Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

III

UNE FOI ÉPROUVÉE.

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Matth., XV, 21-28.

 Et Jésus, partant de là, se retira aux quartiers de Tyr et de Sidon.
Et une femme Cananéenne, qui venait de ces quartiers-là, s'écria et lui dit : Seigneur fils de David, aie pitié de moi, ma fille est misérablement tourmentée par le démon.
Mais il ne lui répondit rien. Sur quoi ses disciples, s'étant approchés, le prièrent, disant : Renvoie-la ; car elle crie après nous.
Et il répondit : Je ne suis envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël.
Et elle vint et se prosterna, en disant : Seigneur aide-moi.
Et il répondit : II n'est pas juste de prendre le pain des enfants, pour le jeter aux petits chiens.
Mais elle dit : II est vrai, Seigneur ; cependant les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres.
Alors Jésus, répondant, lui dit : O femme ; ta foi est grande ; qu'il te soit fait comme tu le délires. Et à cette heure même sa fille fut guérie.


  À mesure qu'on avance dans la vie chrétienne, on en revient toujours plus à la foi. C'est de toutes les opérations de Dieu la plus belle, la plus féconde, la plus nécessaire ; aussi le Sauveur l'appelle-t-il l'oeuvre par excellence : l'oeuvre de Dieu.
Même la charité, qui est le but du commandement, sort de la foi ; car elle procède d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère. Nous admirons Christophe Colomb, quand il s'élance sur des mers inconnues, avec une vive représentation des choses qu'il espère, et avec une démonstration de celles qu'il ne voit point : eh bien ! la foi chrétienne s'élance plus loin ; son terme est le monde éternel, et sa route va aussi par-dessus les mers et les abîmes.
Et ce qui fait vivre la foi, ce ne sont point les clartés, ce n'est point le bien-être, ce sont les combats, les ténèbres, les dénuements ; les âmes les plus fondées, ce sont celles qui avaient été les plus ébranlées, les plus battues de la tempête.
Quand les mauvais soutiens sont rompus, il y a place pour l'infinie grandeur de la puissance de Dieu et pour cette foi qui est aussi la victoire du monde.

L'Évangile, qui nous instruit plus encore par des exemples que par des préceptes, nous présente surtout des exemples de foi. Nous avons le centenier de Capernaüm, le lépreux, l'aveugle de Jérico, d'autres malades encore, hommes et femmes ; mais tous ces exemples s'effacent devant la foi de la Cananéenne.
C'est à cette Syrophénicienne que le Sauveur rend lui-même le plus beau témoignage, en s'écriant : O femme, ta foi est grande ; qu'il te soit fait comme tu le désires ! Il y a dans cette foi une vigueur, une persévérance, un mâle courage, qui en font véritablement une foi modèle.

Cependant il y avait bien de quoi décourager la Cananéenne dès le début ; être traitée comme elle a été traitée, et ne pas se scandaliser, conserver jusqu'à la fin ce qui la soutenait dès le commencement, voilà l'apprentissage que nous avons à faire, si nos rapports avec Jésus-Christ doivent avoir du résultat.
Comment une femme païenne est-elle arrivée à une telle hauteur chrétienne ?
Le Seigneur, comme nous le voyons, l'a fait passer par des épreuves. Or, il y a des épreuves extérieures et des épreuves intérieures : les premières nous viennent des événements ; les secondes des luttes contre nous-mêmes. Et ces dernières épreuves sont plus violentes que les premières ; il y a dans notre coeur tout un monde de révolte, et c'est de ce monde intérieur que la Cananéenne a triomphé.

Lazare, devant la porte du riche, avait à lutter contre les douleurs du corps et contre les soucis de la vie ; c'est déjà un cas bien dur, un cas terrible ; mais il y a des ennemis plus redoutables pour notre foi : ce sont ces découvertes que nous faisons dans nous-mêmes, et ces chaînes du vieil homme qui apparaissent tout à coup dans les sombres abîmes du coeur. Vous n'avez qu'à suivre Jésus : dans le chemin étroit, vous apprendrez à vous connaître ; vous verrez que tout n'est pas si converti en vous que le public le croit. Mais vous voyez aussi, par l'exemple de la Cananéenne, que la foi est non seulement la victoire du monde, qu'elle est aussi la victoire du coeur.
Vous pouvez devenir plus fort que vous-même, et ce second triomphe est plus beau que le triomphe sur les événements.
Qui est capable de cela ? Nous allons le voir. Vous avez sous les yeux UNE FOI ÉPROUVÉE. Le Seigneur est ici comme un feu qui raffine, et comme le savon des foulons ; c'est à cette école que la Cananéenne est devenue ce que vous la voyez être.
Elle passe par trois épreuves qui ont un caractère général ; c'est de ces trois épreuves de la foi que nous allons parler. L'homme du monde ne les connaît pas ; mais, dès qu'on fait route avec Jésus, elles sortiront du coeur l'une après l'autre, car le Sauveur n'épargne personne ; c'est parce qu'il nous aime et qu'il veut nous rendre participants de sa sainteté. Regardons de plus près l'histoire de la Cananéenne, et nous saurons de quoi il s'agit.

Jésus, dit notre texte, se retira aux quartiers de Tyr et de Sidon. Il n'allait point habituellement jusque-là ; sa mission, comme il le dit lui-même, ne s'adressait en premier lieu qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël. Cependant il avait encore d'autres brebis qui n'étaient point de cette bergerie, et il faut aussi, dit-il, que je les amène, et elles entendront ma voix, et il n'y aura qu'un seul troupeau et qu'un seul berger.
La Cananéenne est une de ces brebis étrangères ; c'est une femme qui a une fille malade et misérablement tourmentée par le démon. Cette épreuve la jette au-devant du Sauveur ; probablement elle avait déjà entendu parler de Lui comme d'un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et de vaut tout le peuple ; c'étaient déjà quelques impressions préliminaires qu'elle avait reçues ; mais dans ses rapports directs avec Jésus tout cela va s'éclaircir.
La Cananéenne n'avait ni la loi ni les prophètes, mais elle avait des besoins d'âme ; et c'est comme une mère malheureuse qu'elle crie après Jésus : Seigneur, fils de David, aie pitié de moi.

Quelle réponse lui fait le Seigneur ? D'abord aucune ; nous lisons : II ne lui répondit rien. Première épreuve déjà, grande épreuve : on crie à Jésus, et Jésus ne répond rien.

Entrons plus avant dans la situation de la Cananéenne : elle peut demain être la nôtre. Il y a de ces épreuves qui font crier au Seigneur et où les prières ordinaires ne suffisent plus. L'épreuve de la Cananéenne est une épreuve domestique ; et si nous voulions entrer dans la vie des familles, nous trouverions aussi là bien des visitations. Mais la véritable épreuve de la Cananéenne n'avait pas encore commencé : nos vraies visitations ne commencent que quand Jésus ne nous répond rien. Avec Jésus, on peut traverser l'eau et le feu ; mais on n'a pas toujours le sentiment de sa présence.
Le monde de la prière est souvent comme fermé ; on demande, et l'on ne reçoit pas ; on cherche, et l'on ne trouve pas ; on heurte, et personne n'ouvre. La prière retombe comme d'un ciel d'airain, et quand la prière ne produit plus rien, qu'est-ce qui reste ? C'est cette immobilité du Seigneur qui fait souffrir.
Hélas ! quel état quand il faut se débattre avec soi-même, et que de tous les côtés du coeur ne sortent que des misères ! L'âme, dans ces moments, est un vrai labyrinthe ; on ne se connaît plus, on ne se retrouve plus, et tout ce qu'on fait est peine perdue. Il y a un désordre général dans les pensées, une affreuse pusillanimité dans le coeur, une entière paralysie dans la volonté ; toutes les vagues et les flots ont passé sur nous. Voilà ce que nous sommes sans Jésus ; il est bon de le savoir, de le savoir tous les jours. Jésus ne répondit rien. Pauvre Cananéenne, et cependant tu as continué à crier ; tu n'as rien senti des compassions du Seigneur, et cependant tu as cru ; les disciples voulaient te renvoyer, et ta foi a été plus forte que les disciples. Ah ! il y avait là quelque chose qui n'était plus la Cananéenne et qui était Dieu, Dieu dans l'âme, Dieu travaillant, insistant, dégageant le divin de ses entraves, et préparant un de ces chefs-d'oeuvre qu'on ne découvre que dans les misères d'un pauvre pécheur.

Pourquoi Jésus ne répondit-il rien ? le cas peut aussi se présenter pour nous.
L'épreuve de la Cananéenne est l'épreuve de tous : c'est quand il faut croire en dépit de ce qu'on sent. Nous avons l'habitude de ne croire qu'aussi longtemps que nous éprouvons quelque chose, et quand notre coeur ne sent plus rien ou que notre prière ne produit plus rien, nous ne croyons plus ; mais la vraie foi est autre chose : c'est le quoi qu'il en soit, mon coeur se repose sur Lui, ma délivrance vient de Lui. Ce qui soutient la Cananéenne, c'est ce Sauveur vivant et qu'elle ne perd point de vue ; c'est de Lui, ce n'est point d'elle-même qu'elle prend son point de départ. L'invariabilité est hors de nous, elle n'est pas en nous ; il y a une plénitude qui ne diminue point, et vous l'avez dans la personne de Jésus. Dans sa personne, vous avez aussi son oeuvre, ses promesses, son éternel amour, son infatigable intercession.

Qu'il parle ou qu'il se taise, qu'il vous tende les bras ou qu'il se cache dans la tempête, il est vivant, il est fidèle, il ne peut pas se renoncer lui-même : quand enfin le croirez-vous ? il serait temps de le croire une fois pour toujours. Mais au lieu de cela, que faites-vous ? Vous vous tâtez vous-même ; et votre Sauveur, à vous, ce sont vos impressions. Vous vous fondez sur les hauts et les bas de votre esprit, sur vos craintes ou sur vos espérances, et alors comment être ferme ?
Tout au contraire, c'est le vrai moyen d'enfoncer dans l'agitation et de n'en jamais sortir. Il vous faut du roc vif, et ce roc vous l'avez : c'est ce Jésus-Christ, qui est le même hier, aujourd'hui, éternellement.
Ce qu'il a été pour la Cananéenne, il l'est aussi pour le dernier des pécheurs. Mais croyez, et croire c'est demeurer ferme, comme voyant Celui qui est invisible.
Cela n'est pas facile, je le sais bien ; mais c'est parce que cela vous manque, qu'il faut l'apprendre. Et quand voulez-vous l'apprendre ? est-ce quand tout va bien, quand vous nagez dans la paix, quand vous êtes entouré de soutiens ? À ces conditions, jamais la Cananéenne ne serait devenue la Cananéenne.
Jésus ne lui répondit rien -. voilà l'école du vrai croyant. Vous demandez : Mais que faut-il faire dans l'intervalle ? quand je suis mort et que mon coeur m'abandonne, que faut-il faire ? Eh bien, il faut attendre. N'avez-vous jamais fait attendre le Seigneur ? De quoi avez-vous vécu jusqu'ici ? n'est-ce pas des richesses de sa bonté, de sa patience et de son long support ? n'est-ce pas la longue patience de votre Seigneur qui est pour votre salut ? Et s'il diffère, vous ne l'attendriez pas, quand vous avez la promesse qu'il viendra assurément et qu'il ne tardera point ?
É
coutez le Psalmiste : J'ai patiemment attendu l'Éternel, et il s'est tourné vers moi et a ouï mon cri. En vous tenant en repos et en assurance, vous serez délivré ; mais au lieu de cela, vous voulez vous enfuir sur des chevaux.
Restez, attendez ; il est bon d'attendre en repos la délivrance de l'Éternel. Couchez-vous comme la pécheresse aux pieds de Jésus ; c'est cette attitude qui vous manque, et c'est la seule chose nécessaire. Il vous cachera dans sa tente au mauvais jour ; entrez dans cette tente, vous verrez comme on s'y trouve bien. Si vous ne pouvez plus prier, vous pouvez encore soupirer, et si vous ne pouvez plus soupirer, eh bien ! un autre prie, un autre soupire pour vous. N'abandonnez point votre confiance, qui doit avoir une si grande récompense. Le Sauveur de la Cananéenne vit encore ; il vous a abandonné pour un peu de temps, mais il vous rassemblera par ses grandes compassions. Il a caché sa face un moment dans le temps de la colère ; mais il aura compassion de vous par une miséricorde éternelle, a dit l'Éternel, votre Rédempteur.

Si vous avez bien passé par une première épreuve, vous serez jugé digne d'en subir une seconde. C'est toujours un signe que le Seigneur pense à nous, s'il arrive à nous de cette manière.
Regardons de nouveau à la Cananéenne. Jésus va répondre, mais sa réponse a tout à fait l'air d'un refus. Je ne suis envoyé, dit-il, qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël Ainsi non point à toi, malheureuse Cananéenne ; tu es séparée de la république d'Israël, étrangère par rapport aux alliances et aux promesses ; celui que tu poursuis de tes cris, te laisse sans espérance et sans Dieu dans le monde.

Voilà ce qu'aurait pu se dire la Cananéenne, et ce que nous nous disons souvent sourdement dans nos heures d'épreuve, quand il semble qu'il y a un abîme entre les paroles du Sauveur et nous.
Cette épreuve a encore un caractère général. Ce sont toutes les situations où nous ne pouvons pas saisir les promesses du Seigneur, où il a l'air de n'être venu que pour les autres, de n'être pas venu pour nous.
On a devant soi la Bible toute pleine de vérités excellentes, on l'admet comme la Parole de Christ ; mais aucune de ces paroles n'agit, on ne peut pas s'en approprier un iota.
On croit alors qu'on n'est pas assez perdu, pas assez repentant, pas assez préparé pour Jésus. On s'égare dans une foule de scrupules, et ce sont ces scrupules qui sont une nouvelle supercherie du vieil homme ; on les prend pour de l'humilité, et elles ne sont au fond que de la justice propre.
Avant de s'appliquer le salut gratuit dans toute son étendue, on veut se disposer pour le Seigneur ; mais plus on se travaille, moins on y réussit. Un maure peut-il laver sa peau, un léopard faire disparaître ses taches ? Ou quand ce premier travail ne réussit pas, on en entreprend un autre. On établit des comparaisons, et l'on cherche à droite et à gauche les brebis perdues de la maison d'Israël. On se dit : Si j'étais comme un tel, je serais bien heureux et je pourrais aussi tout m'approprier. On se cite en exemple tout ceux qu'on regarde comme plus avancés que soi, et l'on se dit que lorsqu'on sera parvenu à la même hauteur, on croira comme eux, et l'on se regardera aussi comme dans le bercail de Jésus. C'est-à-dire qu'on veut croire à un Sauveur, quand on n'aura plus besoin d'un Sauveur ; on veut se réclamer de ses promesses, quand on se sera suffisamment pourvu soi-même.
Quel renversement ! faire de Jésus le médecin de ceux qui se portent bien, quand il est venu chercher et sauver ce qui était perdu ! attendre qu'on se soit préparé, qu'on se soit vivifié, quand la source de la vie est avec Lui, et qu'il ne donne pas sa gloire à un autre ! Que sont toutes les sommités chrétiennes qu'on se cite comme les brebis privilégiées du Seigneur ? Il n'y a point de distinction, tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. Le plus converti sera le premier à sentir son néant ; s'il a fait plus que tous les autres, ce n'est pas lui, c'est la grâce de Dieu, celle qui s'accomplit dans la faiblesse.

N'échangez point les rôles ; donnez-vous tel que vous êtes à Jésus.....
La Cananéenne se dit : il est ici pour moi, et je suis ici pour Lui. Elle s'assure du Seigneur, et c'est aussi s'assurer de ses promesses. Jetez vos considérations, et les paroles du Seigneur pourront vous atteindre. Élargissez votre coeur, loin de vous ces soucis, ces calculs, ces méfiances ! Réjouis-toi avec des chants de triomphe, âme stérile qui n'enfantes point ! élargis le lieu de ta tente et allonge tes cordages ! connais enfin l'amour de Christ, qui surpasse toute connaissance.
Et quand voulez-vous le connaître ? sera-ce de nouveau quand tout ira bien ? quand vous aurez été assez habile pour vous aider vous-même ? Ah ! votre état normal ce sont des combats au-dehors et des craintes au-dedans ; il faut des impossibilités matérielles et des impossibilités spirituelles, pour que Jésus se glorifie et que sa grâce nous suffises. Ici ce n'est point la Cananéenne que nous admirons, c'est cette grâce qui est toujours victorieuse. C'est elle qui applique, ce n'est pas vous ; c'est elle qui vous ouvre le bercail des brebis perdues, et si elle ouvre qui est-ce qui ferme ? si elle ferme, qui est-ce qui ouvre ?
N'écoutez pas vos considérations, saisissez avec une parfaite espérance la grâce qui vous est présentée ; après avoir cru en dépit de vos sentiments, croyez encore en dépit de vos scrupules ; vous verrez comme cela rend fort, vous en avez la preuve dans la Cananéenne. Si elle prend pour elle une parole qui semble être contre elle ; c'est qu'elle s'est attachée à Jésus ; quand il la tuerait, elle espérerait encore. Faites-en de même, et vous serez à deux doigts d'un triomphe.

Pas encore cependant. Reste une troisième épreuve, la plus rude de toutes. Jésus se retourne de nouveau : est-ce pour aider ? Non, il vient avec une parole plus dure encore que la première : Il n'est pas juste, dit-il, de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens.
Voilà la Cananéenne couverte de mépris ! C'est son indignité qu'elle doit sentir. Jésus-Christ ressemble ici à un Juge et non à un Sauveur. C'est encore une épreuve générale : c'est quand Jésus-Christ nous met en présence de nous-mêmes et qu'il réveille en nous la coulpe du péché. Le péché a une force écrasante, et il y a des accablements où l'on ne voit plus la grâce et où nos iniquités nous ont atteints, elles surpassent en nombre les cheveux de notre tête et où le coeur nous manque.

Notre plus grande épreuve est alors l'effroi de notre indignité ; il faut encore triompher de notre conscience, comme nous avons triomphé de nos sentiments et de nos considérations. Le sentiment du péché peut parler de plus d'une manière. II y a des hommes à qui il n'a jamais parlé et à qui il ne parlera que quand il sera trop tard.
D'autres ressemblent à des malades qui sont travaillés par une éruption interne, mais qui n'éclate pas ; ce sont ces hommes qui sont toujours mal à leur aise, sans savoir jamais pourquoi. C'est le péché qui les ronge, mais ils ne veulent pas le voir et ils ne souffrent pas qu'on leur en parle.
Ailleurs, le sentiment du péché est encore autre chose. C'est un remords isolé et qui peut traverser toute une vie. Il y a de ces pénibles souvenirs qui peuvent bien vous laisser des moments tranquilles, mais qui vous saisissent de nouveau, comme un ver qui ne veut point mourir, comme un feu qui ne veut point s'éteindre. Mais le vrai sentiment du péché est quelque chose de plus général. Il vous arrive quand votre nature entière est mise en présence de la lumière de Dieu. II y a de ces moments où, sans avoir commis aucun péché nouveau, toute notre personne nous est tout à coup en horreur. Jésus-Christ a, pour le plus honnête chrétien, des accablements qui écrasent, où il croit n'avoir à faire qu'à un juge et où le vrai Jésus-Christ a comme disparu.

Cependant la Cananéenne croit encore ; son coeur la condamne, mais il y a ici quelqu'un qui est plus grand que son coeur ; elle sait où le péché abonde, mais elle sait aussi où la grâce surabonde.
Elle répond : II est vrai, Seigneur ; cependant les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Elle voit une espérance qui ne confond point, une miséricorde qui s'élève par-dessus la condamnation. Quoi qu'en dise la conscience, Jésus-Christ n'est pas un juge ; il n'est point venu pour condamner le monde, mais afin que le monde soit sauvé par Lui.
Ne perdez pas de vue cette source ouverte pour le péché et pour la souillure ; et quand doit-elle couler pour vous ? Sera-ce de nouveau quand tout ira bien, quand vous vous féliciterez de vos progrès chrétiens ? Rendez grâces plutôt, quand vous vous serez enfin reconnu le dernier des pécheurs ; c'est alors seulement que vous pourrez dire : J'ai obtenu miséricorde, afin que Jésus-Christ fit voir, en moi le premier, une parfaite miséricorde, pour servir de modèle à ceux qui croiront en Lui, pour avoir la vie éternelle.

C'est ici que finit l'épreuve, celle qui n'est que pour un peu de temps, celle qui est convenable. Ce qui vient après, c'est louange, honneur et gloire. Quand Jésus-Christ se retourne, il dit à la Cananéenne : O femme ! ta foi est grande ; qu'il te soit fait comme tu le désires ! Et à cette heure même sa fille fut guérie.

Il est donc vrai qu'il nous sera fait selon notre foi. Si nous ne croyons pas, nous ne voyons aucun miracle ; si nous croyons peu, nous voyons peu de miracles ; si nous croyons toujours, nous voyons toujours des miracles. Et c'est peu que la foi triomphe du monde ; elle vous fait encore triompher de vous-même, de vos sentiments, de vos considérations et même de votre conscience.

La foi est le terrain de l'âme, de sa liberté et de son bonheur. Quand êtes-vous maître des événements de votre vieille nature ? C'est quand vous pouvez espérer contre tout sujet d'espérance. Il faut au vrai soldat des combats, au vrai matelot des tempêtes, au vrai chrétien un monde fermé.
Voilà comme avait été formée la Cananéenne ; toute sa route n'avait été qu'une direction d'amour. Rappelez-vous cette femme païenne, quand vous désirerez autre chose qu'un chemin étroit, qu'un avenir voilé, qu'une vie de combats.
Votre grand gain, c'est de suivre Jésus, aujourd'hui dans l'humiliation, demain dans la gloire. Il est vrai, son chemin va par la mer, et ses sentiers par les grosses eaux ; mais pourquoi regardez-vous au chemin ? Votre assurance, c'est votre guide. Christ est la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu, et comme tel l'espérance de la gloire. Avancez avec Lui, en demeurant sous sa discipline ; il vous préservera de toute chute, et vous fera paraître sans tache et comblé de joie en sa glorieuse présence.


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