Quand Jésus fut descendu de la montagne, une grande multitude de peuple le suivit.
Et voici, un lépreux vint se prosterner devant Lui et lui dit : Seigneur, si tu le veux, tu peux me nettoyer.
Et Jésus étendant la main, le toucha et lui dit : Je le veux, sois nettoyé ; et incontinent il fut nettoyé de sa lèpre.
Puis Jésus lui dit : Garde-toi de le dire à personne ; mais va-t'en, montre-toi au sacrificateur, et offre le don que Moïse à ordonné, afin que cela leur serve de témoignage.
Un homme, frappé d'un mal incurable,
trouve tout à coup un médecin, et
avec lui une seconde vie ; c'est un
lépreux.
O vous qui avez de la santé, un
intérieur de famille et
une position dans le monde, vous ne savez
peut-être pas ce que c'est qu'un
lépreux. Il est bon que vous le sachiez, ne
fût-ce que pour vous dire : Qui a mis
de la différence entre moi et un
autre ? Qu'ai-je, que je ne l'aie
reçu ? et si je l'ai reçu, comment m'en glorifierais-je
comme si je ne
l'avais point reçu ?
Un lépreux n'est pas un malade
ordinaire ; il échangerait volontiers
de sort avec un aveugle, un paralytique ou un
mendiant de grand chemin ; le plus malheureux
d'entre les hommes a encore des ressources qui sont
ôtées à un lépreux.
Regardez son corps : depuis la plante du
pied jusqu'à la tête il n'y a rien
d'entier en lui, mais il n'y a que blessures,
meurtrissures et plaies purulentes qui n'ont point
été nettoyées, ni
bandées, et dont pas une n'a
été adoucie avec de l'huile. Ce
n'est pas tout : c'est aussi un homme qui est
repoussé de la communion des vivants. Il n'a
plus le droit de demeurer à
côté de ses semblables ;
tête nue et les
vêtements
déchirés, il est errant avec ses
souffrances, sans lieu fixe, sans asile humain.
S'il voit de loin un voyageur, il faut qu'il
l'avertisse et qu'il lui crie :
Détourne-toi, je suis lépreux !
Le soleil se lève, le soleil se couche, la
terre se recouvre de verdure et les arbres de
feuillage, mais pour un lépreux rien ne
change ; lui seul n'a point de printemps,
point de soleil qui porte la santé dans
ses rayons ; son espérance est la
mort, son seul asile le tombeau.
Tel est l'homme que Jésus-Christ rencontre
au moment où il descend de la
montagne ; et là commence une nouvelle
histoire.
Il y a un Médecin pour les incurables et qui ne met point dehors
ceux qui viennent
à Lui. Quand l'homme est radicalement
perdu, l'oeuvre de Jésus-Christ commence. Il
voit ce lépreux et il est ému de
compassion ; nous allons être
témoins d'une rencontre qui jamais ne
serait montée dans l'esprit de l'homme. Le lépreux se prosterne
en terre devant
Jésus et s'écrie : Seigneur,
si tu le veux, tu peux me
nettoyer ; et ce cri pénètre
jusques dans les entrailles de Jésus. Il
fait plus que de s'arrêter, il
étend la main ; cette main cherche
le malheureux et ne craint point de le toucher. Il
y a contact entre le malade et son Médecin,
et c'est ce contact qui fait renaître et qui
produit une nouvelle créature.
Nous lisons ailleurs : Toute la
multitude tâchait de le toucher, car
il sortait de Lui une vertu qui les
guérissait tous. Cette vertu
opérante est dans la parole du
Seigneur ; il dit au lépreux : Je le veux, sois
nettoyé ; et
incontinent il fut nettoyé de sa
lèpre.
Nous aurions déjà une haute
idée de Jésus-Christ, si nous ne
connaissions de Lui que ce seul trait. Cette
puissance surhumaine, et cette sympathie plus
divine encore que sa puissance, il ne faut rien de
plus pour gagner nos coeurs. Mais ce trait
isolé n'est que l'image de quelque chose de
plus grand et de plus général. Il y a
un lépreux plus perdu encore que le
lépreux de l'Évangile : c'est un
pauvre pécheur, quand il
se reconnaît lui-même. Cherchons cette
histoire dans notre propre vie, et là
où est le lépreux, nous verrons aussi
arriver le Médecin. Cette parole est
certaine et digne d'être reçue avec
une entière croyance, que
Jésus-Christ est venu au monde pour sauver
les pécheurs. PERDU Et
SAUVÉ : voilà la Bible et le
sommaire de la vie chrétienne ; ce
qu'on dit de plus vient du malin.
