Je
chanterai maintenant
pour mon ami le cantique de mon bien-aimé,
touchant sa vigne. Mon ami avait une vigne en un
coteau d'un lieu gras.
Et il l'environna d'une haie, et en ôta les
pierres, et la planta de ceps exquis ; il
bâtit aussi une tour au milieu d'elle, et y
tailla une cuve. Or, il s'attendait qu'elle
produirait des raisins, mais elle a produit des
grappes sauvages.
Maintenant donc, vous habitants de
Jérusalem, et vous hommes de Juda, jugez, je
vous prie, entre moi et ma vigne.
Qu'y avait-il plus à faire à ma vigne
que je ne lui aie fait ? pourquoi ai-je
attendu qu'elle produisît des raisins, et
elle a produit des grappes sauvages ?
La vigne de laquelle parle le
prophète est la maison d'Israël. Quels miracles Dieu
n'avait-il point faits pour ce peuple ! Quelle est la nation
si grande qui ait eu ses
dieux près de soi comme Israël a eu
l'Éternel, son Dieu, toutes les fois qu'il
l'invoqua ! Dieu avait tiré ce
peuple du pays d'Égypte, de la maison de
servitude. Il avait fendu devant lui la mer et
l'avait fait passer à sec pour l'introduire
dans un pays où coulaient le lait et le
miel. De ce lieu gras, Dieu avait ôté toutes les
pierres. Il
avait exterminé les nations qui avaient
voulu disputer à Israël l'entrée
et la possession de Canaan. Il avait environné son peuple
d'une haie, en lui donnant une loi sainte, juste et
bonne pour le séparer du
péché et de la contagion du monde. Il bâtit aussi une
tour au
milieu
de ce peuple : c'étaient ces sentinelles qui se tenaient
debout
jour
et nuit, ces prophètes de
l'Éternel qui regardaient pour voir ce
qui leur serait dit pour le salut du peuple. Il tailla aussi
une cuve dans
cette
vigne : ce sont les annales destinées
à recueillir le souvenir des hauts faits de
l'Éternel.
Ce Dieu d'amour avait pourvu à tout. Il
avait conduit son
peuple partout, il l'avait instruit,
gardé comme la prunelle de l'oeil ;
comme l'aigle qui excite ses petits à voler,
et qui étend ses ailes, voltigeant sur eux,
les recevant et les portant sur ses ailes,
l'Éternel seul avait conduit Israël, et
il n'y a point eu avec lui de Dieu
étranger.
Qu'a rendu à l'Éternel ce peuple
sur qui étaient tous les bienfaits de
Dieu ? Écoutons Dieu
lui-même : J'ai nourri des enfants et
je les ai élevés, mais ils se sont
rebellés contre moi. Le boeuf connaît
son possesseur et l'âne la crèche de
son maître ; mais Israël n'a point
de connaissance, mon peuple n'a point
d'intelligence.
Voilà les grappes sauvages qu'a
produites cette vigne aux ceps exquis, et de
laquelle l'Éternel s'attendait qu'elle
produirait des raisins. Toute cette série de
bienfaits et de bénédictions, le
peuple d'Israël n'avait fait que les
gâter et les changer en dissolution.
Mais, hélas ! n'est-ce point ce que
nous faisons tous ? Notre coeur est-il
autrement fait que celui du peuple juif ? ne
retombons-nous pas tous les jours dans la
même ingratitude et dans
le même péché, celui de
corrompre les bienfaits de Dieu ? C'est encore
un côté de notre nature perdue. Nous
gâtons les bénédictions de
Dieu, à peine sont-elles entre nos mains.
Tout est pur sortant des mains de Dieu ; tout
s'altère entre les nôtres. Mais si
l'homme est partout l'homme, Dieu est partout Dieu.
Nous gâtons et Dieu refait ; il fait
plus, il se glorifie jusque dans nos souillures.
C'est ce que nous allons voir.
Notre texte nous conduit à ces deux
questions :
1° Comment gâtons-nous les
bénédictions de Dieu ?
2° Que fait Dieu de ces
bénédictions
gâtées ?
Prenons ces deux questions pour sujet de notre
méditation.
1. - Comment gâtons-nous les
bénédictions de Dieu ?
Nous n'avons qu'à regarder à la pente
de notre nature. Nous les gâtons en nous en
servant pour nous, pour rassasier
notre égoïsme et dans la vue de fournir à nos
voluptés. Nous rapportons à
nous-mêmes ce que Dieu nous avait
donné pour lui. C'est ce renversement de
notre nature qui a aussi renversé l'effet
des bienfaits de Dieu. Quand le sang est malade, la
nourriture la plus saine nourrit la maladie. Les
dons parfaits, les grâces excellentes de
Dieu deviennent entre nos mains des poisons. Cela
ne sera plus quand le centre de notre vie ne sera
plus notre mot, mais que Dieu aura repris sa place
primitive.
Voyons maintenant comme l'histoire du peuple juif
est la nôtre.
Chacun de nous est un cep de vigne, un cep exquis, planté
sur un coteau dans un lieu
gras.
Notre corps et notre âme ont
été créés pour
glorifier Dieu. N'est-ce point à sa
propre image que Dieu nous a
créés ? et qu'est-ce qui est exquis comme l'image de
Dieu ?
Notre
possession nous est échue dans des lieux
agréables, si nous comprenons notre
destination. En quelque lieu que
nous soyons, quelque état
que nous remplissions, nous logerons parmi les
biens, si nous offrons nos corps en
sacrifice vivant, saint et agréable à
Dieu, ce qui est notre service raisonnable. Est-ce là ce que
nous faisons ? Hélas ! notre corps est
déjà une bénédiction de
Dieu que nous gâtons.
Au lieu de les donner à Dieu, nous
livrons nos membres au péché pour
servir d'instruments d'iniquité. Il n'y
a pas d'avantages, quelque petits qu'ils soient,
dont nous n'ayons abusé. Notre langue n'est-elle pas devenue
comme un feu, comme un monde d'iniquité ? Ce corps,
destiné à être le
temple du Saint-Esprit, n'est-il pas devenu un
foyer de vices et de souillures ? Encore si
nous ne nous gâtions que nous seuls !
mais nous nous corrompons les uns les autres. S'il
est vrai que le mari est sanctifié par la
femme et la femme par le mari, il est vrai
aussi que le mari est corrompu par la femme et la
femme par le mari. Ou, s'il est dit que nos enfants
sont saints, quand nous sommes
nous-mêmes fidèles, il est dit
aussi que nous nous ruinons jusqu'à la
troisième et
quatrième génération, quand nous sommes infidèles. Que
nous dirons-nous devant le tribunal de Dieu, quand
nous verrons ce que nous aurions dû
être les uns pour les autres, et comment, au
lieu de nous sanctifier réciproquement, nous
nous sommes gâtés ?
Dieu avait environné le peuple juif
d'une haie. Cette haie, nous l'avons aussi.
Ce sont les commandements de Dieu. Si nous marchons
dans ces commandements, nous serons comme dans une ville
forte : la délivrance y
sera mise pour muraille et pour avant-mur.
Mais cette cloison, nous l'avons rompue. Pas un
commandement que nous n'ayons gâté et
contre lequel nous n'ayons péché.
Dieu veut que nous l'aimions de tout notre
coeur, que nous n'adorions que lui. Au lieu de
cela, nous avons abandonné la source des
eaux vives pour nous creuser des citernes
crevassées qui ne peuvent contenir les
eaux.
Dieu nous donne son nom pour
l'exalter,
pour lui rendre grâces, pour l'invoquer dans
tous nos besoins. Au lieu de
cela, nous profanons ce nom ; c'est, de tous
les noms, le plus outragé et celui qui nous
dit le moins.
Dieu nous donne un jour spécial, un jour de
repos, un jour pour le sanctifier. Au lieu
de cela, nous nous jetons dans le tumulte ; le
dimanche est le jour privilégié des
dissipations et du monde.
Dieu nous demande la soumission mutuelle, en nous
disant : Honore ton père et ta
mère ; mais cette subordination
nous déplaît ; nous aimons mieux
commander que de nous assujettir les uns aux
autres par la charité.
Dieu veut que nous veillions sur la vie, sur
l'honneur, sur la propriété du
prochain. Mais cette vie, nous
l'abrégeons ; cet honneur, nous y
portons atteinte ; ces biens, nous nous les
approprions.
Dieu veut que nous rendions témoignage
à la vérité ; mais, au
lieu de cela, que dit la Bible ? Tous les
hommes sont menteurs. Et même lorsque
tous ces péchés n'éclatent
point dans la vie, ils n'en existent pas moins dans
la convoitise qui n'attend que les occasions.
Voilà de quelle manière nous avons
gâté la haie de Dieu et
comment elle est
devenue trop faible dans la chair pour nous
sauver.
Dieu ôta les pierres au peuple
d'Israël. N'a-t-il point fait la même
chose pour nous ? Ne lève-t-il point
nos obstacles, n'abaisse-t-il point nos montagnes,
ne nous porte-t-il point dans ses mains de peur
que notre pied ne heurte contre la
pierre ?
Que de dangers écartés, que de
difficultés aplanies, que de secours
envoyés au moment d'une
détresse ! Mais quand il nous a ainsi
rendu la vie plus facile, comment le lui
rendons-nous ? Est-il vrai que nous n'oublions pas un de ses
bienfaits ?
L'histoire du peuple juif n'est-elle point
encore la nôtre ? Nous nous sommes
engraissés et nous avons
regimbé ; nous nous sommes faits gras,
gros et épais, et nous avons
abandonné le Dieu qui nous a faits, nous
avons méprisé le rocher de notre
salut.
Dieu avait bâti une tour au milieu de
sa vigne. Nous avons dit que c'étaient les
sentinelles de l'Éternel, les observations
et les avertissements des prophètes. Et que
de sentinelles Dieu n'a-t-il
point placées dans notre vie ! Que
d'avertissements, que d'occasions qui nous
crient : Une seule chose est
nécessaire ; attache-toi à ce
qui est en haut et non à ce qui est sur la
terre ! Que de prophètes qui nous
rappellent notre fragilité, la fin prochaine
de nos illusions, et qui nous appellent à la
repentance et à la foi ! Mais ces
prophètes, comment les traitons-nous ?
Nous faisons la sourde oreille comme le peuple juif
l'a fait. Nous retenons la vérité
captive, nous ne reconnaissons point les
choses qui regardent notre paix. Nous
gâtons ces richesses de bonté, de
patience et de long support, et nous ne considérons pas que
la bonté de
Dieu nom convie à la repentance.
Enfin, Dieu avait taillé une cuve dans sa vigne. C'est ce
fond que Dieu veut
remplir en nous, et où il cherchera le fruit
de ses travaux et le souvenir de ses bienfaits.
Mais que trouve-t-il ? Des grappes
sauvages, quand il s'attendait à des
raisins.
Prenons notre vie dans son ensemble. La
bonté de Dieu est de tout temps, et
chaque heure qui sonne nous
dit : Ne la gâte point, il y a
là une bénédiction. Cherchons dans le fond de nos souvenirs,
nous
trouverons des témoignages sans nombre de la
vigilance et de la miséricorde de Dieu. Mais
tous ces souvenirs sont gâtés ;
tous nous accusent de n'avoir point rapporté
le fruit que Dieu cherchait. À tous ces
souvenirs se rattachent des rechutes et des
remords. Si nous devions verser devant Dieu le
produit de cette vie terrestre, qu'en
ferait-il ? Ce seraient autant de grappes
sauvages qui tomberaient ù ses pieds. Nous ne lui
répondrions pas sur un seul
article de mille qu'il nous proposerait.
2. - Que fera Dieu de ces
bénédictions gâtées
quand il les passera en revue ?
Nous ne le devinerions guère. Il les
ramassera et il en fera de nouvelles
bénédictions, plus grandes que les
premières.
Je vais vous montrer trois
bénédictions de Dieu, les plus
grandes de toutes, et celles que nous avons le plus
gâtées ; vous allez voir ce que
Dieu en a fait.
La première, c'est Jésus-Christ. En
nous donnant son Fils, Dieu nous a donné
l'objet de toute son affection. Rien de si
précieux dans le ciel, rien de si
précieux sur la terre que ce don ineffable de Dieu. Comment
avons-nous
traité cette
bénédiction ?
Jamais homme n'a été
traité comme Jésus-Christ. Il est
venu chez soi, et les siens ne l'ont point
reçu. La lumière est venue dans le
monde, et les hommes ont mieux aimé les
ténèbres que la lumière. Vous voyez le Saint, le Juste livré
aux
nations, outragé, couvert de crachats,
fouetté, couronné d'épines, cloué enfin à une croix et
expirant dans les tourments et dans l'ignominie.
Qu'a fait Dieu de cette bénédiction
gâtée et ensanglantée sous nos
mains criminelles ?
Il a fait de cet homme de douleur le Sauveur du
monde ; il a pris ce corps meurtri et en a
fait notre rançon ; il a compté
tous ces coups barbares, toutes les gouttes de ce
sang précieux et tout lui a servi pour
opérer notre rédemption
éternelle. Ces meurtrissures sont
devenues notre guérison ; ces plaies mortelles,
notre paix.
Sous les coups qui le frappent, Jésus-Christ nous a été
fait de la part de Dieu sagesse, justice,
sanctification, rédemption.
Voyez une autre bénédiction. Je
parle de notre âme. Y a-t-il rien de si
précieux pour nous que notre
âme ? Que nous servirait-il de gagner
tout le monde, si nous perdions notre
âme ? Mais dans quel état se
trouve cette âme depuis qu'elle est
séparée de Dieu ! Comptez, si
vous le pouvez, les ravages du
péché ; guérissez ces blessures, ces meurtrissures,
ces plaies purulentes. Plus on avance sur ce
terrain, plus on trouve la ruine et la
désolation. Eh bien ! Dieu a-t-il
anéanti ce que nous lui avons
gâté ? C'est le contraire. Il
choisit les âmes les plus perdues pour faire
d'elles ses premiers chefs-d'oeuvre. Il prend une
âme en qui logent sept démons, et il
en fait une sainte, une héritière du
ciel. Il en trouve une autre qui est ruinée
par la débauche, par l'orgueil, par
l'avarice, et il prend ces rebuts, ces balayures du monde,
et en fait des
instruments choisis, des élus qui brilleront comme
la splendeur de
l'étendue.
Ce Dieu si haut, si élevé qui habite dans
l'éternité, et duquel le nom est le
Saint, ce même Dieu établit sa
demeure dans ces âmes gâtées et
en fait son atelier divin. Revenez sous peu, et ces
cavernes de Satan seront devenues des jardins de
Dieu. La joie et l'allégresse se trouveront
au milieu d'elles, la louange et la voix de
cantique.
Et ce que Dieu fait pour une âme, il le
fait pour toute une contrée. Il trouve une
horde d'anthropophages, il les arrête ;
car son coeur de Dieu est brisé. Il leur
envoie l'Évangile et en fait sa
puissance. Bientôt ces loups deviendront des agneaux ;
ces léopards gîteront avec les
chevreaux. Ces hommes féroces
naguère forgent maintenant leurs
épées en hoyaux et leurs hallebardes
en serpes. Une ville ne lèvera plus
l'épée contre l'autre, ni ne
s'adonnera plus à faire la guerre ; ce sont des frères qui
se disent : Allons, allons supplier l'Éternel et le
rechercher ; j'irai aussi.
Citons encore une troisième
bénédiction. Considérons ce monde plongé dans le mal. Ce
monde,
dans lequel ont été
précipités les
démons, Dieu en a fait son champ. C'est cet arpent maudit
que Dieu
prend,
pour le remplir des miracles de sa Providence. Vous
ne voyez que des crimes, du sang versé, des
guerres civiles ; eh bien ! Dieu peut se
servir de tout cela pour en faire les marches de
son temple. De nos injustices, Dieu compose sa
justice, et les plus grands ennemis de Dieu sont
ceux qui lui servent le plus.
Ce Joseph jeté dans un puits et vendu par
des frères dénaturés, Dieu
fait sauver par lui et l'Égypte et
Canaan.
Ceux qui ont allumé les bûchers des
martyrs sont ceux aussi qui ont fait sortir de ce
feu une foi plus précieuse que l'or, un
amour plus fort que les flammes.
Ces horreurs qui nous révoltent, ces
bouleversements qui nous entourent, ne seront que
sainteté un jour et harmonie divine. Comme
Dieu a fait sortir le monde du chaos, il fait
sortir sa gloire de nos bénédictions
gâtées. Nous ne savons pas
maintenant ce qu'il fait, mais laissez-le
faire ; vous verrez la lumière
sortir des ténèbres et porter la
santé dans ses
rayons.
Que cela nous console, quand nous ne pouvons nous
consoler des choses visibles ou quand nous
souffrons trop du dégât que nous avons
fait à Dieu. Dieu ramassera ces
dégâts ; de nos miettes
souillées il ornera son festin ; entre
nos mains tout se corrompt, dans celles de Dieu
tout se purifie. Sans le savoir, nous lui taillons
ses pierres, et nous les reverrons un jour dans son
arc de triomphe.
Et que personne ne dise que nous lui conseillons de pêcher pour
que la grâce et
la gloire de Dieu abondent. Le
péché est toujours le
péché pour l'homme et pour les
nations.
Voulez-vous le péché ? C'est
vouloir votre ruine, c'est vous donner pour salaire la
mort. Mais le péché
est autre chose dans la conscience individuelle et
autre chose dans le plan de Dieu. Nous subissons
les conséquences du mal que nous faisons
nous-mêmes, mais Dieu est libre de faire des
mêmes péchés ce qu'il
voudra.
Nous nous rendons responsables de
nous-mêmes ; Dieu se rend responsable de
l'ensemble. C'est dans cette harmonie finale que
nous retrouverons nos
bénédictions gâtées.
Dans cette lumière éternelle nous
reverrons, refaits sous les mains de Dieu,
Jésus-Christ, notre âme et le monde. Voici, dira le Roi
des rois et le
Seigneur des seigneurs : J'ai fait toutes
choses nouvelles. Toute bouche sera fermée, et la gloire de
Dieu mise dans une pleine
lumière.
Attendons ce moment ; c'est celui où
les livres s'ouvriront, où nos yeux
verront, et où nous jetterons devant le
trône nos couronnes, en disant : Seigneur, tu es digne de
recevoir la gloire,
l'honneur et la puissance, car tu es admirable en
conseil et magnifique en moyens ; que tout ce
qui respire loue l'Éternel ! Amen.
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