Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VII

Les bénédictions qu'on gâte.

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ESAÏE, V, 1-4.

 Je chanterai maintenant pour mon ami le cantique de mon bien-aimé, touchant sa vigne. Mon ami avait une vigne en un coteau d'un lieu gras.
Et il l'environna d'une haie, et en ôta les pierres, et la planta de ceps exquis ; il bâtit aussi une tour au milieu d'elle, et y tailla une cuve. Or, il s'attendait qu'elle produirait des raisins, mais elle a produit des grappes sauvages.
Maintenant donc, vous habitants de Jérusalem, et vous hommes de Juda, jugez, je vous prie, entre moi et ma vigne.
Qu'y avait-il plus à faire à ma vigne que je ne lui aie fait ? pourquoi ai-je attendu qu'elle produisît des raisins, et elle a produit des grappes sauvages ?


La vigne de laquelle parle le prophète est la maison d'Israël. Quels miracles Dieu n'avait-il point faits pour ce peuple ! Quelle est la nation si grande qui ait eu ses dieux près de soi comme Israël a eu l'Éternel, son Dieu, toutes les fois qu'il l'invoqua ! Dieu avait tiré ce peuple du pays d'Égypte, de la maison de servitude. Il avait fendu devant lui la mer et l'avait fait passer à sec pour l'introduire dans un pays où coulaient le lait et le miel. De ce lieu gras, Dieu avait ôté toutes les pierres. Il avait exterminé les nations qui avaient voulu disputer à Israël l'entrée et la possession de Canaan. Il avait environné son peuple d'une haie, en lui donnant une loi sainte, juste et bonne pour le séparer du péché et de la contagion du monde. Il bâtit aussi une tour au milieu de ce peuple : c'étaient ces sentinelles qui se tenaient debout jour et nuit, ces prophètes de l'Éternel qui regardaient pour voir ce qui leur serait dit pour le salut du peuple. Il tailla aussi une cuve dans cette vigne : ce sont les annales destinées à recueillir le souvenir des hauts faits de l'Éternel.
Ce Dieu d'amour avait pourvu à tout. Il avait conduit son peuple partout, il l'avait instruit, gardé comme la prunelle de l'oeil ; comme l'aigle qui excite ses petits à voler, et qui étend ses ailes, voltigeant sur eux, les recevant et les portant sur ses ailes, l'Éternel seul avait conduit Israël, et il n'y a point eu avec lui de Dieu étranger.

Qu'a rendu à l'Éternel ce peuple sur qui étaient tous les bienfaits de Dieu ? Écoutons Dieu lui-même : J'ai nourri des enfants et je les ai élevés, mais ils se sont rebellés contre moi. Le boeuf connaît son possesseur et l'âne la crèche de son maître ; mais Israël n'a point de connaissance, mon peuple n'a point d'intelligence.
Voilà les grappes sauvages qu'a produites cette vigne aux ceps exquis, et de laquelle l'Éternel s'attendait qu'elle produirait des raisins. Toute cette série de bienfaits et de bénédictions, le peuple d'Israël n'avait fait que les gâter et les changer en dissolution.

Mais, hélas ! n'est-ce point ce que nous faisons tous ? Notre coeur est-il autrement fait que celui du peuple juif ? ne retombons-nous pas tous les jours dans la même ingratitude et dans le même péché, celui de corrompre les bienfaits de Dieu ? C'est encore un côté de notre nature perdue. Nous gâtons les bénédictions de Dieu, à peine sont-elles entre nos mains. Tout est pur sortant des mains de Dieu ; tout s'altère entre les nôtres. Mais si l'homme est partout l'homme, Dieu est partout Dieu. Nous gâtons et Dieu refait ; il fait plus, il se glorifie jusque dans nos souillures. C'est ce que nous allons voir.

Notre texte nous conduit à ces deux questions :
1° Comment gâtons-nous les bénédictions de Dieu ?
2° Que fait Dieu de ces bénédictions gâtées ?
Prenons ces deux questions pour sujet de notre méditation.

1. - Comment gâtons-nous les bénédictions de Dieu ?
Nous n'avons qu'à regarder à la pente de notre nature. Nous les gâtons en nous en servant pour nous, pour rassasier notre égoïsme et dans la vue de fournir à nos voluptés. Nous rapportons à nous-mêmes ce que Dieu nous avait donné pour lui. C'est ce renversement de notre nature qui a aussi renversé l'effet des bienfaits de Dieu. Quand le sang est malade, la nourriture la plus saine nourrit la maladie. Les dons parfaits, les grâces excellentes de Dieu deviennent entre nos mains des poisons. Cela ne sera plus quand le centre de notre vie ne sera plus notre mot, mais que Dieu aura repris sa place primitive.

