Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII.

PRÉDICTIONS RELATIVES AUX JUIFS.

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Lorsque Moïse, comme législateur inspiré, promettait aux Israélites que la prospérité et la paix récompenseraient leur obéissance, il les menaçait en même temps de punitions qui s'augmenteraient en proportion de leur rébellion et de leur impénitence. C'est la seule nation de la terre à l'égard de laquelle le suprême Gouverneur du monde ait tenu une pareille conduite, et cependant ses crimes amenèrent sur elle des malheurs extraordinaires, malheurs qui continuent encore.

Il serait impossible de retracer aujourd'hui en termes plus précis l'histoire des Juifs depuis leur dispersion que ne le fait leur prophète, trois mille deux cents ans avant l'événement.
C'est dans le plus ancien des livres que nous trouvons la fidèle représentation de la condition actuelle de ce peuple infidèle. Moïse ne prétendit porter ses regards que dans un avenir lointain ; mais une révolution de plusieurs siècles a mis l'objet de sa contemplation sous nos yeux ; nous pouvons examiner les traits de cet avenir qu'il voyait déjà, et nous pouvons décider s'il est probable que ses prophéties fussent les simples souvenirs d'un homme qui ne sait pas ce qu'un jour peut amener, ou la révélation immédiate de « Celui pour qui mille ans ne sont que comme le jour d'hier qui est passé ».

« Je vous disperserai parmi les nations, je dégainerai l'épée après vous, et votre pays sera en désolation, et vos villes en désert ; et pour ce qui est de ceux qui demeureront de reste d'entre vous, je rendrai leur coeur lâche quand ils seront au pays de leurs ennemis, de sorte que le bruit d'une feuille émue les poursuivra ; ils fuiront comme s'ils fuyaient de devant l'épée, et ils tomberont sans que personne les poursuive ; et vous ne pourrez point subsister devant vos ennemis ; vous périrez, parmi les nations, et la terre de vos ennemis vous consumera, et ceux qui demeureront de reste d'entre vous se fondront dans les pays de vos ennemis à cause de leurs iniquités, et ils se fondront aussi à cause des iniquités de leurs pères et des leurs.
Mais cependant, lorsqu'ils seront dans le pays de leurs ennemis, je me souviendrai d'eux et je ne les rejetterai point, et je ne les aurai point en aversion jusqu'à les consumer entièrement (54).

« L'Éternel vous dispersera entre les peuples et vous demeurerez en petit nombre entre les nations parmi lesquelles l'Éternel vous fera emmener (55). »

« L'Éternel fera que tu seras battu devant tes ennemis ; tu sortiras par un chemin contre eux, et par sept chemins tu t'enfuiras devant eux, et tu seras vagabond par tous les royaumes de la terre (56). »

« L'Éternel te frappera de frénésie, d'aveuglement et d'étonnement de coeur ; tu iras en tâtonnant en plein midi comme un aveugle tâtonne dans les ténèbres ; tu n'auras point d'heureux succès dans tes entreprises et tu seras toujours opprimé et pillé, et il n'y aura personne qui te garantisse. Tes fils et tes filles seront livrés à un autre peuple, et tes yeux le verront et se consumeront tous les jours en regardant vers eux, et ta main n'aura aucune force ; et un peuple que tu n'auras point connu prendra le fruit de ta terre et tout ton travail, et tu seras exposé tous les jours à souffrir des torts et des concussions, et tu seras hors de toi-même pour les choses que tu verras de tes yeux. L'Éternel te fera marcher vers une nation que tu n'auras point connue ni toi ni tes frères, et tu seras là un sujet d'étonnement, de railleries et de folie parmi tous les peuples vers lesquels l'Éternel t'aura emmené (57). »

« Parce que tu n'auras point servi l'Éternel ton Dieu autrefois et de bon coeur, dans l'abondance de toutes choses, tu serviras ton ennemi que Dieu enverra contre toi dans la faim, dans la soif, dans la nudité et dans la disette de toutes choses, et il mettra un joug de fer sur ton cou jusqu'à ce qu'il t'ait exterminé ; alors l'Éternel te frappera, toi et ta postérité, de plaies étranges, de plaies grandes et de longue durée (58). »

« Et toutes ces malédictions t'environneront et te poursuivront, et ces malédictions seront sur toi et ta postérité, pour être des signes et des prodiges à jamais ; et il arrivera que comme l'Éternel s'est réjoui sur vous, en vous faisant du bien et en vous multipliant, aussi l'Éternel prendra plaisir à vous faire périr et à vous exterminer, et vous serez arrachés de dessus la terre où vous allez pour la posséder ; et l'Éternel te dispersera parmi tous les peuples depuis un bout de la terre jusqu'à l'autre : encore ne trouveras-tu aucun repos parmi ces nations-là, et même la plante de ton pied n'aura aucun repos ; car l'Éternel te donnera là un coeur tremblant et des yeux qui ne verront point, une âme penchée de douleur, et la vie sera comme pendante devant toi, et tu seras dans l'effroi nuit et jour, et tu ne seras point assuré de ta vie. Tu diras le matin : Qui me fera voir le soir ? et le soir tu diras : Qui me fera voir le matin ? à cause de l'effroi dont ton coeur sera effrayé, et à cause de ce que tu verras de tes yeux (59). »

Les prophètes qui se succédèrent pendant beaucoup de siècles firent aussi des prédictions semblables :
« Je les livrerai à être agités par tous les royaumes de la terre. Je vous transporterai en un pays que vous n'aurez point connu, parce que je ne vous aurai point fait grâce. Je leur donnerai à manger de l'absinthe, je leur donnerai à boire de l'eau de fiel et je les disperserai parmi des nations qu'eux ni leurs pères n'ont point connues (60).

Et je les livrerai pour être agités, pour souffrir du mal par tous les royaumes de la terre, et pour être en opprobre, en proverbe, en risée et en malédiction par tous les lieux où je les aurai chassés ; et j'enverrai sur eux l'épée, la famine et la mortalité, jusqu'à ce qu'ils soient consumés de dessus la terre que je leur avais donnée à eux et à leurs pères (61).

