FRANÇOIS PICOLOMINI, neveu du pape Pie II, fils de sa soeur Léodamie, cardinal-diacre, surnommé de Sienne, fut élu pape, le 22 septembre 1503, et mourut le 18 octobre de la même année, après à peine un mois de pontificat. Quelques écrivains disent qu'il n'était pas neveu, mais fils de Pie II. Plusieurs autres encore assurent qu'il fut empoisonné par Pandolphe Petrucci, gouverneur de Sienne.
JULIEN DE LA ROVÈRE, neveu du pape Sixte IV, cardinal de
Saint-Pierre-ès-Liens, évêque d'Avignon, fut élu pape, le 1er novembre
1503, et mourut le 20 février 1513.
Plusieurs écrivains respectables assurent qu'il acheta les voix, une
partie aux poids de l'or, et les autres par des promesses d'emplois et
de dignités. Quelques-uns ajoutent que l'on peut aisément croire ce
fait et d'autres pires encore de la part de Jules II, dont la conduite
fut très relâchée ; car les femmes seules ne suffisaient pas à sa
luxure ; on l'accuse de sodomie.
Il maria sa fille Félicie à Jourdain des Ursins, et Lacine, sa nièce,
à Antoine Colone. Sa passion abusa de deux jeunes gens envoyés à Rome
par la reine Anne, épouse du roi de France Louis XII. Après être
parvenu au pontificat, il fut cruel, sanguinaire, féroce,
et plus propre à être général d'armée, que pasteur paisible de
l'Église.
Il excita la guerre dans toute l'Europe, surtout entre l'empereur
d'Allemagne et les rois de France, d'Espagne, d'Angleterre et de
Naples : la malheureuse Italie en fut le théâtre, parce qu'il
aspirait à y dominer seul. Il lança des bulles d'excommunication
contre les rois de France et de Navarre et la république de Venise, et
mit en interdit tous les domaines de ces puissances, pour des
querelles purement temporelles.
Il déclara schismatique le roi de Navarre, Jean d'Albret, et le déposa
de la couronne, en autorisant tout prince catholique à s'emparer de
son royaume. L'abbé Fleuri ne voulut jamais croire à l'existence de
cette bulle ; mais il serait forcé d'y croire aujourd'hui, s'il
vivait, puisqu'il pourrait lire le texte de la publication, dans
l'appendix de l'Histoire d'Espagne, par Jean de Mariana, imprimé à
Valence, chez Montfort. Les éditeurs auraient même pu y ajouter
d'autres preuves, s'ils eussent pris la peine de lire les Actes
capitulaires de l'église cathédrale de Calahorra, qui mentionnent la
publication et l'affiche des copies à la porte du Temple.
La conduite de Jules II, pendant son pontificat, fut si opposée à
celle d'un successeur de Saint-Pierre, qu'en partant pour faire la
guerre à divers princes d'Italie, il fit jeter dans le Tibre un paquet
de clefs, symbole des clefs spirituelles, en disant : « Puisque
les clefs de Saint-Pierre ne me servent de rien, je les jette, et je
saisis l'épée de Saint-Paul. » En un mot, il permit au duc
d'Urbin d'assassiner le cardinal de Pavie en sa présence.
Quoiqu'il eût promis avec serment, avant et après son élévation au
trône pontifical, de convoquer un concile général, pour réformer les
abus du chef et des membres de l'Église, ce fut en vain qu'on
le requit plusieurs fois de le faire, en lui rappelant le décret du
concile de Constance, qui ordonne d'en assembler un tous les dix ans.
Sur son refus, les cardinaux en convoquèrent un à Pise, où ils
suspendirent Jules de l'exercice de la puissance pontificale, et ils
en seraient sans doute venus à le déposer, si l'empereur Maximilien
1er, pour ses intérêts particuliers, n'eût changé de parti. Alors
Jules convoqua un autre concile à Rome, au couvent de
Saint-Jean-de-Latran : mais les écrivains conviennent que ce fut
avec des intentions perfides, car il ne pensait à rien moins qu'à
réformer les abus d'un pouvoir arbitraire, qui lui servait à
multiplier les malheurs de l’Italie. Après avoir excommunié le roi de
France et son armée, le duc de Ferrare et ceux qui lui donneraient du
secours, les Vénitiens et leurs alliés, il mourut enfin, abhorré comme
un monstre féroce, guerrier, turbulent, sanguinaire, et ennemi de la
paix : aussi ne fut-il regretté de personne.
JEAN DE MÉDICIS, né à Florence, cardinal-diacre, fut élu pape
n'ayant que trente-six ans, le 11 mars 1513, et mourut le 15 avril
1521.
On lui attribue la gloire d'avoir été le restaurateur des lettres et
du bon goût : cet éloge serait plus juste, si on l'en eût appelé
seulement le protecteur ; car on comptait déjà, avant lui, de
très savants critiques, tels que Antoine de Lebrija, en Espagne ;
Désiré Érasme, à Rotterdam, et d'autres dans différents pays.
Mais, même quand il en serait ainsi, ces éloges ne peuvent couvrir les
iniquités personnelles du pape, ni compenser les maux que produisirent
ses passions.
Étant cardinal, il montra une inclination extrême pour la poésie, la
musique, les festins et tous les genres de plaisir ; et s'il
parvint au pontificat, ce ne fut que par conspiration des jeunes
cardinaux qui désiraient et obtinrent un jeune pape.
Les historiens complaisants de Rome disent qu'il n'intervint aucune
simonie dans cette élection ; mais de la Mirandole, son
contemporain, dans son livre De fide et ordine oredendi, où il
examine la question si les papes et les conciles peuvent errer, parle
ainsi de Léon X. « Nous nous souvenons d'avoir eu et adoré un
pontife qui (ne croyant pas à l'existence de Dieu) parvint au comble
de l'infidélité. Il en donnait bien la preuve, soit en achetant le
pontificat, soit dans la pratique d'iniquités de toute espèce, car il
avoua devant quelques-uns de ses domestiques, que, ni avant
d'être pape, ni après, il ne croyait à l'existence de Dieu ».
C'est pour cela que l'auteur de la Récusation du concile de
Trente, écrivit que Léon X, après avoir dîné, fit disputer en
sa présence deux philosophes sur l'immortalité de l'âme. Ils en
laissèrent la décision au souverain pontife, qui leur dit :
« Le défenseur de l'immortalité a donné des raisons nombreuses et
très agréables, mais celles de son adversaire me paraissent plus
fortes ».
Le savant Bembo, qui fut depuis cardinal, voulut un jour,
confidemment, lui persuader cette proposition, en s'appuyant sur un
texte de l'Évangile.
Léon X en colère, lui dit : « Quoi ! prétends-tu me
convaincre avec un texte de contes ? »
En ajoutant à cela la vente des indulgences, sous prétexte des frais
de construction de l'église de Saint-Pierre, nous ne devrons pas faire
le portrait politique de Léon X, en nous guidant
sur le récit des bulles pontificales, ni sur les éloges que la crainte
lui a prodigués dans Rome. Ses oeuvres, sa conduite, et les
témoignages publics de sa magnificence toute mondaine, doivent nous en
fournir les couleurs.
Son ambition de commander à toute l'Italie, et d'élever, comme il y
réussit, la famille des Médicis au rang des souverains de l'Europe, le
rendit l'instigateur injuste des guerres qui firent répandre le sang
humain et appauvrirent l'Italie. Ce fut par les mêmes motifs qu'il
fomenta la guerre entre Charles-Quint, empereur d'Allemagne, roi
d'Espagne et des Deux-Siciles, et François 1er, roi de France ;
et qu'il fut perfide dans ses traités avec les deux monarques.
On a coutume de vanter beaucoup le zèle qu'il manifesta pour la pureté
de la religion catholique contre Martin Luther et sa secte. Je
regarderais cet éloge comme juste, si je voyais que Léon n'eût point
fourni matière aux déclamations de Luther et des autres protestants,
en réformant sa cour ecclésiastique et les règlements de la
chancellerie, conformément aux décrets des conciles de Constance, de
Bâle et de Pise. Au contraire, il ne fit qu'irriter davantage ceux
qui, par dépit, en vinrent à attaquer le dogme, et mirent, par là, les
choses en pire état, après les bulles de Léon X contre Luther.
Quels sont les effets qu'à produits sa conduite ?
Ce sont ceux que nous voyons en Angleterre, en Suisse, en Saxe, en
Bavière. en Hollande, en Allemagne, en Wurtemberg,
en Hanovre, en Prusse. en Suède, en Dannemarck, en Russie, dans les
États-Unis d'Amérique, et en divers autres pays d'outre-mer
subordonnés à ces différentes puissances. Ainsi la religion catholique
romaine s'est trouvée réduite à un tiers de l'Europe, sans autre vrai
motif que les abus de la cour de Rome, auxquels Léon X n'a pas voulu
remédier, même au milieu de l'orage.
Dès le douzième siècle, les séparations de l'Église romaine
commencèrent par les Vaudois, et furent suivies par les Albigeois, les
Wiclefistes, les Hussites, et par tant d'autres jusqu'à Luther. Toutes
fondaient leur source sur les désordres, l'ambition, l'avarice et le
despotisme des papes, attachés au système de Grégoire VII, à la fin du
onzième siècle. Toutes publiaient que Rome était changée en Babylone,
et le pape en antéchrist. Tous les hommes pieux réclamaient
respectueusement la réforme des abus, afin d'ôter aux hérétiques tout
prétexte de se séparer de l'Église. Les conciles de Constance et de
Bâle s'occupèrent sérieusement de cet objet. Les papes cependant
avaient méprisé l'exécution des décrets, et ne pensaient qu'à
accroître leur grandeur temporelle.
Je crois donc que Léon X est l'auteur de tout ce que nous voyons. S'il
eût été ce qu'il devait être, il aurait reconnu que le moine Martin
Luther, dans le principe, avait raison de déclamer contre la
vente des indulgences, et, jaloux d'éviter les funestes conséquences
ultérieures, il aurait changé de système, en revenant, du moins pour
gouverner l'Église, au mode en usage dans la première moitié du
onzième siècle, s'il n'eût pas voulu, comme cela devait être, revenir
à celui des quatrième et cinquième siècles, à l'égard des souverains
temporels, ou à celui des premier et deuxième, à l'égard des évêques
et des affaires ecclésiastiques. Luther, Calvin, Zwingle, Oecolampade,
Melancthon, Bucère et tant d'autres dissidents du seizième siècle
fussent restés unis à l'Église : les Hussites de Bohême et des
autres pays se seraient réconciliés ; les Russes et tous les
Grecs ne se seraient pas désunis, et les rois des monarchies
protestantes n'auraient pas eu d'intérêt à former des Églises séparées
de Rome.
Que les papes, enfin, soient tels que les douze premiers, et il n'y
aura pas de souverain, de nation, ni de patriarche, qui aient de la
répugnance à reconnaître la primatie de Rome, réduite dans les vraies
limites des livres canoniques du Nouveau-Testament, des quatre
premiers conciles généraux, et de l'histoire ecclésiastique des six
premiers siècles.
ADRIEN FLORENTÉ, né à Utrecht, cardinal, évêque de Tortose,
inquisiteur général d'Espagne, et précepteur de l'empereur
Charles-Quint, fut élu pape pendant qu'il était en Espagne, le 9
janvier 1522. Il ne changea pas son nom, chose sans exemple depuis un
grand nombre de siècles auparavant, et qu'on s'imaginait être obligé
de faire. Amédée, duc de Savoie, avait voulu conserver le sien,
lorsqu'il fut élu pape par le concile de Bâle, pendant la vie d'Eugène
IV ; on lui dit que cela ne pouvait pas être, puisque
Jésus-Christ avait voulu appeler Pierre celui qui auparavant
se nommait Simon.
Adrien VI mourut le 24 septembre 1523. Quelques-uns ont soupçonné
qu'il avait été empoisonné : ce qui n'est pas incroyable, parce
que, dans son court pontificat, il manifesta l'intention de réformer
les abus de la cour romaine ; et cela suffisait
pour lui faire beaucoup d'ennemis puissants cl audacieux. Ceux-là ne
purent supporter patiemment, même après sa mort, qu'Adrien, écrivant à
la diète impériale de Nuremberg, sur les affaires de la religion
troublée par Luther, avouât que les fautes des prélats étaient cause
que Dieu avait permis cette persécution contre son Église, et qu'il
promît d'imiter Jésus-Christ, qui, pour corriger le peuple, avait
commencé par le temple : « Nous savons, disait-il, que, même
sur le Saint-Siège, il s'est commis pendant longtemps des choses
abominables, des abus dans les affaires spirituelles, des excès dans
les mesures, enfin des perversités de toute espèce. Lorsque la tête
est malade, il n'est pas étonnant que les membres se ressentent de la
contagion, le mal passe des souverains pontifes aux prélats
inférieurs. Pour ce qui nous regarde, disait-il à son légat, tu
promettras que nous emploierons tout notre zèle pour réformer d'abord
notre cour, comme étant la source d'où est émané tout le mal ;
car, ayant produit par son mauvais exemple, tous les vices et tous les
désordres des autres prélats, il est juste qu'elle influe par sa bonne
conduite sur la réforme des inférieurs. Nous allons nous livrer à
cette entreprise, avec toute l'efficacité à laquelle nous nous croyons
obligés, d'autant plus que nous voyons le désir ardent que témoigne
toute la chrétienté pour cette réforme. »
Ce dessein ne pouvait plaire aux Romains ; Palavicino même, dans
son histoire du concile de Trente, s'est permis de flatter les papes,
en leur disant qu'Adrien VI fut un imprudent de confesser, avec une
candeur excessive, ce qui pouvait dénigrer la conduite des papes. Ne
nous étonnons donc pas si sa mort fut si prompte ; il était dans
l'ordre d'anticiper sa déposition définitive du pontificat.
Étant inquisiteur général en Espagne, il adopta la doctrine d'un de
ses inquisiteurs subalternes, qu'il eut dû rétracter étant pape, et
qu'il ne rétracta pas. Albertino, inquisiteur de Mayorque, qui fut
ensuite évêque de Pati en Sicile, soutint que l'on pouvait et que l'on
devait révéler le secret de la confession sacramentale, quant au fond
de l'objet qu'on y avait déclaré, pourvu que l'on cachât le nom de
celui qui l'avait confessé, et si l'usage de cette révélation pouvait
éviter le mal du prochain. On défendit cette doctrine, à l'occasion de
la révélation d'un projet d'assassiner un inquisiteur.
JULES DE MÉDICIS, cousin - germain du pape Léon X, fils naturel
de Julien de Médicis, fut légitimé et fait cardinal par son cousin, et
aussi archevêque de Florence. Le conclave l'élut souverain pontife le
19 novembre 1523, et il mourut le 26 septembre 1334.
II fut encore plus ambitieux que son cousin, et n'épargna aucun effort
jusqu'à ce qu'il eût réussi à élever sa famille au rang des
souverains. Il obtint de Charles-Quint le grand-duché de Toscane pour
Côme de Médicis, et le mariage de Marguerite d'Autriche, fille
naturelle de Charles, avec Alexandre, bâtard de Laurent de Médicis, en
le nommant duc de Florence. Il obtint ensuite que Catherine de
Médicis, fille légitime du même Laurent, épousât Henri II, roi de
France. Tout cela fut le fruit de ses intrigues.
Il accrut notablement le nombre des ecclésiastiques, en approuvant
l'institut des chanoines réguliers barnabites, et
celui des capucins. Obligé de montrer des dispositions apparentes pour
la réforme, il envoya un légat à la diète de Nuremberg ; mais il
trompa tous les princes d'Allemagne, en proposant seulement la réforme
des abus du clergé du second ordre, mais très peu la réforme des abus
de l'ordre supérieur, et aucun de ceux de la cour de Rome, et traitant
d'hérétiques tous ceux qui murmuraient contre les papes et le
Saint-Siège. Les membres de la diète furent très mécontents d'une
conduite aussi opposée aux intérêts de la religion catholique, dont la
situation empira dès ce moment, et les partisans de la religion
réformée s'accrurent considérablement en diminuant les sujets
spirituels de celle de Rome.
Clément VII fortifia donc l'oeuvre de son cousin Léon X, contre le
catholicisme, par les mêmes motifs de préférer l'agrandissement
temporel des papes aux soins spirituels des successeurs de
Saint-Pierre.
ALEXANDRE FARNÈSE, né à Rome, cardinal évêque d'Ostie, doyen du
collège des cardinaux, fut élu pape le 13 octobre 1534, à l'âge de
soixante-huit ans, sous le nom de Paul III, et mourut le 10 novembre
1549.
Dans un ouvrage imprimé à Paris en 1591, par Eustache Vignon, sous ce
titre : État de l'Église dans le cours des siècles, depuis les
apôtres jusqu'à nos jours, il est dit qu'Alexandre VI l'avait
fait cardinal en récompense de ce qu'il lui avait cédé pour maîtresse
sa soeur Julie Farnèse.
Pendant son cardinalat, il se déguisa pour contracter un mariage, nul
et de mauvaise foi de son côté, avec une dame de Bologne à laquelle il
persuada qu'il était séculier, libre et majordome du cardinal légat.
Il eut d'elle deux enfants sacrilèges, Pierre-Louis et Constance.
Le fils fut depuis duc de Parme par la faveur du souverain pontife son
père, et c'est le tronc de la maison Farnèse,
alliée depuis le pontificat de Paul, à toutes les maisons souveraines
de l'Europe. Constance épousa Bosion-Sforce, qui, au rapport de
quelques historiens, mourut empoisonné par son beau-père. Cela n'est
pas sans vraisemblance, si tout ce qu'on lui impute est certain.
On l'accuse d'avoir fait mourir sa propre mère par le poison, d'avoir
eu sa fille Constance pour maîtresse, d'avoir vécu en concubinage avec
sa soeur, et fait mourir un fils qu'elle avait eu, et ensuite
elle-même, par des motifs de jalousie, ainsi que pour avoir son
héritage que lui avait laissé son fils décédé avant elle.
Tous ces crimes horribles, et d'autres encore, sont racontés dans cet
ouvrage ; mais, quand il n'y aurait de certain qu'une partie de
ces faits, cela suffit pour faire regarder Paul III comme le monstre
le plus affreux de son temps.
La donation de Parme et Plaisance, faite en faveur de son fils
Pierre-Louis, avait besoin d'être confirmée par l'empereur, comme
fiefs dépendants de Milan. Il y eut, à ce sujet, de grandes
contestations, mais enfin on leva les difficultés en mariant Octave
Farnèse, fils de Pierre-Louis, petit-fils du pape, avec Marguerite
d'Autriche, fille de Charles-Quint et veuve d'Alexandre de Médicis,
duc de Florence. Après beaucoup de différends avec la cour de France,
on y mit fin par le mariage d'Horace Farnèse, duc de Castro, bâtard de
Pierre-Louis et petit-fils du pape, avec Diane d'Angoulême, fille
bâtarde dit roi Henri II
II persécuta les luthériens et les autres sectateurs de l'Église
réformée, en excitant l'empereur et les rois de France et d'Espagne à
les punir de la peine capitale du feu, abandonnant ainsi les maximes
du caractère sacerdotal. N'eût-il pas dû préférer d'ôter les
prétextes, l'occasion et la source de toutes ces prétendues
réformes ? Mais, loin de s'occuper à détruire les abus de Rome,
il les autorisa d'avantage par son mauvais exemple personnel et
politique.
Voulant cependant persuader le contraire, il chargea quatre cardinaux
et cinq prélats de proposer les points qui leur paraîtraient
nécessaires. Cette commission s'exprima avec une clarté admirable.
Tous les abus, les vices et les crimes de la cour pontificale furent
présentés, et leur réforme, comme le seul moyen d'empêcher les progrès
de l'hérésie. Paul parut d'abord vouloir s'y conformer, mais ensuite
il agit en sens contraire, sous prétexte, selon le rapport de
Palavicino, qu'il serait déshonorant pour le Saint-Siège de confesser
tant d'iniquités.
Il convoqua enfin, malgré lui, le concile de Trente, parce que les
excuses et les prétextes vinrent à lui manquer : mais, craignant
que de la réunion de tant de prélats hors de l'État pontifical, il pût
résulter des décrets désagréables aux papes pour la diminution de la
puissance usurpée contre les décisions du concile de Constance, il
n'eut point de repos qu'il ne l'eût transféré à Bologne.
Alors l'empereur et les évêques allemands et espagnols s'opposèrent à
la translation, protestèrent, et le concile fut suspendu.
Peut-il y avoir une preuve plus claire que l'objet principal n'en
était ci le dogme ni la morale ? Sur ces deux points les évêques
auraient décrété de même à Trente qu'à Bologne. Sa défiance n'était
donc que pour ce qui regardait la discipline.
Cette dernière partie empira beaucoup sous le Gouvernement de Paul
III, car, en 1536, il inventa la fameuse bulle appelée in cena
domini, parce qu'elle se publiait tous les ans le jeudi-saint,
jour de la cène de Notre-Seigneur. Son objet était de fulminer des
excommunications et d'autres censures contre tous ceux qui faisaient
quelque chose de contraire à ce que les papes appelaient les
prérogatives et les droits du Saint-Siège. Presque tous les souverains
réclamèrent contre cette bulle par mille protestations, mais on n'en
continua pas moins la publication, et Pie V, Paul V et Urbain VIII, y
ajoutèrent encore des articles. Clément XIV en supprima enfin la
publication.
On ne peut dire tout le mal que causa cette bulle, car presque tous
les livres d'abrégés de théologie morale lui sont postérieurs. Par
cette raison les auteurs embrouillèrent la doctrine de l'absolution
des péchés, réservée aux papes ; et, quoique cette bulle ne se
publie plus, les professeurs de morale suivent ses principes et ses
conséquences comme auparavant.
Ce fut le 27 septembre 1540, que Paul approuva l'institut des
jésuites, malgré les grandes contrariétés qu'éprouva Saint-Ignace de
Loyola son fondateur. Personne n'ignore les conséquences que produisit
l'établissement de ces prêtres réguliers, supprimés depuis par Clément
XIV. Il ne faut pas s'étonner que Paul III les ait admis, ni que Pie
VII les rétablisse maintenant, si nous réfléchissons qu'ils font un
quatrième voeu de plus que les autres réguliers, et qui n'est rien
moins que d'obéir, que de suivre et d'exécuter en tout les volontés
pontificales.
JEAN-MARIE DEL MONTE, né à Rome, cardinal du titre de
Saint-Vital, fut élu pape le 8 février 1550, sous le nom de Jules III,
et mourut le 23 mars 1555.
Plusieurs historiens contemporains assurent que, non seulement il
était sodomiste, mais encore qu'il promut son complice au cardinalat
en lui conférant son propre titre de Saint-Vital, et en consentant que
le favori s'appelât cardinal del Monte, nom que Jules avait
porté lui-même.
Le nouveau dignitaire manquait de tout mérite ecclésiastique, et dans
le service de la maison il n'avait d'autre emploi public que celui de
prendre soin d'un singe avec lequel le pape avait coutume de s'amuser.
Jules fut si peu circonspect et si immodéré sur ce vice, que les
pasquinades contre Jupiter et Ganimède se multiplièrent journellement
à Rome. Jean de la Casa, archevêque de Bénévent, en
vînt au point de composer un poème latin, où il passait en revue les
grands personnages qui, chez toutes les nations et dans différents
siècles, avaient préféré le vice sodomite à celui du sexe féminin, et
les motifs sur lesquels ils fondaient cette préférence. Cet ouvrage
fut dédié au pape ; et, quoique l'auteur eût l'apparence de
traiter ce plaisir comme un vice, il le peignait cependant sous des
couleurs si agréables que Jules en accepta la dédicace, de même qui si
c'eût été un traité dogmatique bien écrit contre Luther.
Le cardinal Paul Vergio a publié la chronique scandaleuse de ces
événements. Onuphre Panvinio, Papire Masson, le président de Thou et
autres auteurs très graves, en racontent suffisamment pour que
l'on sache que Jules III, pendant son pontificat, en a scandalisé
d'autres que le roi d'Angleterre Henri VIII.
Il ne fut pas non plus exempt du vice de népotisme, car il favorisa de
préférence ses parents, et il obtint de Côme de Médicis, grand duc de
Toscane, la nomination de son frère Baudouin au marquisat del Monte de
Saint-Séverin. Continuant les excès de ses prédécesseurs, il lança les
censures contre le roi de France Henri II, parce que ce prince
favorisait le duc de Parme, et il l'excommunia avec menace de mettre
son royaume en interdit. Il est vrai qu'il fut obligé de rétrograder,
parce que Henri ordonna qu'aucun Français n'eût recours à Rome, et
qu'il s'adressât seulement aux évêques
diocésains, et il défendit en même temps, sous des peines sévères,
l'extraction de l'argent. Ce serait bien là le vrai moyen de réformer
la cour de Rome, sans attendre que les papes la réforment d'eux-mêmes,
car jamais on n'y parviendra d'une autre manière.
La translation du concile à Bologne n'ayant pu produire l'effet qu'en
attendait son prédécesseur, Jules le convoqua de nouveau à Trente.
Après quelques sessions, il en suspendit encore la continuation, sous
prétexte de la guerre qui s'était élevée entre les princes
chrétiens ; mais, dans la réalité, ce fut dans la crainte que les
prélats ne prissent quelques décisions contre les abus de la cour de
Rome, puisque quelques-uns proposaient déjà de traiter certains points
qui démontraient assez quelle était l'opinion générale. Il mourut
enfin détesté de tout le monde, et même des Romains qui diffamèrent sa
mémoire dans les termes les plus méchants.
MARCEL CERVINO, né à Rome, cardinal prêtre du titre de
Sainte-Croix, fut élu pape le 9 avril 1555, en conservant son nom, et
mourut le 30 des mêmes mois et an, après trois semaines seulement de
pontificat.
Plusieurs écrivains manifestent le soupçon qu'on se servit du poison
pour lui ôter la vie.
Je regarde cela comme très vraisemblable, d'autant qu'il est constant
qu'à peine parvenu à la papauté, il laissa voir un esprit vigoureux et
un ferme dessein de réformer la cour, à quelque prix que ce fût, afin
que les ennemis de l'Église romaine n'eussent rien à lui reprocher
avec réalité.
L'entreprise était vaste et presque impraticable ; mais ceux qui
étaient intéressés à la continuation des abus, pensèrent que Marcel
agirait de bonne foi et conformément à ses discours, parce qu'il
s'était toujours montré bon, juste et zélé pour la gloire véritable de
l'Église. Ils ne voulurent pas s'exposer à perdre les occasions de
profiter de leur escroquerie et de leurs intrigues sous le voile
hypocrite de la religion et de la décence du Saint-Siège.
Par malheur, l'art de préparer les poisons de mille manières était
plus connu et plus souvent mis en pratique à Rome que dans tout le
reste du monde. Palavicino confesse la difficulté de réformer les
abus, et le pape Marcel, qui le savait, s'écria un jour en frappant
sur la table : « Je ne vois pas de moyen que les papes
soient sauvés. »
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