Quand Dieu veut créer un saint, il
crée d'abord un pauvre pécheur. Je
vais vous faire le portrait d'un tel homme ;
nous allons le prendre à trois
époques différentes de sa vie. Il y a
un temps où Jésus-Christ n'est rien
pour lui ; un temps où il lui sera
quelque chose ; enfin un temps où il
lui sera tout.
Vous rencontrez des figures bien différentes
les unes des autres et qui, à
première vue, ne se ressemblent pas plus
qu'un Africain ne ressemble à un
Européen, ou un Européen à un
Africain. Mais percez l'écorce, c'est
toujours le même
homme ; c'est celui que la Bible appelle mort dans ses fautes
et dans ses
péchés.
Voici un galérien qui a derrière
lui des crimes abominables et dont le coeur est dur
comme un rocher.
Voici un artisan qui, parce qu'il donne du pain
à sa famille, croit qu'il a de toutes les
religions celle qui est la meilleure.
Voici un homme de plaisir qui court de fête
en fête et de salon en salon, et qui se
dit : Mangeons et buvons, car demain nous
mourrons.
Voici un homme de cabinet qui s'estime fort
au-dessus du vulgaire et qui ne se produit que
rarement ; son Dieu, c'est sa personne, et son
espoir le nom qu'il laissera après lui.
Voici un homme honnête qui marche la
tête levée, sans crainte et sans
reproche ; sa bonne renommée lui vaut
un crédit sans limite. A-t-il besoin d'un
million ? on lui en offre deux.
Voici un philanthrope qui veut remédier
à la misère du temps par des loteries
de charité et des comités de
bienfaisance.
Enfin, voici un orthodoxe qui a toujours cru
à la Bible ; il n'a
qu'un défaut : il n'aime pas qu'on lui
parle de lui-même.
Ce sont des physionomies bien diverses, n'est-ce
pas ? Eh bien ! allez au fond, c'est
toujours le même homme. L'un est un monstre,
l'autre un génie ; mais ce qui leur
manque à tous, c'est la charrue de Dieu,
c'est un réveil.
Tous ces hommes se passeront de
Jésus-Christ ; ils ont tant de
ressources en eux-mêmes ! Mais Dieu peut
nous mettre à l'étroit et dans cette
situation où il nous faut autre chose que
notre personne ; c'est l'époque des
premiers ébranlements. Le même homme a
reçu un trait, et voilà des illusions
qui tombent, des biens qui échappent, des
accusations qui paraissent. La lèpre est en
route, mais la plaie n'est pas encore hors
d'espérance. On lutte contre
l'aiguillon, mais c'est une lutte bien
inégale. Quand Dieu nous tient sous sa main,
il faut bien que nous y restions. S'il reprend
quelqu'un et qu'il le châtie à cause
de son péché, il consume son
excellence comme la teigne. Il faut combler
ce vide, chasser ce malaise, consoler ce coeur triste, faire
la paix avec
cette conscience qui se remue. Le Sauveur est
à la porte, on fait un pas vers Lui, mais on
ne le connaît pas encore comme Celui qui
est venu chercher et sauver ce qui était
perdu.
Il faut bien enfin le connaître comme tel. Ce
travail du péché va devenir une
malédiction générale. Tous ces
rangements isolés se rencontrent au fond de
l'âme et font sentir que la source de la vie
est attaquée. Nous dépendons de nos
dispositions, mais nous ne les connaîtrons
que quand elles nous feront souffrir. C'est alors
qu'on se trouve en présence d'un esprit
desséché, d'un coeur
désespérément malin, d'une
volonté qui ne veut pas se rendre, des
convoitises qui font la guerre à
l'âme ; on veut se guérir
soi-même, mais plus on se travaille, plus le péché prend
vie ; la
lèpre est à son éruption, il
faut un miracle pour la guérison, le pauvre
pécheur est
formé.
C'est l'heure où Jésus-Christ
descend de la montagne. À l'oeuvre du
péché succède l'oeuvre de la
compassion, qui laisse bien loin derrière
elle toute la pitié des hommes. Il y a
partout des hôpitaux, des gardes-malades, des
dames de charité ; nous vivons dans un
siècle de collectes, d'expositions,
d'industries charitables de toute
espèce ; mais ce qui manque presque
toujours, c'est la vraie pitié.
Jusqu'où entrez-vous dans les misères
des autres ? et jusqu'à quand durera
votre sympathie et votre miséricorde ?
Ces courses, ces oeuvres, ce détachement du
superflu, ces lectures au lit de vos malades,
qu'ont-ils produit jusqu'ici, quels malades ont-ils
guéri, et dans quel esprit avez-vous
continué ainsi ? Faites un
sérieux retour sur vous-même, et vous
sentirez que tout cela est à recommencer.
