La république d'Israël, depuis son
commencement jusqu'à sa fin, exista pendant
l'espace de plus de quinze cents ans. En donnant
aux Juifs leur loi, Moïse s'attribua plus que
l'autorité d'un législateur
humain ; il déclara hautement qu'il
était revêtu d'une autorité
divine ; et, après
avoir conduit les dix tribus jusqu'aux
frontières du pays de Canaan, il assura que
la bénédiction céleste
accompagnerait leur soumission à cette loi,
et prédit des jugements
sévères contre ceux qui oseraient
l'enfreindre.
L'histoire des Juifs témoigne en faveur de
la vérité de cette prophétie
faite par le premier de leurs conducteurs, mais il
faudrait, pour élucider ce fait, entrer dans
trop de détails. Heureusement cette histoire
contient des prédictions qui, en
s'appliquant à des événements
plus récents, n'admettent aucune
interprétation ambiguë et se rapportent
à des faits historiques aussi positifs que
remarquables.
Celui qui fonda le gouvernement des
Israélites annonça, malgré le
cours de tant de siècles, quelle serait sa
fin. Lorsqu'ils erraient dans le désert,
sans villes et sans domiciles, il les menaça
de la ruine de leurs villes, de la
dévastation de leur contrée. Ils
contemplaient pour la première fois la terre
de Canaan ; triomphants et victorieux, ils
allaient en devenir possesseurs, que
déjà il leur montrait la scène
de désolation qu'elle présenterait
à leur postérité vaincue et
esclave.
Avant qu'ils y fussent eux-mêmes
entrés, en en chassant les habitants, il
leur parle de ces ennemis qui devaient subjuguer et
disperser leurs descendants, quoiqu'ils dussent
venir d'une partie éloignée du globe
et ne paraître sur la scène que plus
de mille ans plus tard.
« L'Éternel fera lever contre toi
de loin au bout de la terre une nation qui volera
comme vole l'aigle ; une nation dont tu
n'entendras point la langue ; une nation
fière qui n'aura point égard au
vieillard, qui n'aura point pitié de
l'enfant. Elle mangera tes fruits et tes
bêtes, et les fruits de ta terre,
jusqu'à ce que tu sois
exterminée ; elle ne te laissera rien
de reste, ni fromage, ni vin, ni huile, ni aucune
portée de tes vaches, ni
brebis de ton troupeau, jusqu'à ce qu'elle
t'ait ruinée ; et elle
t'assiégera dans toutes tes villes
jusqu'à ce que tes murailles les plus hautes
et les plus fortes, sur lesquelles tu te seras
assurée dans tout ton pays, tombent par
terre
(34). »
Chaque partie de cette prophétie a
reçu son entier accomplissement. Comment
dépeindre en termes plus exacts la situation
lointaine des Romains ? la rapidité de
leur marche, leur langue inconnue, leur air
martial, leur cruauté, et le pillage qu'ils
exercèrent sur les personnes et les
possessions des Juifs ?
Vespasien, Adrien et Jules Sévère
transportèrent une partie de leur
armée de la Grande-Bretagne à la
Palestine, les deux extrémités de
l'empire romain. Des aigles surmontaient leurs
étendards, et ils marchèrent avec la
plus grande célérité à
la réduction de la Judée.
C'était une nation à la physionomie
farouche ; race entièrement distincte
des troupes efféminées de l'Asie.
À Gadare et à Samale, dans plusieurs
endroits de l'empire romain, et plusieurs fois
à Jérusalem même, les Juifs
furent passés au fil de
l'épée, sans égard à
l'âge ou au sexe. Les habitants furent rendus
esclaves et bannis ; toutes leurs possessions
furent confisquées, et le royaume
d'Israël, d'abord humilié
jusqu'à devenir province romaine, finit par
être la propriété
particulière de l'empereur. Chaque ville de
la Judée fut assiégée, prise
et saccagée, et toutes ses hautes
forteresses furent détruites.
Mais le prophète continue encore à
raconter des détails qui font horreur
à l'humanité, et qui indiquent le
plus haut degré de misère et de
dégradation, le dernier excès de la
famine ou du désespoir : l'homme
aurait-il jamais pu
prédire de telles
scènes ?
