Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

V

LES CHAÎNES QUI TOMBENT.

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Matth., VIII, 28-34.

 Quand il fut arrivé à l'autre bord, dans le pays des Gergéséniens, deux démoniaques, étant sortis des sépulcres, vinrent à Lui ; ils étaient si furieux que personne n'osait passer par ce chemin-là.
Et ils se mirent à crier : Qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus, Fils de Dieu ? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ?
Or, il y avait assez loin d'eux un grand troupeau de pourceaux qui paissait.
Et les démons le prièrent et lui dirent : Si tu nous chasses, permets-nous d'entrer dans ce troupeau de pourceaux.
Et il leur dit : Allez. Et étant sortis, ils allèrent dans ce troupeau de pourceaux, et aussitôt tout ce troupeau de pourceaux se précipita avec impétuosité dans la mer, et ils moururent dans les eaux
Alors ceux qui les paissaient s'enfuirent, et étant venus dans la ville, ils y racontèrent tout ce qui s'était passé, et ce qui était arrivé aux démoniaques.
Aussitôt toute la ville sortit au-devant de Jésus, et, dès qu'ils le virent, ils le prièrent de se retirer de leurs quartiers.


  Il y a, dans cette histoire, quelques difficultés sur lesquelles il faut nous entendre d'abord. Premièrement, qui étaient ces Gergéséniens, ou, comme ils sont appelés ailleurs, ces Gadaréniens ? Était-ce une population juive ou une population païenne ?
Nous voyons que ces gens entretenaient des troupeaux de pourceaux, ce qui était contraire à la loi mosaïque ; on croirait alors que ces Gergéséniens étaient païens. Mais nous voyons, à la fin du récit, toute la ville sortir au-devant de Jésus et le prier humblement de se retirer de leurs quartiers. Cette prière des Gergéséniens, après la perte de leurs pourceaux, montre clairement que la conscience de ces gens n'était pas nette ; comme païens, ils auraient chassé ouvertement le Sauveur ; mais les ménagements qu'ils observent et le silence qu'ils gardent sur le dommage qu'ils viennent d'essuyer, sont assez significatifs.
Ces gens ne ressemblent-ils pas à des contrebandiers à qui l'on vient de saisir des marchandises prohibées et qui n'osent pas se plaindre ? Apparemment, ces Gergéséniens, Juifs d'origine, mais touchant à une contrée païenne, avaient perdu par ce contact le respect pour la loi de leurs pères ; Jésus-Christ était venu leur apporter le salut ; mais leur coeur était enchaîné à leurs intérêts matériels, et leur mauvais commerce leur était plus cher que leur âme ; ils sacrifient le Fils de Dieu à quelques pourceaux.

Voici un second point. Il est question de deux démoniaques, et les évangélistes nomment ainsi des hommes en qui logeaient des démons, quelquefois un, quelquefois plusieurs, tantôt même toute une légion ; or, comment une telle cohabitation est-elle possible ? On a voulu éluder la difficulté, en faisant de ces démoniaques des épileptiques ou des forcenés ordinaires ; mais ces deux états ne répondent pas à l'état des possédés, tels que nous les dépeignent les évangiles. Il est évidemment question de démons qui avaient pris possession du corps de ces malheureux, qui ne laissaient plus à ce corps sa liberté, qui le jetaient tantôt dans l'eau, tantôt dans le feu, et qui le tourmentaient misérablement.

Les auteurs sacrés distinguent, comme nous voyons, entre les démons qui parlaient dans le possédé et le possédé lui-même ; cette distinction est aussi faite dans l'histoire présente.
Ce sont d'abord les démoniaques qui crient : Qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus, Fils de Dieu ? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? Puis, un moment après, ce sont les démons eux-mêmes qui parlent et qui prient le Sauveur : Si tu nous chasses, permets-nous d'entrer dans ce troupeau de pourceaux.

Or, une telle cohabitation des démons dans des corps humains est-elle possible ! Il y a un passage qui peut à lui seul trancher la question.
N'est-il pas dit de Judas que Satan entra en lui, après que Judas eut pris le morceau ?
L'homme a été créé pour un maître, et si ce maître n'est plus Dieu, c'est le démon ; et une fois que le démon a pris possession de la citadelle intérieure, il a aussi pris possession du corps ; car c'est l'âme qui régit le corps.
On devient esclave de celui par lequel on est vaincu, du péché pour la mort, comme de l'obéissance pour la justice.
L'homme a la volonté de se donner à Dieu ou de s'adonner au péché ; mais quiconque fait le péché, est du diable ; car le diable pèche dès le commencement. Résistez au diable, et il fuira de vous ; sinon l'oeuvre du diable continue, jusqu'à ce que le corps et l'âme soient perdus dans la géhenne.