Vous qui avez un malade à soigner, un faible
à supporter, un enfant difficile à
élever, un parent pauvre à soutenir,
s'il vous fallait faire l'histoire de votre
pitié, ce serait encore une lèpre
à découvrir.
Ah ! les compassions du Seigneur sont bien
autre chose. Elles se renouvellent tous les
matins : c'est une bonté qui est
de tout temps, une charité qui ne finit jamais, une
fidélité toujours grande. C'est aussi la
seule
pitié qui ne fasse point acception de
personnes. Le Seigneur est bon envers tous, et ses
compassions sont par dessus toutes ses oeuvres.
Votre charité a-t-elle ce
caractère ? Voici dix malheureux qui
réclament vos secours : n'avez-vous pas
de l'engouement pour l'un et de l'antipathie pour
l'autre ? S'il fallait vivre trente-trois ans
avec un lépreux, le toucher à chaque
instant, le consoler tous les jours, que vous
resterait-il de votre pitié ?
Mais élevez vos yeux vers les montagnes
d'où est venu le secours, c'est de
là-haut que la vraie pitié est
descendue. Est-ce un seul lépreux que
Jésus-Christ a touché et pour qui se
soient émues ses entrailles ? N'est-ce
point vers tout un peuple qu'il a étendu ses
mains, vers ceux qu'il a vu gisant dans leur
sang, et que personne
ne
pouvait guérir ? Et s'il a
louché ces lépreux, n'est-ce que de
la main qu'il les a touchés ? n'est-il
pas entré lui-même dans cette chair
mortelle, en y paraissant comme un homme
pécheur, et pour le
péché ? Ah ! ces mains
étendues, ce contact avec le lépreux,
c'est l'éternel plan de Dieu et notre
élection en Jésus-Christ avant la
création du monde. Vous voyez ce que Dieu
nous a gratuitement accordé en son Fils
bien-aimé, en qui nous avons la
rédemption par son sang, savoir, la
rémission des péchés, selon
les richesses de sa grâce, qu'il a
répandues avec abondance sur nous, pour
réunir toutes choses en Christ, tant ce qui
est dans les deux que ce qui est sur la terre.
Et comme Jésus-Christ est entré dans
notre chair, il entre aussi dans notre affection
charnelle. Le lépreux touché et
guéri est un pécheur que la
grâce a touché, et qui a
été renouvelé dans son esprit
et dans sa nature intime. Une rencontre
décisive avec Jésus est en même
temps un coup de mort
porté au vieil homme. C'est un autre
principe de vie qui est descendu dans cette chair
mortelle, et qui a change la volonté en la
convertissant à Dieu. Le lépreux veut être nettoyé, et
quiconque
veut, le peut.
L'oeuvre de la grâce se décide, quand
la volonté se décide et qu'elle ne
reste plus enchaînée au mal. C'est la
foi qui produit ce miracle.
La foi en Jésus est aussi une volonté
nouvelle, et celui qui donne la volonté,
donne aussi l'exécution. Le
péché n'aura plus de domination sur
vous, car vous ne le laisserez plus
régner dans votre corps mortel, pour
lui obéir en ses convoitises. Pour cela, mettez-vous bien
dans l'esprit que vous
êtes mort au péché, et que vous
vivez à Dieu, en Jésus-Christ notre
Seigneur.
Si le péché vous tourmente,
cherchez votre vieil homme sur la croix de
Golgotha : c'est sur cette croix que le
corps du péché a été
détruit, afin que vous ne fussiez
plus asservi au péché. Ne dites
plus : Misérable que je suis, qui me
délivrera de ce corps de mort ?
Rendez grâces à
Dieu par Jésus-Christ votre
Seigneur.
Le lépreux est nettoyé, mais
Jésus-Christ lui dit : Garde-toi de
le dire à personne ; mais va-t-en,
montre-toi au sacrificateur, et offre le don
que Moïse a ordonné, afin que
cela leur serve de témoignage. Garde-toi de
le dire à personne !
Pourquoi cette défense ? elle
revient aussi ailleurs. Le Seigneur avait une
raison pour lui et une raison pour le
lépreux.
Le règne de Dieu ne vient point avec
éclat, mais comme la rosée qui
vient en silence ; on ne l'attend point de
l'homme, et on ne l'espère point des
enfants des hommes. Le monde fait sonner la
trompette ; il lui faut des affiches, des
proclamations, du charlatanisme ;
Jésus-Christ ne crie point et
n'élève point sa voix, et ne la fait
point entendre dans les rues. Il ne veut point
que la multitude accoure, qu'on le porte sur les
épaules, qu'on le presse peut-être de
se faire roi ; ce n'est point par
armée, ni par force, c'est par son
Esprit que ces choses se
feront.
Autre raison, et qui regardait le lépreux. Garde-toi de le dire à
personne - est
aussi un conseil donné aux nouveaux
convertis. La conversion est une vie
intérieure, et c'est l'homme caché qui fait croître, ce ne
sont point les
paroles. Il n'y a rien qui appauvrisse comme les racontages chrétiens.
Garder au sentiment religieux sa pudeur, c'est lui
garder sa force ; les occasions de parler
viendront, en attendant croissez dans la
grâce et dans la connaissance de notre
Seigneur Jésus-Christ ; le règne
de Dieu consiste, non en paroles mais en vertu.
Le lépreux guéri doit se
montrer au sacrificateur. Selon la loi
lévitique, le conseil des prêtres
formait aussi un comité sanitaire. Le
sacrificateur regardera le malade et le jugera
souillé. De même, si le
sacrificateur voit que la plaie s'est
retirée, il jugera le malade pur. Telle
était la teneur de la loi, et dans ce
dernier cas le lépreux nettoyé
n'avait qu'une offrande à faire pour rentrer
dans la communion de son
peuple.
II y a ici un sens spirituel que nous entrevoyons
facilement. La loi ne fait que constater le
péché, mais ce n'est point la loi qui
guérit. Je n'ai connu, dit saint
Paul, le péché que par la
loi ; car je n'eusse point connu la
convoitise, si la loi n'eût dit :
Tu ne convoiteras pas. Mais une âme qui
n'est plus sous la loi, et qui est désormais
sous la grâce, peut de nouveau se montrer
à la loi ; car il n'y a plus aucune
condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ.
La loi n'est point abolie, il n'y a que
l'esprit légal qui soit aboli ; on ne
craint plus, on aime, et le bien qu'on fera ne
sera plus forcé, mais il sera
volontaire. La loi qui condamnait est devenue une loi qui
restaure l'âme ; une loi plus précieuse que l'or, plus
douce
que le miel.
Le lépreux guéri apportera avec joie son offrande, et cette
offrande, dit notre
texte, servira de témoignage.
O vous que la grâce a touché, quelle
offrande apporterez-vous, et quel a
été votre témoignage, quand
miséricorde vous a
été faite ? Le souverain
sacrifice, c'est le don de nous-mêmes ;
et ce sacrifice n'est point pénible, quand on a été racheté
de
cette vaine manière de vivre.
Les compassions du Seigneur ont une force qui d'une pierre
même peut faire sortir un
enfant à Abraham, et qui rend plus
que vainqueur par celui qui nous a aimés.
Le témoignage à donner au monde, le
voici : Aimez Celui qui vous a aimés
le premier ; mais il n'y a qu'un pauvre
pécheur pardonné qui puisse aimer. Il
y a dans le monde beaucoup d'honnêtes gens,
et dans l'Église beaucoup de personnes
pieuses ; mais ce qui manque au monde et
à l'Église, ce sont les pauvres
pécheurs qui se reconnaissent tels.
Le mot est si usé et la chose si rare !
Êtes-vous un lépreux ? C'est
alors que vous connaîtrez Celui qui vous a
aimé et qui vous a lavé de vos
péchés par son sang, et vous a fait
roi et sacrificateur de Dieu, son Père.
Ce sont ces lépreux nettoyés qui
font la conquête du monde et dont le
témoignage est
irrésistible. Platon disait :
« Le plus beau des spectacles, pour
quiconque peut le contempler, c'est une belle
âme dans un beau corps. Il y a un spectacle
qui est plus beau encore : c'est le beau
travail de Dieu dans une âme perdue. Quel est
le spectacle favori des anges ? quelle est
leur joie souveraine ? C'est une âme qui
sort de ses misères.
L'enfant prodigue, dans ses haillons et avec son
coeur brisé, est plus beau que tous ces quatre-vingt-dix-neuf
justes qui n'ont pas
besoin de repentance. Ah ! quand on a
souffert de soi-même et qu'on a senti la main
du grand Médecin, on peut aussi aimer et
rendre témoignage de cet amour. Si l'on n'a
plus de paroles, on a encore des larmes, et l'on
peut dire : Vous, tous les bouts de la
terre, regardez à Lui et soyez
sauvés !
Cela leur servira de témoignage ;
les yeux de ceux qui sont encore dehors
s'ouvriront ; ils feront route avec vous, car
ils verront que votre connaissance est aussi la vie
éternelle.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |