humilier pour que Dieu nous pardonne et nous vivifie... ?

« Le progrès de la sanctification consiste à faire de notre vie une vie plus habituellement faite de foi, de confiance en Christ. Toutes nos visées doivent tendre à faciliter en nous la foi. Ce n'est donc pas que nous devenions nous-mêmes plus saints, mais que nous demeurions plus croyants, plus ouverts à Christ. La foi devient chez nous plus habituelle à mesure que nous la pratiquons, la sève du Cep afflue en nous et la paix est aussi plus complète (5). »

Au cours de l'entretien qui suivit on entendit exprimer la crainte que la doctrine de la sanctification par la foi ne laissât trop dans l'ombre la part du travail qui revient à l'homme ; la justification est un acte divin accompli une fois pour toutes, tandis que la sanctification au contraire est une guerre qui doit se soutenir pendant toute la vie. Mais la pensée qui revint le plus souvent sur les lèvres des orateurs fut celle que M. Rau, alors pasteur de l'Église libre de Bienne, exprima sous cette forme : « Donnez toute votre attention à la question qui vous est présentée. Pour ma part, j'en suis préoccupé depuis longtemps et je prends pour moi l'exhortation à nous humilier que nous venons d'entendre. Moi aussi je suis frappé et affligé du contraste immense qui existe entre le type de sainteté, tel qu'il nous est proposé dans l'Écriture pour la vie humaine ici-bas, et la réalisation de ce type dans la pratique commune des chrétiens et dans la mienne en particulier....

Dans les chapitres VI et VII aux Romains, Paul exprime ce que la loi réclamait mais ne pouvait pas faire et ce que Dieu lui-même s'est chargé de réaliser en nous, en brisant la puissance du péché par le sacrifice de son Fils et en répandant son Saint-Esprit comme la suite le montre.... (6) »
Dès ce moment la question était posée dans le Jura bernois et elle fera son chemin dans le coeur et la conscience de plusieurs.

Le dimanche 13 septembre 1874, dans une réunion religieuse tenue en plein air à Grandchamp, M. Th. Rivier, qui rentrait de Broadlands et de Londres, parla du mouvement auquel il venait d'assister et de l'esprit qui animait ses promoteurs. « À voir la joie de plusieurs, disait le Journal religieux, et le sérieux de tous, nous osons espérer que cet Esprit s'est répandu abondamment sur l'assemblée de Grandchamp. »

M. Th. Rivier (7) dont nous avons parlé déjà et dont nous parlerons encore, a été, lui aussi, dans notre pays, un des initiateurs du mouvement d'Oxford. « Depuis une vingtaine d'années que je connaissais le Seigneur, raconte-t-il, je n'avais jamais eu le moindre doute au sujet de mon salut, le sachant fondé sur l'oeuvre parfaite de Jésus-Christ. Le coeur au large à cet égard, je jouissais beaucoup de mon adoption et je désirais sincèrement glorifier mon Dieu. Toutefois sa Parole qui intéressait vivement mon intelligence, ne faisait point les délices de mon coeur ; elle n'était pas ma nourriture de prédilection. Je priais par devoir ou par nécessité, plutôt que par choix, et je demandais beaucoup de grâces diverses plutôt que je ne recherchais l'Auteur même de toutes. Jésus était mon Sauveur et mon Maître, mais non le Bien-aimé de mon âme. Je m'affligeais parfois de ce peu de goût pour la prière et la méditation secrète, mais en somme l'intermittence de la grâce de Dieu en moi m'alarmait peu.

Je pensais que pour croître dans la vie de Christ, il suffisait de se nourrir de la grâce reçue, la reconnaissance produisant alors ses fruits, avec le secours du Saint-Esprit. Dans la pratique je me replaçais plus ou moins sous la loi ; la vie chrétienne m'apparaissait plutôt comme un ensemble de devoirs à remplir que comme une succession de grâces à recevoir. C'est sur ce point que la lumière devait se faire d'abord. Un ouvrage de P. Smith : La Sanctification par la foi, fit tomber les écailles de mes yeux. Je compris que la sanctification, à tous ses degrés, est un don comme le pardon, et un don renfermé en Christ, qui s'est livré pour nous précisément dans le but de nous racheter de toute iniquité. Il ne nous reste qu'à nous emparer de ce don par la foi ; et, renonçant à ne plus rien attendre de nos forces propres, demander et recevoir comme autant de grâces toutes les dispositions qui nous manquent. Si nous nous livrons au divin médecin, il nous guérira lui-même ; en nous abandonnant à sa garde, nous serons sûrement gardés.

Dès lors, le dirai-je ? j'ai pu toucher du doigt d'une manière habituelle que la foi est un préservatif contre le péché. Il est littéralement vrai qu'en Christ nous pouvons remporter toutes les victoires, éteindre tous les traits enflammés du Malin, à la condition toutefois de vouloir toujours obéir, toujours avancer. La vie chrétienne consiste donc à regarder constamment à Jésus, à demeurer en lui, à recevoir sa vie et à en vivre. Alors, à la lettre, toutes choses sont à nous (8).

Tôt après les réunions d'Oxford, dont le compte-rendu paraissait dans la presse religieuse du pays, M. Gustave Rosselet, pasteur à Cortaillod, demanda par l'organe du Journal religieux que tous les chrétiens du canton fussent convoqués à Neuchâtel, le mardi 3 novembre, dès huit heures du matin, dans un des temples de la ville pour s'occuper de cette oeuvre de Dieu. Le Comité neuchâtelois de l'Alliance évangélique répondit favorablement à cette demande et les réunions furent fixées au jour dit.

Trois hommes qui avaient assisté aux réunions d'Oxford apportaient leur témoignage : MM. A. Bovet, 0. Stockmayer et Rau. Le même jour commençaient des réunions du même genre à Paris et « ceux de Paris » firent savoir à « ceux de Neuchâtel » combien ils étaient en pensée avec eux. Les diaconesses de Strasbourg annonçaient de leur côté qu'elles se souviendraient de cette journée devant Dieu. Un pasteur neuchâtelois à l'étranger écrivait pour demander que l'assemblée intercédât auprès de Dieu afin que lui-même et son Église reçussent l'Esprit d'affranchissement.

On peut résumer ainsi la pensée des allocutions : Il y a assez longtemps que, tout en croyant à la puissance du sang de Jésus qui nous réconcilie avec Dieu, les chrétiens gémissent encore sous l'esclavage du péché ; ils soupirent après le moment où ils ne seront plus obligés de faire le mal et pourront jouir de la glorieuse liberté des enfants de Dieu. Or le Sauveur est un Sauveur de tous les instants, qui délivre les siens de toute tentation, qui les rend plus que vainqueurs de tout péché et qui peut dès maintenant, aujourd'hui même, changer leurs gémissements et leurs plaintes en hymnes de joie, de victoire et d'actions de grâce.

M. Rau, cependant, ne fut pas aussi affirmatif que ses deux collègues : MM. A. Bovet et Stockmayer, écrit-il, avaient parlé dès le matin avec une grande assurance sur le mouvement et sur la victoire facile à remporter sur le péché. (P. Smith disait : Faire facilement les choses difficiles.) J'étais venu à Neuchâtel avec quelques amis de Bienne. Je fus obligé de dire :

« Il faut être vrai avant tout ; je n'ose pas dire que le péché soit mort en moi ; je sais trop bien qu'il y a des choses qui ne sont pas vaincues ; mais ce que je puis dire c'est que je suis revenu d'Oxford encouragé. Une chose avait été difficile à accepter par moi au commencement mais en définitive c'est elle qui m'a fait le plus de bien ; et cette chose ce furent les témoignages rendus par une quantité de personnes.... (9) »

Le correspondant du Journal évangélique du Canton de Vaud terminait le compte-rendu de ces réunions en disant :
« Quant à l'impression que nous a laissée cette journée nous n'en dirons que ceci : Il y a décidément dans ces entretiens, dans ces prières en commun des chrétiens, une puissance dont on ne peut se faire une idée que quand on l'a goûtée.... (10) »

C'est à la suite de ces réunions de Neuchâtel que parut dans le journal L'École normale de Peseux la première rédaction du cantique qui, retouché plus tard, devint le n° 226 des Chants évangéliques. Il est le témoignage brûlant de la transformation qui venait de s'opérer dans le coeur de son auteur, Mme S. Thomas née Delachaux, la femme du pasteur Samuel Thomas, alors retiré à Peseux :

O jour béni, jour de victoire
Que je ne saurais oublier ;
J'ai vu, j'ai vu le Roi de gloire
Apparaissant sur mon sentier !
Sa beauté, sa gloire infinie
De tous les côtés m'entourait ;
Son regard, qui porte la vie,
Sur ma pauvre âme s'abaissait.
 