On peut demander enfin : Pourquoi les démons veulent-ils entrer dans les pourceaux, et d'où vient que Jésus-Christ permet la destruction de ces animaux, Lui qui a pitié même des bêtes ? On a répondu : C'est parce que le diable est l'être le plus charnel, et qu'un pourceau est le logement le plus digne du diable ; mais il y a encore une autre raison à donner.
Les démons veulent noyer ces pourceaux, parce qu'il était à prévoir que les Gergéséniens, irrités de cette perte, renverraient le Sauveur de leur contrée, et qu'il ne pourrait plus continuer à y faire des miracles. Intention satanique ! Où il y a des corps à détruire et des âmes à tenir loin du Seigneur, Satan est toujours le même.
Quant aux pourceaux noyés, ne peut-on pas assimiler ce cas à celui d'une épizootie, et ne peut-on pas demander aussi : Pourquoi des milliers d'hommes sont-ils moissonnés par la guerre, par la peste ou par le choléra ? Dieu est le Maître des vivants et des morts, le seul Législateur qui puisse sauver et détruire. Ici ce ne sont pas des victimes humaines, ce ne sont que des pourceaux qui sont noyés, et la guérison de deux âmes est-elle achetée trop cher par la mort de quelques animaux ?

Immédiatement après la destruction des pourceaux, les deux démoniaques se sentent guéris ; ils ont retrouvé la paix, et vous les voyez assis, heureux, aux pieds de Jésus. La perte des pourceaux avait aussi une signification pour les Gergéséniens. En retirant les gens du pays de leur contrebande, le Sauveur veut aussi les faire rentrer en eux-mêmes et leur faire comprendre qu'un mauvais gain ne profite pas.

Après ces préliminaires, jetons un coup-d'oeil sur l'ensemble de cette histoire. Nous voyons ici comme le diable peut lier une pauvre âme, comme il peut lier toute une contrée ; mais nous voyons aussi que le Fils de Dieu a paru pour détruire les oeuvres du diable.
Satan ne peut pas même porter la main sur un pourceau, sans demander permission au Seigneur.
Ce fait offre deux points de vue différents : il a un côté obscur et un côté lumineux.
D'une part, ce sont des chaînes forgées pour une âme ou jetées sur toute une contrée ; de l'autre part, ce sont des chaînes qui tombent ; car, si le Fils de Dieu vous affranchit, vous serez véritablement libre.

Le spectacle le plus douloureux c'est celui d'une âme liée. J'appelle ainsi une âme qui n'est plus à elle-même, qui ne peut plus faire ce qu'elle veut et qui est enchaînée de toute manière au mal ; et si l'âme est liée, le corps aussi est lié ; car le corps n'est que l'instrument de l'âme. De là tant de membres qui servent à l'impureté et à l'injustice, ou qui commettent l'iniquité ; ce gosier qui est comme un sépulcre ouvert, ces langues qui servent à tromper, ce venin d'aspic qui est sous les lèvres, cette bouche pleine de malédiction et d'amertume, ces pieds légers pour répandre le sang, et cette désolation, cette ruine qui sont dans de telles voies.

L'expérience journalière vient ici à l'appui de l'Évangile. Laissez-vous dominer par une mauvaise habitude, et bientôt vous ne serez plus à vous, vous serez déjà, en quelque sorte, un homme possédé. Le diable vous saisit par un cheveu, et, si vous le laissez faire, il vous prend demain par tout le corps, et vous ne pouvez plus sortir de ses filets.
Gardez-vous des pièges du chasseur, de la mortalité funeste, de la flèche qui vole de jour, de la destruction qui marche dans les ténèbres ou qui fait le dégât en plein midi.
Résistez dès le commencement, et vous ne vous rendrez esclave de rien. Mais c'est ce qu'on ne fait pas ; on ne surveille point assez ; on se laisse aller ; le péché commence toujours par des bagatelles, mais ces bagatelles deviennent de grosses chaînes ; et, parce que vous n'avez point écrasé l'oeuf, il en sort un aspic.
Prenez l'ivrogne, le joueur, le débauché, le fainéant ; ce sont des hommes qui n'ont plus leur corps à eux ; et comment avaient-ils commencé ? par de petits péchés, et désormais ils ne sont plus maîtres des conséquences. Il est de la nature du péché comme du levain dans la pâte, le travail du mal commencé ne s'arrête pas ; si l'esprit, l'âme et le corps ne sont sanctifiés parfaitement, ils sont parfaitement pervertis ; il n'y a point de milieu. La lutte entre le bien et le mal peut être longtemps indécise, mais l'un ou l'autre l'emportera à la fin, et le mal plus vite que le bien.
N'avez-vous jamais connu d'homme dont les liens soient devenus de plus en plus forts, et qui se soit endurci tellement qu'il n'ait plus été capable de rompre ses chaînes ?

Et ne croyez pas que le diable n'entre que dans les cabarets, dans les maisons de jeu ou dans les mauvais ménages, il entre aussi dans les salons, dans les églises, dans les cabinets de prière ; pourquoi se transforme-t-il quelquefois en ange de lumière ? C'est pour les élégants, pour les gens honnêtes qu'il prend ce costume.
Comme l'air pénètre partout, l'influence du mal entre partout ; ce n'est pas le lieu qui vous sauve, c'est la vigilance et la prière.

Conduirez-vous avec crainte durant le temps de votre séjour sur la terre ; que celui qui est debout prenne garde qu'il ne tombe ; car ce n'est pas contre la chair et le sang que nous avons à combattre, c'est contre les principautés, contre les puissances, contre les princes des ténèbres de ce siècle, contre les esprits malins qui sont dans les airs ; c'est pourquoi prenez toutes les armes de Dieu.
Et, comme le diable peut lier une âme, il peut lier toute une famille, toute une ville, toute une contrée. N'y a-t-il pas des familles où l'Évangile trouve des portes d'airain et des barres de fer ? Pourquoi cela ? C'est que ces familles sont liées, l'une par l'intérêt, l'autre par la justice propre, une autre par les passions ; ce que le diable fait sur une petite échelle, il le fait aussi sur une grande ; vous le voyez par l'exemple des Gadaréniens.
Voilà toute une contrée enchaînée au culte de Mammon ; pas une âme qui se remue pour le Seigneur, ils aiment mieux leurs pourceaux que la plénitude de la divinité qui habite corporellement en Christ. Eh bien ! ces exemples sont-ils rares de nos jours ?
Prenez l'Espagne, l'Italie, et plus d'un pays protestant : ne sont-ce pas des cachots de Satan ? Là aussi il y a des gardes sur les murailles et qui ne se donnent point de repos, ni le jour, ni la nuit, mais c'est afin que la vérité reste loin ; nous ne voulons point, dit-on, que celui-ci règne sur nous !

Satan a ses forteresses comme Dieu a les siennes, et il faut une force surnaturelle pour changer ces ténèbres en lumière. Est-ce parce que Dieu a voulu cet état des choses ? Ah ! gardez-vous de rejeter sur Dieu ce qui vient uniquement de l'homme. Si vous pénétriez dans ces états de ténèbres et dans ces longs endurcissements, vous verriez que c'est l'homme lui-même qui a tendu ses mains à Satan. Il s'est laissé attirer et amorcer par ses propres convoitises, retenant la vérité captive et aimant mieux les ténèbres que la lumière. Et c'est ainsi qu'on s'endurcit et que, par cet endurcissement et ce coeur impénitent, on s'amasse la colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu.

Cependant ne désespérons de personne ; notre texte a aussi un côté réjouissant. Qui aurait cru que ces deux démoniaques, qui étaient les plus liés d'entre tous les Gergéséniens, pussent être affranchis de leurs chaînes et devenir des disciples du Seigneur ?
Deux possédés qui infestaient tout le pays et qui étaient si furieux que personne ne pouvait les dompter, Jésus va en faire deux agneaux, à la louange de la gloire de sa grâce. Quand un homme fort et bien armé garde l'entrée de sa maison, tout ce qu'il a est en sûreté. Mais s'il en vient un plus fort que lui, qui le vainque, il lui ôte toutes ses armes auxquelles il se confiait, et il partage ses dépouilles. Nous avons vu le fort, voyons le plus fort : c'est le Fils de Dieu, qui a paru pour détruire les oeuvres du diable.
Jésus-Christ dit lui-même qu'il a été envoyé pour publier aux captifs la liberté, et aux prisonniers l'ouverture de la prison. Si Jésus-Christ est en nous, celui qui est en nous est plus fort que celui qui est dans le monde. Comment le Sauveur entreprend-il cette oeuvre d'affranchissement ?

Les deux démoniaques étaient d'abord un avec les démons. Lorsque Jésus-Christ s'approche des deux possédés, ils se mettent à crier : Qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus, Fils de Dieu ? es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ?
Ce sont les démoniaques qui crient, ce ne sont pas les démons. Ces deux malheureux étaient unis aux démons, étant devenus un même esprit avec eux. Or, si Jésus-Christ s'approche d'une âme liée, il arrive avec une épée. C'est cette épée qui pénètre jusqu'au fond de l'âme et de l'esprit, des jointures et des moelles, et alors il y aura division.
Une âme ainsi entreprise, sent et dit alors : II y a quelque chose en moi qui n'est pas moi, et qui est du démon.
Il y aura séparation où il y avait consentement au mal ; combat, où il y avait repos de Satan. On découvre dans la chair des désirs contraires à ceux de l'Esprit, une loi dans les membres et une loi dans l'homme intérieur, une force qui subjugue et pousse au mal, et les premiers soupirs après une délivrance.
L'âme s'est reconnue elle-même, elle se réveille enfin de son long sommeil. Mais cette pauvre âme ne peut que remuer ses chaînes, elle ne peut pas les briser. Elle a bien la volonté de faire ce qui est bon, mais elle ne trouve pas en elle le moyen de l'accomplir. Il n'y a que le Fils de Dieu qui affranchisse et qui rende véritablement libre. Et ce qui retient encore loin de Jésus-Christ, c'est la crainte.

Les deux démoniaques tremblent devant Jésus-Christ, car ils s'écrient : Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? Quand le diable voit qu'une âme se réveille et quand il craint de la perdre, il remplit cette âme de terreur, comme il la remplissait auparavant de sécurité. Et où il y a crainte, l'amour n'est point possible, car l'amour produit la confiance. Mais où Jésus-Christ commence, il continue ; où il chasse les démons, il chasse aussi l'esprit de crainte. C'est une autre influence qui se fait sentir et qui ne vient plus de la loi, mais qui vient de la grâce.
Comme il y a un crépuscule du matin, il y a aussi une aurore qui vient de Christ, la lumière du monde. Cette aurore, c'est le pressentiment d'une paix qui surpasse toute intelligence.
Quand l'enfant prodigue était encore loin, le père avait déjà deux bras ouverts pour lui. Ce sont ces cordeaux d'amour qui attirent doucement une âme, celle qui s'est enfin reconnue et que la grâce a touchée. Tel est le miracle que Jésus opère pour les deux possédés.

Il y a dans leur coeur division et rupture d'avec les démons ; d'un état de terreur, qui vient du réveil de la conscience, ils entrent dans un état de confiance, qui vient de l'esprit de vie qui est en Jésus-Christ, et qui affranchit de la loi du péché et de la mort. On peut s'approprier la paix, quand ce lien mystérieux que nous appelons la foi est formé. Les deux possédas vont devenir des vases de l'amour de Dieu, comme ils avaient été des vases de la colère. Ils sont délivrés de la puissance des ténèbres et passent dans le royaume du Fils de Dieu.

En voyant de loin la destruction des pourceaux, ils voient que l'oeuvre de Satan n'est plus en eux, qu'elle est hors d'eux, et ils en frémissent. Ils vont devenir un avec Jésus, comme ils avaient été un avec leurs sombres hôtes, et ils sont consolés. Ils donneront leurs membres pour servir à la justice dans la sainteté, et ayant été affranchis du péché, ils deviendront esclaves de Dieu et auront pour leur fruit la sanctification.


Il n'en est pas de même des autres Gergéséniens. Au lieu de recevoir le Sauveur, ils le renvoient, non pas à bras levés, mais en le priant de se retirer de leurs quartiers. Ils aiment mieux garder leurs chaînes, que de devenir des prisonniers de Christ. C'est l'état d'un coeur mondain qui a horreur de l'Évangile, quand l'Évangile demande des sacrifices.

Mais celte horreur, on la cache ; on veut éconduire Jésus-Christ avec les formes, et ne pas rompre ouvertement avec Lui. La mondanité, on l'appellera prudence ; et le christianisme complet, de la rigidité. Plus tard, Jésus-Christ pourra revenir, quand les intérêts matériels seront moins pressants, ou peut-être lui-même jusqu'alors fera-t-il quelques concessions.
Que de subterfuges quand il faut se détacher et marcher après Jésus, en renonçant à soi-même ! La population des Gadaréniens est la population des demi-chrétiens. Ils n'osent point renier le Sauveur en face, mais ils ne veulent pas non plus qu'il leur noie leurs pourceaux. On tergiverse aussi longtemps qu'on peut, mais il vient une heure où il faut se prononcer. Jésus est une occasion de chute ou une occasion de relèvement ; si vous n'êtes point avec Lui, vous êtes contre Lui ; soyez froid ou bouillant, ou il vous vomira de sa bouche.

Entre les deux démoniaques guéris et la population des Gergéséniens, notre histoire nous montre encore une troisième classe d'hommes : ce sont ceux qui paissaient les pourceaux.
Ces porchers sont témoins du miracle qui se passe avec les deux possédés ; ils admirent la puissance de Jésus, et, courant en ville, racontent tout ce qui s'était passé. Mais il n'est pas dit que ces porchers se soient convertis. Celte classe d'hommes se retrouve encore aujourd'hui.
Ce sont les admirateurs du christianisme, mais qui en attendant n'en usent pas pour eux-mêmes. Ils voient la puissance de l'Évangile dans les pays païens comme dans les pays chrétiens ; ils se font les apologistes du Sauveur et de tout le dogme chrétien, mais ce ne sont que de beaux parleurs, leur piété n'a aucun fond. Le christianisme est autre chose qu'une démonstration de paroles, c'est un acte qui se passe dans le coeur ; ce sont des démons à chasser, des pourceaux à noyer. Mais on aime mieux admirer que de renoncer, mieux être témoin d'une conversion que de se convertir soi-même. C'est qu'on est lié, et on ne veut pas s'avouer ses chaînes.

La vérité de Christ est celle qui affranchit ; où elle n'a rien affranchi, elle n'est pas encore la vérité. Mais quiconque est pour la vérité, entend sa voix. Il est question des âmes qui s'ébranlent et qui soupirent après un changement ; celles-ci comprennent, et leurs chaînes vont tomber.

Pour qui alors est cette histoire ? Pour vous qui êtes encore lié. Voulez-vous rester dans cet état, quand vous pouvez avoir un libérateur et que vous pouvez l'avoir gratuitement ? Est-on heureux quand on est enchaîné ? et une demi-liberté est aussi une chaîne.

Je ne veux pas vous demander ce qui vous tient captif, si c'est une chaîne de fer ou si c'est un cheveu ; mais le cheveu comme la chaîne peuvent servir à Satan. Rien n'est petit, quand il y va de votre paix, et il faut si peu de chose pour la troubler !
Avouez-vous la vérité et n'attendez pas jusqu'à demain ; il y a des misères invétérées, qui toutes viennent de nos demi-résolutions.
Mettez-vous, lié comme vous êtes, dans les bras de Jésus ; il a porté vos liens et il sait combien vous souffrez.
Ouvrez votre âme à la confiance, et la force d'en haut s'accomplira dans votre faiblesse.
Regardez aux deux possédés : auriez-vous eu de l'espoir pour eux ? Eh bien, le Fils de Dieu est encore le même. C'est vous qui êtes ce captif auquel la liberté est annoncée, ce prisonnier dont la prison va s'ouvrir.

Croyez d'abord à ce que Christ a fait pour vous, et vous verrez ce qu'il fera en vous ; n'intervertissez point cet ordre. Au lieu de commencer par de pénibles efforts pour vous rendre digne, selon vous, d'être les objets d'une oeuvre de délivrance, placez-vous sous la croix du Calvaire ; ici vous verrez que ce que vous voudriez faire est déjà fait, que tout est accompli. Les principautés et les puissances sont dépouillées et publiquement exposées en spectacle ; vos péchés et vos chaînes, Christ a triomphé de tout sur la croix.

Montrez-moi un ennemi que Jésus-Christ n'ait point vaincu, un esprit immonde qui ne soit point à ses pieds ; votre âme est échappée comme un oiseau du lacet des oiseleurs ; le lacet a été rompu, et vous êtes échappé.
Et ce que Christ a fait pour vous, il le fera aussi en vous ; cette foi qui justifie est aussi celle qui sanctifie. La joie du salut sera votre force ; tenez-vous ferme dans la liberté dans laquelle Christ vous a mis, et ne vous remettez pas de nouveau sous le joug de la servitude.

Plus vous croyez que vos chaînes sont déjà tombées, plus facilement elles tomberont. L'esprit de crainte fera place à une joie d'enfant, et où il y a joie, il y a vie, liberté, délivrance. Vous vous jetterez sur toute une bande, vous franchirez les murailles ; car votre cause est la cause de Christ, et qui vous attaque, attaque la prunelle de son oeil. Est-ce trop dire ? sont-ce des hyperboles ?
Non, c'est la Parole de Dieu, celle qui demeure éternellement ; et il n'y a aucune puissance contre la vérité, il n'y en a que pour la vérité. Persistez dans cette doctrine, et vous serez véritablement un disciple, et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira.


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