Voyons maintenant comme l'histoire du peuple juif est la nôtre.
Chacun de nous est un cep de vigne, un cep exquis, planté sur un coteau dans un lieu gras.
Notre corps et notre âme ont été créés pour glorifier Dieu. N'est-ce point à sa propre image que Dieu nous a créés ? et qu'est-ce qui est exquis comme l'image de Dieu ? Notre possession nous est échue dans des lieux agréables, si nous comprenons notre destination. En quelque lieu que nous soyons, quelque état que nous remplissions, nous logerons parmi les biens, si nous offrons nos corps en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu, ce qui est notre service raisonnable. Est-ce là ce que nous faisons ? Hélas ! notre corps est déjà une bénédiction de Dieu que nous gâtons.
Au lieu de les donner à Dieu, nous livrons nos membres au péché pour servir d'instruments d'iniquité. Il n'y a pas d'avantages, quelque petits qu'ils soient, dont nous n'ayons abusé. Notre langue n'est-elle pas devenue comme un feu, comme un monde d'iniquité ? Ce corps, destiné à être le temple du Saint-Esprit, n'est-il pas devenu un foyer de vices et de souillures ? Encore si nous ne nous gâtions que nous seuls ! mais nous nous corrompons les uns les autres. S'il est vrai que le mari est sanctifié par la femme et la femme par le mari, il est vrai aussi que le mari est corrompu par la femme et la femme par le mari. Ou, s'il est dit que nos enfants sont saints, quand nous sommes nous-mêmes fidèles, il est dit aussi que nous nous ruinons jusqu'à la troisième et quatrième génération, quand nous sommes infidèles. Que nous dirons-nous devant le tribunal de Dieu, quand nous verrons ce que nous aurions dû être les uns pour les autres, et comment, au lieu de nous sanctifier réciproquement, nous nous sommes gâtés ?

Dieu avait environné le peuple juif d'une haie. Cette haie, nous l'avons aussi. Ce sont les commandements de Dieu. Si nous marchons dans ces commandements, nous serons comme dans une ville forte : la délivrance y sera mise pour muraille et pour avant-mur.
Mais cette cloison, nous l'avons rompue. Pas un commandement que nous n'ayons gâté et contre lequel nous n'ayons péché.
Dieu veut que nous l'aimions de tout notre coeur, que nous n'adorions que lui. Au lieu de cela, nous avons abandonné la source des eaux vives pour nous creuser des citernes crevassées qui ne peuvent contenir les eaux.
Dieu nous donne son nom pour l'exalter, pour lui rendre grâces, pour l'invoquer dans tous nos besoins. Au lieu de cela, nous profanons ce nom ; c'est, de tous les noms, le plus outragé et celui qui nous dit le moins.
Dieu nous donne un jour spécial, un jour de repos, un jour pour le sanctifier. Au lieu de cela, nous nous jetons dans le tumulte ; le dimanche est le jour privilégié des dissipations et du monde.
Dieu nous demande la soumission mutuelle, en nous disant : Honore ton père et ta mère ; mais cette subordination nous déplaît ; nous aimons mieux commander que de nous assujettir les uns aux autres par la charité.
Dieu veut que nous veillions sur la vie, sur l'honneur, sur la propriété du prochain. Mais cette vie, nous l'abrégeons ; cet honneur, nous y portons atteinte ; ces biens, nous nous les approprions.
Dieu veut que nous rendions témoignage à la vérité ; mais, au lieu de cela, que dit la Bible ? Tous les hommes sont menteurs. Et même lorsque tous ces péchés n'éclatent point dans la vie, ils n'en existent pas moins dans la convoitise qui n'attend que les occasions. Voilà de quelle manière nous avons gâté la haie de Dieu et comment elle est devenue trop faible dans la chair pour nous sauver.

Dieu ôta les pierres au peuple d'Israël. N'a-t-il point fait la même chose pour nous ? Ne lève-t-il point nos obstacles, n'abaisse-t-il point nos montagnes, ne nous porte-t-il point dans ses mains de peur que notre pied ne heurte contre la pierre ?
Que de dangers écartés, que de difficultés aplanies, que de secours envoyés au moment d'une détresse ! Mais quand il nous a ainsi rendu la vie plus facile, comment le lui rendons-nous ? Est-il vrai que nous n'oublions pas un de ses bienfaits ?
L'histoire du peuple juif n'est-elle point encore la nôtre ? Nous nous sommes engraissés et nous avons regimbé ; nous nous sommes faits gras, gros et épais, et nous avons abandonné le Dieu qui nous a faits, nous avons méprisé le rocher de notre salut.

Dieu avait bâti une tour au milieu de sa vigne. Nous avons dit que c'étaient les sentinelles de l'Éternel, les observations et les avertissements des prophètes. Et que de sentinelles Dieu n'a-t-il point placées dans notre vie ! Que d'avertissements, que d'occasions qui nous crient : Une seule chose est nécessaire ; attache-toi à ce qui est en haut et non à ce qui est sur la terre ! Que de prophètes qui nous rappellent notre fragilité, la fin prochaine de nos illusions, et qui nous appellent à la repentance et à la foi ! Mais ces prophètes, comment les traitons-nous ? Nous faisons la sourde oreille comme le peuple juif l'a fait. Nous retenons la vérité captive, nous ne reconnaissons point les choses qui regardent notre paix. Nous gâtons ces richesses de bonté, de patience et de long support, et nous ne considérons pas que la bonté de Dieu nom convie à la repentance.

Enfin, Dieu avait taillé une cuve dans sa vigne. C'est ce fond que Dieu veut remplir en nous, et où il cherchera le fruit de ses travaux et le souvenir de ses bienfaits. Mais que trouve-t-il ? Des grappes sauvages, quand il s'attendait à des raisins.

Prenons notre vie dans son ensemble. La bonté de Dieu est de tout temps, et chaque heure qui sonne nous dit : Ne la gâte point, il y a là une bénédiction. Cherchons dans le fond de nos souvenirs, nous trouverons des témoignages sans nombre de la vigilance et de la miséricorde de Dieu. Mais tous ces souvenirs sont gâtés ; tous nous accusent de n'avoir point rapporté le fruit que Dieu cherchait. À tous ces souvenirs se rattachent des rechutes et des remords. Si nous devions verser devant Dieu le produit de cette vie terrestre, qu'en ferait-il ? Ce seraient autant de grappes sauvages qui tomberaient ù ses pieds. Nous ne lui répondrions pas sur un seul article de mille qu'il nous proposerait.

2. - Que fera Dieu de ces bénédictions gâtées quand il les passera en revue ?
Nous ne le devinerions guère. Il les ramassera et il en fera de nouvelles bénédictions, plus grandes que les premières.

Je vais vous montrer trois bénédictions de Dieu, les plus grandes de toutes, et celles que nous avons le plus gâtées ; vous allez voir ce que Dieu en a fait.

La première, c'est Jésus-Christ. En nous donnant son Fils, Dieu nous a donné l'objet de toute son affection. Rien de si précieux dans le ciel, rien de si précieux sur la terre que ce don ineffable de Dieu. Comment avons-nous traité cette bénédiction ?
Jamais homme n'a été traité comme Jésus-Christ. Il est venu chez soi, et les siens ne l'ont point reçu. La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. Vous voyez le Saint, le Juste livré aux nations, outragé, couvert de crachats, fouetté, couronné d'épines, cloué enfin à une croix et expirant dans les tourments et dans l'ignominie. Qu'a fait Dieu de cette bénédiction gâtée et ensanglantée sous nos mains criminelles ?
Il a fait de cet homme de douleur le Sauveur du monde ; il a pris ce corps meurtri et en a fait notre rançon ; il a compté tous ces coups barbares, toutes les gouttes de ce sang précieux et tout lui a servi pour opérer notre rédemption éternelle. Ces meurtrissures sont devenues notre guérison ; ces plaies mortelles, notre paix.
Sous les coups qui le frappent, Jésus-Christ nous a été fait de la part de Dieu sagesse, justice, sanctification, rédemption.

Voyez une autre bénédiction. Je parle de notre âme. Y a-t-il rien de si précieux pour nous que notre âme ? Que nous servirait-il de gagner tout le monde, si nous perdions notre âme ? Mais dans quel état se trouve cette âme depuis qu'elle est séparée de Dieu ! Comptez, si vous le pouvez, les ravages du péché ; guérissez ces blessures, ces meurtrissures, ces plaies purulentes. Plus on avance sur ce terrain, plus on trouve la ruine et la désolation. Eh bien ! Dieu a-t-il anéanti ce que nous lui avons gâté ? C'est le contraire. Il choisit les âmes les plus perdues pour faire d'elles ses premiers chefs-d'oeuvre. Il prend une âme en qui logent sept démons, et il en fait une sainte, une héritière du ciel. Il en trouve une autre qui est ruinée par la débauche, par l'orgueil, par l'avarice, et il prend ces rebuts, ces balayures du monde, et en fait des instruments choisis, des élus qui brilleront comme la splendeur de l'étendue.

Ce Dieu si haut, si élevé qui habite dans l'éternité, et duquel le nom est le Saint, ce même Dieu établit sa demeure dans ces âmes gâtées et en fait son atelier divin. Revenez sous peu, et ces cavernes de Satan seront devenues des jardins de Dieu. La joie et l'allégresse se trouveront au milieu d'elles, la louange et la voix de cantique.
Et ce que Dieu fait pour une âme, il le fait pour toute une contrée. Il trouve une horde d'anthropophages, il les arrête ; car son coeur de Dieu est brisé. Il leur envoie l'Évangile et en fait sa puissance. Bientôt ces loups deviendront des agneaux ; ces léopards gîteront avec les chevreaux. Ces hommes féroces naguère forgent maintenant leurs épées en hoyaux et leurs hallebardes en serpes. Une ville ne lèvera plus l'épée contre l'autre, ni ne s'adonnera plus à faire la guerre ; ce sont des frères qui se disent : Allons, allons supplier l'Éternel et le rechercher ; j'irai aussi.

Citons encore une troisième bénédiction. Considérons ce monde plongé dans le mal. Ce monde, dans lequel ont été précipités les démons, Dieu en a fait son champ. C'est cet arpent maudit que Dieu prend, pour le remplir des miracles de sa Providence. Vous ne voyez que des crimes, du sang versé, des guerres civiles ; eh bien ! Dieu peut se servir de tout cela pour en faire les marches de son temple. De nos injustices, Dieu compose sa justice, et les plus grands ennemis de Dieu sont ceux qui lui servent le plus.
Ce Joseph jeté dans un puits et vendu par des frères dénaturés, Dieu fait sauver par lui et l'Égypte et Canaan.
Ceux qui ont allumé les bûchers des martyrs sont ceux aussi qui ont fait sortir de ce feu une foi plus précieuse que l'or, un amour plus fort que les flammes.
Ces horreurs qui nous révoltent, ces bouleversements qui nous entourent, ne seront que sainteté un jour et harmonie divine. Comme Dieu a fait sortir le monde du chaos, il fait sortir sa gloire de nos bénédictions gâtées. Nous ne savons pas maintenant ce qu'il fait, mais laissez-le faire ; vous verrez la lumière sortir des ténèbres et porter la santé dans ses rayons.

Que cela nous console, quand nous ne pouvons nous consoler des choses visibles ou quand nous souffrons trop du dégât que nous avons fait à Dieu. Dieu ramassera ces dégâts ; de nos miettes souillées il ornera son festin ; entre nos mains tout se corrompt, dans celles de Dieu tout se purifie. Sans le savoir, nous lui taillons ses pierres, et nous les reverrons un jour dans son arc de triomphe.

Et que personne ne dise que nous lui conseillons de pêcher pour que la grâce et la gloire de Dieu abondent. Le péché est toujours le péché pour l'homme et pour les nations.
Voulez-vous le péché ? C'est vouloir votre ruine, c'est vous donner pour salaire la mort. Mais le péché est autre chose dans la conscience individuelle et autre chose dans le plan de Dieu. Nous subissons les conséquences du mal que nous faisons nous-mêmes, mais Dieu est libre de faire des mêmes péchés ce qu'il voudra.
Nous nous rendons responsables de nous-mêmes ; Dieu se rend responsable de l'ensemble. C'est dans cette harmonie finale que nous retrouverons nos bénédictions gâtées. Dans cette lumière éternelle nous reverrons, refaits sous les mains de Dieu, Jésus-Christ, notre âme et le monde. Voici, dira le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs : J'ai fait toutes choses nouvelles. Toute bouche sera fermée, et la gloire de Dieu mise dans une pleine lumière.
Attendons ce moment ; c'est celui où les livres s'ouvriront, où nos yeux verront, et où nous jetterons devant le trône nos couronnes, en disant : Seigneur, tu es digne de recevoir la gloire, l'honneur et la puissance, car tu es admirable en conseil et magnifique en moyens ; que tout ce qui respire loue l'Éternel ! Amen.


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