Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IX.

PROPHÉTIES CONCERNANT LA JUDÉE ET LES CONTRÉES ADJACENTES.

-------

Non seulement les prophètes juifs prédirent quelle devait être la destinée de ce peuple pendant la durée d'une infinité de générations, dont les premières ne devaient naître que plusieurs siècles après l'époque que le scepticisme lui-même assignerait à leurs prédictions ; mais au temps même où l'abondance régnait dans la Judée, où une population innombrable remplissait ses cités, ils en annoncèrent la longue et épouvantable désolation.

Le pays lui-même est donc un témoin irrécusable, non moins que la nation. L'aspect de ces contrées, et de nos jours et depuis plusieurs siècles, est précisément celui que décrit la plume des prophètes, à une époque où chaque trait qui pouvait admettre un changement était parfaitement le contraire de ce qu'il est aujourd'hui. Il suffit de comparer les prédictions avec les preuves de leur accomplissement, fournies par les païens et par les infidèles eux-mêmes.
Il était prédit que les calamités d'Israël augmenteraient graduellement avec ses iniquités, qu'il serait châtié « sept fois à cause de ses péchés (99) ». Et parmi les terribles châtiments qui devaient remplir la mesure de sa punition, le plus affreux de tous devait être la longue désolation de son pays.
Les prophéties qui annonçaient ces grands malheurs ont reçu un accomplissement littéral.

« Je réduirai aussi vos villes en désert, je désolerai vos sanctuaires, je désolerai ce pays tellement que vos ennemis qui s'y établiront s'en étonneront ; et je vous disperserai parmi les nations ; je dégainerai l'épée après vous, et votre pays sera en désolation, et vos villes en désert.
Alors cette terre se plaira dans ses sabbats tout le temps qu'elle sera désolée, et lorsque vous serez au pays de vos ennemis la terre se reposera et se plaira en ses sabbats, et cette terre sera abandonnée par eux, et elle se plaira dans ses sabbats quand elle aura été désolée à « cause d'eux (1; et alors la génération à venir dira, savoir : vos enfants qui viendront après vous et l'étranger qui viendra d'un pays éloigné, quand ils verront les plaies de ce pays et ses maladies dont l'Éternel l'affligera : Pourquoi l'Éternel a-t-il ainsi traité ce pays ? quelle est la cause de l'ardeur de cette grande colère ?
La colère de l'Éternel s'est embrasée contre ce pays pour faire venir sur lui toutes les malédictions écrites dans ce livre (2). »
« Votre pays n'est que désolation et vos villes sont en feu ; les étrangers dévoreront en votre présence votre pays, et cette désolation sera comme une ruine faite par des étrangers ; et la fille de Sion restera comme une cabane dans une vigne, comme une loge dans un champ de concombres, comme une ville serrée de près.
Si l'Éternel des armées ne nous eût réservé quelque petit reste, nous aurions été comme Sodome, et nous serions devenus semblables à Gomorrhe (3) »

« Car vous serez comme un chêne duquel la feuille déchoit, et comme un verger qui n'a point d'eau (4). »

« Je réduirai ma vigne en désert ; si plusieurs maisons ne sont réduites en désolation et si les plus grandes et plus belles ne sont sans habitants ! Même dix journaux de vigne ne produiront qu'un bath, et la semence d'un homer ne produira qu'un épha. Les agneaux paîtront à leur ordinaire et les étrangers mangeront les déserts où le bétail devenait gras (5). »

« Et je dis : Jusques à quand, Seigneur ? Et il répondit : Jusqu'à ce que les villes et les maisons aient été tellement désolées qu'il n'y ait aucun homme et que le pays soit mis dans une entière désolation, et que l'Éternel ait éloigné les hommes, et que le pays ait été longtemps abandonné.
Toutefois, il en restera une dixième partie qui sera de nouveau broutée, comme la fermeté des chênes et des ormes consiste en ce qu'ils rejettent (6). »

« Car le Seigneur, l'Éternel des armées, va faire venir la destruction qu'il a résolue au milieu de toute la terre (7). »

« Et il arrivera en ce jour-là que la gloire de Jacob sera diminuée, et que la graisse de son corps sera amaigrie, et il en sera comme quand le moissonneur cueille les blés et moissonne les épis avec son bras ; même il en arrivera comme quand on ramasse les épis dans la vallée des Rephaïms ; mais il en demeurera quelques grappillages, comme quand on secoue l'olivier et qu'il reste deux ou trois olives au bout des plus hautes branches, et quatre ou cinq au haut des branches fertiles, dit l'Éternel, le Dieu d'Israël (8). »

« Voici, le Seigneur s'en va rendre le pays vide et l'épuiser, il le fera changer de face, et il dispersera ses habitants ; le pays sera entièrement vidé et entièrement pillé, car l'Éternel a prononcé cet arrêt-là. La terre est dans le deuil, elle est déchue, le pays a été profané par ses habitants, parce qu'ils ont transgressé les lois, ils ont changé les ordonnances et ont violé l'alliance éternelle. C'est pourquoi l'imprécation du serment a dévoré le pays, et ses habitants ont été mis en désolation et peu de gens y ont demeuré de reste.
Le vin excellent pleure, la vigne languit, tous ceux qui avaient le coeur joyeux soupirent, la joie des tambours a cessé, le bruit de ceux qui se réjouissent est fini, la joie de la tente a cessé ; on ne boira plus de vin avec des chansons, la cervoise sera amère à ceux qui la boivent ; la ville de la confusion a été minée, toute maison est fermée tellement que nul n'y entre.
Il y aura des cris dans les places, parce que le vin manquera ; toute la joie est tournée en obscurité ; l'allégresse du pays s'en est allée, car il arrivera au milieu du pays et parmi les peuples comme quand on secoue l'olivier et quand on grappille après avoir achevé de vendanger (9) »

« Car la ville forte sera désolée, la maison de plaisance sera abandonnée et quittée comme un désert. Le veau y paîtra et y gîtera, et broutera les branches qui y seront ; quand son branchage sera sec il sera brisé, et les flammes y venant en allumeront du feu, car ce peuple n'a pointd'intelligence (10). »

« Femmes qui êtes à votre aise, levez-vous : dans un an et quelques jours, vous qui êtes assurés, vous serez troublés, car la vendange manquera et on ne fera point de récolte. Vous qui êtes à votre aise, tremblez ; vous qui vous tenez assurés, soyez troublés ; dépouillez-vous, quittez vos habits pour vous ceindre les reins ; frappez-vous la poitrine à cause de vos belles campagnes et de vos vignes fertiles.
Les épines et les ronces monteront sur la terre de mon peuple même, et en toutes les maisons de plaisir et sur la ville qui est dans la joie, car le palais va être renversé, la multitude de la ville va être abandonnée, les lieux élevés du pays et les forteresses seront autant de cavernes à jamais ; ce sera là que se joueront les ânes sauvages et que paîtront les troupeaux jusqu'à ce que l'esprit soit répandu d'en haut sur nous et que le désert devienne un Carmel, et que Carmel soit réputé comme une forêt (11). » -

« Les chemins ont été réduits en désolation ; les passants ne passent plus par les sentiers ; il a rompu l'alliance, il a rejeté les villes, il n'a fait aucun cas des hommes ; le pays est dans les pleurs et languit ; le Liban est confus et coupé. Saron est devenu comme une lande et Basçan et Carmel ont été secoués (12). »

« Une ruine est appelée par une autre, car toute la terre est détruite. J'ai regardé et voici, Carmel est un désert, et toutes ses villes ont été ruinées à cause de la présence de l'Éternel, car ainsi a dit l'Éternel : Toute la terre ne sera que désolation, toutefois je ne la détruirai pas entièrement ; c'est pourquoi la terre sera dans le deuil, parce que je l'ai prononcé, je l'ai pensé et je ne m'en repentirai point (13). »

« Jusqu'à quand la terre sera-t-elle dans le deuil et l'herbe de tous les champs séchera-t-elle à cause de la malice des habitants ?
J'ai abandonné ma maison, j'ai quitté mon héritage. Plusieurs bergers ont gâté ma vigne, ils ont foulé mon partage et ils ont réduit mon partage désirable en une solitude déserte. On l'a réduit en désolation, il est tout désolation et en deuil devant moi. Toute la terre a été réduite en désolation, parce qu'il n'y a personne qui pense à elle. Les destructeurs sont venus sur tous les lieux élevés du désert, il n'y a point de paix pour qui que cela soit. Ils ont semé du froment et ils moissonneront des épines. ils se sont « donné de la peine et ils n'y profiteront rien ; vous serez frustrés de vos revenus par l'ardeur de la colère de l'Éternel (14). »

« Vous, montagnes d'Israël, écoutez la parole du Seigneur l'Éternel aux montagnes et aux coteaux, aux cours des rivières et aux vallées : Me voici, moi, je vais faire venir l'épée sur vous et je détruirai ces hauts lieux ; les villes seront désertes et les hauts lieux seront désolés dans toutes vos demeures, en sorte que vos autels seront rendus déserts et désolés. J'étendrai donc ma main sur eux et je rendrai leur pays désolé et désert dans toutes leurs demeures plus que le désert qui est vers Dibla (15). »

« Et je ferai venir les plus méchantes des nations qui posséderont leurs maisons, et je ferai cesser l'orgueil des puissants, et leurs saints lieux seront profanés, et tu diras au peuple du pays : Ainsi a dit le Seigneur l'Éternel touchant les habitants de Jérusalem qui sont au pays d'Israël : Ils mangeront leur pain avec chagrin et boiront leur eau avec étonnement, parce que le pays sera désolé, étant privé de son abondance à cause de l'iniquité de tous ceux qui l'habitent. Quiconque passera auprès d'elle sera étonnée (16). »

« Écoutez ceci, tous les habitants du pays, une telle chose a-t-elle été faite de votre temps, ou même du temps de vos pères ? Faites-en le récit à vos enfants et vos enfants à leurs enfants, et leurs enfants à une autre génération.
La sauterelle a brouté le reste du hanneton, et le grillon a brouté le reste de fa sauterelle, et le vermisseau a brouté le reste du grillon. Les champs sont ravagés et la terre en gémit ; la joie a cessé parmi les hommes.
Et je vous rendrai le fruit des années que la sauterelle, le grillon, le vermisseau et le hanneton avaient broutés, et mon peuple ne sera plus jamais confus (17) »

« La ville de laquelle il en sortait mille n'en aura de reste que cent, et celle de laquelle il en sortait cent n'en aura de reste que dix. Ne cherche point Béthel, car Béthel sera réduite à rien (18). »

« Je vais mettre le niveau au milieu de mon peuple Israël et je ne lui en passerai plus, et les saints lieux d'Isaac seront désolés, et les sanctuaires d'Israël seront détruits (19). »

« Je réduirai Samarie comme en un monceau de pierres qu'on fait dans les champs où l'on plante des vignes, et je ferai rouler ces pierres dans la vallée et je découvrirai ses fondements (20). »

Quelque claires, quelque nombreuses que fussent ces menaces, cependant, loin de produire la repentance et l'humilité, l'incrédulité des Juifs fut telle qu'ils se moquèrent de la longue attente de leur Dieu, et ces paroles étaient passées en proverbe dans leur pays : « Les jours seront prolongés et toute vision périra (21). »
Ce proverbe, ainsi qu'il avait été prédit, cessa de se faire entendre lorsque de grandes calamités vinrent fondre sur eux ; mais les malédictions prononcées contre eux ne furent pas effacées par un accomplissement partiel et passager ; au contraire, dès que le peuple recommença ses iniquités, elles retombèrent sur sa tête selon qu'il lui était prédit, avec une sévérité sept fois plus terrible.

Ce fut dans le but spécial de décider leur choix que Moïse et tous les prophètes annoncèrent tout à la fois aux Juifs des bénédictions et des malédictions. Hélas ! toute l'histoire du peuple d'Israël prouve que tous leurs avertissements ne rencontrèrent que du mépris ; mais la parole de Dieu demeure : « Ma parole, dit-il, ne retournera point à moi sans effet, mais elle fera ce que j'aurai ordonné, et aura son effet dans les choses pour lesquelles je l'aurai envoyée (22). »

Ainsi, après que les statuts et les jugements de l'Éternel eurent été mis devant les Israélites pendant l'espace de mille ans, « la parole de l'Éternel par la bouche de Malachie, » au lieu de parler de jugements révoqués, termine par la déclaration suivante : « Souvenez-vous de la loi de Moïse, mon serviteur, auquel je donnai en Horeb des statuts et des ordonnances pour tout Israël (23). »
Toutes ces prophéties démontrent clairement que, quelque long que fût le support de Dieu envers les Juifs, pour leurs transgressions, cependant, lorsqu'ils refuseraient de se repentir quand « le prophète » qui devait être « le messager de l'Éternel » serait venu, alors l'Éternel viendrait frapper la terre « à la façon de l'interdit (24). »
Le temps de la durée de ces jugements et celui de leur entier accomplissement est clairement indiqué comme devant se prolonger autant que la dispersion des Juifs et se terminer à leur restauration finale. Tant qu'ils resteront dans le pays des ennemis, leur terre restera désolée. La malédiction ne doit pas être ôtée « jusqu'à ce que l'esprit soit répandu d'en haut et que le désert devienne Carmel (25). »

Ces prophéties ne se bornent pas non plus à dépeindre la Judée abandonnée par le Seigneur et donnée à ses ennemis ; mais elles décrivent le caractère et la condition de ceux qui y habiteront pendant la dispersion et l'exil de ses anciens possesseurs jusqu'au temps où « l'Éternel régnera à Jérusalem et où il sera glorieux en présence de ses anciens (26). »

Les promesses d'une restauration finale accompagnent presque toujours les malédictions prononcées contre le peuple, et dans toutes les prophéties on trouve clairement annoncé que le temps doit venir où les enfants d'Israël seront rassemblés d'entre les nations, où les villes qui ont été « désertes d'âge en âge » seront rebâties, où les montagnes d'Israël, si longtemps « désolées, » ne le seront plus, et où l'on ne parlera plus de la « nation délaissée (27). »
Il était prédit par Daniel : « Le Christ sera retranché, et le sacrifice et l'oblation cesseront. Et alors la désolation fondra sur le désolé (28). »
Et Jésus-Christ lui-même déclare que Jérusalem sera foulée par les nations (gentils), jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis (29)

Ni la dispersion des Juifs, ni la désolation de la Judée ne doivent donc cesser, selon qu'il a été prédit, jusqu'à ce que, par cet événement, une nouvelle évidence ne soit donnée à la vérité de l'inspiration prophétique. Il s'en suit que les prophéties concernant la désolation de la Judée s'appliquent aux temps modernes. Et plus ces prédictions sont nombreuses, plus l'épreuve à laquelle on les soumet est sévère.
Et aussi longtemps que les Juifs ne seront pas ramenés de leur captivité, qu'ils ne seront pas « plantés sur leur terre pour n'en être plus arrachés (30) ; »
- aussi longtemps que ceux « qui l'ont réduite en désert ne seront pas sortis du milieu d'elle (31) ; »
- aussi longtemps que « les lieux déserts depuis longtemps ne seront pas rebâtis » ;
- aussi longtemps que les « fondements abandonnés depuis plusieurs générations ne seront pas rétablis (32) » ;
- aussi longtemps que la désolation du pays n'aura point cessé, l'effet de toutes ces prophéties sera visible ; de sorte que, de nos jours encore, il existe partout d'abondantes preuves que tout ce qui avait été déterminé a été accompli, et que « toutes les malédictions écrites dans le livre du Seigneur ont été répandues sur ce pays (33). »

La désolation de la Judée est tellement étonnante, et la pauvreté de cette contrée si remarquable, qu'oubliant toutes les prophéties qui s'y rapportent, les incrédules ont tiré de ce fait même un argument contre la vérité du christianisme. Ils tournent en ridicule l'existence d'une population aussi nombreuse que celle dont parle l'histoire sainte, dans ce pays si singulièrement aride et si peu susceptible de culture (34). Ils ont, dans plus d'un cas, abandonné d'eux-mêmes cette objection insoutenable ; ils ont rendu un témoignage non suspect de la vérité des prophéties et ont servi à établir la cause qu'ils cherchaient à détruire. Les ouvrages des écrivains de l'antiquité, la richesse naturelle du sol, les restes de terre végétale que l'on trouve jetés par des moyens artificiels sur le flanc des montagnes et qui les couvraient des récoltes les plus riches, et enfin la multitude de villes en ruines disséminées dans les plaines maintenant incultes et désertes, attestent qu'autrefois il y avait dans ces mêmes lieux une population immense et florissante, et que si l'histoire parle de la grandeur de ce pays, si les prophéties en annoncent la désolation, l'histoire et les prophéties ont été également véridiques. Les aveux de Volney et la description qu'il fait d'après ses observations personnelles, suffisent seuls pour détruire les fausses données et les sarcasmes dédaigneux de Voltaire ; et tout étonnant que cela peut paraître, ce même écrivain, par son témoignage involontaire sur les faits dont il a été lui-même témoin, rend un aussi grand service au christianisme qu'il lui a fait de tort par ses vaines théories et par ses vues erronées sur sa nature et sur son influence.

On ne saurait en effet trouver un témoignage plus fort, pour confirmer la vérité des prophéties, que celui que rend Volney lui-même, renversant ainsi par des faits ses propres doctrines.
Au sujet de la fertilité naturelle du sol et de son ancienne population, il dit : « La Syrie réunit sous un même sol des climats différents, et rassemble dans une enceinte étroite des jouissances que la nature a dispersées ailleurs à de grandes distances de temps et de lieux. À cet avantage qui perpétue les jouissances par leur succession, la Syrie en joint un second, celui de les multiplier par la variété de ses productions ; avec ces avantages nombreux de climat et de sol, il n'est pas étonnant que la Syrie ait passé de tout temps pour un pays délicieux, et que les Grecs et les Romains l'aient mise au rang de leurs plus belles provinces, à l'égal même de l'Égypte (35). »
Après avoir donné plusieurs raisons justes et suffisantes qui rendent probable la grande population de la Judée dans les temps reculés, il ajoute : « En n'admettant que l'état conforme à l'expérience et à la nature, rien ne prouve contre les grandes populations d'une certaine antiquité ; sans parler du témoignage positif de l'histoire, il est une foule de monuments qui déposent en leur faveur. Telles sont les ruines innombrables semées dans des plaines et même dans des montagnes aujourd'hui désertes. On trouve aux lieux écartés du Carmel des vignes et des oliviers sauvages qui n'y ont été portés que par la main des hommes, et dans le Liban des Druses et des Maronites les rochers abandonnés aux sapins et aux broussailles offrent en mille endroits des terrasses qui attestent une ancienne culture et par conséquent une population encore plus forte que de nos jours (36)
.
La Syrie, dit Gibbon, un des pays qui jouirent les premiers des avantages de la culture, n'était pas indigne d'obtenir cette préférence. La chaleur du climat est tempérée par le voisinage de la mer et des montagnes et par l'abondance de bois et d'eau ; et les productions d'un sol fertile fournissent à la subsistance et encouragent l'accroissement des hommes et des animaux.
Depuis le temps de David jusqu'à celui d'Héraclius, toute cette contrée était couverte de villes anciennes et florissantes ; leurs habitants étaient nombreux et riches. - Ce témoignage n'est rapporté ici que parce qu'il est non équivoque ; mais on pourrait encore en produire beaucoup d'autres.

Le pays environnant Jérusalem même est à la vérité rocailleux, comme Strabon le représente, et maintenant il est complètement stérile ; mais on était parvenu à rendre fertiles les montagnes les plus arides des environs de Jérusalem en les coupant en terrasses élevées par degrés les unes au-dessus des autres, et en y entassant de la terre par un travail étonnant (37).
« Dans toutes les parties de la Judée, ajoute Clarke, les bons effets d'un changement d'administration sont bientôt visibles, car les plaines arides prennent aussitôt un air de fertilité. Sous un gouvernement sage et paternel, les productions de la Terre Sainte seraient incalculables. Ses abondantes récoltes, la salubrité de son air, la pureté de ses eaux, ses rivières, ses lacs, ses belles plaines, toutes ces choses, ajoutées à la douceur du climat, indiquent bien que c'était ici la terre que le Seigneur avait bénie  (38

Mais ce fait de l'ancienne fertilité de la Judée, aussi bien que celui de sa désolation actuelle, sont si bien établis qu'il n'y a plus lieu à les discuter ; et en essayant de faire douter à cet égard de la vérité de l'histoire sainte, les incrédules ont fait choix d'un terrain qu'ils ont été obligés d'abandonner, et toutes leurs déclamations n'ont servi qu'à prouver, avec leur incrédulité, leur insigne mauvaise foi.

En terminant donc sur ce sujet, on peut ajouter que l'étendue et la durée de cette désolation, sur laquelle ils se fondent pour rejeter la description biblique de l'ancienne gloire de la Judée, ayant été clairement prédites, plus il est difficile d'accorder ce qui était avec ce qui est, plus les prophéties qui l'ont révélée sont étonnantes, et plus il est visible qu'elles ne sont que la voix du ciel ; et les arguments de l'incrédule conduisent à une conclusion qui tourne contre lui. Tel est le témoignage positif de l'histoire ; telles sont les preuves patentes de l'ancienne grandeur et de l'ancienne fertilité de la Palestine ; et maintenant nous pouvons examiner avec calme le changement complet qui s'est opéré dans ce pays, et la conformité qui existe entre ce changement et les paroles de la prophétie.

Il y a tout lieu de croire que sous un gouvernement régulier et solidement établi, un pays si favorisé par son climat, si divers dans sa surface, d'un sol si riche et si productif, aurait pu réellement retrouver son ancienne opulence et sa puissance ; sa constante et continuelle désolation est donc contraire également à tous les calculs de l'expérience et de la raison, et paraît inconcevable à l'homme.
« Mais le pays avait été désolé par des étrangers. Malheur devait venir sur malheur, une ruine être appelée par une autre a ruine ; car toute la terre devait être détruite. »
Les Chaldéens dévastèrent la Judée, et tous ses habitants furent menés en captivité : les rois de Syrie et d'Égypte ruinèrent ce pays par leurs extorsions et leur oppression continuelle : longtemps il fut soumis au joug de fer des Romains, et les Perses essayèrent de s'en rendre maîtres ; mais quelque temps plus tard, des ennemis plus terribles encore parurent sur la scène et mirent le comble à cette oeuvre de destruction.
« L'an 622 ( 636 ) les tribus de l'Arabie rassemblées sous l'étendard de Mahomet vinrent s'en emparer ou plutôt la dévaster. Depuis ce temps, déchirée par les guerres civiles des Fatimites et des Ommiades, soustraite aux califes par leurs lieutenants rebelles, ravie à ceux-ci par les milices turkomanes, disputée par les Européens divisés, reprise par les Mameloucks d'Égypte et ravagée par Tamerlan et ses Tartares, elle est enfin restée aux mains des Turcs Ottomans (39). « Elle a été dévorée par des étrangers, foulée par les nations ; malheur est venu sur malheur. »

« Les villes seront désertes ; » d'après le témoignage unanime des voyageurs, on peut appeler la Judée un vaste champ de ruines. Sur toute l'étendue de la Syrie, des colonnes, des monuments d'une magnificence passée, sont ensevelis sous des ruines et des décombres (40).
Du sommet du mont Thabor on contemple une immense étendue de plaines entrecoupées de hameaux, de forteresses et de monceaux de ruines. Les édifices élevés sur cette montagne furent détruits par le sultan d'Égypte en 1250, et les nombreux restes des forts et des ruines ne sont plus qu'une triste masse de désolation (41). Des monceaux de décombres sont tout ce qui reste des anciennes et célèbres villes de Capharnaüm, de Bethsaïde, de Gadara, de Zanthée et de Chorazin (42).

On peut encore voir quelques vestiges d'Emmaüs. Cana n'est qu'un tout petit village.
- Les murs de Tékoa ne présentent plus que les fondements de quelques grands édifices (43).
- La ville de Naïn n'est plus qu'un hameau.
- Les ruines de l'ancienne Sapphura prouvent l'existence d'une ville autrefois considérable, et son nom se retrouve encore dans celui d'un misérable village appelé Séphoury (44).
- Lourd, anciennement Lydde, et Diospolis ressemblent à des lieux récemment dévastés par le feu ou par l'épée, et ne sont plus qu'un amas de débris et de décombres. (45)
- Ramla, autrefois Arimathée, est presque aussi délabrée ; on ne trouve que décombres dans toute son enceinte. Dans tous les pays environnants, on rencontre à chaque pas des puits séchés, des citernes crevassées et de grands réservoirs voûtés, qui prouvent que jadis cette ville devait avoir au moins une lieue et demie de circonférence (46).
- Césarée ne peut plus exciter l'envie d'un conquérant ; il y a longtemps qu'elle ne connaît que le silence de la désolation (47)
- La ville de Tibériade est maintenant presque abandonnée, et sa subsistance est précaire. Il ne reste plus de traces des villes qui autrefois entouraient le lac (48).
- Zabulon, jadis la rivale de Tyr et de Sidon, n'est qu'un monceau de ruines.
- Quelques pierres sans forme, indignes de l'attention d'un voyageur, indiquent le site de la Saffra (49).
- Les ruines de Jéricho, ne couvrant pas moins d'un mille carré, sont environnées d'une désolation complète, et tout à l'entour de cette ville abandonnée on ne pourrait trouver un arbre de quelque espèce que soit, et à peine le moindre indice de verdure (50).
- On ne rencontre point de traces de Bethel ; les ruines de Sarepta et de plusieurs grandes villes de son voisinage ne sont plus que des monceaux de décombres ; et on ne les reconnaît comme ayant été des emplacements de villes que par les tas de pierres et les fragments de colonnes (51; mais à Djerash ( Gerasa, à ce que l'on suppose) on retrouve encore les restes d'une ville magnifique, la forme des rues jadis entourées d'une double colonnade et couvertes de pavés encore presque entiers, sur lesquels on distingue les traces des roues ; de chaque côté un trottoir élevé, deux théâtres, deux grands temples construits en marbre et d'autres d'une architecture inférieure, des bains, des ponts, un cimetière contenant beaucoup de monuments qui environnait la ville, un arc de triomphe, une grande fontaine, un tombeau pittoresque garni de colonnes, un aqueduc, et plus de deux cent trente colonnes encore debout au milieu des ruines désertes de la ville qu'elles devaient embellir, tout cela réuni présente à l'oeil du voyageur, à ce que disent ceux qui sont à même de faire la comparaison, une masse de ruines qui l'emportent en magnificence sur celles de Palmyre si vantées (52).

Ah ! que les prédictions qui annoncent cette désolation sont merveilleusement accomplies, lorsque partout on ne trouve que des ruines, là où florissaient autrefois les belles villes de la Judée : lorsqu'on voit cette multitude de villes entourées d'assez de vestiges pour en montrer le nombre, mais sans le moindre signe qui en indique le nom !
« Votre peuple sera en désolation, et vos villes en désert. Alors cette terre se plaira dans ses sabbats tout le temps qu'elle sera désolée : lorsque vous serez au pays de vos ennemis, la terre se reposera et se plaira en ses sabbats (53».
Il suffit de jeter un coup d'oeil sur la loi mosaïque et sur ce qui regarde le sabbat, pour comprendre toute la portée de cette prédiction. « En la septième année il y aura un sabbat de repos pour la terre ; ce sera un sabbat à l'Éternel. Tu ne sèmeras point ton champ et tu ne tailleras point ta vigne (54) » ; c'est ainsi que la terre de Judée a joui de ses sabbats pendant tout le temps qu'elle a été désolée. Là où chaque pouce de terrain était cultivé comme un jardin par le possesseur, là où chaque petite colline rapportait des fruits en abondance, là où chaque endroit escarpé était rendu fertile par le pénible travail de l'homme, là où les rochers même cessaient d'être arides, à force de peines et d'efforts, dans ce même pays, sous le même climat (55), avec le même sol, on ne voit depuis de longs siècles que des plaines sans culture et une désolation universelle.
Jamais, depuis que les descendants d'Abraham ont dû quitter leur patrie, jamais depuis leur expulsion de leur terre natale, cette terre n'a été si fertile ni si peuplée ; elle a semblé se refuser constamment à devenir la propriété d'un autre peuple. Elle s'est reposée de siècle en siècle, et tant que cette race dispersée, réprouvée, maudite, possédant cependant la promesse de Dieu, et la conservant comme le gage de sa restauration finale, « tant que ce peuple restera au pays de ses ennemis, la terre se reposera ».

On pourrait presque dire qu'il semble exister une sympathie secrète entre ce peuple exilé et son pays abandonné ; comme si la terre d'Israël gémissait sur les malheurs de ses enfants, attendait leur retour, et répondait de son côté à leur invincible attachement, en se refusant à donner à ses possesseurs actuels ces riches récoltes qui, du temps de leur soumission au Très-Haut, étaient la marque spéciale et particulière de la bénédiction qu'il répandait sur eux. Et quelque frappant que soit ce parfait accord entre le sort des Juifs et l'état de la Judée, il en existe un non moins remarquable entre ce sort et les prédictions faites par la bouche de Moïse, avant que les tribus d'Israël eussent mis leur pied sur la terre de Chanaan : « Et lorsque vous serez au pays de vos ennemis, la terre se reposera et se plaira en ses sabbats ».

Tous les voyageurs se trouvent d'accord en parlant de la désolation de la Judée. La malédiction prophétique s'adressait aux montagnes et aux collines, aux rivières et aux vallées, et leur beauté a été flétrie.
Là où les habitants vivaient en paix, chacun à l'ombre de sa vigne et de son figuier, la tyrannie des Turcs et les continuelles incursions de leurs anciens oppresseurs, les Arabes, ont laissé une désolation presque universelle. La plaine d'Esdraélon, naturellement si fertile, dont le sol consistait en « une terre riche et grasse », unie comme un lac, sauf au centre où s'élevait le mont Ephraïm, bornée par le mont Hermon, le Carmel et le Thabor (56), dont l'étendue occupait plus de trois cent milles carrés, n'est plus maintenant qu'une vaste solitude (57).
Toute cette contrée est entièrement déserte (58). La vallée de Saron n'est plus qu'un désert. II n'existe plus aucun vestige de culture dans la vallée de Chanaan, autrefois si belle, si délicieuse, si fertile (59).
Des tribus infidèles parcourent constamment le pays dans tous les sens ; les Arabes nourrissent leurs bestiaux du produit spontané de ces riches plaines (60). On y a détruit toutes les anciennes bornes. Il n'y existe aucune loi. La vie et les propriétés y sont également sans protection. Les vallées ne sentent jamais le tranchant de la charrue, les montagnes ont perdu leur verdure ; les rivières arrosent un pays désert et aride ; tout ce que les hommes pouvaient détruire de ce qui faisait la beauté du Thabor, ils l'ont anéanti ; d'immenses ruines qui en couvrent la sommité sont tout ce qui reste d'une cité magnifique, et le Carmel est la demeure des animaux sauvages (61) « L'art de la culture, dit Volney, est dans un état déplorable ; il faut que le paysan sème le fusil à la main, et l'on ne sème qu'autant qu'il faut pour vivre. Chaque jour je trouvais des champs abandonnés par la charrue (62) »

En faisant la description de son voyage en Galilée, Clarke observe que la terre était couverte d'une telle variété de chardons que la collection en eût été précieuse pour l'étude de la botanique (63) ; lui-même il en découvrit six nouvelles espèces dans une petite collection qu'il fut à même de faire.
« Depuis Kanc-Leban jusqu'à Bir, dit Maundrel, au milieu de ruines de villes, le voyageur ne distingue, aussi loin qu'il peut porter ses regards, que des rochers arides, des montagnes et des précipices. À cette vue les pèlerins sont frappés d'étonnement, déçus dans leur attente et presque ébranlés dans leur foi (64). »

Du haut des élévations voisines, dans les environs de Jérusalem, on ne voit qu'un désert sauvage, aride et montagneux ; point de troupeaux sur les sommets, point de forêt pour en embellir les pentes escarpées ; point de fleuves pour arroser les vallées ; rien qu'une scène triste, mélancolique ; une désolation sauvage, au milieu de laquelle, veuve de son antique gloire, la Judée courbe sa tête abattue (65). Il est inutile de continuer nos citations pour prouver la désolation d'un pays possédé par des Turcs et dépouillé par des Arabes, pendant une longue suite de siècles. Il a été suffisamment démontré que « la terre a été réduite en désolation, qu'elle est toute désolée et en deuil. »

« Toutefois, il en restera une dixième partie, qui sera de nouveau broutée ; mais comme la fermeté des chênes et des ormes consiste en ce qu'ils rejettent, ainsi la semence sainte sera sa fermeté (66».
Quoique les villes soient désertes et la terre désolée, si l'on a cessé de cultiver le sol, ce n'est pas qu'il soit appauvri, et si la terre se repose depuis tant de siècles, ce n'est pas que son ancienne fertilité soit diminuée. La fertilité de la Judée ne provenait pas seulement de moyens artificiels ou de telle ou telle cause locale ; dans ce cas, il n'aurait pas été nécessaire qu'un prophète prédit qu'une fois désolée et dévastée elle retournerait à sa stérilité première.
Dans tous les temps, la Phénicie occupa un rang bien différent parmi les plus riches contrées de la terre ; ce n'était pas une possession inculte et stérile, ce n'était pas une terre désolée et abandonnée que Dieu aurait donnée, dans son alliance, à la semence d'Abraham.
La Judée, il est vrai, n'étant plus cultivée comme un jardin, est bien différente de ce qu'elle était ; tout ce que le génie de l'homme avait pu imaginer ou exécuter a été détruit par la main de l'homme ; « tous les nombreux biens » dont elle était enrichie, embellie et bénie, ont disparu comme des feuilles sèches lorsque leur verdure est flétrie. Dépouillée de son ancienne splendeur, elle est semblable à un chêne puissant dont les feuilles sont mortes ; mais elle conserve en elle-même la source secrète de sa fertilité ; la richesse naturelle du sol est toujours la même ; « sa fermeté est en elle, pareille au chêne ou à l'orme dont la fermeté consiste en ce qu'ils rejettent ». Et semblable au chêne qui attend, dépouillé de ses feuilles, la douce chaleur du printemps pour se revêtir d'un nouveau feuillage, de même la terre de Judée, jadis si riche et si florissante, est encore pleine de force et de puissance végétative, et elle est prête à revivre, plus belle encore que dans le commencement, dès que le soleil d'en haut daignera luire sur elle et que la semence sainte lui sera confiée.
« La fermeté qui est en elle » ne peut être mieux décrite que par les paroles suivantes d'un des plus grands ennemis de la religion : « La terre des plaines est grasse, légère, et annonce la plus grande fécondité ; - si l'art venait au secours de la nature, on pourrait y rapprocher dans un espace de vingt lieues les productions des contrées les plus distantes (67). »
« La Galilée, dit Malte-Brun, serait un paradis, si elle était habitée par un peuple industrieux sous un gouvernement éclairé. On y voit des plants de vignes qui ont plus d'un pied et demi de diamètre (68). »

« Et je la livrerai au pillage dans les mains des étrangers et en proie aux méchants de la terre, et des voleurs y entreront et la profaneront (69).
Au lieu d'être soumise à un gouvernement stable et éclairé, la Judée a eu constamment à subir de nouvelles invasions qui y ont introduit et établi successivement plusieurs peuples étrangers. Lorsque les Ottomans enlevèrent la Syrie aux Mamelouks, ils ne la regardèrent que comme la dépouille d'un peuple vaincu. Or, suivant ce principe, le vaincu est entièrement à la discrétion du vainqueur ; sa vie, ses biens lui appartiennent. Le gouvernement est loin de condamner ce système de vol et de brigandage dont il retire un si grand profit (70).

« Plusieurs, bergers ont gâté ma vigne, ils ont foulé mon partage (71). »
Les ravages que commet une armée étrangère ne sont ordinairement que de courte durée ; ou, si un conquérant prend possession du pays qu'il a vaincu, il s'y établit, le cultive et le protège. C'est le propre d'un gouvernement sage de protéger les personnes et les propriétés. Il n'en a jamais été ainsi de la Judée ; car, outre les nouvelles invasions qu'il lui a fallu constamment subir, et outre le système de spoliation exercé par son despotique gouvernement, d'autres causes se sont réunies à celles-ci pour maintenir cet état de désolation, et pour rendre inutiles les richesses qu'elle pouvait conserver en elle-même.
Parmi ces causes est le fait que, littéralement, « elle a été foulée par plusieurs bergers ».