J'ai désolé et j'ai fait périr mon peuple, et je les abandonnerai pour être agités par tous les royaumes de la terre, et pour être en exécration, en étonnement, en sifflement et en opprobre à toutes les nations parmi lesquelles je les aurai chassés (62). J'exécuterai mes jugements sur toi, et je disperserai à tous vents tout ce qui restera de toi (63).

Je les répandrai parmi les nations et je les disperserai par les pays (64).

Ils jetteront leur argent par les rues, et leur or sera comme une chose souillée ; ni leur argent ni leur or ne les pourra délivrer du jour de la grande colère de l'Éternel ; ils n'en rassasieront point leurs âmes et n'en rempliront point leurs entrailles parce que leur iniquité a été leur ruine (65).

Car je commanderai, et je ferai courir la maison d'Israël parmi toutes les nations, comme le blé est remue dans le crible sans qu'il en tombe un grain en terre. Et la mort sera plus désirable que la vie, et tout le reste de ceux qui seront restés de cette race méchante ; même à ceux qui seront restés parmi tous les lieux où je les aurai chassés, dit l'Éternel des armées. Ils seront errants parmi les nations (66).

Engraisse le coeur de ce peuple-ci, et rends ses oreilles pesantes et bouche ses yeux, en sorte qu'il ne voie pas de ses yeux, et qu'il n'entende pas de ses oreilles, et que son coeur ne comprenne pas, et qu'il ne se convertisse pas, et qu'il ne recouvre pas la santé ; et je dis : Jusqu'à quand, Seigneur ? Et il répondit : Jusqu'à ce que les villes et les maisons aient été tellement désolées qu'il n'y ait aucun homme, et que le pays soit mis dans une entière désolation, et que l'Éternel ait éloigné les hommes, et que le pays ait été longtemps abandonné (67).

Et lorsqu'ils s'en iront en captivité devant leurs ennemis, je commanderai à l'épée qu'elle les y tue ; je mettrai mes yeux sur eux pour leur faire du mal et non pas du bien.
Celui qui a dispersé Israël le rassemblera et le guidera comme un berger guide son troupeau Et toi, Jacob, (68) mon serviteur, ne crains point et ne t'épouvante point, ô Israël ! car voici, je vais te délivrer du pays éloigné, et ta postérité du pays de ta captivité. Je détruirai entièrement toutes les nations parmi lesquelles je t'aurai dispersé ; mais je ne te consumerai pas tout à fait, mais je te châtierai par mesure ; toutefois je ne te tiendrai pas tout à fait comme innocent. (69) Les enfants d'Israël demeureront plusieurs jours sans roi et sans princes, sans sacrifice et sans statuts, sans éphod et sans téraphim. Mais après cela les enfants d'Israël se retourneront et rechercheront l'Éternel leur Dieu, et David leur roi, et révéreront l'Éternel et sa bonté aux derniers jours (70). »

Toutes ces prédictions relatives aux Juifs ont toute la clarté de l'histoire et toute l'assurance de la vérité. On y voit les circonstances, l'étendue, la nature et la durée de leur dispersion ; les persécutions qu'il leur a fallu éprouver, leur aveuglement, leurs souffrances, leur faiblesse, leurs craintes, leur pusillanimité, leur existence vagabonde, leur incorrigible impénitence, leur avarice insatiable, et la terrible oppression, la continuelle spoliation, la moquerie universelle auxquelles ils sont exposés, et cependant l'existence indestructible de leur race disséminée sur toutes les parties du globe.

Ils devaient être, « chassés de leur pays, battus devant leurs ennemis, leur pays désolé, et ne demeurer de reste qu'en petit nombre. »
Les Romains assiégèrent leurs villes, les détruisirent et ravagèrent tout le pays ; et ceux qui parvinrent à échapper à la famine, à la peste, à l'épée et à la captivité, furent forcés de quitter la Judée, et s'enfuirent pour chercher une retraite dans les contrées environnantes.
Néanmoins ils s'attachèrent quelque temps encore à la terre que leurs pères avaient possédée pendant tant de siècles, et qu'ils regardaient comme l'héritage que le ciel destinait à leur race ; et une seule expulsion, tout affreuse qu'elle fût, ne put les décider à abandonner leurs droits à un si glorieux patrimoine. Quelque grandes qu'eussent été les misères qu'ils avaient eu à souffrir par le massacre de leurs familles, par la perte de leur fortune et de leurs maisons, par l'anéantissement de leur puissance, par la destruction de la capitale de leur royaume, et par la dévastation de leur pays par Titus, les Juifs fugitifs et proscrits ne tardèrent pas à revenir sur leur sol natal ; à peine soixante ans se furent-ils écoulés que, trompés par un séducteur, séduits par l'espoir de la venue d'un Messie victorieux, et poussés à la révolte par une tyrannie insupportable, ils tentèrent un effort vigoureux et combiné, mais désespéré, pour reprendre possession de la Judée, briser le joug des Romains et arracher leur pays à sa ruine.

Une guerre soutenue pendant deux ans par l'enthousiasme et le désespoir, et dans laquelle, dit-on, cinq cent quatre-vingt mille Juifs furent tués, sans parler d'un grand nombre qui périrent par la famine, la maladie et le feu, se termina enfin par leur entière défaite et le bannissement sous peine de mort décrété contre les Juifs qui oseraient se montrer dans Jérusalem. Les vainqueurs les entourèrent si complètement que des détachements entiers tombèrent sous le glaive des soldats romains, et que, selon un historien profane, il n'en échappa qu'un très petit nombre.
On détruisit cinquante de leurs forteresses et on incendia et saccagea leurs villes ; la Judée fut entièrement dévastée et rendue déserte (71). Des malheurs semblables, arrivés à tout autre peuple, auraient été la fin de sa race ou la dernière de ses misères, tandis que, par rapport aux Juifs, la prédiction reçut son entier accomplissement ; car ils existent encore disséminés parmi toutes les nations de la terre, exilés de leur patrie et rencontrant partout des malheurs sans fin, qui se renouvellent à chaque génération.

« Les villes sont tellement désolées qu'il n'y a pas un homme. »
« Toutes les villes sont abandonnées et personne n'y habite. »
« Et l'Éternel les a arrachés de leur terre en sa terrible colère et en sa grande indignation (72). »
Un édit de l'empereur Adrien déclara qu'il serait regardé comme un crime capital de la part d'un Juif de remettre le pied dans Jérusalem (73) et il leur défendit même de contempler à une certaine distance cette ville, dont des païens, des chrétiens, des mahométans, ont été tour à tour les maîtres. La Judée a été la proie des Sarrazins ; elle a été parcourue par les descendants d'Ismaël ; ce n'est qu'aux enfants d'Israël que la possession en a été défendue, quoique ce fût toujours là l'objet de leurs voeux, et que ce fût le seul endroit de la terre où les rites de leur religion pouvaient être célébrés.

Il est même digne de remarque que, malgré toutes les révolutions des états, malgré l'extinction de tant de nations, non seulement les Juifs sont toujours restés étrangers au pays de leurs pères, mais lors même que quelques-uns d'entre eux ont eu la permission d'y séjourner, ils y ont toujours essuyé un traitement encore plus injurieux que partout ailleurs.
Benjamin de Tudela, qui parcourut, au douzième siècle, la plus grande partie de l'Europe et de l'Asie, trouva les Juifs partout opprimés, et particulièrement dans la Terre Sainte ; et encore aujourd'hui, on sait que les Juifs qui demeurent en Palestine, ou qui s'y rendent dans leurs vieux ans afin que leurs os ne reposent pas sur un sol étranger, sont également maltraités par les Grecs, les Arméniens et les Éthiopiens (74) ; la conduite orgueilleuse des soldats turcs et l'abjecte soumission des Juifs pauvres et dégradés sont décrites à la lettre par ces paroles du prophète : « L'Étranger qui est au milieu de toi montera au-dessus de « toi fort haut, et tu descendras fort bas. »

Si le fait seul de leur dispersion est un des événements les plus étonnants de l'histoire, l'étendue et l'éloignement des contrées qui en ont été le théâtre sont peut-être plus remarquables encore.
Nombre de prophètes décrivaient et prédisaient, il y a des milliers d'années, ce qui se passe aujourd'hui sous nos yeux.
« Ils ont été dispersés parmi les nations, parmi les nations idolâtres, parmi les nations depuis un bout de la terre jusqu'à l'autre. Ils ont été répandus parmi tous les royaumes. Tout ce qui restait d'eux a été dispersé à tous vents. »
« L'Éternel a fait courir la maison d'Israël parmi toutes les nations comme le blé est remué dans le crible, sans qu'il en tombe un grain en terre. »

Mais, quoique dispersés parmi toutes les nations, ils demeurent à part et ne se sont jamais confondus avec aucune d'elles ; et il n'y a pas une seule contrée sur la surface du globe où les Juifs soient inconnus. On en trouve également en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique. Citoyens du monde, ils n'ont point de patrie ; les montagnes, les rivières, les déserts, les océans, qui sont les limites naturelles des autres nations, n'ont pas pu former de barrières contre leurs courses vagabondes. Ils abondent en Pologne, dans la Hollande, en Russie et dans la Turquie ; il y en a moins dans l'Allemagne, en Espagne, en Italie, en France et dans la Grande-Bretagne. En Perse, en Chine, dans l'Inde, à l'est et à l'ouest du Gange, ils sont « en petit nombre parmi les païens. » Ils ont imprimé leurs pas sur les neiges de la Sibérie comme sur les sables brûlants du désert, et le voyageur européen apprend qu'il y a des Juifs dans des régions où lui-même il ne saurait parvenir, et jusque dans l'intérieur inaccessible de l'Afrique, au sud de Tombouctou (76). Depuis Moscou jusqu'à Lisbonne, depuis le Japon jusqu'à la Grande-Bretagne, de Bornéo à Archangel, de l'Indostan à Honduras, quel est l'habitant de la terre que l'on retrouve partout, si ce n'est le Juif ?

Mais l'histoire du peuple juif, dans toutes les parties du monde et dans tous les siècles, depuis sa dispersion, confirme les prédictions où sont tracés avec tant de clarté, et avec des détails presque minutieux, les traits caractéristiques de leur race persécutée ; et au récit des faits parfaitement constatés on pourrait en ajouter une description dans les termes mêmes de la prophétie, selon l'expression de Basnage, le savant historien des Juifs.
Les rois ont souvent employé la sévérité de leurs édits et la main de leurs bourreaux pour les détruire. Des séditions populaires ont eu pour résultat des massacres et des boucheries plus tragiques encore que tout ce qu'ont pu décréter les princes, les rois et les peuples ; les païens, les chrétiens et les mahométans, si opposés dans bien des choses, se sont réunis dans le but d'exterminer la race des Hébreux et ils n'ont pu y réussir.
Comme le buisson vu par Moïse, « qui était tout en feu, mais qui ne se consumait point », malgré les flammes de la persécution, le peuple de Dieu existe encore ; les Juifs ont été chassés d'entre toutes les nations et cela n'a servi qu'à les disperser sur toute la surface du globe. Chaque siècle leur a apporté le malheur et la proscription, et les a forcés de marcher à travers des torrents de leur sang (77). Leur bannissement de la Judée n'était que le prélude de leur expulsion d'une ville à une autre, d'un royaume à un autre royaume. Leur dispersion sur toute la surface du globe, fait dont des documents nombreux attestent la vérité, en est une preuve certaine. Non seulement ils furent chassés loin de leur patrie à deux différentes reprises pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne, mais encore chaque siècle a été pour eux fécond en calamités et en persécutions nouvelles.

L'histoire de leurs souffrances est un continuel tissu d'horreurs. La révolte est la conséquence naturelle de l'oppression ; mais leurs séditions sans cesse renaissantes ne produisirent pour eux qu'un surcroît de persécutions et de misères. Les empereurs, les rois, les califes se réunirent pour leur faire porter un « joug de fer ».
Après une de leurs révoltes, Constantin leur fit couper les oreilles, et les dispersa vagabonds et captifs dans les pays d'alentour, où ils portèrent le signe de leurs souffrances et de leur infamie.
Dans le cinquième siècle, ils sont expulsés d'Alexandrie, longtemps une de leurs plus sûres retraites. Justinien, dont les principes auraient dû le porter à une politique plus sage et plus humaine, ne le céda en cruauté et en inhumanité contre eux à aucun de ses prédécesseurs. Il détruisit leurs synagogues, leur défendit même l'usage des caves pour la célébration de leur culte ; il déclara leur témoignage inadmissible, et les priva du droit naturel de faire des legs ou des testaments ; et lorsqu'exaspérés par des persécutions inouïes ils cherchèrent à y mettre fin par des insurrections, des mouvements séditieux, leurs biens furent confisqués, plusieurs d'entre eux furent décapités, et le nombre des exécutions fut si grand « que tous les Juifs en furent effrayés (78). »

« L'Éternel leur donnera un coeur tremblant. »
Sous le règne du tyran Phocas, il y eut une sédition générale parmi les Juifs de la Syrie ; les révoltés réussirent à Antioche, mais ce succès momentané ne fit que précéder un asservissement plus cruel encore et amener pour eux des souffrances plus atroces. Ils furent bientôt vaincus et faits prisonniers ; grand nombre d'entre eux furent mutilés, d'autres subirent la mort, et tous ceux qui survécurent à cette honteuse défaite furent chassés de la ville.
Grégoire-le-Grand leur accorda une protection passagère, ce qui ne servit qu'à rendre leur spoliation plus complète et leurs souffrances plus cruelles ; car l'empereur Héraclius, dans sa haine implacable contre les Juifs, non seulement fit fondre sur ceux qui habitaient les pays soumis à son autorité les persécutions les plus violentes, et les chassa de son empire, mais exerça contre eux une influence puissante dans d'autres pays, de manière qu'ils eurent à supporter une persécution générale et simultanée depuis l'Asie jusqu'aux extrémités de l'Europe (79).
En Espagne ils avaient à choisir entre l'apostasie, l'emprisonnement et l'exil ; en France un sort semblable les attendait Ils erraient de pays en pays, cherchant en vain du repos pour la plante de leurs pieds. Les vastes champs de l'Asie même ne leur offrirent aucun lieu où ils pussent se reposer ; car là, comme sur les montagnes et dans les vallées de l'Europe, leur passage était marqué par les traces de leur sang.

Mahomet, dont l'imposture est devenue la règle de foi de tant de millions de nos semblables, Mahomet, par les préceptes du Coran, fit pénétrer dans l'esprit de ses disciples la même animosité et la même haine contre les Juifs incrédules et méprisés. Il donna le premier l'exemple d'une persécution qui dure encore.
Dans la troisième année de l'hégire, il assiégea les châteaux que les Juifs possédaient dans l'Hégian, il força ceux qui s'y étaient réfugiés de se rendre à discrétion, les bannit du pays, et partagea leurs biens entre ses musulmans. Plus tard, il dispersa leurs forces encore une fois décimées, massacra un grand nombre d'entre eux, et fit peser sur le reste d'accablantes contributions.

L'Église de Rome les a toujours mis au rang des hérétiques. Les édits de différents conciles prononcent l'excommunication contre tous ceux qui favoriseraient les Juifs ou soutiendraient leurs droits contre ceux des Chrétiens ; ils déclarent les Juifs incapables d'exercer aucune fonction publique, ou de posséder des esclaves chrétiens ; ils leur assignent des marques distinctives et infamantes ; ils ordonnent que leurs enfants leur soient enlevés et placés dans des monastères ; et ce qui prouve le peu de cas que l'on faisait d'eux et montre le genre de traitement qui les attendait partout, c'est que ceux mêmes qui les opprimaient étaient souvent obligés de défendre de tuer un Juif comme une bête féroce (80).

L'histoire des Juifs pendant le moyen-âge, par Hallam, est courte, mais pleine d'intérêt. Ils sont partout l'objet des insultes de la populace, de la tyrannie des gouvernements, et périssent plus d'une fois dans un massacre général. On choisissait ordinairement des jours de réjouissances et de fêtes pour faire d'eux les objets du mépris et des insultes de la populace.
- À Toulouse, on ne manquait jamais de les frapper au visage le jour de Pâques ;
- À Béziers, on les lapidait depuis le dimanche des Rameaux jusqu'à Pâques., anniversaire où leur sang coulait souvent en abondance, fête de cruauté à laquelle l'évêque de la ville invitait ses diocésains à prendre part.
Les rois de France se servaient d'eux comme d'une éponge pour ramasser l'argent de leurs sujets, afin de pouvoir l'enlever plus tard sans encourir l'opprobre d'une taxe vexatoire. Il est presque incroyable jusqu'à quel point on porta cette manie d'extorquer l'argent des Juifs.
Mais ce peuple extraordinaire supporta avec un courage invincible cette série de persécutions, et continua avec encore plus de persévérance à amasser des richesses, à mesure que ses spoliateurs l'en dépouillaient.

Philippe-Auguste remit à tous les chrétiens de son royaume leurs dettes envers les Juifs, s'en réservant une cinquième partie pour lui-même. Plus tard il expulsa la nation tout entière hors de la France (81).
Saint-Louis les exila deux fois et deux fois les rappela ; finalement Charles VI les bannit de son royaume.
Sept fois, selon Mézeray, ils furent chassés de France. Ils furent également bannis d'Espagne, et, d'après le calcul le moins élevé, il paraît que cent-soixante-dix mille familles quittèrent cette contrée (82).

À Verdun, à Trêves, à Metz, à Spires et à Worms, on en dépouilla et massacra plusieurs milliers. Quelques-uns se sauvèrent par une conversion simulée et passagère ; mais la plupart barricadèrent leurs maisons, et se précipitèrent avec leurs familles et leurs richesses dans les rivières ou au milieu des flammes. Il n'y eut pas une croisade à laquelle on ne préludât par des assassinats de Juifs et par d'iniques déprédations (83). Ils n'eurent pas moins de cruautés et d'oppression à souffrir en Angleterre. Pendant les croisades, la nation tout entière se ligua pour les persécuter.

À Norwich, rien ne put arrêter la furie du peuple, qui ne se calma qu'après les avoir massacrés jusqu'au dernier. Il y en eut un grand nombre de tués à Stamford, à Saint-Edmunds, à Lincoln et dans l'île d'Ely, où une foule de ces infortunés avaient cherché un asile ; mais à York, à une seule époque, 1500 Juifs, y compris les femmes et les enfants, périrent d'une mort affreuse. On leur refusa toute merci, et quand ils virent qu'ils ne pouvaient racheter leur vie à quelque prix que ce fût, devenus furieux de désespoir, ils prirent le parti de s'entre-tuer ; chaque père fut le meurtrier de sa femme et de ses enfants, et ils ne trouvèrent ainsi de refuge que dans la mort.
Le spectacle qu'avait présenté le château de Mussada, dernière forteresse qu'ils possédaient encore dans la Palestine, et où près de mille terminèrent leur vie par le même acte de désespoir, se renouvela ainsi dans le château d'York (84).
On leur portait une haine et un mépris si grands que lorsque les barons étaient en lutte avec Henri III, voulant se mettre dans les bonnes grâces du peuple, ils donnèrent l'ordre de faire passer sept cents Juifs au fil de l'épée, et de brûler leur synagogue. Richard, Jean (85) et Henri III leur demandaient souvent de l'argent, et ce dernier, par les moyens les plus atroces, s'assura des sommes énormes, suffisantes pour subvenir à ses honteuses dépenses. Ses exactions devinrent à la fin si exorbitantes, et ses exigences si vexatoires, que les Juifs, d'après leur historien, ne désiraient plus que de pouvoir obtenir la permission de quitter le royaume (86). Mais cet exil même leur fut refusé. Édouard 1er acheva leur ruine, confisqua tous leurs revenus et les bannit du pays. Plus de 15,000 Juifs se trouvèrent ainsi sans asile, dépouillés de toute ressource et réduits à la misère. Il se passa près de quatre siècles avant que cette race malheureuse pût revenir en Angleterre.

Plusieurs circonstances remarquables prouvent encore, sans entrer dans des détails minutieux, que partout ce peuple a été particulièrement opprimé. Le premier essai de législation en France, ce fut une loi contre les Juifs. Et ce fut pour eux seuls que la grande charte, ce pacte si glorieux pour les Anglais, et le boulevard de la liberté britannique, légalisa un acte d'injustice (87).

Pendant plusieurs siècles après leur dispersion, ils ne purent trouver ni en Europe, ni en Asie, ni en Afrique, un seul pays où il leur fût permis de se reposer ; il leur fallut en chercher un aux extrémités de la terre.
Dans les pays mahométans, on leur a fait subir toutes espèces d'outrages et d'injures. Ordinairement on leur assigne pour demeure une certaine portion de la ville, comme autrefois à Londres ; on leur ordonne de porter un certain habit particulier ; et dans plusieurs endroits il leur est enjoint de ne quitter leur domicile qu'à certaines heures.
À Hamadan, comme du reste dans toute la Perse, ils forment une race méprisée, qui n'a d'autre moyen d'existence que le métier de colporteur. Ils vivent dans la plus grande pauvreté, paient une taxe mensuelle au gouvernement, ne peuvent cultiver la terre ou acquérir des propriétés (88). Ils ne peuvent paraître en public, et encore moins suivre leurs rites religieux, sans être tournés en ridicule et traités avec le dernier mépris (89).
Le prince de Bohan n'a d'autre revenu qu'un tribut versé par 500 familles juives, imposées selon leurs moyens.

À Zante ils sont dans la plus profonde indigence, et gémissent sous la plus intolérable oppression (90). Lorsqu'un criminel est condamné à mort à Tripoli, c'est le premier Juif sur lequel on peut mettre la main qui remplit la fonction de bourreau ; dégradation infligée sur les enfants d'Israël à laquelle un Maure ne se trouve jamais exposé (91).
En Égypte ils sont sans cesse en but à la persécution (92).
Dans l'Arabie on les traite avec encore plus de mépris qu'en Turquie (93). Presque tous les voyageurs modernes en Afrique et en Asie disent que les Juifs eux-mêmes sont étonnés, et le peuple indigné, au moindre signe de bienveillance ou au moindre sentiment de justice qu'on témoigne à ce peuple déchu et persécuté (94).

On trouve dans les lettres de Southey sur l'Espagne et le Portugal le rapport suivant : Il n'y a pas encore cinquante ans que le supplice d'un Juif était le spectacle favori des Portugais ; ils accouraient en foule jouir de ce qu'ils appelaient le triomphe de la foi, et les femmes jetaient des cris d'allégresse à la vue de l'agonie du martyr brûlé vif : rien ne pouvait sauver ces malheureux ; on n'avait égard ni à l'âge ni au sexe, et Antonio Joseph de Sylva, l'un de leurs meilleurs écrivains dramatiques, fut brûlé vif parce qu'il était Juif.

Il n'y a que quelques années que les Juifs eurent encore à subir une cruelle persécution en Prusse et en Allemagne ; et dans plusieurs des petits états de ce dernier pays on ne leur permet pas aujourd'hui de vendre leurs marchandises sur les places des marchés publics.

Dernièrement encore des bulles papales fort sévères ont été lancées contre eux, et plusieurs ukases ont défendu aux Juifs de faire le commerce dans aucune des parties de l'empire russe. Il leur est absolument interdit sous peine d'exil d'offrir en vente quoi que ce puisse être, soit en public, soit en particulier (95).
On ne leur permet pas de séjourner, même pour un temps limité, dans aucune des villes de la Russie, sans une permission expresse du gouvernement, qui n'est donnée que dans des cas où leurs services peuvent être nécessaires ou utiles à l'État. Sur leur refus de quitter leur demeure, dès qu'ils deviennent suspects au gouvernement, on les traite comme des malfaiteurs et des vagabonds ; personne n'ose leur donner asile. Et quoique l'effet de pareilles lois soit de les priver dans beaucoup de cas des moyens de subsistance réguliers, cependant leur désobéissance les expose à toutes sortes d'oppressions légales et à toute espèce d'insultes, contre lesquelles ils n'ont ni recours ni appel. Ils peuvent être quelquefois des objets de pitié ; mais les décrets impériaux défendent à leur égard tout acte d'humanité ; et même celui qui donne asile à un Juif, condamné pour des fautes que d'autres commettraient impunément, est, selon l'expression du dernier ukase, « coupable devant la loi comme complice de vagabonds ; » ainsi, selon la prédiction, « personne ne doit les épargner (96). »

Ces faits, tout en n'étant qu'une esquisse légère et imparfaite des souffrances qu'il leur a fallu endurer, nous montrent cependant que les Juifs « ont été dispersés parmi les nations, que l'épée a été tirée contre eux, que la plante de leurs pieds n'a eu aucun repos, qu'ils n'ont point pu subsister devant leurs ennemis, qu'il n'y a eu aucun pouvoir en leurs mains, que leur avarice même a été la cause de leur misère, qu'ils ont souffert l'injustice et le pillage, qu'ils ont été en opprobre et en servitude, et qu'ils ont été hors de sens, à cause des choses qu'ils ont vues de leurs yeux ; » comme le prouvent les scènes tragiques de Massada, d'York :
« ils ont été dans la faim, dans la soif, dans la nudité, et dans la disette de toutes choses. L'Éternel leur a donné un coeur tremblant et la détresse d'âme, leur vie n'a point été assurée, leurs plaies ont été grandes et de longue durée. Ils ont été en étonnement et en prodige à jamais. »

Mais les prophéties vont plus loin encore ! Il fut clairement prédit que les Juifs rejetteraient l'Évangile, et que sa simplicité et l'orgueilleuse dureté de leur coeur les empêcheraient de croire à un Messie souffrant ; « qu'ils seraient frappés d'aveuglement et d'étonnement de coeur ; qu'ils continueraient longtemps ayant les oreilles sourdes, et les yeux fermés, et le coeur endurci, et qu'ils iraient tâtonnant en plein midi comme un aveugle tâtonne dans les ténèbres (97). »

Et il y a longtemps que la grande masse du peuple juif continue à rejeter le christianisme. Ils conservent les prophéties, sans en apercevoir la clarté, qu'ils ont obscurcie par leurs traditions. Plusieurs de leurs idées sont tellement absurdes et même impies, la plupart de leurs rites sont si minutieux, si frivoles et si ridicules, qu'on aurait peine à en croire le récit, si on ne le lisait dans leurs propres auteurs, et s'il n'était attesté par leurs coutumes (98).
Il serait impossible de décrire en termes plus frappants ou plus justes le contraste qui existe entre leurs croyances superstitieuses et celles d'une raison éclairée, et celles de l'Évangile qu'ils méprisent, que ne le font ces paroles : « Ils vont tâtonnant en plein midi, comme un aveugle tâtonne dans les ténèbres. »
Quand même d'autres preuves de ces prédictions viendraient à manquer, il serait clair encore que le sentiment des nations à leur égard a été prédit avec autant de précision que ce qui se rapporte aux Juifs eux-mêmes.
Que les Juifs aient été « en proverbe, en étonnement, un sujet de honnissement et d'invectives parmi tous les peuples, » c'est une vérité qu'il n'est nullement nécessaire de prouver, et qui cependant est un fait aussi inouï dans l'histoire du monde que la prédiction en est miraculeuse et l'accomplissement inconcevable.

Plusieurs prophéties favorables aux Juifs et qui ne sont pas encore accomplies sont autant de témoignages réservés, sinon à la génération actuelle, du moins à celles qui doivent lui succéder ; mais il est bon de remarquer que, selon qu'il a été prédit, ils n'ont jamais été entièrement détruits, tandis que leurs ennemis ont disparu de dessus la surface de la terre.
Où sont maintenant les descendants des Égyptiens, des Assyriens, des Babyloniens, des Romains, peuples puissants qui dominaient sur le monde entier ? mais les Juifs, quoique opprimés et vaincus, quoique bannis, quoique esclaves, ont survécu à toutes ces nations, et aujourd'hui encore ils sont dispersés sur toutes les parties du globe. De toutes les nations qui environnent la Judée, la Perse seule, qui les renvoya de la captivité de Babylone, forme encore un royaume.

Les Écritures déclarent aussi que l'alliance faite avec Abraham, dans laquelle Dieu lui promet qu'il donnera la terre de Chanaan en héritage éternel à ses descendants, ne pouvait être rompue ; mais que les enfants d'Israël seraient rassemblés d'entre les nations idolâtres, recueillis de tous les bouts de la terre, et qu'ils reviendraient habiter pour toujours sur le sol de leurs pères. Il y a déjà trois mille sept cents ans que cette promesse fut faite à Abraham ; et si cette promesse avait été faite à toute autre nation, excepté aux descendants d'Abraham, l'accomplissement en serait devenu impossible, vu qu'il n'existe point sur le globe de postérité connue ou inconnue d'aucun autre individu ou d'aucun autre peuple contemporain de ce patriarche : mais qu'à travers toutes les révolutions qui ont changé la face des royaumes de la terre, il ne soit survenu aucun événement qui ait pu rendre impossible l'accomplissement de ces prophéties ; mais qu'au contraire l'état des Juifs, celui des chrétiens et des nations païennes, conspirent pour le préparer ; assurément il y a dans tout cela un miracle.

Telles sont les prophéties et tels sont les faits relatifs aux Juifs, et de telles données n'est-il pas facile au plus faible logicien de tirer une démonstration morale ?
Si les Juifs avaient été entièrement détruits, s'ils avaient été perdus parmi les autres nations de la terre ; si, pendant l'espace de dix-huit siècles qui se sont écoulés depuis leur dispersion, ils s'étaient éteints comme peuple, si même ils avaient été relégués dans une seule région et s'étaient maintenus à part, unis entre eux ; si leur histoire avait été analogue à celle de quelque autre nation, on aurait pu essayer, avec quelque apparence de raison, de démontrer que la prédiction faite du sort qui les attendait, quelque d'accord qu'elle fût avec la vérité, ne pouvait en pareil cas être reçue comme preuve de la vérité de l'inspiration.
Si seulement l'histoire passée des Juifs et leur état présent n'étaient pas d'une nature si singulière et si spéciale, qu'ils accomplissent jusqu'à la lettre toutes les prédictions, quel triomphe ne serait-ce pas pour l'incrédule que de produire ces prophéties mêmes comme preuve convaincante de la non-inspiration divine des saintes Écritures ?
Et après que les Juifs ont été dispersés sur toute la terre, après qu'il a été prouvé qu'ils existent encore et forment une race à part, qu'ils ont été dépouillés de toutes les manières sans être anéantis ; après que les faits les plus merveilleux, tels qu'on ne peut en citer d'aucun autre peuple, après, disons-nous, que toute leur histoire contient de tels faits, faits accomplissant littéralement les prophéties qui les regardent, le croyant ne peut-il pas appeler son adversaire à produire de semblables faits à l'appui de sa croyance ?

Voilà donc une longue chaîne d'évidences non interrompues et dont chaque anneau contient une prophétie et un fait ; et cette chaîne s'étend à travers une multitude de générations et se continue encore ; quoique ces événements, tout variés et tout singuliers qu'ils sont, aient été amenés par des moyens et des instruments humains et par des causes secondaires, ils n'en sont pas moins prophétiques et miraculeux ; car il était aussi impossible que les moyens fussent prévus qu'il était impossible de prévoir la fin et les causes d'un événement inscrutable, et dans beaucoup de cas ces prophéties ont été accomplies par les ennemis mêmes du christianisme.

Pour celui qui veut un miracle, en voilà un ; et où saurait-il en trouver un seul plus complet et plus étonnant ? Quant au chrétien, il peut se tenir ferme dans cette forteresse du christianisme ; de tous côtés elle est inabordable et impénétrable.

Les prophéties relatives aux Juifs sont aussi claires que le récit des événements. Elles sont aussi anciennes que les annales du monde, et on n'a jamais prétendu qu'elles n'aient pas été prononcées avant leur accomplissement.
Elles sont tellement en dehors des spéculations de la sagesse humaine que la sphère de la nature tout entière ne présente rien qui leur soit semblable ; et les faits sont visibles, palpables et saisissables dans toute leur étendue.

Aurait-il été possible à Moïse, homme non inspiré, de décrire l'histoire, la destinée, la dispersion, le caractère du peuple d'Israël jusqu'à ce jour, c'est-à-dire pour plus de trois mille deux cents ans, puisque lui-même, en descendant du mont Sinaï où il avait séjourné quarante jours, était dans la surprise et l'étonnement, du changement qui s'était opéré dans la multitude qu'il conduisait ?
Aurait-il été possible à différentes personnes, à des époques diverses, d'annoncer les mêmes faits, qui se sont trouvés aussi véritables que surprenants ?
Auraient-elles pu divulguer ainsi les secrets de l'avenir, que leur nature même cachait à leurs yeux ? Une infinité de probabilités s'élèvent contre une telle supposition, car l'esprit de l'homme hésite, balance souvent même devant des événements très près de lui, en vue des résultats les plus probables ; mais dès qu'il s'agit de siècles éloignés, dès qu'il s'agit d'événements qui se rapportent à des milliers d'années postérieures à son existence, à des faits qui paraissent contraires à toute science, à toute expérience, à toutes les idées d'analogie, tout est voilé et impénétrable devant ses pas.

Repassons en peu de mots chaque fait comme il se présente devant nous : en est-il un seul qui ne semble défier nos conjectures et les calculs de la sagacité la plus profonde ?
La dispersion des Juifs et les circonstances qui l'accompagnaient, la désolation de leurs villes, la destruction de leur temple, le lieu où il s'élevait labouré comme un champ, leur pays dévasté, le peuple passé au fil de l'épée, en proie à la famine et à la peste, une portion échappant néanmoins, mais dépouillée, persécutée, rendue esclave et conduite en captivité ;
- ces malheureux chassés de leur propre pays, non pas vers un lieu de retraite, mais dispersés parmi toutes les nations et abandonnés à la merci d'un monde qui partout les méprisait et les opprimait ; brisés comme un vaisseau naufragé par un violent orage, dispersés sur toute la terre comme des débris sur les eaux, et au lieu de disparaître parmi les nations ou d'y être mêlés, demeurant encore un peuple parfaitement distinct, le même dans chaque royaume, ayant les mêmes habitudes, les mêmes moeurs, et les mêmes croyances dans chaque partie du globe, sans avoir d'éphod, de théraphim ou de sacrifices ;
- rencontrant partout les mêmes insultes, la même dérision, la même servitude ;
- ne trouvant aucun lieu de sûreté d'où un ennemi ne vînt les déloger ;
- se multipliant malgré leurs misères, survivant à leurs ennemis, voyant, sans en être atteints, la fin de plusieurs nations et le bouleversement de toutes ;
- se voyant enlever leur argent et leur or et y tenant toujours ;
- souvent privés même de leurs enfants ; séparés et désorganisés, mais toujours les mêmes ;
- ne changeant jamais, toujours froissés, mais jamais brisés ;
- faibles, craintifs, tristes et affligés ;
- perdant la raison au spectacle de leurs propres misères, devenant un mot d'opprobre dans la bouche de tous ;
- en but à la moquerie, aux insultes de chaque peuple ;
- et leur nom continuant à être ce qu'il a toujours été jusqu'à ce jour, une injure universelle.

Comment un simple mortel, franchissant par la pensée cent générations successives, aurait-il pu prédire une de ces merveilles qui frappent aujourd'hui tous les yeux ?
Qui, si ce n'est le Père des esprits, possédant une prescience parfaite des volontés et des actions des agents moraux et intelligents, aurait pu nous montrer à l'avance les Juifs toujours errants et vagabonds, sans pouvoir jamais se fixer nulle part, leur étonnante destinée, leurs sentiments et ceux de leurs ennemis dans tous les siècles et sous tous les climats ?
Autant vaudrait dire que la création est l'oeuvre d'un aveugle hasard, que de lui attribuer la révélation de toutes ces choses. Elle ne peut être qu'un acte et une démonstration palpable
du pouvoir, de la prescience de Dieu et de la vérité de sa parole, une accumulation de miracles ; et quoique cette révélation ne forme qu'une faible portion de l'évidence de la religion chrétienne, elle n'en demeure pas moins comme une pierre d'achoppement pour l'incrédulité, ou plutôt comme une insurmontable barrière que tout l'art des sceptiques ne saurait tourner, que toute leur puissance ne parviendra jamais à renverser.


(54) Lév., XXVI, 33, 44 

(55) Deut., IV, 27.

(56) Deut., XXVIII, 25.

(57) Ibid., 29, 32, 33, 36, 37.

(58) Deut., XXVIII, 47, 48, 59

(59) Ibid., 45,46, 62, 67.

(60) Jérémie, XV, 4 ; XVI, 13 ; IX, 15,16.

(61) Ibid., XXIV, 9, 10.

(62) Ibid., XV, 7 ; XXIX, 18.

(63) Ezéchiel, V, 10.

(64) Ezéchiel, XII, 15.

(65) Ibid., VII, 19.

(66) Amos, IX, 9. - Jérémie, VIII, 3. - Osée, IX, 17.

(67) Esaïe, VI, 10-12.

(68) Amos, IX, 4. - Jérémie, XXXI, 10.

(69) Jérémie, XLVI, 27, 28.

(
70) Osée, III, 4, 5.

(71
) Dion Cassius, 1. LXIV.

(72) Esaïe. VI, 11, - Jérémie, IV, 29. - Deut., XXIX, 28.

(73) Tert. Ap., c XXI. - Basnage, Continuation de l'Histoire de Josèphe, I. VI, c IX, & 27.

(74) Voyages manuscrits du général Straton.

(76) Voyage de Lyon en Afrique, p. 146.

(77) Basnage, I. VI, c. I, & 1. - Jortin, Eccl. Hist, V, II.

(78) Basnage, I. VI, c. XXI § 9.

(79) Ibid., § 17.

(80) Dupin, Ecc. Hist, Con. Tol. A. D. 633. Meaux, 845. Paris, 846. Pavie, 850. Metz, 1050. Rouen, 1074. Ravenne, 1311. Saltzbourg, 1420.

(81) Hallam, vol. I, p. 233, 234.

(82) Basnage, I. VII, c. XXI. - Newton.

(83) Gibbon, vol. XI, c. LVIII.

(84) Basnage, I. VII, c. X, & 20. - Rapin, vol. III, p. 47. - Josèphe, 1. VII, c. 8. 

(85) Les persécutions auxquelles les Juifs étaient exposés à cette époque sont fidèlement décrites dans le roman historique d'Ivanhoé. Ils y sont dépeints comme « une race qui, pendant ce siècle d'ignorance, était détestée par le peuple crédule et rempli de préjugés, et persécutée par la noblesse avide et rapace. » Plus loin l'auteur ajoute :
« Excepté le poisson volant qui trouve des ennemis dans deux éléments, il n'existait point d'êtres dans la nature qui fussent, comme les Juifs d'alors, l'objet d'une persécution si générale, si constante et si cruelle.
Sous les prétextes les plus légers et les plus déraisonnables, et d'après les accusations les plus injustes et les plus absurdes, leurs personnes et leur fortune étaient exposées à la fureur populaire.
Normands et Saxons, Danois et Bretons, tous, quoique ennemis les uns des autres, se disputaient à qui serait le plus acharné contre un peuple qu'on se faisait un devoir de religion de haïr, d'insulter, de piller et de tourmenter. Les rois de race normande et les nobles indépendants, qui suivaient leur exemple en se permettant des actes arbitraires, exerçaient contre cette malheureuse nation un système de persécution plus régulier et fondé sur les calculs d'une cupidité insatiable.
On connaît le trait du roi Jean qui, ayant fait enfermer dans son château un Juif opulent, lui fit arracher tous les jours une dent jusqu'à ce que l'Israélite, voyant la moitié de sa mâchoire dégarnie, eut consenti à payer une somme considérable que le tyran voulait lui extorquer. Le peu d'argent comptant qui se trouvait dans le pays était entre les mains de ce peuple persécuté, et la noblesse n'hésitait pas à suivre l'exemple du monarque et à mettre les Juifs à contribution, en employant contre eux toute espèce de persécution et quelquefois même en les condamnant aux tortures. » (Vol. I.)
Le caractère fictif d'Isaac d'York est conçu d'une manière également conforme à la vérité de l'histoire et aux prophéties concernant le peuple juif. Sir Waller Scott a décrit de main de maître, et en conservant la couleur prophétique, le sort qui fut prédit à cette race il y a près de vingt-six siècles, dans un pays éloigné d'environ 700 lieues des scènes où la prophétie était annoncée, et du seul pays que les Juifs aient jamais possédé.

(86) Rapin, vol. III, p. 405.

(87) Art. 19, 93.

(88) J. Morier, Voyages en Perse, p. 379.

(89) Histoire de la Perse, par sir J. Malcolm, vol. II, p. 425.

(90) Voyages, par Hughes, vol. I, p. 150.

(91) Lyon, p. 16.

(92) Voyages en Égypte, par Denon, vol. I, p. 213.

(93) Voyages de Niebuhr, vol. II, p. 408.

(94) Morier, p. 266. - Lyon, p. 32.

(95) 15 nov. 1797 ; 25 fév. 1833 ; 8 juin 1826. - Ukase cité dans le World, le 31 octobre 1827. - Ibid., art. 8.

(96) Si d'un côté les prophéties décrivent les malheurs éprouvés par les Juifs et ceux qu'ils éprouvent maintenant, de l'autre elles nous transportent avec la même précision au temps où les Juifs retourneront à la terre chérie de leurs pères, temps où ils ne seront plus abreuvés de mépris, et où leur bonheur leur paraîtra d'autant plus grand qu'il contrastera avec les misères passées de leur race.
Avant que cela arrive cependant, les mauvaises passions des hommes et la politique des rois de ce monde auront en toutes choses démontré la vérité de la parole de Dieu, et elle apparaîtra dans tout son éclat alors que les impérieux décrets des mortels seront oubliés ainsi que leurs auteurs.
Nous croyons, à ce sujet, devoir mettre sous les yeux du lecteur le onzième article de l'ukase actuellement en vigueur, comme digne d'attention. Nous nous bornerons à observer que c'est dans un district spécifié de la Pologne conquise que les rabbins doivent désormais être exilés.
« Les rabbins ou autres fonctionnaires religieux seront renvoyés par l'officier de police aussitôt qu'il se sera assuré que telle est leur profession. »
« Tes docteurs ne seront plus mis à l'écart, mais tes yeux verront tes docteurs. » Esaïe, XXX, 20.
La description concise mais énergique que lord Byron a faite des Juifs nous les représente tels qu'ils sont, tels qu'ils doivent être selon les prédictions :
« Hommes aux pieds errants, au coeur faible et peureux !
Quand pourrons-nous donc fuir, quand serons-nous heureux ?
La plante de leurs pieds n'a eu aucun repos.
L'Éternel leur a donné un coeur tremblant et la détresse de l'âme. »

(97) Deut., XXVIII, 29

(98) Voyez Histoire du Judaïsme moderne par Allen. - Encyclopédie d'Édimbourg, art Juifs.
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