« Tu mangeras durant le siège, et
dans l'extrémité où ton ennemi
te réduira, le fruit de ton ventre, la chair
de tes fils et de tes filles, que l'Éternel
ton Dieu t'aura donnés ; l'homme
le plus tendre et le plus délicat d'entre
vous regardera d'un oeil d'envie son frère,
sa femme bien-aimée, et le reste de ses
enfants qu'il aura réservés pour ne
donner à aucun d'eux de la chair de ses
enfants, qu'il mangera, parce qu'il ne lui sera
rien demeuré du tout à cause du
siège et de l'extrémité
où ton ennemi te réduira dans tes
villes ; la plus tendre et la plus
délicate d'entre vous, qui n'aura point
essayé de mettre la plante de son pied par
terre, par délicatesse et par mollesse,
regardera d'un oeil d'envie son mari
bien-aimé, son fils et sa fille, et la taie (Enveloppe
d'un organe,
des viscères) de son petit enfant
qui sortira d'entre ses pieds, et les enfants
qu'elle enfantera ; car elle les mangera
secrètement dans la disette où elle
sera de toutes choses à cause du
siège et de l'extrémité
où ton ennemi te réduira dans toutes
tes villes
(35). »
Six cents ans après celle prédiction,
Samarie, alors la capitale d'Israël,
était assiégée par toute
l'armée du roi de Syrie. La plus mauvaise,
la plus vile nourriture fut vendue à un prix
exorbitant, « et la tête d'un
âne coûtait 80 pièces d'argent
(36). »
Lorsque Nabuchodonozor assiégea
Jérusalem, il y eut une famine dans toute la
ville, et le pain manquait pour les habitants du
pays. Josèphe raconte les affreuses
souffrances des Juifs pendant le dernier
siège qu'ils soutinrent avant la destruction
finale de leur ville. La faim maîtrisait tous
les sentiments de l'humanité, et ce qui
avait été un objet de respect en
devint un de mépris.
Des enfants arrachaient la nourriture de la bouche
de leurs pères ; et des mères
mêmes, imposant silence à la voix de
la nature, étaient de la bouche de leurs
enfants mourants le dernier soutien de leur
vie ; dans chaque maison où il restait
la moindre substance nutritive, il s'élevait
d'affreuses disputes, et les plus proches parents
s'arrachaient le plus petit moyen d'existence
(37).
Il ajoute des détails horribles ; les
menaces du prophète inspiré ne se
trouvent que trop affreusement accomplies, lorsque
l'historien continue à raconter quel
terrible accord deux femmes de Samarie firent entre
elles ; accord qui réalisait les
paroles de Jérémie, lorsque, pleurant
sur les misères du siège qui eut lieu
de son temps, il dit : « Les mains
des femmes naturellement pitoyables ont fait cuire
leurs enfants, qui leur ont servi de viande dans la
ruine, de la fille de mon peuple. »
Josèphe parle d'une dame noble qui tua de
ses propres mains et mangea en secret son
nouveau-né (fait qui remplit même
d'horreur toute la ville), sans que, par ces faits,
l'historien profane fasse allusion à la
vérité des prophéties de
l'Ancien Testament. Or, quand des
événements si bien constatés,
d'une nature si singulière et si frappante,
ont été prédits plusieurs
siècles avant leur accomplissement, il est
impossible qu'ils aient été
révélés autrement que par
l'inspiration de Celui qui prévoit la fin de
toutes les iniquités de la terre.
Moïse et d'autres prophètes ont aussi
annoncé que les Juifs resteraient en petit
nombre dispersés parmi les nations, qu'ils
seraient tués devant leurs ennemis, que
l'orgueil de leur puissance serait abaissé,
que leurs villes seraient saccagées,
qu'elles seraient
détruites et sapées jusqu'à
leurs fondements ; qu'ils seraient
tirés de leur pays, vendus pour esclaves, et
que personne ne voudrait les acquérir ;
que leurs autels seraient désolés et
que leurs os seraient dispersés autour de
leurs autels ; que des nations
étrangères camperaient autour de
Jérusalem, l'assiégeraient avec des
tours et dresseraient contre elle des forts ;
qu'elle serait labourée comme un
champ ; qu'elle serait réduite en
monceaux ; que la fin viendrait sur eux, et
que l'Éternel les jugerait selon leurs
voies, et qu'il les récompenserait selon
leurs abominations ; au dehors
l'épée, en dedans la peste et la
famine.
« Celui qui sera aux champs mourra par
l'épée, et la famine et la
mortalité dévoreront celui qui sera
dans la ville
(38). »
Les prédictions relatives au siège et
à la destruction de Jérusalem,
rapportées dans le Pentateuque et dans les
prophéties suivantes, s'accordent avec la
prophétie détaillée que fait
Jésus-Christ du même
événement. L'étendue de cet
écrit ne nous permet pas d'entrer dans tous
ces détails ; mais ce sujet a
été fréquemment discuté
avec habileté, et cette prédiction
est si parfaitement en accord avec le
témoignage incontestable d'historiens
impartiaux, qu'il nous suffira, pour
élucider cette vérité, de
comparer la description prophétique aux
faits de l'histoire elle-même
(39).
Outre de fréquentes allusions dans ses
discours et dans ses paraboles
(40) au
sort
futur de Jérusalem, les prédictions
de Christ sont rapportées en entier par
trois des évangélistes. Il n'y a que
l'apôtre Jean qui omette de les
transcrire ; aussi est-il le seul dont le
témoignage, d'après l'époque
où il vécut, eût pu
paraître suspect. Ces prophéties
furent données aux disciples de Christ en
réponse aux questions qu'ils lui
adressaient, dans la frayeur et la surprise que
leur causait sa prédiction de la destruction
du temple. « Quand ces choses
arriveront-elles ? » - À quel
signe reconnaîtrons-nous que la fin du monde
approche ? » La réponse
comprend toute la portée
de la demande et est
également circonstanciée, distincte
et claire. La mort de Christ arriva 37 ans avant la
destruction de Jérusalem. D'après le
témoignage unanime de l'antiquité,
les trois évangiles furent publiés,
et deux des évangélistes
étaient morts, plusieurs années avant
cet événement. Les évangiles
furent répandus avec une telle
rapidité et à une si grande
étendue, que les ennemis nombreux, puissants
et attentifs du Christ auraient bientôt
découvert toute apparence de fraude, et
l'évidence de la publicité
déjà donnée aux
évangiles était si forte que ni
Julien, ni Porphyre, ni Celse ne pensèrent
à la contester.
L'authenticité de la prophétie repose
donc sur un terrain sûr, et les faits par
lesquels son accomplissement est
démontré sont incontestables.
Josèphe était un des
généraux les plus distingués
au commencement de la guerre des Juifs ; il
avait été témoin des faits
qu'il rapporte ; il en appelle à
Vespasien et à Tite pour rendre
témoignage à la vérité
de son histoire, elle reçut même la
singulière attestation de ce dernier :
elle fut publiée au moment où les
faits étaient encore récents et
notoires, et le soin extrême avec lequel il
évite de mentionner le nom de Christ, dans
l'histoire de la guerre des Juifs, n'est pas moins
remarquable que la grande précision avec
laquelle il décrit les
événements qui vérifient ses
prédictions. Tacite, Philostrate et Dion
Cassius racontent aussi plusieurs de ces faits.
Les diverses prophéties de Christ sur
Jérusalem peuvent être
rassemblées ainsi qu'il suit :
« Comme Jésus sortait du temple et
qu'il s'en allait, ses disciples vinrent pour lui
faire considérer les bâtiments du
temple, et Jésus leur dit : Ne
voyez-vous pas tout cela ? Je vous dis en
vérité qu'il ne restera pas pierre
sur pierre qui ne soit
renversée. Et s'étant assis sur la
montagne des Oliviers, ses disciples vinrent
à lui en particulier et lui dirent :
Dis-nous quand ces choses arriveront, et quel sera
le signe de ton avènement et de la fin du
monde ? »
« Et Jésus répondant leur
dit : Prenez garde que personne ne vous
séduise, car plusieurs viendront en mon nom,
disant : Je suis le Christ, et ils
séduiront beaucoup de gens. Vous entendrez
parler de guerres et de bruits de guerre ;
prenez garde de ne vous pas troubler, car il faut
que toutes ces choses arrivent ; mais ce ne
sera pas encore la fin. Car une nation
s'élèvera contre une autre nation et
un royaume contre un autre royaume, et il y aura
des famines, des pestes, des tremblements de terre
en divers lieux ; mais tout cela ne sera qu'un
commencement de douleurs.
