R. P. Smith. - Mme Smith. - Les « Amis ». - Conversion. - Expériences de sanctification. - Frank Smith. - Le Secret d'une vie heureuse. - Impression faite par les P. Smith.
Robert Pearsall Smith naquit le 1er
février 1825 à Philadelphie dans les
États-Unis. Son père, John Lay Smith,
appartenait à une famille
presbytérienne de commerçants pieux.
Le jeune homme ne connut pas les duretés de
l'existence. De son enfance et de sa jeunesse on ne
sait pas grand'chose si ce n'est qu'elles furent
tout enveloppées de la douceur d'un foyer
chaud et opulent. Affiné,
élégant, débordant
d'enthousiasme et de cordialité naturelle,
le jeune Smith ne comptait que des amis dans la
joyeuse mais sérieuse société
qu'il fréquentait. C'était, selon
l'impression de Warneck, un
« Sonntagskind ».
En 1851 il épousait Hannah
Whitall, une jeune fille de sept ans plus jeune que
lui, vive, distinguée, de la même
classe sociale et d'une intelligence
remarquable.
Mme Smith a beaucoup écrit.
Elle s'est même abondamment dépeinte
dans une sorte d'autobiographie spirituelle, au
titre étrange - Le
Non-Égoïsme de Dieu
(1), de
sorte que
nous n'ignorons rien, ou à
peu près, de son éducation
première ni de son développement
religieux.
La famille d'Annah Whitall
était « Quaker »
(2)
Mme Smith donne
d'intéressants détails sur les
« Amis » et leur mode de vivre.
Ils portaient un costume spécial, les dames
un chapeau sucrier, qui était pour plusieurs
d'entre elles une véritable crucifixion, les
hommes un couvre-chef de mode antique qui passait
pour une confession de foi. La règle
interdisait de lever ce chapeau devant qui que ce
soit comme aussi d'employer les termes polis de
« Monsieur », de
« Madame ». Il fallait tutoyer
chacun. Tout ce qui n'était pas la
simplicité quaker était
regardé comme mondain.
La lecture des livres
d'imagination,
les visites aux collections d'art étaient
rigoureusement prohibées. Même la
musique était interdite. Et quand plus tard
les Pearsall Smith donneront un petit harmonium
à leur fils aîné Frank, il
faudra reléguer l'instrument dans une
mansarde pour ne pas heurter les principes des
grands-parents Whitall.
« Mais en dépit de
ces restrictions, écrira Mme Smith, je ne
pense pas qu'aucun enfant ait jamais mené
une vie aussi parfaitement heureuse que la mienne.
Mon père et ma mère étaient
pour nous, enfants, le soleil
perpétuel. » D'autre part chez ces
Quakers les enfants jouissaient d'une très
large liberté. Le grand-papa Whitall tenait
à réunir pendant les vacances dans
son cottage des
« Grands-Cèdres » ses
enfants mariés, avec leur famille, et
c'étaient des parties sans fin
de cricket sous les beaux
ombrages, de canotage, des courses à cheval
et en voiture, des excursions aventureuses, des
chasses.
« Les Quakers de ce
temps-là, raconte encore Mme Smith,
prenaient à la lettre cette
déclaration de Jean : « Il
est la lumière qui éclaire tout homme
venant au monde », aussi se gardaient-ils
de s'interposer entre Dieu et l'âme du
prochain. Toute lumière doit venir de Dieu,
le reste, même une prière apprise, est
qualifié d'humain, de chose mondaine et
vaine. De sorte qu'on instruit fort peu les
enfants ; point d'école du dimanche ou
d'instruction religieuse. Les Amis
considèrent que les enfants font partie de
droit et de fait du troupeau du bon Berger ;
jamais on ne nous a parlé de conversion ou
de nouvelle naissance, et pourtant les Amis
pratiquent personnellement une piété
vraie et profonde. »
Les Quakers ne faisaient aucune
différence entre l'homme et la femme au
point de vue du ministère et du gouvernement
de la société et Mme Smith a soin de
relever cette parfaite égalité des
deux sexes comme « une très grande
avance des Amis sur leur temps. » C'est
ainsi que plus tard elle acceptera avec une aisance
parfaite de jouer un rôle en vue à
côté de son mari et qu'elle ne
marchandera pas son appui aux
sociétés de revendications
féminines.
La première découverte
spirituelle que fit personnellement la jeune fille
fut celle du « non-égoïsme de
Dieu ». Jusqu'alors elle avait
envisagé Dieu comme une sorte de
« géant cruel » qui
enregistrait toutes ses fautes pour en tirer
vengeance. La vue de la foi confiante et
authentique de ses parents, les quelques
enseignements que ceux-ci lui donnaient et aussi
lesconfidences d'une petite amie
croyante, instruite par sa mère, lui
révélèrent le Dieu
miséricordieux, le « Dieu non
égoïste »
(3) comme
elle
l'appelle.
C'est plus tard, pendant
l'été 1858, après leur
mariage, ensuite de la perte d'une petite fille
chérie et par l'influence de
« frères plymouthistes
(4) »,
que les Pearsall Smith se convertirent.
Mme Smith s'était mise avec
ardeur à l'étude de
l'épître aux Romains et, guidée
par des amis darbystes, elle arrivera à la
justification par la foi « après
avoir beaucoup cherché la
vérité », dira-t-elle.
Son mari, plus tard, ajoutera
ces
détails précis :
« C'est en lisant la Parole de Dieu, en
particulier 1
Jean II. 7 et des écrits du
théologien allemand Tholuck, que je fus
converti, en chemin de fer, le même jour et
de la même manière que ma femme
bien-aimée. Je commençai dès
le lendemain à annoncer la bonne nouvelle,
au cours de mon voyage, et depuis lors je n'ai
cessé de prêcher joyeusement
l'Évangile, tout en restant simple
laïque
(5). »
Et c'est là en effet un trait
caractéristique de la piété de
M. et Mme P. Smith : le besoin
d'évangéliser. Après avoir
reçu l'assurance de son salut, Mme Smith se
sentira pressée de faire part de sa
découverte à tout
son entourage avec un zèle et une
lucidité de pensée
remarquables.
En 1861, P. Smith fit une chute
de
cheval et se fractura la base du crâne. On le
crut perdu. Il se rétablit à force de
soins mais le cerveau avait été
lésé ; on craignit un moment
pour sa raison. Malheureusement il ne se remit
jamais entièrement ; de nouvelles et
violentes crises se reproduisirent par la
suite.
Vers 1864 il fut nommé
directeur d'une manufacture de glaces,
située près de Melville à la
Nouvelle-Jersey, et qui appartenait à une
société dont il faisait partie. Cette
sorte d'exil loin de Philadelphie fut d'abord
très dur à sa femme, mais
bientôt tout le loisir que laissaient
à l'un son industrie, à l'autre les
soins de son intérieur, fut employé
à évangéliser. Parfois P.
Smith faisait dresser une tente près du
village voisin, s'y installait et prêchait
l'Évangile à ceux qui ne vont jamais
à l'église.
Le nouveau directeur et sa femme
se
préoccupaient avec affection du bien
physique et moral de leurs ouvriers. Ils avaient
ouvert une maison de refuge pour les orphelins et
les enfants abandonnés. Souvent ils
organisaient dans leur propre habitation des
réunions spéciales pour leur
personnel. Mme Smith raconte à ce propos un
joli trait : « Je venais d'acheter
un beau tapis de Bruxelles pour notre salon quand
mon mari arrangea chez nous une réunion
d'ouvriers, le dimanche matin. J'en conçus
de l'humeur, à cause du tapis, mais je
sentis que comme chrétienne cela ne devait
pas être. Je tirai un passage pour savoir ce
que je devais faire et tombai sur cette parole de
Pharaon à Jacob et à ses
enfants : Ne regrettez pas vos meubles
(Gen.
XLV, 20). Naturellement la réunion
eut lieu au salon et le beau tapis fut
défraîchi. » Les Smith ne
négligeaient pas l'éducation de leurs
enfants. Au point de vue de leur
développement physique, sportif, ils leur
laissaient une grande liberté :
« Nous n'avons jamais pensé que le
résultat nécessaire de la religion
dût être de dénaturer le
caractère d'un enfant ou de le vieillir
avant l'âge, nous encouragions donc leurs
plaisirs aussi volontiers que leurs sentiments
religieux. » Ils trouvèrent chez
Frank, l'aîné des garçons, une
âme réceptive qui fera dans le domaine
de la sanctification, avant même d'avoir
vingt ans, les mêmes expériences que
ses parents
(6).
À cette époque Mme
Smith passa par une nouvelle crise religieuse.
Graduellement elle s'était
éloignée des
« Plymouthistes », ne pouvant
admettre leur doctrine de la prédestination
et elle se jeta avec impétuosité dans
l'Universalisme
(7)
qu'elle
professa jusqu'à la fin de sa vie. Cette
théorie qui cherche à blanchir Dieu
des responsabilités qu'il prend dans sa
Parole et qui veut à tout prix
pénétrer au delà de la part de
révélation qui nous est
accordée dans cette économie, jeta
par la suite un certain discrédit sur la
piété de Mme Smith. Il fut même
question à cause de ces vues de ne pas
l'admettre à la tribune de la convention de
Brighton (8).
Quant à P. Smith il ne semble pas qu'il ait
adopté la manière de voir de sa
femme ; en tous cas il ne l'a jamais
prêchée.
C'est entre les années 1865
et 1870 que P. Smith et sa femme firent tous les
deux, mais différemment, selon leur
caractère, leur tempérament propre,
les expériences spirituelles qui
orientèrent leur vie dans une voie nouvelle.
« Ainsi que je l'ai dit
plus haut, raconte Mme Smith, nous avions
parfaitement compris la doctrine de la
justification par la foi, nous l'avions
acceptée avec joie, mais nous nous
étions arrêtés là et
nous sentions pourtant qu'il nous restait quelque
chose de plus à apprendre. Nous
désirions vivement posséder le secret
de la victoire sur la tentation, afin de triompher
là où nous n'avions
éprouvé que des défaites.
Ce jour arriva enfin :
Vers le
milieu de l'année 1866 nous eûmes
comme précepteur de Frank, un jeune
étudiant en théologie de
l'Église baptiste. Nous
découvrîmes bientôt qu'il
possédait le secret de cette victoire
continuelle que nous ignorions. L'ayant
observé pendant plusieurs mois, nous
étions de plus en plus étonnés
de son zèle et de la pureté de sa
vie ; nous l'interrogeâmes, et il nous
dit que la foi était son seul secret. Heure
après heure il déposait au pied du
Seigneur les difficultés de sa vie, et heure
après heure aussi le Seigneur les
aplanissait. Ainsi transformée par son
Maître, sa vie s'élevait à ce
degré de perfection auquel Dieu appelle ses
enfants et qu'il n'est donné à aucun
homme d'atteindre par ses propres forces. Cette
révélation fut déjà
pour nous un trait de lumière. Un livre que
j'aimais beaucoup et qui me venait de mon
père : Les Progrès spirituels de
Mme Guyon (9), me
faisait pressentir une vie de
délivrance que je ne connaissais pas....
Une jeune couturière que
j'aimais à visiter contribua aussi à
me diriger vers la voie nouvelle. Elle me dit que
les Méthodistes enseignaient ce qu'ils
appelaient la « doctrine de la
sainteté », qu'il y avait une
expérience nommée « seconde
bénédiction » qui nous
plaçait dans la victoire. C'est alors que
j'appris que quelques-uns de nos ouvriers faisaient
partie de ce groupe méthodiste.
Désireux de nous faire part de leur bonne
nouvelle, ils nous invitèrent à l'une
de leurs assemblées. « Si je vais
à cette réunion, pensai-je, j'aurai
sûrement plus à instruire ces braves
gens qu'à en recevoir quelque
chose. »
Un soir je leur fis, à ce
qu'il me semblait, la faveur de ma présence,
toute remplie que j'étais de mon importance
et de ma supériorité. Au moment
où j'entrai dans la salle, une
ouvrière, la tête couverte d'un
châle, disait justement :
« Tout mon horizon
était rempli d'un grand Je, Moi, mais quand j'eus la
vision de Christ,
devenu mon Sauveur parfait, ce grand
« moi » fut réduit en
poussière. Ces paroles furent pour moi une
révélation. Je compris que je ne
savais rien d'une pareille expérience. Mon
« moi » était
très gros et plein d'assurance, comment
pouvait-il disparaître ? Je
commençai à suivre ces
réunions pour m'instruire de ce que
j'ignorais. Je compris que je devrais cesser de
vivre ma vie propre, laissant la puissance de Dieu
accomplir en moi « le vouloir et le faire
selon son bon plaisir. »
Plus tard, après avoir fait
elle-même
l'expérience qu'elle
entrevoyait, Mme Smith écrira dans son
journal : « Quand la tentation
vient, je crie. « Seigneur,
sauve-moi ! » et jamais il ne m'a
fait défaut ; ou il change mes
sentiments à ce moment-là, ou il me
fait tout oublier. Je m'étais toujours
confiée en mes efforts propres, mes
résolutions, ma vigilance, ma ferveur.
C'était l'esprit légal, aussi
légal que si je m'étais
confiée en ces choses pour sauver mon
âme. J'annulais la grâce de Dieu et
rendais la mort de Christ sans effet par mes
efforts légaux vers la sanctification.
Même le « nouvel homme »
en moi ne peut rien faire et si le Seigneur ne fait
pas tout, ce ne sera pas fait. Mais, glorieuse
vérité, Il le fait quand je me confie
en Lui (10),
il
me délivre de la puissance du
péché aussi bien que de sa
culpabilité. Quel repos qu'une vie
pareille ! »
Mme Smith ajoute
encore :
« C'est une doctrine méthodiste,
je le sais bien, et j'ai été
habituée à entendre toutes sortes
d'objections contre ces vues des
Méthodistes, mais elles me paraissent
être les seules qui répondent à
mes besoins et je suis poussée à en
faire l'essai. »
Et plus tard elle jette cette
sorte
de cri de joie en se rendant compte qu'il ne s'agit
pas seulement d'une « expression
pieuse » mais de la possession d'une
réalité : « Il
faudrait la plume d'un ange pour dire tout ce que
cette découverte fut dans ma vie. Où
la défaite avait régné
auparavant c'était la victoire et le
triomphe, chaque fois que je choisissais de la
saisir par la foi. Je
n'étais plus « l'esclave du
péché », j'étais
entrée dans la « liberté
par laquelle Christ nous a rendus
libres ». C'était le ciel sur la
terre. Mais ma joie était dans le Seigneur,
pas en moi-même, ni en aucune acquisition que
j'eusse faite, car je n'en possédais aucune.
J'apprenais à connaître le Seigneur en
qui je pouvais me glorifier de tout mon coeur.
« Où est le sujet de se
glorifier ? Il est exclu. Par quelle
loi ? Par la loi de la foi....
(11) »
.... P. Smith qui obtenait de
sérieux succès dans
l'évangélisation fut effrayé
en voyant sa femme adopter ce qui lui paraissait
une hérésie. Il ne cessait de lui
dire que le « vieil homme » ne
pouvait être entièrement vaincu en
cette vie et qu'il fallait accepter de rester
toujours plus ou moins dans l'esclavage du
péché. Cependant certains passages de
l'Écriture le troublaient, en particulier
Romains VI, 6 ; la vue de la
réalité de la vie nouvelle chez sa
femme l'impressionnait aussi. « Un de mes
domestiques, raconte-t-il, me dit un jour : M.
Smith, lorsque, le matin, je prie Dieu de me garder
du péché pendant la journée,
dois-je m'attendre à pécher
encore ? » Que pouvais-je
répondre, moi, qui avais toujours
imposé silence à ma conscience, en me
répétant que le péché
était une nécessité ? Je
ne pus qu'engager celui qui me questionnait ainsi
à se confier au Seigneur. Mais, me retirant
aussitôt dans mon cabinet, je m'agenouillai
et je m'écriai :
Seigneur, enseigne-moi quelle est la
vérité à ce sujet ! ....
Quelque temps après ma conversion, j'avais
exprimé devant un ami tous mes
découragements : « Jamais,
disais-je, je ne serai un chrétien tel que
X., par exemple ; une pareille vie n'est pas
faite pour moi. » - Eh ! pourquoi
pas ? s'écria mon ami. Votre coeur
n'est qu'un vase d'argile, un vase bien
étroit peut-être, mais pouvez-vous
dire qu'il soit rempli ? Cette parole
m'était toujours restée
(12). »
Un travail intérieur de
l'Esprit s'accomplissait chez Smith, si bien qu'un
jour toutes ses objections tombèrent et ce
fut pour lui comme une lumière nouvelle.
« J'étais aveugle, put-il
s'écrier, et maintenant je vois !
Jamais la chair ne m'avait paru si clairement, si
absolument souillée et perdue ; jamais
Christ n'avait été si près de
moi, si précieux à mon
âme ! Et maintenant, quoique je ne sois
nullement à l'abri des tentations, que
même j'y succombe parfois, je puis, par le
bouclier de la foi, chaque fois que je m'en sers,
« éteindre tous les traits
enflammés du malin ».
Si je sens encore en moi la
présence de la chair, ce n'est plus qu'un
ennemi vaincu et enchaîné, soumis non
par mes propres efforts, mais par le pouvoir de
Christ. Appelé, comme Pierre, à
marcher sur les eaux par la foi, le regard
fixé sur Jésus, je ne craindrai pas
les vagues, car tant que je me confierai en lui, il
ne permettra pas que j'enfonce
(13). »
Parlant de cette expérience
à Oxford, dans une
réunion de témoignages, P. Smith
ajoutait : « Cette
révélation devait transformer ma vie,
je me rendis à mes occupations ordinaires,
me répétant tout bas :
Jésus me sauve, je veux me confier à
lui sans cesse. Dès lors à chaque
tentation nouvelle je plaçai Christ entre
elle et moi, j'obtins ainsi la victoire sur le
péché ; mais aussitôt que,
par une négligence ou par
présomption, je cessais de recourir à
mon bouclier, je succombais de nouveau.
Avec le temps j'ai pris de plus
en
plus l'habitude de chercher en Christ mon refuge
contre le péché, et toujours j'ai
trouvé auprès de lui la force de
résister aux sollicitations du
mal. » Ce n'est pas pourtant que les
luttes lui fussent épargnées :
« J'ai passé une
fois, raconte-t-il, dix jours de suite aux prises
avec Satan : c'était un tel combat
qu'il me rappelait la description que Luther donne
du sien à la Wartbourg. Il ne s'agissait pas
pour moi de résister à des tentations
charnelles, mais de conserver la possession de mon
héritage, l'assurance de ma victoire sur le
péché ; en un mot c'était
mon repos en Christ que je voyais
m'échapper....
(14) »
Ce développement spirituel
fut scellé par un don spécial de
l'Esprit, que P. Smith a raconté dans les
pages suivantes :
« Profondément
reconnaissant pour les privilèges de la
sanctification par la foi que j'avais
réalisée au delà de mon
attente quelques mois auparavant, je me
réunis un jour, dans les bois, à
quelques chrétiens qui s'étaient
assemblés, pour demander à Dieu et
attendre de Lui le baptême de l'Esprit
(15). À
part quelques cantiques chantés à
demi-voix et quelques courtes
prières, une demi-heure se passa dans un
silence solennel. Enfin « il vint du ciel
comme le bruit d'un vent qui souffle avec
impétuosité, et il remplit tout le
lieu où ils étaient ».
Aucune parole non inspirée ne
saurait aussi bien rendre l'impression que je
ressentis alors. Et cependant pas une feuille
au-dessus de nos têtes, pas un brin d'herbe
à nos pieds n'était en mouvement. La
nature était immobile. C'était
à nos âmes et non pas à nos
sens que le Seigneur se révélait par
l'Esprit. Il semblait que mon être tout
entier fût comme pénétré
et comblé par le Dieu auquel depuis
longtemps j'avais cru. Pour la première fois
je comprenais ce qu'avaient pu être les
visions d'Esaïe, d'Ezéchiel et de Paul.
Aucun être créé n'était
à ce moment aussi réel pour moi que
le Créateur lui-même. C'était
une impression solennelle, redoutable, et pourtant
sans effroi.
Je conservais l'usage de toutes
mes
facultés et pourtant elles étaient
comme anéanties dans ce sentiment unique,
inexprimable, la présence de Dieu en moi, sa
créature. À une question qui me fut
adressée, je répondis aussi
brièvement que possible, afin de ne rien
perdre de la présence céleste qui
avait envahi tout mon être et le ravissait.
Je ne communiquai rien à personne de ce que
j'avais éprouvé ; mais lorsque,
bien des jours plus tard, je rejoignis ma femme,
celle-ci, dès le premier abord, lut sur mon
visage un tel changement qu'elle fondit en larmes,
avant que nous eussions échangé une
seule parole.
Depuis lors, chaque matin,
dès mon réveil, mon coeur
était rempli d'actions de grâces qui,
semblables à des eaux vives, en sortaient
avec abondance. Un sentiment de crainte doux et
salutaire pénétrait mon esprit,
à mesure que
j'étais rempli de la présence de
Dieu, et ce sentiment ne m'abandonnait pas
même au milieu des plus absorbantes
préoccupations. La vie était devenue
pour moi un cantique de louanges.
La vivacité de ces
impressions s'affaiblit nécessairement
après quelque temps, mais je continuai
à posséder le sentiment de la
présence divine et à éprouver
ce qui est exprimé par ces mots :
« Je demeurerai avec eux et je marcherai
avec eux.... Nous viendrons à lui et nous
ferons notre demeure chez lui
(16). »
Dans l'entourage de P. Smith, on
s'aperçut du changement qui s'était
opéré en lui. Avec un nouveau
zèle, le directeur des manufactures de
Melville, demandait à Dieu que les usines
fussent menées de manière à le
glorifier. P. Smith s'efforça aussi d'amener
au plein salut les mille ouvriers qui habitaient
maintenant le village. Beaucoup se
convertirent ; la prédication du
directeur était accompagnée de
succès véritables.
Quoique gêné d'abord
par son éducation, par sa position en vue,
P. Smith sentit qu'il devait rendre son
témoignage courageusement et il se mit
à raconter, même devant ses ouvriers,
ce que Dieu avait fait pour lui. Le bruit de ces
réunions et de ce témoignage se
répandit dans le pays. De tous
côtés on venait s'informer de ce
qu'était cette nouvelle doctrine
qu'enseignaient les Pearsall Smith à
Melville. On organisa des réunions, des
conférences, généralement
connues sous le nom de « Réunions
d'affermissement de la vie spirituelle ».
Il venait des gens de toutes les
dénominations, des Méthodistes, des
Quakers, même des catholiques.
C'est en 1870 que P. Smith
publia
son petit livre "La
sainteté par la foi
"(17), qui
eut quatorze éditions et qui fit
connaître Smith au grand public.
Nous détachons de la
préface de la dernière édition
les lignes suivantes :
« Permettez, mon
frère, à l'un des plus petits parmi
les disciples du Seigneur, de vous indiquer un
chemin sur lequel les chutes font place à la
foi victorieuse, l'agonie d'un coeur partagé
à la simplicité du regard,
l'impureté à la chasteté des
pensées, l'inquiétude de l'âme
au divin repos. Et puisque ce chemin n'est rien
moins que Jésus-Christ, reçu par la
foi dans la plénitude de ses fonctions
sacerdotales et dans l'intimité de ses
relations avec nous, ne voulez-vous pas vous
remettre immédiatement et sans
réserve entre ses mains, afin qu'il vous
préserve de toute chute et qu'il rende votre
coeur irréprochable en sainteté
devant Dieu ?
Qui oserait borner, qui peut
mesurer
le flot intarissable des bénédictions
dont est abreuvée l'âme qui se
consacre entièrement à Dieu et qui se
confie sans réserve à
Jésus-Christ ? »
Dès lors P. Smith est
appelé dans divers lieux à parler de
ses expériences, à Philadelphie,
à Dakington. En 1871, malgré le
retour de ses maux de tête, il prend part
à une série de réunions
à San-Francisco avec les
évangélistes Inskip et Mac Donald. En
1872, comme nous le verrons plus loin, il
évangélise l'université de
Princeton. La même année en juillet,
il assiste à un grand meeting de
sanctification à Sea-Cliff-Grave où
il fait une nouvelle et mystérieuse
expérience religieuse.
« Pendant cinq
années, raconte-t-il, je jouis d'une
manière à peu près continuelle
du sentiment de la
présence de Dieu, et sauf de rares
exceptions, avec une conscience pure ; mais
pendant ce temps la lumière divine avait
grandi en moi, j'en vins à découvrir
des restes d'égoïsme, d'orgueil, de
confiance en moi-même que je n'avais pas
soupçonnés jusque là.
J'étais comme l'Israélite qui,
balayant sa maison avant l'aurore, n'a pas
aperçu dans le demi-jour du
crépuscule les ordures que Dieu condamne,
mais que sa conscience ne lui a pas
reprochées jusqu'alors. Vienne l'heure
où le soleil remplit de ses rayons la
demeure souillée et l'élément
impur apparaît dans toute sa laideur et doit
être immédiatement expulsé.
« Purifie-moi de cela aussi, ô mon
Sauveur ! » m'écriai-je
aussitôt que j'eus constaté en mon
âme les souillures dont j'ai
parlé ; et en prononçant cette
prière de la foi, je possédais
déjà l'assurance qu'elle serait
exaucée.
Peu de temps après, tandis
que je m'agenouillais au milieu d'une grande
assemblée de chrétiens qui faisait
monter vers Dieu leurs prières silencieuses,
il me sembla voir assis non loin de moi, le
Seigneur Jésus lui-même ayant
l'apparence d'un « raffineur »,
qui purifie par le feu. Alors passa au travers de
mon être comme une flamme qui consuma ces
mêmes restes de péchés dont
j'avais demandé à Dieu de me
délivrer. Pour décrire cette
scène je ne puis trouver de paroles mieux
appropriées que celles de
l'Écriture : « Il sera assis
comme celui qui affine et qui purifie l'argent. Il
nettoiera les fils de Lévi ; il les
purifiera comme on purifie l'or et l'argent et ils
apporteront à l'Éternel des oblations
dans la justice ».
Je ne reculai pas devant cette
flamme, bien au contraire, tant j'étais
absorbé par la contemplation de la douce
et compatissante figure de mon
Sauveur. Je compris alors mieux que jamais la
profondeur de ces paroles :
« Sanctifiez-vous complètement », car de tout
ce que j'avais pu voir en moi d'impur, il me
semblait qu'il ne restait rien qui ne fût
consumé. Il y avait dans tout cela une
réalité profonde et peu
d'émotion....
(18) »
À lire de semblables
expériences on pourrait craindre que P.
Smith n'en vînt à se proclamer
impeccable. Mais non ; il se sépare
nettement des perfectionnistes méthodistes.
« Les traits du
perfectionnisme, déclare-t-il, sont en
opposition directe avec les grâces
inséparables d'une véritable
sanctification par la foi. Ici l'assurance des
Pharisiens, là une humble défiance de
soi-même ; ici une conscience
émoussée, là toutes les
délicatesses d'une conscience
aiguisée ; ici l'impeccabilité,
là l'humiliation constante du serviteur qui
se sait inutile ; ici l'abaissement de la
règle, là une idée de la
sainteté toujours plus haute ; ici
l'insistance méticuleuse sur les
détails de la doctrine, là tout
l'intérêt sur un unique objet :
l'affermissement des âmes dans la foi, et
leur consécration à Dieu sans
réserve
(19). »
Au cours d'une de ses
allocutions,
il reconnut très simplement qu'il
n'était pas sans
« péché » et
raconta le fait suivant :
« Un jour un ouvrier,
en
ne se conformant point à mes indications,
dérangea tous mes plans, et me jeta dans une
grande difficulté. Mon caractère
naturellement vif prit feu comme de la poudre et,
au lieu de regarder tout de suite à Christ,
je repris cet homme avec emportement. Tout à
coup ma conscience m'avertit que
j'avais péché. Il me restait deux
alternatives : demeurer dans le sentiment de
ma faute, triste et découragé,
éloigné de Jésus, privé
de sa présence radieuse, de sa paix et de sa
communion, exposé par conséquent
à de nouvelles chutes ; ou bien, aller
immédiatement à lui et lui confesser
tout mon péché. C'est ce que je fis,
et la paix rentra aussitôt dans mon
âme. Cette circonstance, au lieu de
m'éloigner de Jésus, me rendit plus
humble et me plaça dans une
dépendance plus étroite
vis-à-vis de lui....
Je pourrais ajouter que la
confession immédiate de ma faute produisit
sur cet ouvrier alors inconverti, une impression
salutaire. Il vit quelle influence le Seigneur
exerçait sur mon âme. Peu de temps
après, j'eus la joie de l'amener à
confesser publiquement sa foi en Jésus
(20).
P. Smith s'occupait
paternellement
de l'éducation de ses enfants. Au cours de
ses voyages il correspondait avec son fils Frank.
Il lui écrira, par exemple, de la
Nouvelle-Orléans cette gentille lettre pour
lui faire part d'une
expérience :
« J'ai toujours
trouvé que le plus facile est d'obéir
tout de suite au Saint-Esprit, lorsque par la voix
de notre conscience, il nous montre un devoir
à accomplir ; plus nous
différons, plus le devoir nous paraît
difficile. Adopte donc mon axiome :
Obéis sans hésiter et tu trouveras
l'obéissance facile....
Il y a pour toi dans mon coeur,
cher
enfant, une tendresse plus profonde que tu ne
pourras jamais l'imaginer. Mais quelque cher que tu
puisses m'être, le désir de voir
resplendir en toi la gloire de Dieu m'est autrement
cher....
(21) »
Frank était entré au
collège d'Haverford. À Hestonville,
tout près de Haverford, vivaient l'oncle et
la tante de Frank, Horace et Margaret Smith. Ils
invitaient le jeune homme à venir passer les
jours de congé chez eux avec quelques
camarades. De son côté Mme Smith s'y
rendait avec des cousins et des cousines et
c'étaient des jeux, des chants, des sports.
Tous étaient de joyeux
chrétiens ; à la fin de la
soirée on se retirait dans la
bibliothèque de l'oncle Horace ;
là on lisait l'Écriture, on chantait
des cantiques et l'on terminait la soirée
par une petite réunion de prières.
Un soir, P. Smith, qui
participait
à la réunion, demanda à chacun
de ces jeunes gens et jeunes filles de
révéler l'état de son
âme. Il y eut des explications franches qui
firent du bien à plusieurs. On se mit
à prier pour Haverford. Deux jeunes gens de
ce collège se convertirent. Dès lors,
P. Smith se rendit de temps en temps au
collège où, dans une salle
particulière mise à sa disposition,
se réunissaient pour l'écouter
quelques-uns des camarades de Frank. À ceux
de ses auditeurs qui n'étaient pas encore
convertis, il parlait du salut de leur âme et
avec les autres il abordait la question de la
sanctification complète. Plusieurs de ces
jeunes gens arrivèrent à faire
profession de leur foi devant leurs
camarades.
En 1871, Frank est étudiant
en théologie à l'université de
Princeton. P. Smith qui apprécie la science
lui écrit pour l'encourager à
profiter largement de son temps d'études et
de ses cours : « Quoique tu
pèses maintenant cent cinquante livres et
que tu sois plus grand et plus fort que ton
père, tu n'en demeures pas moins comme dans
les jours d'enfance, mon garçon
chéri.
« Je viens de lire la
vie
de John Wesley, et j'ai été
frappé en voyant ce qu'un homme peut
accomplir quand il donne à ses projets un
caractère défini et les poursuit avec
persévérance. Du matin au soir Wesley
était au travail, infatigable, et sa vie est
devenue pour tous un glorieux exemple de ce que la
race humaine peut accomplir avec le secours de
Dieu...
N'as-tu pas remarqué que les
plus grands instruments dont Dieu se soit servi,
Moïse, Daniel, Paul, saint Augustin, Luther,
Mélanchthon, Calvin, Penn, Wesley ont
été des hommes instruits ? Et
parmi nos contemporains un grand nombre de ceux qui
exercent une influence spirituelle puissante, ne
sont-ils pas également des hommes qui ont
reçu une haute éducation ? Que
cette pensée, cher fils, t'encourage donc
à profiter des privilèges qui te sont
offerts pour ton instruction ; et, tandis que
tu es appelé à faire pour jamais le
sacrifice de toute ambition égoïste, la
gloire de Dieu doit être pour toi un mobile
plus puissant que tous ceux dont les
incrédules s'inspirent. Il est vrai que pour
un seul chrétien instruit, on en rencontre
cent ignorants, mais cela veut-il dire que la vie
chrétienne soit la conséquence
naturelle de l'ignorance ? J'affirmerais
volontiers, au contraire, que le plus grand nombre
des chrétiens indifférents ou
stériles se trouvent dans les rangs de
l'ignorance. Mon fils aura donc un jour à
rendre compte de l'usage qu'il aura fait de ses
facultés naturelles. Son devoir aujourd'hui
est de les cultiver, de les porter au plus haut
degré possible de leur développement,
afin de les employer plus tard, non pour sa propre
gloire, mais pour la gloire de Dieu....
(22) »
À l'université de
Princeton aussi, Pearsall Smith tint des
réunions pour les jeunes gens, et leur parla
de sanctification ; plusieurs des camarades de
Frank sortirent fort impressionnés de ces
entretiens.
Mme Smith qui stimulait son fils
vers une consécration toujours plus
complète, le faisait cependant avec sagesse,
discernement et compréhension des besoins de
la jeunesse. « .... Un mot de plus. Ne te
tourmente pas en t'accusant chaque jour d'une
manière générale de n'avoir
pas rempli tous tes devoirs, mais seulement quand
tu te rappelles quelque acte défini de
désobéissance, alors, par exemple,
que le Seigneur t'appelait et que tu as
refusé d'obéir. Satan gagne du
terrain quand il réussit à nous
troubler par des accusations vagues. Le
Saint-Esprit est toujours précis et ne nous
condamne que pour des fautes conscientes. Et si la
voix divine ne t'a rien suggéré de
spécial pendant la journée, ne
t'afflige point quand vient la nuit de n'avoir rien
fait. Quand Dieu voudra que tu agisses pour Lui, Il
te le fera entendre clairement....
(23) »
Frank Smith mourut le 8 août
1872. À lire les lettres, les luttes,
l'activité de ce jeune homme de dix-huit
ans, on a l'impression de quelqu'un de presque trop
avancé spirituellement pour son âge.
C'était une âme de saint, mais
sanctifiée de la vraie manière. On
trouva après sa mort, dans sa poche, cette
profession de foi.
Je prends Dieu le Père pour
mon Dieu
(1
Thes. I, 1) ; je prends Dieu
le Fils pour mon Sauveur
(Actes
V, 31) ; je prends Dieu
le Saint-Esprit pour celui qui me sanctifie
(l
Pierre I, 2) ; je prends la
Parole de Dieu pour ma règle
(2
Tim. III, 16. 17). Je
me consacre donc
entièrement au Seigneur
(Rom.
XIV, 7. 8) ; et ceci je
le
fais après de sérieuses
réflexions
(Josué
XXIV, 24) ;
sincèrement
(2
Cor. I, 12) ; librement
(Ps.
CX, 3) et pour toujours
(Rom.
VIII, 35-39).
Mme Smith, avons-nous dit, avait
fait de saintes expériences qui l'avaient
amenée à la possession d'une paix et
d'une victoire semblables à celles de son
mari. Elle souhaitait ardemment néanmoins de
recevoir comme lui une effusion d'Esprit bien
caractérisée. Elle lutta, pria,
jeûna et, comme elle le reconnut plus tard,
perdit du temps et des forces. Elle arriva à
la conviction claire qu'elle possédait
réellement le Saint-Esprit par le fait
qu'elle avait cru à Jésus-Christ et
que chez elle ce don de l'Esprit avait pris la
forme d'une intensité de foi.
Au lieu de marcher par le
sentiment,
elle résolut de vivre par la foi seule....
« J'ai mis mes sentiments dans une
boîte, a-t-elle raconté, j'ai
fermé à clé et jeté la
clé. Dès lors quand
l'inquiétude me prend, je ne cesse de
répéter : Je veux
croire. »
En même temps que la
biographie de son fils Frank, Mme Smith
écrivait à cette époque un
autre ouvrage qui eut un grand retentissement, Le Secret d'une vie
heureuse
(24).
Cet
ouvrage fourmille de pensées fortes. Nous en
reproduisons quelques-unes. Celle-ci d'abord, de
psychologie :
« La volonté doit
être, relativement aux sentiments, comme une
mère sage au milieu d'enfants
indisciplinés. La mère prend une
décision qu'elle croit bonne. Les enfants se
rebellent et résistent ; mais elle,
sachant qu'elle a l'autorité, tient bon en
dépit de leurs clameurs ; les
enfants finissent par
obéir et l'harmonie s'établit dans la
maison. Si la mère au contraire
cédait un instant, la confusion
s'établirait sans remède. Que
d'âmes où il n'y a que confusion,
parce que les sentiments sont autorisés
à y
régner ! »
Cette autre d'expérience
chrétienne :
« De fait, les
tentations
grandissent généralement plutôt
qu'elles ne diminuent après que nous nous
sommes engagés dans la vie de sanctification
et leur nombre ou leur intensité ne doit
jamais nous faire supposer que nous n'avons pas
trouvé le vrai repos. Les grandes tentations
sont souvent le signe d'une grande grâce....
Les Israélites n'auraient
jamais eu à combattre les Cananéens,
les Hétiens, les Amorhéens s'ils
étaient restés en dehors du pays
où ces nations se trouvaient. La force
même de vos tentations peut donc être
la meilleure preuve que vous êtes
entré dans le pays de la promesse, parce que
ces tentations ne se rencontrent
précisément que
là. »
Enfin relevons l'extraordinaire
justesse avec laquelle Mme Smith parle de la
foi :
« On s'imagine souvent
que
la foi est quelque chose en soi, un exercice
religieux de l'âme ou une disposition
intérieure du coeur, une chose en quelque
sorte tangible, qu'on peut contempler et dont ou
doit se servir comme d'une monnaie pour se procurer
les dons de Dieu. Ne recevant rien de pareil, nous
en concluons que nous n'avons pas la foi. Mais la
foi, comme la vue, n'existe que dans son rapport
avec son objet. Vous pourriez aussi bien fermer les
yeux et essayer de regarder sous vos
paupières si vous avez la vue que de
regarder au dedans de vous pour examiner si vous
avez la foi. Vous voyez quelque chose et
vous connaissez par là que
vous avez la vue ; vous croyez quelque chose
et vous savez que vous avez la foi. Car comme la
vue c'est simplement voir, la foi c'est simplement
croire. De même que le seul caractère
indispensable d'une bonne vue c'est qu'elle vous
montre les objets tels qu'ils sont, de même
le seul caractère indispensable de la foi,
c'est qu'elle vous fasse croire les choses telles
qu'elles sont. L'efficace n'est pas dans votre foi,
mais dans son objet. Si vous croyez la
vérité, vous êtes
sauvé ; si vous croyez le mensonge,
vous êtes perdu ; l'acte de croire, dans
les deux cas est le même, mais les objets de
la foi sont opposés, et c'est là ce
qui fait la différence. Votre salut vient
donc non de votre foi, mais du Sauveur auquel votre
foi vous unit, et celle-ci n'est en
réalité qu'un
lien. »
Tous ceux qui ont connu les deux
époux s'accordent à dire que M. Smith
possédait une âme délicate,
émotive, enthousiaste, optimiste et heureuse
de faire des heureux mais un peu faible,
féminine, tandis que sa femme,
cerclée de logique, plus froide, parfois
altière, marchait droit son chemin d'un pied
assuré, la foi planant au-dessus des
émotions ; ce qui ne l'empêchait
pas du reste d'être une épouse aimante
et une mère tendre pour ses
enfants.
Il n'y a qu'une voix parmi les
hommes de Dieu d'Allemagne, de Suisse, de France
qui ont entendu P. Smith dans les occasions les
plus diverses, pour louer son tact et sa
manière d'être. Arnold Bovet
écrira : « P. Smith est un
manufacturier de quarante-cinq ans, à la
tournure distinguée, au regard sympathique.
Doué d'une grande énergie et d'une
présence d'esprit remarquable, il n'est
jamais pédant, Il met tout
le monde à l'aise et, chaque fois qu'il
s'avance sur l'estrade pour prendre la parole, on
peut s'attendre à recevoir quelque chose
d'excellent. »
L'inspecteur Rappard qui se
connaissait en hommes, sans être toujours
d'accord avec toutes les expressions doctrinales de
Smith, n'est pas moins élogieux :
« P. Smith fait l'effet d'un homme qui a
reçu le royaume de Dieu comme un enfant. Sa
manière dénote le commerçant
pratique et avisé, son regard brille d'amour
pour son prochain et si on a l'occasion de
l'observer dans diverses circonstances on acquiert
la conviction qu'une paix profonde habite dans son
coeur et donne la force à ce serviteur de
Dieu de rester calme dans le tourbillon de la vie
et parfaitement doux dans ses relations avec le
prochain. »
Le Français, M.
Lelièvre, rédacteur de l'Évangéliste, dit de
lui : « Il possède une
puissance spirituelle comme durent en
posséder les premiers disciples
formés à l'école de la
Pentecôte. On sent en l'écoutant qu'on
a à faire à un homme qui aime notre
âme, comme une mère peut aimer son
enfant.... »
L'Allemand Warneck de son
côté ne le nomme que « le
cher Pearsall Smith ». Par contre les
avis sont partagés à l'égard
de Mme Smith. M. Bovet a été
frappé, comme chacun du reste, de son
caractère énergique et de son
intelligence. « Elle se présente
en public dans un costume qui ressemble à
celui des Quakers, en chapeau et en gants.
L'assurance, la précision, l'entrain et le
sérieux avec lesquels elle expose les grands
sujets de la vie chrétienne rappellent la
manière de prêcher de Dorothée
Trudel de Männedorf. »
Warneck lui, n'a pas
été conquis. Il écrit à
son ami : « Tu sais, l'apôtre
veut que la femme se taise dans
l'assemblée ; je ne suis nullement
persuadé que Mme Smith doive faire exception
à la règle. » Et il ajoute
malicieusement : « Les discours
qu'elle a prononcés ici comptent parmi les
plus importants, mais je me figure qu'elle doit
faire valoir son influence encore bien davantage
derrière la coulisse.... Avec une dame
anglaise on peut dire : « Si son
mari est la tête, elle en est le
diadème. »
Toujours est-il que ces deux
époux si « un » en
Christ, si richement doués, se
compléteront et s'entr'aideront
admirablement dans leur tâche et ce sera un
jour le pauvre mari plus faible qui devra s'appuyer
sur le bras robuste de sa femme.
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