Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SECONDE PARTIE.

TRADITION

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CHAPITRE PREMIER.

Concile d'Éphèse et fin du 5e siècle.

Telle était la disposition des esprits, quand, au cinquième siècle, les opinions de Nestorius, sur l'incarnation du Fils de Dieu, vinrent donner une vie toute nouvelle à la vénération exagérée que les femmes et le peuple en général n'étaient déjà que trop portés à accorder à Marie.

Depuis les conciles de Nicée et de Constantinople, tous avaient appris à confesser que Jésus était Dieu, ne voulant point qu'on séparât ce qu'il y avait d'humain et de divin en Christ, à cause de ses souffrances (1).
Nestorius, évêque de Constantinople, au contraire, séparait la nature divine de la nature humaine du Sauveur, disant ne pouvoir adorer un Dieu né, mort, enseveli (2). Cet évêque, prêchant à Constantinople, soutint, en conséquence de ses opinions, que l'on ne devait point donner à Marie le titre de Mère de Dieu, vu qu'elle n'avait conçu et enfanté que la nature humaine de Jésus (3).
Les esprits une fois échauffés sur cette matière, Proclus, évêque de Cyzique, fit à Constantinople un sermon où il affecta d'exalter la Vierge comme ayant mis au monde un Dieu (4).
Nestorius, selon le droit qu'il avait comme évêque de la ville, monta de suite en chaire pour la réfuter. De là, des disputes, des troubles dans lesquels Cyrille d'Alexandrie prit ouvertement le parti de Proclus, fit condamner Nestorius à Rome, et finalement provoqua le concile d'Éphèse où Nestorius devait, en, définitive, être absous ou séparé de l'Église.

Le concile s'assembla, en 431, dans la cathédrale nommée Marianne (5) ; Nestorius y fut déposé, le titre de Mère de Dieu

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fut assuré à la Vierge, et, au milieu des acclamations et de la joie du peuple, on prononça l'anathème contre ceux qui refuseraient de le lui accorder (6). C'est ainsi qu'une dispute, roulant sur la nature de Jésus-Christ et n'intéressant que d'une manière indirecte l'honneur de Marie, vint donner un nouveau relief à cette sainte Femme, et devint, en quelque sorte, l'occasion du culte qui lui fut ensuite rendu, comme nous allons le voir.

Le lendemain du jour où la sentence fut prononcée contre Nestorius, Cyrille d'Alexandrie, auteur de la condamnation de son rival, donna carrière à son éloquence et combla d'éloges pompeux la bienheureuse Marie (7).

« Je vous salue Marie, mère de Dieu, lui disait-il, nous vous bénissons, trésor vénérable de tout l'univers, lampe qui ne s'éteint point, couronne de la virginité, sceptre de la bonne doctrine, temple durable, demeure de celui que nulle demeure ne peut contenir ;
Mère et Vierge, nous vous bénissons, vous qui, dans votre sein, avez compris l'immense et l'incompréhensible ; vous par qui la Trinité sainte est glorifiée, adorée, par qui la précieuse croix du Sauveur est exaltée, révérée ; par qui le ciel triomphe, les anges se réjouissent, les démons sont chassés, le tentateur est vaincu, la nature fragile élevée jusqu'au ciel ; vous par qui toutes les églises du monde ont été fondées et toutes les nations amenées à la pénitence.
Que dirai-je de plus ? Vous par qui la lumière du monde, le Fils unique de Dieu éclaire ceux qui étaient dans les ténèbres, assis dans l'ombre de la mort, par qui les prophètes ont prédit l'avenir, les apôtres annoncé le salut aux nations ; vous par qui les morts sont ressuscités ; vous par qui les rois règnent !... Quel homme peut louer dignement la très louable Vierge Marie ? »

De tels éloges étaient nouveaux, cependant ces traits d'éloquence répétés, copiés, amplifiés par les moines et par les prêtres au milieu d'un public disposé à les goûter, durent facilement accroître la vénération des peuples pour Marie ; probablement alors autorisés par de telles prédications, les particuliers se firent assez généralement des idées extraordinaires sur l'excellence de cette sainte Femme.
Ils s'habituèrent à voir, dans ses prérogatives, ses perfections, sa nature, quelque chose de plus qu'humain. C'était sans doute un acheminement au culte qu'on lui rendit ensuite, mais il restait encore beaucoup à faire avant d'y arriver ; car il est important de le dire, Cyrille et ses adhérents, malgré leurs déclamations oratoires, en chaire ou dans leurs écrits, n'établirent jamais le culte de celle qu'ils semblaient néanmoins ne pouvoir assez exalter.
Cyrille, on le sait, fut toujours constant à rejeter tout hommage religieux rendu à la créature : « Dieu seul en est digne, » disait-il (8). Proclus, après lui le plus chaud partisan de Marie, dans les sermons où il lui prodigue le plus d'épithètes, ne dit jamais un mot, ne fait jamais une allusion au moindre culte à lui rendre (9).

Telle était alors l'opinion et la conduite des docteurs à l'égard de la Vierge, et quoique certaines personnes aient cru voir l'ordre d'invoquer la Mère du Sauveur dans un acte de Pierre Foulon, évêque d'Antioche, qui recommandait aux églises de son ressort d'insérer le nom de Mère de Dieu dans chaque prière (10) ; quoique l'on prétende faussement que le pape Célestin profila de l'occasion que lui donnait la condamnation de Nestorius pour faire insérer cette formule dans le service public : Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous (11), on peut assurer avec certitude qu'au cinquième siècle rien encore de pareil ne se fit dans l'Église en faveur de celle qui néanmoins s'élevait toujours de plus en plus dans l'opinion.


(1) Socrat. Hist., 1. 7, ch. 32.

(2) Nestor. Serm. 4 de incarn. Verb.

(3) Nestor. Serm. I, 2,3, apud Garnier.

(4) Procli hom, in incarn. Verb. apud Garnier.

(5) Cette église était la seule au monde qui portât le nom de Marie. On comprend ce qui la fit nommer ainsi : une tradition, quoique incertaine, y plaçait le tombeau de Marie et de Jean le théologien.

(6) Socrat. hist. I. 7, ch. 37.

(7) Cyrill. hom. quando sept., etc. Concil. Ephes. act. I.

(8) Cyrill. in Joh., I. 12 ; Cyrill. thesaur. assert., t. 3.

(9) Procli hom. in incarn. Verb.

(10) Théodore le lecteur, qui nous rapporte cet ordre de Pierre Foulon, dit simplement que ce dernier recommanda d'insérer, et non d'invoquer le nom de la mère de Dieu dans toutes les prières. Au reste, on comprend comment Pierre Foulon, Eutéchien déclaré, a pu se permettre une telle innovation en faveur de la Vierge ; son hérésie, contraire à celle de Nestorius, devait se plaire dans les excès opposés : les Nestoriens dépréciaient Marie, l'eutichien Foulon voulut la relever en mettant chaque jour dans la bouche des fidèles qu'il dirigeait, une expression qui condamnait ses adversaires (Theod. lect. hist., I. 2. )

(11) Baronius, an. 431, p. 615. Baronius, à cet égard, n'allègue aucun témoignage en sa faveur, et se contente d'une assertion certainement fausse, puisque Anastase le bibliothécaire, dans sa Vie de Célestin, n'en dit pas un mot (Anast., Vit. Celest. Conc, t. 2) ; puisque Platine, dans sa Vie des Pontifes, quoique attribuant au pape ci-dessus mentionne divers changements dans la liturgie, n'avance rien de semblable ( Plalin., de Vit. Pontif, in Celest.) ; et puisque enfin, dans les litanies de ce siècle, ainsi que dans celles du sixième et du septième, l'Église elle-même n'adressait encore aucune prière semblable à Marie.
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