Alors ils vous livreront aux tribunaux et aux
synagogues, vous serez fouettés et vous
serez présentés devant les
gouverneurs et devant les rois, à cause de
moi. Mais il ne se perdra pas un cheveu de vos
têtes. Car de faux prophètes
s'élèveront et séduiront
beaucoup de gens ; et parce que
l'iniquité sera multipliée, la
charité de plusieurs se refroidira.
Cet évangile du royaume de Dieu sera
prêché par toute la terre, et alors la
fin arrivera. Et quand vous verrez Jérusalem
environnée par les armées, quand vous
verrez l'abomination qui cause la désolation
établie où elle ne doit pas
être, alors que ceux qui seront dans la
Judée s'enfuient sur les montagnes, que ceux
qui seront au milieu d'elle se retirent. Et que
celui qui sera sur la maison ne descende point dans
la maison et n'y entre point pour s'arrêter
à en emporter quoi que ce soit. Et que ceux
qui seront à la campagne n'entrent point
dans la ville, car ce seront alors les jours de la
vengeance.
Malheur aux femmes qui seront enceintes et à
celles qui allaiteront en ces
jours-là ! car il y aura une grande
calamité sur ce pays, et une grande
colère sur ce peuple. Ils tomberont sous le
tranchant de l'épée et ils seront
menés captifs parmi toutes les nations. Car
il y aura en ce jour-là une telle affliction
que, depuis le commencement de la création
de toutes choses jusqu'à maintenant, il n'y
en a point eu et qu'il n'y en aura jamais de
semblable. Et Jérusalem sera foulée
par les nations, jusqu'à ce que les temps
des nations soient accomplis. Cette
génération ne passera point que
toutes ces choses n'arrivent
(41). »
« Malheur à vous, scribes et
pharisiens hypocrites ! vous achevez de
combler la mesure de vos pères ! Voici,
je vous envoie des prophètes, des sages et
des scribes ; vous fouetterez les uns dans vos
synagogues et vous les persécuterez de ville
en ville ; toutes ces choses viendront sur
cette génération.
O Jérusalem ! Jérusalem !
qui tues les prophètes et qui lapides ceux
qui te sont envoyés ! combien de fois
ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule
rassemble ses poussins sous ses ailes ! et
vous ne l'avez pas voulu.
Voici, votre demeure va devenir
déserte ; car je vous dis que
désormais vous ne me verrez plus,
jusqu'à ce que vous disiez :
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur
(42).
Et lorsqu'il fut proche de la ville, en la voyant,
il pleura sur elle et dit : Oh ! si tu
avais reconnu, au moins en ce jour qui t'est
donné, les choses qui regardent ta
paix ! Mais maintenant elles sont
cachées à tes yeux ; car les
jours viendront sur toi que tes ennemis
t'environneront de
tranchées et t'enfermeront de toutes parts,
et ils te détruiront entièrement, toi
et tes enfants qui seront au milieu de toi, et ils
ne te laisseront pierre sur pierre, parce que tu
n'as point connu le temps auquel tu as
été visitée
(43). »
Ces prophéties tirées de l'Ancien et
du Nouveau Testament sont également claires
et détaillées. L'histoire peut
affirmer la vérité de toutes en
général et de chacune en particulier,
et il suffit d'en faire une récapitulation
pour avoir une complète
énumération des faits.
De faux Christs parurent.
Simon le Magicien prétendit être
« un grand personnage. »
Dosilhe, le Samaritain, se vanta d'être le
grand législateur que Moïse avait
annoncé.
Henaas, par la promesse d'accomplir un miracle,
entraîna avec lui une assez grande multitude
sur les rives du Jourdain et en séduisit
plusieurs
(44).
Le pays était rempli d'imposteurs et de
séducteurs qui cherchaient à emmener
des multitudes dans les déserts ; leur
crédulité fut la punition de leur
incrédulité première, et,
pendant un moment, le tumulte qu'ils firent fut si
grand que les soldats prirent deux cents
prisonniers et en tuèrent deux fois
autant.
« Vous entendrez parler de guerres et de
bruits de guerres ; une nation
s'élèvera contre une autre nation, et
un royaume contre un autre royaume. »
Les Juifs se refusèrent à
ériger une statue à Caligula dans le
temple ; et telle fut la crainte qu'inspira la
vengeance des Romains que les champs
restèrent sans culture
(45).
À Césarée, les Juifs et les
Syriens se disputèrent pour obtenir
le commandement de la ville. On
y mit à mort 20,000 Juifs et l'on exila le
reste (46).
La nation juive se révolta contre les
Romains ; l'Italie était
bouleversée par les guerres civiles ;
pour donner une preuve de la turbulence et de
l'esprit guerrier de cette époque, dans le
court espace de deux ans, quatre empereurs,
Néron, Galba, Othon et Vitellius, furent mis
à mort.
« Il y aura des famines, des pestes, des
tremblements de terre en divers
lieux. »
Pendant le règne de Claude César, il
y eut plusieurs famines. Elles continuèrent
d'affliger la Judée pendant quelques
années. La peste les suivit de
près.
Durant ce même règne, il y eut des
tremblements de terre à Rome, à
Apamé et en Crète.
Sous le règne de Néron, il y eut un
tremblement de terre en Campanie, et un autre qui
détruisit Laodice, Théirapolis et
Colone, et plusieurs autres eurent lieu en divers
endroits avant la destruction de la ville de
Jérusalem
(47).
Le cours de la nature fut changé, dit
l'historien juif, pour opérer la destruction
de l'homme, et l'on peut facilement croire que de
tels prodiges n'étaient point
destinés à présager des
calamités ordinaires.
« Et il paraîtra des choses
épouvantables et de grands signes dans le
ciel. »
Tacite et Josèphe s'accordent pour raconter
des événements tellement surprenants
et surnaturels que leur récit vérifie
parfaitement la précédente
prédiction
(48).
Et l'on ne peut pas nier le fait que partout
où l'on apercevait ces prodiges, les hommes
étaient convaincus qu'ils étaient en
effet des avertissements du
ciel. Voilà encore ce que l'homme n'aurait
pu prévoir. Il y a certes quelque chose
d'extraordinaire dans cette prédiction et
dans le témoignage qu'en rendent des
historiens tous ennemis de cette cause qu'ils
soutiennent ainsi malgré
eux-mêmes.
Les disciples de Jésus furent
« persécutés, mis en
prison, et haïs de toutes les nations à
cause de son nom, et on fit mourir plusieurs
d'entre eux. »
Pierre, Simon et Jean furent crucifiés
(49) ;
Paul fut décapité ;
Matthieu, Thomas, Jacques, Matthias, Marc et Luc
souffrirent en divers pays différents genres
de supplices.
On faisait la guerre au nom même de
chrétien ; on accusait les
chrétiens de haïr l'humanité.
Les préjugés et les
intérêts des partisans du paganisme se
liguèrent partout contre eux, et dans une
occasion mémorable Néron, pour
s'épargner la honte d'être
regardé comme l'incendiaire de sa propre
capitale, en accusa la race haïe et
méprisée des chrétiens et leur
fit subir les tortures les plus affreuses
(50).
Il donna
leurs souffrances en spectacle aux Romains, et pour
se consoler de n'avoir pu fouler sous ses pieds
Rome en cendres, et en même temps pour cacher
son iniquité, le monstre à figure
humaine assouvit sa soif de cruauté en
substituant une fête sanglante à une
autre. Il choisit les chrétiens pour en
faire ses victimes à cause de l'opprobre
général jeté sur eux, et leur
nom seul suffit pour motiver son choix et pour
légitimer d'infâmes barbaries.
« Parce que l'iniquité sera
multipliée, l'amour de plusieurs se
refroidira. » L'apôtre des gentils
se plaint souvent de faux frères, de ceux
qui retournèrent en
arrière, et ce fut seul, abandonné de
tous, qu'il se présenta devant Néron
pour la première fois.
Tacite raconte que plusieurs chrétiens
furent condamnés sur le témoignage de
ceux qui auparavant avaient appartenu à leur
société ; mais malgré les
périls et les persécutions,
« cet évangile du royaume s'est
prêché sur toute la
terre ».
Au temps même des apôtres, des
épîtres furent envoyées aux
chrétiens de Rome, de Corinthe,
d'Éphèse, de Philippes, de Colosse,
de Thessalonique et du Pont, de Galicie, de
Cappadoce, d'Asie et de Bythinie.
Fort peu de temps après que Christ eut fait
cette prophétie, eut été
abandonné de tous ses disciples et mis
à mort comme un malfaiteur, à leur
première assemblée, ses disciples
n'étaient qu'un tout « petit
troupeau » ; leur nombre ne montait
qu'à environ cent vingt, et, quelque petit
que fût ce commencement, les pêcheurs
de la Galilée et ensuite un fabriquant de
tentes de Tarse prêchèrent avec
succès leur nouvelle doctrine bien
au-delà des bornes de l'empire romain.
La manière dont Christ lui-même avait
été reçu et le genre de sa
mort pouvaient-ils assurer un tel
résultat ? Y eut-il jamais un triomphe
effectué par de tels moyens ? Y eut-il
jamais cause qui éprouva autant d'opposition
que la sienne ? Et cependant aurait-on pu
prédire avec plus d'assurance quelque chose
qui pût moins probablement
s'accomplir ?
Tous ces événements
précédèrent la destruction de
Jérusalem ; et alors la fin de cette
ville fut proche.
Les signes d'une ruine imminente devaient avertir
les habitants d'en sortir.
« Jérusalem sera environnée
d'armées. »
Les armées romaines, avec leurs
étendards idolâtres, en abomination
aux Juifs, environnaient la ville. Cette
circonstance assurément ne
ressemblait guerre à un
signal de fuite ; elle paraissait faite au
contraire pour démontrer
l'impossibilité de la fuite, et il semblait
que les avertissements de Jésus dussent
être inutiles ; on va voir cependant
qu'ils ne furent pas pour ses disciples de vaines
et trompeuses paroles.
Le général romain, Cestius Gallus,
assiégeait Jérusalem ; mais
contre toute attente il se présenta
bientôt une occasion de fuite. Il fit une
retraite subite et sans raison apparente, quoique
quelques-uns des principaux de la ville eussent
offert de lui en ouvrir les portes. Josèphe
avoue que les assiégés étaient
dans la plus grande consternation, et que la place
aurait été infailliblement prise
(51).
Il attribue à la juste vengeance de Dieu que
la ville ne fut pas détruite et la guerre
immédiatement terminée. Il raconte
aussi qu'un grand nombre des principales familles
de la ville s'enfuirent comme d'un vaisseau qui
fait naufrage ; et que plus tard, lors de
l'approche de Vespasien, des multitudes
quittèrent Jéricho pour chercher un
refuge dans les montagnes. Plusieurs historiens
dignes de foi assurent que ce fut là et
à Pella que se réfugièrent les
disciples de Jésus (52), et au
milieu de tant de dangers
et de calamités « il ne se perdit
pas un seul cheveu de leurs
têtes ».
« Car il y aura une grande affliction,
telle que depuis le commencement du monde
jusqu'à présent il n'y en a point eu
et qu'il n'y en aura jamais de semblable. Il y aura
une grande calamité sur ce pays, et une
grande colère sur ce peuple. Ce seront alors
les jours de la vengeance ».
Telles sont les paroles de Jésus sur la
destruction de Jérusalem ; et toutes
les anciennes prophéties
tiennent le même langage. Les
événements de ce siège,
rapportés par Josèphe, contiennent
des détails qui ne permettent aucune
exagération ; et il affirme
lui-même, parlant comme la prophétie,
qu'il n'y en eut « jamais de
semblables » dans l'histoire du monde. Il
est impossible qu'une description
générale donne une juste idée
de ces terribles souffrances.
Les Juifs s'étaient assemblés
à Jérusalem de tout le pays
environnant pour célébrer la
fête des pains sans levain. La ville
était remplie d'habitants, lorsqu'elle
devint une grande prison.
La fête de Pâques, commémoration
de leur première grande délivrance,
les avait réunis pour l'accomplissement de
leur destruction finale. Avant même
l'approche de l'ennemi, ils avaient entre eux les
dissensions les plus terribles ; leur sang
coulait à flots par la main de leurs
frères ; dans leur fureur, ils
incendièrent et mirent au pillage les
provisions faites pour soutenir le
siège ; ils n'avaient point de
gouvernement établi. La ville se partageait
en trois factions.
Après la destruction d'une des trois, les
deux autres se disputèrent pour s'en rendre
maîtresses ; et à la fin ce
furent les plus féroces, les plus
fanatiques, les voleurs ou zélés,
comme on les appelle, qui prévalurent. Ils
entrèrent dans le temple sous
prétexte d'y offrir des sacrifices,
emportant des armes cachées pour faciliter
leurs assassinats. Ils tuèrent les
prêtres sur les marches des autels, et ce fut
leur sang qui coula au lieu de celui des victimes
qu'on devait sacrifier. Ils rejetèrent
ensuite tous les moyens de conciliation avec
l'ennemi.
On ne permit à personne de sortir de la
ville. On entra dans chaque maison, on les saccagea
toutes, et on y commit les plus horribles outrages.
Rien ne put arrêter leur fureur ;
partout où il y avait une apparence ou
une odeur même de
nourriture, semblables à des animaux
affamés, ils en suivaient la piste, et
malgré la famine qui régnait autour
d'eux, malgré les cadavres qu'ils foulaient
aux pieds, quoique les maisons des vivants ne
fussent plus que des asiles pour les morts, rien ne
put les intimider, ni les contenir, ni les
satisfaire, jusqu'à ce que Marie, fille
d'Eléazar, femme noble et jadis riche, vint
leur présenter tout ce qui lui restait de
son repas, dont l'odeur les avait attirés
auprès d'elle, le morceau le plus amer
qu'ait jamais mangé une mère, les
restes à moitié dévorés
de son enfant nouveau-né.
Jérusalem fut assiégée sans
relâche par soixante mille soldats
romains ; ils élevèrent une
muraille tout autour de la ville et
creusèrent des tranchées de tous les
côtés ; ils démolirent les
hauts murs ; ils massacrèrent les
assassins, ils n'épargnèrent point le
peuple ; ils incendièrent le temple
malgré les ordres, les menaces et la
résistance de leur
général.
Les Juifs perdirent alors leur dernière
espérance ; à la vue de ce
désastre ils élevèrent un
dernier cri d'angoisse et de désespoir. Dix
mille personnes furent tuées, et six mille
périrent dans les flammes. La ville
entière, remplie de mourants affamés
et des cadavres des morts, ne présenta plus
qu'une scène d'horreur. La foule
désespérée se jeta en dernier
lieu dans les aqueducs et les citernes de la ville.
On y trouva deux mille morts, et on en retira
d'autres pour les égorger. Les soldats
passèrent tous les habitants au fil de
l'épée sans aucune distinction, et ne
s'arrêtèrent que lorsque leurs forces
physiques ne leur permirent plus de continuer cette
oeuvre de destruction.
Mais ils ne remirent l'épée dans le
fourreau que pour allumer la torche. Ils mirent le
feu à la ville sur
plusieurs points. Les flammes se répandirent
de tous côtés, et ne se
trouvèrent arrêtées que de
temps en temps par les ruisseaux
ensanglantés qui inondaient les rues.
« Jérusalem ne fut plus qu'un
monceau, et la montagne de la maison de
l'Éternel que comme les lieux
élevés des
forêts ».
Dans un circuit de huit milles, et pendant l'espace
de cinq mois, il y eut, à
l'intérieur, l'ennemi et la famine ;
à l'extérieur, de hautes murailles et
une armée qui les assiégeait sans
relâche. Onze cent mille individus
périrent et l'histoire de chacun d'eux
était à elle seule une
tragédie. Y eut-il jamais un tel assemblage
de misères ?
Quelle prophétie aurait pu être plus
fidèlement, plus terriblement
accomplie ? Jésus semblait souffrir
moins, en envisageant sa propre mort, sur le chemin
du Calvaire, que lorsqu'il annonça le sort
de Jérusalem. Qu'elle fut pleine de
tendresse et de vérité, la
réponse qu'il fit aux femmes
désolées qui l'accompagnaient de
leurs pleurs, lorsqu'en se retournant il contempla
la ville et dit à celles qui devaient
peut-être la voir inondée de sang et
enveloppée de flammes :
« Filles de Jérusalem, ne pleurez
point sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et
sur vos enfants ; car les jours viendront
auxquels on dira : Heureuses les
stériles, les femmes qui n'ont point
enfanté et les mamelles qui n'ont point
allaité ! Alors ils se mettront
à dire aux <montagnes : tombez sur
nous, et aux coteaux : couvrez-nous ; car
si on a fait ces choses au bois vert, que fera-t-on
au bois sec ? »
Y eut-il jamais un imposteur qui manifesta de tels
sentiments comme homme, et qui ait, comme
prophète, prédit des
événements aussi improbables, aussi
étonnants et aussi vrais ?
Pour démontrer la divinité de sa
mission, Jésus-Christ révéla
les jugements de Dieu ;
car
ce fut ainsi que la prise et la destruction de
Jérusalem fut considérée par
celui-là même qui devait en être
le ministre et qui avoua qu'autrement sa propre
puissance eût été inefficace.
Lorsqu'on vint rendre hommage à Titus pour
sa victoire, il refusa la gloire qu'on lui
attribuait, en déclarant qu'il ne se
regardait que comme un instrument entre les mains
de la justice divine. De plus leur propre histoire
assure, conformément à toutes les
déclarations de l'Écriture, que les
iniquités des Juifs étaient, comme
leur punition, sans exemple.
Toutes ces prophéties, dont nous venons de
raconter l'accomplissement, parurent dans un temps
de paix parfaite, dans le moment où les
Juifs étaient gouvernés
d'après leurs propres lois, où ils
jouissaient de la protection et étaient
soumis à l'autorité de l'empire
romain, alors dans toute sa splendeur et toute sa
puissance. Ce fut l'admiration que les disciples de
Christ ressentaient en s'entretenant de
l'antiquité et de la durée probable
du temple, qui porta Jésus à en
prédire la destruction prochaine et
entière.
Il annonça la venue des faux Christs et des
prétendus prophètes, les guerres et
les bruits de guerres, les famines, les pestes, les
tremblements de terre et les signes effrayants qui
devaient les suivre, la persécution de ses
disciples, l'apostasie de plusieurs d'entre eux, la
propagation de l'Evangile, le signe qui devait les
avertir de fuir la ruine qui s'approchait, le
siège de Jérusalem, la terrible
affliction qui devait fondre sur les femmes, les
malheurs sans pareils qui devaient tomber sur tous,
la destruction de la ville, la manière dont
les souffrances seraient abrégées,
afin que quelques-uns pussent être
sauvés ; et il prédit que tous
ces épouvantables événements,
qui auraient pu remplir des
siècles entiers, se passeraient pendant la
durée d'une seule génération.
Personne, excepté celui qui connaît
l'avenir, n'aurait pu annoncer et préciser
ainsi toutes ces choses ; et leur entier et
indubitable accomplissement prouve qu'elles
étaient véritablement une
révélation de Dieu.
Mais ces prophéties annoncent des faits plus
minutieux et dont l'accomplissement semblait devoir
être plus improbable encore :
- Jérusalem devait être
labourée comme un champ et rasée au
niveau de la terre il ne devait pas rester pierre
sur pierre du temple.
- Les Juifs devaient demeurer en petit nombre,
être emmenés captifs par les nations,
vendus pour esclaves sans que personne voulût
les acheter ; et toutes ces prédictions
furent exactement vérifiées.
Titus commanda que la ville et le temple fussent
sapés à leurs fondements. Cette fois
les soldats ne manquèrent pas d'obéir
aux ordres de leur général. L'avarice
se mêla au sentiment du devoir et de la
colère ; on renversa l'autel, le
temple, les murailles et la ville, dans l'espoir de
trouver les trésors que les Juifs,
environnés de pillards, avaient
cachés et ensevelis pendant le siège.
Trois tours et un pan de mur restèrent seuls
debout, monuments et souvenirs de Jérusalem,
et la ville fut labourée par
Térentius Rufus.
Pendant le siège, et dans la destruction des
villes et des villages de la Judée, qui eut
lieu avant et après cet
événement, plus d'un million trois
cent mille individus, selon le calcul de
Josèphe, furent massacrés ;
quatre vingt-dix-sept mille furent menés en
captivité ; ils furent vendus comme
esclaves, mais on les méprisait, on les
haïssait au point que beaucoup d'entre eux
restèrent sans acquéreurs ;
enfin, leurs vainqueurs étaient si prodigues
de la vie de ces malheureux,
qu'en honneur de la fête de Domitien on en
condamna deux mille cinq cents à lutter dans
les jeux avec les bêtes féroces pour
le divertissement des vainqueurs, ou à
recevoir la mort
(53).
Mais ce ne fut pas là la fin des malheurs de
ce peuple : une malédiction pesait sur
cette terre et l'a rendue stérile ; une
vengeance terrible s'attachait à ce peuple
et l'a dispersé sur toute la surface du
globe. Nous avons encore à examiner
plusieurs prophéties qui se rapportent aux
Juifs ; et il reste une grande partie de leur
histoire à raconter. Les prédictions
sont aussi claires que les faits sont
palpables.
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