Son manteau couvrait ma misère,
Ses bras me serraient sur son coeur ;
Il me portait dans sa lumière,
Loin du péché, de la douleur.
De sa main essuyant mes larmes,
Il me parlait de son amour :
Viens, mon enfant, sois sans alarmes ;
Je te prends à moi sans retour.
 
Et je suis dans cette retraite,
Dont je ne sortirai jamais ;
Et je goûte une paix parfaite,
Où ma foi s'abreuve à longs traits.
Non, tout ceci n'est point un rêve,
Mais la grande réalité ;
C'est un jour nouveau qui se lève,
Qui doit durer l'éternité.
 
En avant donc avec courage,
Avec espoir, avec bonheur ;
Je me consacre sans partage,
À mon Dieu, mon Roi. mon Sauveur.
Il dit à mon Âme ravie :
Ne t'occupe plus que de moi,
Et je dirigerai ta vie
Et je m'occuperai de toi.
 
Il a saisi mes mains tremblantes ;
J'ai dit amen à ce contrat !
Il étend ses mains bénissantes,
C'est en effet lui qui combat.
Et, les yeux fermés, je m'avance,
Tranquille, sur le droit chemin.
J'entonne un chant de délivrance ;
Il peut tout, car je ne suis rien.

Plusieurs chrétiens de Paris qui avaient reçu de grandes bénédictions spirituelles en juin 1874, lors du passage de P. Smith, désiraient les raviver, les compléter dans une nouvelle série de réunions de consécration. De leur côté les pasteurs parisiens qui avaient eu le privilège d'assister aux réunions de Broadlands et d'Oxford regardaient comme un devoir de rendre témoignage devant leurs frères moins privilégiés de ce qu'ils avaient entendu et reçu :
Des réunions de consécration furent donc fixées à Paris du 3 au 6 novembre 1874. L'invitation, publiée par la presse religieuse, se terminait ainsi : « Préparons-nous à la prière par la prière et à l'humiliation par l'humiliation ; apportons au Seigneur des coeurs qui aient faim et soif de la justice et nous serons rassasiés », et elle était signée des noms suivants : Decoppet, de l'Église réformée, Devismes, id., G. Good, id., Lorriaux, id., G. Appia de la Confession d'Augsbourg ; Rosseuw St-Hilaire, de l'Église indépendante, Aug. Fisch, id., Th. Rivier, id., Th. Monod, id., J.-P. Cook de l'Église méthodiste, Lepoids de l'Église baptiste.

De nombreux pasteurs vinrent du nord et même du midi de la France et d'Alsace pour se retremper dans la communion fraternelle et dans la recherche de la présence de Dieu. Ils n'ont pas regretté leur déplacement ; l'un de ceux qui avaient le plus souffert de découragement et de tristesse dans leur ministère pouvait déclarer, en prenant le chemin du retour, que jamais il n'avait été aussi heureux. Un autre écrivait après être rentré dans sa paroisse que son alliance avec Dieu avait été renouvelée, son étude de la Bible transformée.

De l'avis général, l'intérêt et le nombre des auditeurs allèrent croissant. Le dernier culte fut le plus solennel et le plus suivi. C'était le vendredi soir et il s'agissait d'un service de communion :
« Je n'en avais jamais vu de semblable à Paris, dit M. J.-P. Cook, la chapelle méthodiste était aussi pleine que possible, la présence du Seigneur se faisait sentir d'une manière toute spéciale et lorsque, à la fin, l'assemblée a entonné, sans y avoir été invitée, « Agneau de Dieu, par tes langueurs.... » nous croyons que plus d'une âme, encore indécise, s'est enfin consacrée au Seigneur pour faire sa volonté. »

Après trois jours de réunions et une quinzaine d'assemblées diverses, on aurait pu croire cet auditoire parisien fatigué et pressé de retourner à sa vie habituelle. Non pas ; on annonça une réunion supplémentaire pour le lendemain matin et l'on prit ses mesures pour que les divers quartiers de la ville eussent aussi leurs assemblées semblables. Et puis les pasteurs de Paris décidèrent d'instituer entre eux une réunion de prière hebdomadaire.

L'âme des réunions fut M. Théodore Monod ; il disait dans la première : « Nous ne demandons ni émotions, ni nouvelles théories, mais le réveil de nos âmes, de nos Églises et de notre France.... »

Le pasteur Decoppet résuma l'enseignement de Broadlands en disant : « Il faut tout donner et tout perdre pour être rendu à Jésus ; alors il y a victoire continuelle en comptant sur lui. »

Le pasteur Fisch rappela qu'il était allé à Oxford sans enthousiasme ; il craignait des émotions factices. Au contraire les témoignages étaient simples, sans excitation. P. Smith disait souvent : « Défiez-vous de vos impressions, c'est un effort de volonté et non de sentiment qu'il vous faut faire. »

M. Fisch ajouta : « Que personne n'objecte : Cela vient d'Angleterre ! Les Macédoniens n'ont pas dit de la doctrine de Paul Cela vient de Judée ! et les Anglais ne disent pas c'est de la piété yankee ! Sachons pratiquer le libre-échange spirituel. »

M. Devismes : « Nous parlons, méditons, discutons trop et ne vivons pas assez. Tout se résume en ceci : Se donner et croire. Il est difficile de consentir à tout recevoir de Dieu. Accepter Dieu pourtant, c'est accepter le bonheur, c'est avoir le coeur mis au large. Nous ne pouvons nous donner sans croire, ni croire sans nous donner. Rien n'est plus facile que de se donner lorsque l'on croit et de croire quand on se donne. »

M. Th. Monod ne cessait d'affirmer : « La volonté de Dieu c'est notre sanctification. Quelle bonne, quelle encourageante parole ! Quittons nos éternelles tristesses. S'il y a des tendresses en Dieu, elles sont toutes pour le coeur qui s'est donné à Lui. »

M. Sautter remarque que notre état peut se comparer à celui des apôtres avant la Pentecôte. Ils se réunissaient entre eux mais ne rendaient pas témoignage et ne convertissaient personne. Mais dès que le Saint-Esprit eut été répandu sur eux, ils produisirent du fruit.

M. Armand-Delille (11) édifia ses auditeurs à deux reprises ; une première fois en disant :
« Jésus ne se contente pas de rester sur le seuil du temple, il ne se détourne pas avec dégoût quand il y voit des voleurs et des bêtes féroces, il les chasse. Quand il occupe le coeur, la vie est simple et facile.
- Et les efforts ? me disait un pasteur,
Je lui montrai la lampe.
- Fait-elle des efforts pour briller ? La seule condition est que le courant de gaz soit continu par une communication constante avec le réservoir. Il faut veiller à ce que rien ne l'interrompe.

Le Seigneur fait son oeuvre et remplit le coeur au delà de toute idée ; on est tenté de dire : c'est trop ! Mais n'ayez point peur, le trop-plein déborde, c'est une source jaillissante qui doit couler en fleuves d'eau vive. »

Avant le culte de Cène le même orateur prit encore la parole :
« Jésus-Christ nous invite à demeurer dans son amour, sous l'action et dans le rayonnement de cet amour.

Une jeune malade reçut un prix pour avoir présenté la plus belle plante dans une exposition horticole. On lui demanda comment elle avait réussi à faire croître cette plante dans sa chambre froide et sombre. Elle répondit qu'elle l'avait toujours tenue dans le rayon de soleil qui arrivait à sa chambre, la changeant de place pour suivre le rayon partout. Voilà le secret ; tenons-nous sous le rayon de l'amour de Jésus. »

Bien d'autres paroles, comme des « pommes d'or dans un panier d'argent » furent prononcées au cours de ces réunions.

« Dieu n'est pas au milieu de nous pour chercher à nous prendre en faute, mais il veut savoir s'il y a ici des coeurs disposés à le chercher. »

« Il ne faut pas dire : je suis triste, donc je ne suis pas un enfant de Dieu. Il faut dire : Je suis un enfant de Dieu, donc je ne dois pas être triste. »

« Le pardon des péchés mène à n'en plus commettre. »

« Une promesse de Dieu est l'expression de ce qu'il y a dans son coeur pour nous. Que les promesses de Dieu soient donc la règle de nos demandes. »

« On se demande quelquefois comment nous pouvons être en Dieu, à Dieu, et comment Dieu est en nous tout à la fois. Mais ne voit-on pas ce qui se passe quand une éponge est jetée dans un bassin d'eau : l'eau est dans l'éponge et l'éponge est dans l'eau ; et l'eau est dans l'éponge justement parce que l'éponge est dans l'eau. Si vous dites : Mais l'éponge est pleine d'air, il faut que j'ôte cet air pour que l'eau puisse y entrer, vous ne pouvez réussir. Non, mettez-la dans l'eau, et l'eau chassera l'air. »

À propos des réunions de Paris, J. P. Cook fait ces deux remarques : « On a beaucoup lu et médité l'Ancien Testament. Nos frères anglais aiment l'Ancien Testament et s'en servent plus peut-être que nous ne l'avons fait jusqu'ici. N'était-ce pas de l'Ancien Testament que les Béréens s'enquéraient diligemment ? N'était-ce pas de l'Ancien Testament que Jésus disait aux deux disciples allant à Emmaüs : « O gens tardifs à croire toutes les paroles que les prophètes ont dites » ? Enfin n'est-ce pas par des citations de l'Ancien Testament que Jésus a repoussé par trois fois la tentation ? » Et la seconde remarque c'est que la prière qui a occupé une si grande place dans ces assemblées a transformé la manière des réunions de prières parisiennes : « Au lieu de ces assemblées solennelles de Paris que tout le monde se rappelle, où il y avait autant et plus de discours que de prières, où personne ne prenait la parole que d'après un programme préparé d'avance, où l'heure se passait avant que deux ou trois personnes eussent prié, où les chants languissaient autant que les prières, nous avons eu des prières comme nous les aimons, où tous les auditeurs ont pris part de quelque manière. On s'est mis à genoux, on a chanté debout ; les prières ont été nombreuses et on a chanté avec vivacité et entrain (12). »

Terminons par la citation de ces lignes de M. le pasteur Babut, de Nîmes, dans le Bulletin de la Mission intérieure :
« Nous croyons que les réunions de Paris resteront dans la mémoire d'un grand nombre de ceux qui y ont pris part comme une date bénie de leur vie spirituelle, et qu'elles seront pour plusieurs le point de départ d'un véritable renouvellement. « Broadlands a traversé la Manche », disait un de ceux qui avait assisté à la première des assemblées tenues en Angleterre. Par la bonté de Dieu les encouragements visibles n'ont pas manqué. Des âmes angoissées ont trouvé la paix, des chrétiens depuis longtemps abattus et attristés ont été pleinement affranchis.... »

Quelque temps plus tard c'était Montmeyran qui donnait l'hospitalité à une foule de frères pour une série de réunions.
Montmeyran, village de la Drôme à 13 km. de Valence, était bien choisi pour une sorte de retraite religieuse comme celle-là. C'était un des centres les plus vivants du protestantisme du Midi. Cette Église avait eu le privilège de voir se succéder chez elle des pasteurs pieux et zélés ; les chrétiens décidés et actifs y étaient nombreux ; un mouvement de réveil s'y manifestait.

« Des réunions de réveil, raconte M. D. Benoît (13), tenues chez l'humble veuve d'un tisserand et présidées par le vénéré M. Eugène Arnoux aujourd'hui nonagénaire, mais toujours rempli de zèle pour le service de Dieu, avaient amené plus d'une conversion. Elles se tenaient le dimanche soir, à la fin d'une journée chargée de cultes. Elles fortifiaient les impressions reçues et provoquaient les décisions. Je me rappelle la joie profonde de M. Charles Bois, l'ancien professeur bien connu de Montauban, qui avait été en 1853 l'instrument d'un beau mouvement dans cette paroisse, lorsqu'il prit part à l'une de ces réunions. Il compta dix-sept prières, dont quelques-unes d'enfants et ce fut le coeur rempli de reconnaissance et les larmes aux yeux qu'il implora la bénédiction divine sur cette Église au milieu de laquelle, il le disait lui-même, il avait passé les sept plus belles années de sa vie. Montmeyran était donc un lieu bien choisi pour recevoir les amis chrétiens qui désiraient unir leurs supplications en vue d'un réveil de la foi et de la vie chrétienne (14). »

On assista nombreux de l'Ardèche et de la Drôme aux réunions de Montmeyran. Le temple qui peut contenir huit cents personnes n'a cessé de se remplir pendant les quatre jours qu'ont duré les réunions. Des jeunes gens firent jusqu'à quarante kilomètres à pied pour s'y rendre. On cite ce trait touchant : Un jeune homme de l'Ardèche fut si remué par les réunions du premier jour qu'il se sentit pressé de faire participer les autres membres de sa famille à l'édification qu'il avait trouvée ; il partit donc après la réunion du soir et employa une partie de la nuit à se rendre à pied auprès de ses parents, et l'autre partie à les amener à Montmeyran.

Environ cinquante pasteurs de la région se rencontrèrent avec une foule de leurs ouailles qui arrivaient par longues files, qui en char, qui à cheval, ou à pied. Les habitants du village firent des prodiges pour loger leurs visiteurs. - L'esprit de prière régna d'une façon extraordinaire ; les supplications, racontent les témoins oculaires, se suivaient courtes, vivantes, émues ; elles débordaient de coeurs qui sentaient leurs misères, mais qui avaient foi aux promesses de Dieu. Il était parfois difficile de mettre un terme aux réunions, si nombreuses étaient les voix qui s'élevaient pour la supplication et l'intercession. Que de larmes ont coulé aux pieds de Jésus-Christ ! Que de chrétiens ont confessé publiquement leurs péchés ! Que de pasteurs sont venus reconnaître devant leurs frères les infidélités de leur ministère (15) :

« Nous avons vu des scènes, raconte M. Matth. Lelièvre, comme dut en voir la chambre haute au jour de la première Pentecôte ; un vent de réveil passait sur les âmes et les vivifiait.... Nous le déclarons ici sans exagération, nous n'avons rien vu, nous n'avons rien éprouvé dans toute notre vie précédente de comparable à ce que Dieu nous a fait voir et éprouver dans ces assemblées.... Il nous semble que nous avons passé ces jours sur le Thabor, et nous éprouvons, en revenant sur ces souvenirs, la joie qu'éprouvait l'un des témoins de la Transfiguration lorsqu'il écrivait : « Nous avons comme vu sa majesté de nos propres yeux.... et nous avons nous-mêmes entendu la voix venue du ciel quand nous étions avec lui sur la sainte montagne. » (2 Pierre I, 16. 18.)

Le vendredi soir la série se termina par une scène touchante, la consécration de M. Th. Monod qui, ce jour-là, revêtait la fonction d'agent itinérant de la mission intérieure. Il avait tenu à être entouré de prières spéciales et à recevoir l'imposition des mains de ses collègues. Cette cérémonie, avec la Cène qui suivit, a clos d'une manière émouvante la série de ces réunions trop tôt finie au gré des assistants.

M. A. Bovet qui y participa, écrivait à l'Union jurassienne.
« J'ai retrouvé à Montmeyran l'atmosphère d'Oxford.... Une lettre d'un pasteur, reçue hier, m'annonce qu'il a obtenu en rentrant chez lui la pleine paix dans la pleine confiance. Dieu nous a fait non seulement selon notre foi mais au delà. C'est Dieu qui travaille partout, prenons seulement garde de ne pas entraver son oeuvre. »

« L'âme de ces réunions, continue M. le pasteur Benoît, fut M. Théodore Monod. Je le vois encore s'agenouillant derrière la table de communion, quand commença dans le temple bondé la première réunion. Il était comme transfiguré. Son âme se répandait dans sa prière. Il parlait à Dieu comme un ami à son intime ami. Pas de phrases, pas de rhétorique, il voyait l'invisible. Il était vraiment rempli du Saint-Esprit. Chacune de ses paroles portait. Elle avait une onction pénétrante qui s'insinuait doucement et puissamment dans le coeur....

Nous venons ici, nous disait-il, encouragés par l'extrémité même de notre misère qui fait appel au Dieu des miséricordes, par les promesses de Dieu et aussi par les marques qu'il nous a déjà données de sa bonté. On l'a senti en Écosse et en Angleterre, où il agit non seulement pour convertir, mais pour ramener à la simplicité évangélique, à la foi complète, ceux qui ne savaient plus vivre uniquement de la grâce de Dieu. Il y a eu des âmes ramenées au pied de la Croix qui y veulent rester et qui ont senti que les plus grandes promesses de Dieu sont aussi les plus vraies.... »

Dans le pays les réunions de Montmeyran eurent un retentissement considérable. La nouvelle d'un plein salut par une pleine foi se propagea sur bien des points - « Nous connaissons, disait encore M. Lelièvre, plus d'un ministère pastoral qui est sorti renouvelé de ces réunions et qui en a rapporté le secret de la force et de la joie ; nous savons tel pasteur qui a obtenu en quelques jours plus de résultats spirituels de ses travaux qu'il n'en obtenait autrefois en plusieurs années.... On entend le bruit d'une grande pluie. »

Les 29 et 30 novembre de la même année avaient lieu à Fleurier (Val-de-Travers) des réunions du même genre, présidées par M. 0. Stockmayer. « Mon désir n'est pas, disait ce dernier, de vous apporter un récit détaillé mais un souffle de l'esprit des assemblées d'Oxford. »

L'exaucement de ce voeu M. le pasteur Henriod le communiquait quelques jours plus tard au Journal religieux : « Plusieurs reconnaissent, à la gloire de Dieu, avoir ressenti un souffle plus puissant que celui d'un homme ou d'une assemblée d'hommes, le souffle de Celui qui envoie son Esprit où il veut.... C'est avec une indicible émotion, lisons-nous dans le même article, que, le soir même du dimanche et pendant les réunions qui eurent lieu encore le lendemain, nous avons entendu plusieurs de nos frères confesser le grand nom de leur Sauveur et affirmer la confiance entière qu'il leur était donné dès ce moment de mettre en lui....

Le lundi soir eut lieu une assemblée d'une solennité telle que nous n'en avons jamais encore vu de semblable dans notre Église, et dans laquelle nous avons reconnu avec saisissement l'exaucement des prières par lesquelles nous avions demandé à Dieu le réveil de la foi au milieu de nous. Les uns ployaient sous le poids de la joie, dans le sentiment que leurs craintes, ces craintes qu'ils avaient si longtemps traînées après eux comme les chaînes de la captivité, leur étaient enlevées. D'autres en plus grand nombre, auxquels cette joie débordante n'était pas accordée se sentaient plutôt humiliés et jugés par le regard de Celui en qui ils avaient si peu su se confier ; et cependant ceux-ci, comme les précédents, se sachant maintenant tout entourés de la présence de Christ, éprouvaient le grand repos, le calme, la paix que l'on ne peut éprouver qu'en Lui.... (16). »

Notons au passage l'évolution, ou plutôt le changement de face complet qui s'opéra à ce moment-là chez le chroniqueur du Chrétien évangélique.
Dans le numéro de novembre 1874, il écrit un article peu sympathique au réveil : « Les conférences religieuses, dit-il, tenues à Oxford sous la direction de l'Américain Pearsall Smith ont attiré l'attention des théologiens anglais. On fait généralement des objections à l'expression de « higher Christian life » (degré supérieur de vie chrétienne) dont M. Smith se sert pour désigner sa doctrine. Cette distinction entre un degré inférieur et un degré supérieur de vie chrétienne ne paraît pas conforme aux données scripturaires ; elle a d'ailleurs l'inconvénient de créer une caste à part, une sorte d'aristocratie spirituelle, composée de tous les chrétiens « entièrement consacrés à Dieu », et qui, selon leur propre expression, « en ont pour toujours fini avec le monde, la chair et le péché ».

Qu'une consécration absolue soit l'idéal auquel il faille tendre, on est d'accord sur ce point. Mais qu'on puisse y arriver de plein saut, en un jour, pour demeurer dès lors dans un état de perfection relative, cela paraît contraire à l'enseignement apostolique et à l'expérience. Celle-ci montre que le coeur humain, après s'être donné en gros dans un moment de ferveur, est habile à se reprendre dans le détail. Ces chrétiens à existence supérieure, qui s'imaginent vivre et marcher dans ce monde comme Christ y a vécu et marché, ayant atteint par un seul effort à « l'annihilation de leur volonté propre et au repos du Christ » sont peut-être sous l'empire d'une illusion, généreuse à coup sûr, mais non sans danger. C'est un acheminement à l'illuminisme.... »

Dans le numéro suivant, le même chroniqueur se livrait à une rétractation en règle et touchante de son précédent article. « Dans ma dernière chronique, disait-il, j'ai parlé d'une manière désavantageuse des opinions de Pearsall Smith. Ayant fait dès lors l'expérience de leur justesse, au moins sur un point, je tiens à rectifier ce qu'il y avait d'erroné dans mes assertions. Rien n'est plus opposé à l'esprit de caste que le désir de voir tous les chrétiens passer d'un état de faiblesse et de tiédeur à une position de force en Christ et de ferveur spirituelle.

« Je me suis mépris sur le fond même de la doctrine : Il ne s'agit nullement de passer en un moment de l'imperfection à la perfection, de l'égoïsme au parfait renoncement ; mais de se soumettre à Christ, de s'abandonner à lui pour lui permettre d'accomplir l'oeuvre parfaite de sa grâce, c'est-à-dire la sanctification. Il y a près de vingt ans que je fais profession de le suivre.... mais je prenais des résolutions, je cherchais à me sanctifier moi-même ; et la conséquence c'est que ma vie n'a été qu'une longue suite de chutes, suivies, il est vrai, de relèvements.... en un mot je me traînais.... Je me suis donné sans rien retenir, sans rien garder par devers moi dans le sentiment de mon indignité et de mon impuissance, en demandant à Dieu d'accomplir en moi tout le bon plaisir de sa volonté. Le résultat, c'est qu'il me garde, qu'il triomphe et règne en moi d'une façon si merveilleuse que j'en suis dans la stupeur.... Ainsi je suis allé à lui, et j'ai trouvé le repos de mon âme, une paix qui remplit mon coeur et mon esprit. Je suis libre, heureux ; ce n'est plus moi qui vis mais Lui qui vit en moi ; et je fais l'expérience journalière que je puis tout en Christ qui me fortifie ; tout ce qu'il me montre au jour le jour comme devant être fait....

« Rétracterai-je ce que j'ai écrit sur les dangers de la doctrine Smith ? Non ; je crois qu'il y a dans la doctrine de la sanctification par la foi les mêmes dangers, déjà signalés par saint Paul, que dans celle de la justification par la foi. L'ennemi cherchera à mêler l'ivraie au bon grain ; il l'a déjà fait, à ce qu'il me semble. Mais ce n'est pas une raison pour rejeter le pur froment de Dieu. »

Une telle rétractation à un mois de distance et accompagnée d'un semblable témoignage, fit du bruit dans la presse religieuse ; elle vainquit les hésitations de plusieurs et gagna de nouvelles adhésions au mouvement. L'année 1874 se termina par un grand nombre de réunions de consécration soit aux États-Unis où P. Smith était retourné passer l'hiver, soit en France, à Sainte-Foy, à Montcornet, comme en Suisse romande.

Partout c'était l'intense besoin de réaliser les promesses divines. Et les « réveillés » ne devenaient pas semblables l'un à l'autre comme une série de pièces de monnaie frappées à la même effigie. Chacun gardait sa mentalité, son caractère, mais chez beaucoup de ces personnalités on percevait quelque chose de nouveau : l'image du Christ qui peu à peu transparaissait.


1) Nom familier donné à Dorothée Trudel. 

2) Arnold Bovet. Sa vie, son oeuvre. Attinger frères, Neuchâtel. 

3) Ce travail a paru dans une brochure intitulée : Le 3 août 1874 à Bienne. Neuveville. Imp. Albert Godet.

4) Brochure citée, p. 41. 

5) Ibid, p. 40. 

6) Ibid, p. 34-35. 

7) Né à Lausanne le 4 mai 1832 ; licencié de l'Église libre, a exercé pendant dix-neuf ans le ministère au service de l'Union des Églises libres de France, à Montendre (Saintonge), Saint-Étienne, Bordeaux et Mazamet, puis sept ans au service de l'Église libre de son canton d'origine, à Morges, à Avenches-Montet. Il est mort à Hauptweil le 12 juillet 1887.

8) Feuille religieuse du Canton de Vaud, 11 oct. 1874.

9) Lettre particulière du 20 mai 1913. 

10) N° du 6 Nov. 1874. Le rédacteur était M. Narbel, alors pasteur à Gryon. 

11) L'auteur des Méditations matinales écrites en 1871 et publiées plus tard sous le titre de Source de la vie. Paris, Fischbacher, 1895. 

12) L'Évangéliste, 1874, p. 382. 

13) Ancien pasteur à Montmeyran, aujourd'hui à Montauban. 

14) Lettre particulière du 22 février 1914. 

15) Dans le salon du presbytère se tinrent des réunions pastorales de prières dans lesquelles les meilleurs ouvriers du Seigneur, à vues humaines, s'avouaient les plus coupables. M. le pasteur D. Benoît en a gardé un souvenir vibrant.

16) Journal religieux, 12 déc. 1874. 
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