Volney consacre un chapitre tout entier à la description de ce qu'il appelle « les peuples pasteurs ou errants de la Syrie » particulièrement des Arabes Bédouins qui parcourent constamment la Judée. On peut compter environ 30,000 Turkmans dans le pachalik d'Alep et celui de Damas ; tous leurs biens consistent en bestiaux. Dans le même pachalik on estime que cette peuplade dépasse 20 mille tentes, c'est-à-dire 120 mille hommes armés.
Les Kourdes passent presque partout pour des brigands ; comme les Turkmans ils sont pasteurs et vagabonds (72).
Un troisième peuple errant dans la Syrie sont les Arabes Bédouins (73). « Souvent il arrive que des individus, devenus voleurs pour se soustraire aux lois ou à la tyrannie, se réunissent et forment de petits camps qui se maintiennent à main armée, et deviennent, en se multipliant, de nouvelles hordes ou de nouvelles tribus.
On peut donc dire que dans les terrains cultivables la vie errante n'a pour cause que la dépravation du gouvernement ; et tout indique que la vie sédentaire et cultivatrice est celle à laquelle les hommes sont le plus naturellement portés (74). On sent qu'un tel pays ne peut avoir qu'une agriculture précaire, et que, sous un régime comme celui des Turcs, il est plus sûr de vivre errant que laboureur sédentaire (75).
Les Turkmans, les Kourdes et les Bédouins n'ont pas de demeures fixes, mais ils errent sans cesse avec leurs tentes et leurs troupeaux dans l'étendue restreinte des districts dont ils se regardent comme les propriétaires.
Les Arabes campent sur toute la frontière de la Syrie et même dans les plaines de la Palestine (76).

Ainsi, contrairement à leur inclination naturelle, les paysans sont souvent forcés d'abandonner leurs demeures fixes, et beaucoup de tribus de pasteurs sans habitations se partagent le pays par consentement mutuel, pour ainsi dire, et se le divisent en districts par une espèce de droit de propriété qu'elles se sont arrogé. Les Arabes, subdivisés à leur tour en différentes peuplades, parcourent les plaines de la Palestine, et, par leurs courses interminables, semblent vouloir la fouler aux pieds.
Quel état de choses aurait pu paraître plus improbable ou moins naturel ! et cependant en est-il un plus littéralement vrai ! et l'effet de la prédiction pouvait-il être plus frappant ! « Plusieurs pasteurs ont gâté ma vigne ; ils ont foulé mon partage ! »

« Vous serez comme un verger qui n'a point d'eau (77). Jusqu'à quand la terre sera-t-elle dans le deuil, et l'herbe de tous les champs séchera-t-elle à cause de la malice de ses habitants (78) ? »
Dans les pays chauds, partout où il y a de l'eau, on peut entretenir la végétation dans un travail perpétuel (79) et faire succéder sans relâche des fruits aux fleurs et des fleurs aux fruits. On trouve par toute la Judée des restes de citernes ou réservoirs pour l'eau de pluie, et on remarque encore des traces de canaux au moyen desquels on arrosait les champs. De ce travail résultait nécessairement une prodigieuse fertilité, sous un soleil ardent, là où il ne fallait qu'un peu d'eau pour activer la végétation (80).
À fort peu d'exceptions près, ce travail est maintenant inconnu. La Judée est un verger qui n'a point d'eau, et l'herbe de tous les champs est desséchée. « L'on n'y voit point ces riants tapis d'herbes et de fleurs qu'étalent les prairies de la Normandie et de la Flandre, ni ces massifs de beaux arbres qui donnent tant de vie et de richesse aux paysages de la Bourgogne et de la Bretagne ; la terre en Syrie a presque toujours un aspect poudreux (81). »
Toute la montagne, près de Tibériade, est couverte d'herbe desséchée (82). « Peut-être, si la main de l'homme n'eût ravagé ces campagnes, seraient-elles ombragées de forêts ; si donc il arrive que les produits ne répondent pas à ses moyens, c'est moins à son état physique qu'à son régime politique qu'il en faut reporter la cause (83). »
« Les forteresses seront autant de cavernes à toujours ». « À chaque pas l'on y rencontre des ruines de tours, de donjons, de châteaux avec des fossés ; ils sont abandonnés aux chacals, aux hiboux et aux scorpions » (84).

« La ville forte sera désolée, la maison de plaisance sera abandonnée. »
Il y a un nombre prodigieux de ruines dispersées sur les plaines, et jusque dans les montagnes maintenant désertes (85).

« Le veau y paîtra et y gîtera, et broutera les branches qui y seront ; les troupeaux y paîtront ; les agneaux paîtront à leur ordinaire ; et les étrangers mangeront les déserts où le bétail devenait gras ».
Josèphe, en parlant de la Galilée dont il était gouverneur, dit : « Elle est pleine de plantations de toutes sortes d'arbres ; le sol est universellement riche et fertile, et tout le pays, sans en excepter la moindre partie, est soigneusement cultivé par ses habitants : de plus, ajoute-t-il, les villes sont en grand nombre, et il y a beaucoup de villages où le sol est si riche et les habitants si nombreux que la population du moindre d'entre eux est de plus de 15,000 âmes (86). »
Telle était la Galilée au commencement de l'ère chrétienne, plusieurs siècles après cette prophétie. Mais maintenant la plaine d'Esdraélon et toutes les autres parties de la Galilée qui offrent des pâtures sont occupées par des tribus arabes, et autour de leurs tentes grisâtres les moutons et les agneaux dansent au son du cor qui le soir leur fait entendre le rappel (87). Le veau se couche et se nourrit parmi les ruines des villes ; il dévore sans obstacle les branches des arbres ; quelque changé que soit l'état des habitants, les agneaux paissent à leur ordinaire, et tandis que la terre est désolée, et que les joyeux de coeur gémissent, eux ils sautent au son des instruments.


(99) Lévit., XXVI, 18-21. 24.

(1) Ibid., 31-34, 43.

(2) Deut., XXIX, 22, 24, 27.

(3) Esaïe, I, 7, 9.

(4) Ibid., 30.

(5) Ibid., V, 6, 9. 10. 17.

(6) Ibid., VI, 11, 13.

(7) Ibid., X, 23.

(8) Esaïe, XVII, 4-6.

(9) Ibid., XXIV, 1, 3-11, 13.

(10) Esaïe, XXVII, 10,11.

(11) Ibid., XXXII, 9, 10-15.

(12) Ibid., XXXIII, 8, 9.

(13) Jérémie, IV, 20, 26-28.

(14) Ibid., XII, 4, 7, 10-13.

(15) Ezéchiel, VI, 3, 6, 14.

(16) Ezéchiel, VII, 24 ; XII, 19. - Jérém., XIX, 8.

(17) Joël, I, 2-4,10,12 ; II, 25, 26.

(18) Amos, V, 3, 5.

(19) Amos, VII, 8, 9.

(20) Michée, I, 6.

(21) Ezéchiel, XII, 22-25.

(22) Esaïe, LV, 11.

(23) Malachie, IV, 4.

(24) Ibid., 5-6.

(25) Esaïe, XXXII, 15.

(26) Ibid., XXIV, 1, 23.

(27) Ibid., LXI, 4. - Ezéchiel, XXXVI, 8, 10 ; XXXVII, 21 ; XXXVIII, 8. - Esaïe, LXII, 4.

(28) Daniel, IX, 26, 27.

(29) Luc, XXI, 24.

(30) Amos, IX, 14,15.

(31) Esaïe, XLIX, 11.

(32) Esaïe, LVIII, 12.

(33) Deut., XXIX, 27.

(34) Sans citer d'autorité à l'appui de ses assertions, et sans nous apprendre si, à défaut de preuves, il était doué d'en haut de la connaissance de l'histoire et de la géographie, Voltaire parle de l'ancienne Palestine en termes de mépris, et la décrit comme un des pins mauvais pays de l'Asie ; il la compare à la Suisse et prétend qu'on ne peut la considérer comme fertile que par rapport au désert.
« La Palestine n'était que ce qu'elle est aujourd'hui, un des plus mauvais pays de l'Asie. Cette petite province, etc. (Oeuvres de Voltaire, t. XXVII, p. 107). »
Sans opposer à ce passage l'autorité de Joseph et de Jérôme, tous deux habitants de la Judée, et meilleurs juges du fait que Voltaire, nous renvoyons le lecteur au récit suivant qui n'est pas entaché de la partialité que l'on remarque chez les écrivains juifs ou chrétiens. Nous serions surpris, disons-le en passant, que Voltaire n'eut pas mieux apprécié ce passage, si nous ne nous rappelions que le grand-prêtre de l'incrédulité moderne avait pris l'habitude de sacrifier la vérité sur l'autel du sarcasme.

« Corpora hominum salubria et ferentia laborum ; rari imbres, uber solum, fruges nostrum ad morem ; praeterque eas balsamum et palmae. Magna pars Judaeae vicis dispergitur : habent et oppida. Hierolyma genti caput. Illic immensae opulentiae templum, et primis munimentis urbs (Taciti Hist., 1. V., c. VI-VIII) »
« Ultima Syria est Palestina, per intervalla magna protenta, cultis abundans terris et nitidis, et civitates habens quasdam egregias, nullam sibi cedentem, sed sibi vicissim velut ad perpendiculum aemulas (Ammianus Marcellinus, I. XIV, c. VIII, &11). »
« Nec sane viris, oppidis, armis quicquam copiosius Syria (Flori Hist., I. II, c. VIII, & 4). »
« Syria hortis operosissima est, indeque proverbium Graecis : Multa Syrorum olera (Plinii Hist. nat., I. XX, c, v). »

(35) Volney, t. I, c, II & 8.

(36) Volney, t. II, c. XXXIII.

(37) Voyages de Clarke, vol. II, p. 520. - Le général Straton représente ces terrasses comme ressemblant aux gradins d'un théâtre, et les considère précisément comme des restes et les preuves du luxe de l'ancien temps.

(38) Clarke, vol. II, p. 521.

(39) Volney c. XXII, p 350

(40) Voyages de Mariti, vol. II, p. 141.

(41) Buckingham, p. 109. - Mariti.

(42) Ibid. - Voyages de Wilson, p. 227.

(43) Voyage à Constantinople, par Macmichael, p. 156.

(44) Clarke, vol. II, p. 401. 
(45) Volney.

(46) Volney. 

(47) Light, p. 204. - Buckingham, p. 126.

(48) Ibid.

(49) Mariti, vol. II, p. 158, 169.

(50) Buckingham, p. 300.

(51) Voyages des capitaines Irby et Mangles, p. 199.

(52) Voyages de Irby et Mangles, p. 317-318.
C'est en 1806 que Seetzen découvrit pour la première fois les ruines de Djerash. Parmi les personnes qui les ont visitées depuis se trouvent Sheikh Ibrahim (Burckhardt), sir William Chatterton, M. Bankes, le capitaine Irby, le capitaine Mangles, M. Leigh. M. Leslie et M. Buckingham. Burckhardt et Buckingham nous en ont l'un et l'autre laissé une description. Plusieurs d'entre ses édifices furent bâtis longtemps après l'époque de la prophétie. Il parait qu'ils ne devaient pas, pour cela, échapper à la sentence de désolation prononcée contre la ville entière.

(53) Lév., XXVI, 33-34

(54) Ibid., XXV, 4.

(55) Voyez le Journal philosophique de Brewster, n" 16, p. 227.

(56) Voyages manuscrits du général Straton.

(57) Clarke, vol. II, p. 497. - Voyages de Maundrell, p. 95.

(58) Burckhardt, p. 334, 342.

(59) Straton.

(60) Clarke, vol, II, p. 484, 491.

(61) Mariti, vol. II, p. 140.

(62) Volney, Voyages, ch. XXXVII et XXXVIII. - Ruines.

(63) Clarke, vol. II, p. 451.

(64) Maundrell, p. 169.

(65) Lettres de Joliffe sur la Palestine, vol. I, p. 104.

(66) Esaïe VI, 13

(67) Volney, vol. I, & 7, 8.

(68) Schulze, dans Pallas, cité par Malte-Brun, Géog., v. II, p 140.

(69) Ezéchiel, VII, 21, 22.

(70) Volney, vol. II.

(71) Jérémie, XII, 10.

(72) Volney, ch. XXIII, & 2. 

(73) Ibid., XXIII, & 3.

(74) Volney, ch. XXIII, & 3, p. 350.

(75) Ibid., p. 354.

(76) Ibid., ch. XXII, p. 826.

(77) Esaïe, I, 30.

(78) Jérémie, XII, 4.

(79) Volney, vol. II, p. 381.

(80) Géographie de Malte-Brun, vol. I, p. 154, 157.

(81) Volney, vol. II, p. 330.

(82) Burckhardt, p. 331.

(83) Volney, vol. II, p. 331.

(84) Volney, ch. XXXI.

(85) Ibid.

(86) Josèphe, De bello judaico, I. III, ch. III, & 2.

(87) Schulze, cité par Malte-Brun, vol. II, p. 148.
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant