JEAN-PIERRE CARRAFE, noble de Naples, évêque de Téati dans
l'Abruzze, cardinal romain, fondateur avec Gaetan de l'institut des
prêtres réguliers de la Providence, fut élu pape le 23 mai
1555, à l'âge de soixante-dix-neuf ans. Il prit le nom de Paul IV, et
mourut le 18 août 1559.
Pendant son cardinalat, il avait manifesté de la vertu, mais une vertu
austère, dure, intolérante, et d'une nature telle, que dès lors
beaucoup de gens conçurent l'opinion que, si jamais il parvenait à la
papauté, il serait violent et insupportable, malgré l'hypocrisie dont
il cherchait à masquer son ambition.
Les prophéties de l'abbé Jean Gouin, sur les papes, s'exprimaient
ainsi : « Intrabit velut Draco, sed erit velut alter Lao
mitis in populo ». « II entrera comme un dragon, et
il occupera le trône comme un lion formidable au peuple. »
II en arriva ainsi ; car à peine il fut
pontife, qu'il persécuta inhumainement, avec la cruauté et la ruse
d'un dragon, les Colone, les Sforce, et d'autres nobles de Rome, sous
des prétextes imaginaires, afin de confisquer leurs fiefs et leurs
titres, et de les donner à ses neveux Carrafes, gens indignes,
vicieux, perturbateurs de Rome, et même de l'Italie, si méchants
enfin, que leur oncle se vit forcé de les exiler.
Il se déclara l'ennemi capital de la maison d'Autriche, et il ne
pouvait endurer patiemment de se voir vassal de Charles-Quint, en
qualité de roi de Naples : il tenta donc de le dépouiller de
cette souveraineté, en offrant son royaume au roi de France.
Il se refusa de confirmer l'élévation de Ferdinand, roi de Hongrie et
de Bohême et roi des Romains, à la dignité impériale, sous prétexte
que Charles-Quint son frère ne lui avait pas demandé son consentement
pour renoncer à la couronne ; et il poussa l'audace jusqu'à
écrire que lui seul, et non pas les électeurs, avait la faculté et le
droit d'admettre de semblables renonciations, puisque lui seul nommait
les empereurs. Cet orgueilleux pontife ignorait que le temps de la
barbarie avait cessé, et que la superstition était déjà bannie de
l'Allemagne. Le résultat fut à peu près tel qu'il devait être. Les
électeurs et Ferdinand se moquèrent de cet imbécile, et ils décidèrent
que l'on n'aurait jamais recours au pape, pour donner le titre
d'empereur à celui qui serait déjà élu roi des Romains,
quand il deviendrait chef du corps germanique, et l'empereur ne se
ferait point couronner par le pape, de qui on n'avait besoin pour
rien. Paul IV se vengea en excommuniant Charles V, son fils Philippe
II, roi d'Espagne, et le duc d'Albe, vice-roi de Naples ; mais
bientôt celui-ci, avec son armée, le réduisit à lui demander
miséricorde : la fête lui aurait coûté encore plus cher qu'à
Clément VII, si Philippe II eût été moins superstitieux.
C'est à son imprudence qu'il faut attribuer le schisme de
l'Angleterre. La reine Élisabeth, quoique suivant dans son âme la
religion réformée, envoya un ambassadeur extraordinaire à Rome, pour
annoncer au pape son élévation au trône, et lui prêter obéissance.
Paul IV reçut mal l'envoyé et lui dit qu'Élisabeth ne pouvait hériter
de la couronne, étant fille d'Anne de Boulen, et comme telle, bâtarde
d'Henri VIII : que l'Angleterre était un fief de l'Église
romaine, et qu'ainsi, à défaut de successeur légitime, le pape avait
le droit d'accorder la couronne à qui bon lui semblerait.
Élisabeth irritée, proscrivit la religion romaine, et se conduisit de
manière à ce que l'Angleterre n'eût jamais recours pour rien au pape,
les rois s'étant déclarés les chefs de la religion anglicane.
Il ne traita pas les Romains avec moins d'imprudence et
d'orgueil ; car, non content d'avoir travaillé précédemment
auprès de Paul III, pour l'établissement de l'inquisition générale à
Rome, il en augmenta lui-même le pouvoir : je le crois l'auteur
de la congrégation appelée de l'Index, pour
condamner les livres dont il défendit la lecture, et parmi lesquels il
s'en trouve de très curieux, mais qui dévoilaient clairement les
usurpations pontificales.
On vit au moment de sa mort, combien cette conduite l'avait rendu
odieux ; le peuple se souleva en vomissant des exécrations contre
Paul. Il abattit et jeta dans le Tibre, la statue que l'intrigue lui
avait fait élever au commencement de son pontificat. On brûla
l'inquisition, ses papiers, et même en partie l'édifice, après avoir
mis tous les prisonniers en liberté. Le peuple voulut même insulter
son cadavre, et on fut forcé de l'enterrer promptement en secret, pour
éviter les outrages ; mais enfin, la mémoire et le nom de Paul IV
ont été livrés à l'infamie, pour toute la durée des siècles.
JEAN ANGE DE MÉDICIS, né à Milan, cardinal du titre de
Sainte-Prisce, fut élu pape dans la nuit du 25 au 26 décembre 1559,
sous le nom de Pie IV, et mourut dans la nuit du 8 au 9 décembre 1565.
Onuphre Panvinio dit que Pie fut gourmand, adonné au vin, enclin aux
plaisirs, envieux, impatient, ambitieux, dissimulé jusqu'à la feinte,
avare et incapable d'amitié, autant qu'il y trouvât de l'utilité pour
ses vues. De son propre mouvement, il offrit à Ferdinand de le
couronner empereur ; mais on méprisa son offre. Il était déjà
tard pour faire prévaloir la vieille maxime romaine, de montrer de
l'orgueil envers ceux qui souffrent avec soumission, et de faire des
bassesses quand l'orgueil n'a pas réussi. Dans la suite, il tenta de
donner le titre de roi au grand duc de Toscane ; mais le temps
était aussi passé de tolérer de semblables
usurpations de la part des papes. L'empereur s'y opposa, et fit dire à
Pie IV : Italia non habet regem nisi Caesarem. L'Italie
n'a pas d'autre roi que l'empereur. »
Quoique contre sa volonté, il assembla de nouveau le concile de
Trente, d'après les instances réitérées de l'empereur d'Allemagne et
du roi d'Espagne ; mais il tâcha toujours que le parti Italien
eût le dessus dans toutes les controverses relatives à la puissance
pontificale, aux droits épiscopaux ou aux prérogatives des princes.
Ses légats ne permettaient de prononcer aucun décret avant de
consulter auparavant la volonté et l'opinion de Pie ; aussi en
arriva-t-il de cette convocation, comme de celles de Paul III et de
Jules III ; l'empereur et les autres souverains se plaignirent
hautement que le concile ne jouissait d'aucune liberté ; et
c'était une chose si certaine, qu'il n'est pas besoin de recourir à
l'histoire de Fra Paolo Sarpi ou de Suave, car celle de Palavicino
même, défenseur pontifical contre Suave, rapporte les faits qui
fondent cette assertion.
Tous les monuments imprimés le démontrent évidemment ; et les
lettres de l'ambassadeur d'Espagne, don Alphonse de Vargas, écrites de
Trente, disent positivement que l'Esprit Saint n'inspirait rien dans
le concile, jusqu'à ce qu'on lui expédiât un courrier à Rome, pour lui
demander de venir à Trente : ensuite de cette démarche, le
Saint-Esprit venait de Rome placé dans une valise ; expression
familière, qui signifie que le pape envoyait sa
réponse aux légats. Il arriva de là que les princes et les villes
protestantes ne voulurent pas reconnaître cette assemblée comme
oecuménique, et représentant l'Église chrétienne, mais comme un
conciliabule dirigé par un seul homme : Ils protestèrent donc de
nouveau, et en appelèrent au futur concile général oecuménique
et libre. Ainsi, la religion catholique n'obtint rien avec les
déclarations du concile ; car on ne remédia à aucun des abus de
la cour de Rome ; à l'égard du dogme, les protestants suivirent
leurs croyances évangéliques, et, quant à l'union des membres, les
deux tiers de l'Europe se séparèrent du chef.
MICHEL GUISLERI, né à Boschi en Toscane, moine dominicain,
cardinal du titre de Sainte-Marie de la Minerve, fut élu pape le 7
janvier 1565, sous le nom de Pie V. Il mourut le 1er mai 1572, et a
été canonisé comme Saint, par Clément XI, en 1712.
Peu de temps après son élection, il dit que, pendant qu'il était
religieux, il avait l'espoir d'être sauvé ; que, lorsqu'on le fit
cardinal, il craignit beaucoup d'être damné ; mais que maintenant
qu'il était pape, il désespérait de son salut.
Ses moeurs personnelles furent pures, et s'il ne s'agissait que d'un
simple religieux dominicain, on pourrait dire qu'il était digne de la
canonisation ; mais, comme souverain pontife, il ne pouvait être
canonisé que par ceux qui avaient intérêt à consacrer comme saintes,
les maximes erronées qui servaient de base à Pie V
pour sa conduite politique. Il était humble, sans doute, et
désintéressé dans ce qui le regardait personnellement, mais il fut
ambitieux des honneurs et de la puissance du Saint-Siège, imbu à
l'excès des opinions fiscales de la papauté, et si austère et si
rigoureux en matière de foi, que, par un zèle mal entendu, et offusqué
par des principes erronés, il embrassa les moyens de rigueur et même
de cruauté.
Il avait pris part à l'établissement de l'inquisition générale à Rome,
et il fut inquisiteur sanguinaire et furieux à Côme. Dans la suite,
étant déjà cardinal, il influa beaucoup dans les moyens cruels qu'on
employa à Rome contre les hérétiques, en abandonnant les voies de
douceur et d'humanité, dont on s'était servi avant Paul III.
Élevé au pontificat, il suivit le même système, et augmenta les
cruautés de l'affreux tribunal. Tout cela lui a été compté pour sa
canonisation, comme preuves de son zèle pour la religion
catholique : Jésus-Christ cependant s'est conduit d'une manière
bien opposée envers les Samaritains. Il ne voulut pas consentir à
faire descendre le feu du ciel sur ces schismatiques, même à la
demande des apôtres, hommes bien imparfaits alors, ainsi que l'observe
Saint-Jean-Chrysostôme.
Les mesures et les bulles de Pie V sur tous les points de discipline
ecclésiastique, relatifs aux évêques et aux moines, furent très
injustes. Pour exalter la puissance pontificale, il
abaissa le pouvoir épiscopal beaucoup plus que ne le permettent les
livres de l'Écriture sainte et des quatre premiers conciles généraux.
Il en arriva de même à l'égard des souverains : il excommunia les
reines d'Angleterre et de Navarre, ce qui empira la cause du
catholicisme, sans lui faire tirer aucun parti de ses sottes censures.
En répliquant à la plainte que lui portait l'empereur Maximilien, sur
ce qu'il avait délivré au duc de Toscane le titre de grand duc, il
répondit que non seulement il avait le pouvoir pour cela, mais encore
pour accorder le titre de roi à qui il voudrait. Ce droit n'est pas
facile à prouver, pour un successeur de Saint-Pierre le pêcheur.
HUGUES BUONCOMPAGNI, né à Bologne, cardinal évêque de Vesti,
fut élu pape le 13 mai 1572, sous le nom de Grégoire XIII, et mourut à
l'âge de 83 ans, le 10 avril 1585.
Dans sa jeunesse, il avait eu un fils naturel nommé Jacques
Buoncompagni. Après avoir été élevé au pontificat, il le favorisa
beaucoup, ainsi que ses autres parents ; en sorte que le
népotisme prévalut, quoiqu'il ne les élevât pas à la dignité de
princes séculiers. Quelques écrivains disent que Grégoire était d'un
caractère pacifique et doux ; cependant, il y a certains
événements qui contredisent beaucoup cette opinion.
Il approuva et célébra par des réjouissances publiques, l'assassinat
de plus de soixante-douze mille Français égorgés par les ordres du roi
Charles IX, seulement parce qu'ils étaient protestants.
Cette tragédie est connue sous le nom du massacre de la
Saint-Barthélémy, et le roi n'avait pu la faire exécuter sans
violer sa promesse et la paix jurée, dans laquelle les protestants
avaient eu confiance. Le souverain pontife d'une religion de paix et
de douceur ne devait pas approuver un fait aussi atroce, et encore
moins en faire peindre l’histoire au Vatican, comme un des tableaux du
triomphe de la religion catholique. Bien loin d'en être le triomphe,
cette action tourna à son préjudice et à celui de ses maximes, car
elle acharna les esprits de telle sorte qu'il en résulta de nouvelles
guerres et des maux infinis. Le zèle mal entendu de la religion
produit le fanatisme, et le fanatisme excite les cruautés les plus
atroces.
Grégoire XIII, par ce même motif, influa sur la conjuration qui se
forma au Japon contre le souverain légitime, à l'instigation des
jésuites missionnaires, seulement parce que ce pays refusait
d'embrasser la religion chrétienne, qu'un prince avait adoptée dans la
persuasion qu'il serait roi, avec le secours des missionnaires et des
convertis. Ce royaume fut rempli de trouble, on versa des torrents de
sang, le massacre fut immense et le christianisme fut proscrit, au
lieu de se répandre.
Jésus-Christ n'enseignait pas la doctrine des conjurations, lorsque,
montrant une pièce de monnaie à l'effigie d'un César aussi cruel que
Tibère, il dit qu'on devait lui rendre les tributs et les respects
qui lui appartenaient. C'était donc encore contre cette doctrine que
procédait Grégoire, en approuvant la ligue française qu'on nommait
catholique, avec la seule restriction de ne pas massacrer le roi Henri
III, mais de se contenter de s'assurer de sa personne. De semblables
moyens d'éteindre les hérésies ne proviennent que d'un mauvais esprit
de vengeance et de réaction, qui remonte au temps de l'empereur
Constantin, et qui s'est fortifié dans les siècles postérieurs, contre
les sages maximes de l'Évangile.
FÉLIX PERETI, né à Montalto dans la Marche d'Ancône, moine
franciscain, cardinal du titre de Saint-Jérôme, connu ordinairement
sous le nom de cardinal de Montalte, fut élu pape le 24 avril 1585 et
voulut s'appeler Sixte V, par rapport à Sixte IV qui avait été aussi
religieux de son ordre. Il mourut le 27 août 1590.
L'ambition de la dignité pontificale le rendit hypocrite au suprême
degré : mais, aussitôt qu'il l'eut obtenue, il leva le masque et
découvrit la férocité de son caractère.
Au lieu de l'amnistie d'usage sur des élections pontificales, il fit
faire ce jour-là justice de quatre criminels. L'effet pouvait en être
utile, mais celui qui l'ordonnait donnait la preuve du peu d'humanité
de son caractère. Dans la suite, il donna d'autres preuves d'une
barbarie cruelle, en prenant plaisir à assister aux exécutions
et à en presser le moment. La terreur qu'il inspirait fit qu'on
chercha à le flatter en lui érigeant une statue : mais
le peuple qui, à la mort des grands, a coutume de leur rendre justice,
détruisit la statue de Sixte V, comme il avait renversé celle de Paul
IV.
Il approuva le régicide commis par Jacques-Clément contre le roi de
France Henri III, et en fit l'éloge dans le consistoire des cardinaux.
Cela équivaut à la canonisation de la doctrine condamnée par le
concile de Constance, et c'est adopter une erreur hérétique.
Il renouvela l'excommunication contre la reine Élisabeth d'Angleterre,
l'interdit de son royaume ; et il aida Philippe II, roi
d'Espagne, avec de l'argent et des indulgences, pour conquérir l'Île
et s'emparer de ce royaume avec le titre de feudataire de Rome.
Il lança les mêmes censures contre Henri IV, roi de France, en
déclarant tous les Bourbons déchus du droit de régner. Je suis bien
étonné de lire que ce pape fut affectionné à Henri IV et à Élisabeth,
et l'ennemi de Philippe II d'Espagne, lorsque ses actions prouvent
tout le contraire.
Il reconnut le préjudice de l'existence de l'institut des Jésuites,
comme il le manifesta à son neveu le cardinal de Montalte, en lui
disant : Il vaudrait mieux que je confessasse les jésuites
que de prendre un jésuite pour confesseur.
Cependant, il les laissa subsister comme auparavant, seulement à
cause de leur quatrième voeu d'obéir aveuglément au pape.
Quoiqu'il n'eût montré, dans le principe, aucun attachement pour sa
famille, il en vint, comme tous les autres, à adopter le népotisme. Il
enrichit et éleva ses parents, jusqu'à marier ses nièces avec les
familles des Ursins et des Colonne, qui étaient les premières de
Rome ; quoiqu'il ne fut lui-même que le fils d'un gardeur de
porcs, et que la mère de ses nièces fut lavandière.
Barthélemy Morisoto, dans la vie d'Henri IV, a dit que Sixte V fut
étouffé dans son lit par un moine franciscain, ou bien un assassin
déguisé sous cet habit, et payé par la faction de Philippe II et des
jésuites de Rome. Ses domestiques publièrent le lendemain que le
diable l'avait étouffé, parce qu'il était plus méchant qu'Alexandre
VI.
JEAN-BAPTISTE CASTAGNI, né à Rome, cardinal archevêque de Rosane, fut élu pape le 15 septembre 1590, se nomma Urbain VII, et mourut le 27 du même mois, après treize jours de pontificat.
NICOLAS ESFRONDATE, né à Crémone, cardinal évêque de sa patrie,
fut élu pape le 5 décembre 1590, sous le nom de Grégoire XIV, et
mourut le 15 octobre 1591, après dix mois et dix jours de pontificat.
Dans ce court espace de temps, il manifesta les maximes
anti-évangéliques qu'il avait dessein de suivre. Il enrichit et éleva
ses parents au plus haut degré, en donnant des abbayes et des
bénéfices ecclésiastiques à ceux qui étaient prêtres, et aux autres
des biens et des titres confisqués injustement sur divers
propriétaires. Il trouva dans le trésor pontifical cent millions
destinés par Sixte à l'achat ou à la conquête d'un royaume pour
l'Église Romaine ; Grégoire les destina à la ligue
Franco-Espagnole contre Henri IV, qu'il excommunia de nouveau, et il
expédia en même temps des monitoires aux prélats et aux pairs de
France, pour qu'ils abandonnassent ce prince sous
peine d'excommunication. Le clergé français déclara ces bulles nulles
et méprisables, et le parlement les fit brûler par la main du
bourreau.
Il recommandait à son neveu, qu'il avait fait duc de Mont-Marcien,
d'amasser de l'argent pendant la vie de son oncle, afin de pouvoir se
soutenir quand il ne serait plus. Le nouveau duc suivait si
ponctuellement le conseil, que, s'il recevait cent des deniers de
l'Église, il en versait dix au trésor pontifical, et s'en réservait
quatre-vingt-dix. Si Saint-Pierre revenait dans ce monde, pourrait-il
reconnaître le pontificat et les pontifes ?
JEAN ANTOINE FACHINETI, né à Bologne, cardinal évêque de Nicastro, fut élu pape le 29 octobre 1591. Il voulut se nommer Innocent IX, et mourut le 30 décembre de la même année, à l'âge de 72 ans, après deux mois seulement de pontificat. Il les passa dans son lit où il donnait ses audiences, afin de conserver le peu de chaleur naturelle qui lui restait. Si les cardinaux en étaient instruits, pourquoi l'élurent-ils ? fut-ce par l'inspiration du Saint-Esprit ?
HIPPOLITE ALDOBRANDINI, né à Fano sur les côtes de la mer
Adriatique, cardinal, fut élu pape le 30 janvier 1592. Il voulut
s'appeler Clément VIII, et mourut le 5 mars 1605 à l'âge de 69 ans.
Il adopta parfaitement les maximes du népotisme, car il enrichit et
éleva beaucoup ses neveux et ses autres parents. Chapeaux de cardinal,
évêchés et autres bénéfices ecclésiastiques, duchés, marquisats,
comtés, emplois civils et militaires, légations, commissions, rien
n'était trop pour eux. Il lança une troisième excommunication contre
Henri IV et les Français : elle ne fit pas plus d'effet que les
précédentes. Clément consentit ensuite à l'absoudre, parce qu'il avait
déjà été absous en France : mais il tenta de lui faire un
affront, en exigeant qu'il fût à Rome pieds nus pour renouveler la
scène de l'empereur d'Allemagne Henri IV. On ne tarda
pas à lui faire apercevoir que ce temps était passé, et il se contenta
d'envoyer ses légats, après leur avoir fait subir la honteuse
cérémonie de la flagellation. Il usurpa, à force d'intrigues et
d'argent, le duché de Ferrare sur le frère d'Alphonse d'Est, sous
prétexte qu'il était bâtard, et voulut le donner à son neveu, mais les
cardinaux s'y opposèrent. Il eut connaissance des conjurations formées
contre la vie d'Élisabeth, reine d'Angleterre, et ensuite contre le
roi Jacques et les approuva ; et ce furent les Anglais
catholiques qui les tramèrent de concert avec les Jésuites : on
les découvrit avant l'exécution, et elles devinrent inutiles, mais ce
ne fut pas la faute du pape. Saint-Pierre a-t-il donc enseigné la
doctrine du régicide ?
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