Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XIVe SIÈCLE.

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INNOCENT VI

CXCIXe PONTIFE. - De 1352 A 1362.

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 ÉTIENNE D’ALBERT, né dans le diocèse de Limoges, cardinal évêque d'Ostie, et cinquième pape d'Avignon, fut élevé à cette dignité le 18 décembre 1352 et prit le nom d'Innocent VI ; il mourut à Avignon, le 12 septembre 1362, sans avoir jamais vu son église.
Il est du petit nombre des papes de cette époque dont la vie fut sans scandale ; car, s'il travailla constamment à l'élévation de sa famille, il eut du moins le bonheur d'y rencontrer des hommes instruits et d'une conduite régulière. Il réforma quelques abus sur les réserves apostoliques et les droits ecclésiastiques.

Sous ce pontificat, des bandes redoutables de brigands se mirent à désoler un grand nombre de diocèses ; le vol, l'incendie et les crimes de toute espèce marquaient partout leur passage ; ils avaient pris le nom de Tardvenus, et ils s'approchèrent d'Avignon avec l'intention de surprendre la ville où ils espéraient trouver de grands trésors. Innocent VI crut les arrêter en les excommuniant ; mais ils se moquèrent de ses anathèmes, et ils seraient entrés dans la ville, si le marquis de Montferrat n'eût trouvé un meilleur moyen de s'en débarrasser. Il leur fit remettre une grosse somme d'argent de la part du pape, et leur en promit une seconde plus considérable, à condition qu'ils n'entreraient pas dans la ville, et qu'ils iraient en Italie faire la guerre aux ennemis de l'Église qui s'étaient révoltes sur plusieurs points de ce pays. Ils promirent ce qu'on leur demandait, et ce fléau alla ravager d'autres provinces.



URBAIN V

CCe PONTIFE. - DE 1362 A 1370.

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 GUILLAUME, né à Grisac en Gévaudan, moine bénédictin et abbé de Saint-Victor de Marseille, fut élu pape dans le mois de septembre 1362, quoiqu'il ne fût point encore cardinal. Il avait quitté Avignon, et était arrivé à Florence, d'où il devait se rendre avec la qualité de Nonce, dans le royaume de Naples. Les prières du monarque français ne purent le retenir dans le royaume, et il quitta Avignon, le 30 avril 1367, pour se rendre en Italie ; il arriva à Rome, le 23 mai, et fit son entrée publique dans cette ville, le 6 octobre suivant. On conçoit la joie des Romains en revoyant le chef de l'Église, après une absence qui avait duré soixante ans.
Urbain revint cependant à Avignon et y mourut le 19 décembre 1370. Quelques auteurs prétendent que l'objet de son voyage avait été de pacifier les différends survenus entre les rois de France et d'Angleterre : mais, François Pétrarque assure que ce n'était là qu'un prétexte, et il faut convenir que le pape pouvait facilement réconcilier les deux souverains sans faire ce long voyage.
Urbain V étant sorti un jour de Saint-Jean-de-Latran pour se rendre en procession au Vatican, évita le grand détour que ses prédécesseurs avaient coutume de faire pour ne pas voir le lieu où s'était passé l'accident scandaleux de la papesse Jeanne.
L'abbé Fleuri en conclut que l'on commençait à ne voir qu'une fable dans cette histoire ; j'avoue que je ne sens pas la justesse de cette conclusion ; tout ce qu'il est permis d'en induire, c'est qu'Urbain V pensa qu'il était ridicule de tourner la place, puisque cette précaution tendait à prouver le fait, et que le plus sur moyen d'en effacer le souvenir, était de s'en moquer.

Urbain V tira du sancta-sanctorum les chefs de Saint-Pierre et de Saint-Paul, et les plaça sur des statues d'argent à demi-corps ; celui de Saint-Pierre portait la tiare avec les trois couronnes, ce qui à fait croire à quelques historiens que ce pape fut le premier qui en mit trois sur sa tête. Il n'est pas certain néanmoins qu'il y en eût alors plus de deux.
Sur le point de mourir, Urbain protesta solennellement que si, avant d'être pape, il avait cru, dit, enseigné ou écrit quelque chose de contraire à la sainte foi catholique, il en faisait en ce moment la rétractation la plus formelle, en se soumettant à la pénitence qui lui serait imposée par l'Église. Son prédécesseur avait fait une déclaration semblable, et, comme l'histoire nous apprend que Jean XXII en avait donné l'exemple, on doit en conclure que les papes eux-mêmes ne se croyaient pas infaillibles ; on sait d'ailleurs que l'opinion de l'infaillibilité du pape est beaucoup plus moderne.

Urbain V aima la paix autant que son prédécesseur, et montra la même sagesse. Si je voyais ces deux papes au nombre de ceux que l'Église a canonisés, j'applaudirais à cette mesure. Mais combien de miracles n'a-t-on pas supposés, pour accorder cet honneur à des pontifes scandaleux, tyrans, perturbateurs, et dont les passions cachées sous le manteau de la religion ont couvert la terre de sang et de calamités !



GRÉGOIRE XI

CCIe PONTIFE. - DE 1370 A 1378.

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 PIERRE ROGER, neveu de Clément VI, né comme lui près de Limoges, cardinal diacre du titre de Sainte-Marie-Neuve, fut élu pape à Avignon, et prit le nom de Grégoire XI, le 30 décembre 1070 ; il fut le septième et le dernier des papes légitimes qui tinrent leur cour à Avignon.
Il transféra le siège pontifical à Rome pour y faire sa résidence ordinaire ; son entrée, qui eut lieu le 17 janvier 1377, c'est-à-dire, soixante-treize ans après l'établissement des papes de France, fut un véritable triomphe à cause de l'empressement avec lequel il fut reçu par les Romains.
Cependant il songeait déjà à retourner en France, lorsque la mort vint le surprendre, le 27 mars 1378, et donner lieu au grand schisme d'Occident ; cette nouvelle calamité de l'Europe dura cinquante et un ans, et fut produite par la funeste ambition des papes, qui leur faisait croire qu'ils étaient les évêques oecuméniques, c'est-à-dire universels, malgré la déclaration contraire de Saint-Grégoire-le-Grand ; dominés par cette orgueilleuse pensée, ils se considéraient non comme les évêques de Rome, mais comme ceux de l'Église universelle, et ils en tiraient cette conséquence qu'ils ne cessaient pas de résider dans leur évêché, quoiqu'ils fussent à Avignon.

Ce déplacement de la cour pontificale fut cause que les sept papes élus en France furent des Français, que la majorité du sacré collège se trouva composée de cardinaux de la même nation, qu'Urbain V voulut goûter de nouveau les délices d'Avignon, et que Grégoire XI fut sur le point de l'imiter ; delà aussi le chagrin que causa aux cardinaux français l'élection d'Urbain VI qui était italien, et le parti qu'ils prirent de nommer, au mépris de l'unité, un autre pape de leur nation qui fut Clément VII ; de là l'établissement de l'antipape à Avignon même, le séjour d'affection des cardinaux français ; de là tous les efforts qui furent tentés pour le faire reconnaître en-deçà des monts et la durée du scandale produite par le schisme que les princes avaient intérêt de soutenir ; de là enfin, une foule de malheurs spirituels et temporels qui n'auraient pas eu lieu, si les pontifes romains eussent respecté la déclaration par laquelle Saint-Grégoire le grand avait fait entendre que l'évêque de Rome non seulement n'est point l'évêque oecuménique, mais ne peut jamais le devenir, parce qu'il réunirait dans sa personne l'épiscopat tout entier, lequel appartient, suivant le texte de l'Évangile, à tous les apôtres en général et à chacun d'eux en particulier ; doctrine d'autant plus respectable qu'elle a été professée par un des papes les plus zélés pour les droits du Saint-Siège, et les plus attentifs à étendre son autorité, à restreindre celle des patriarches, des exarques, des primats et des métropolitains, les seuls (hors les cas extraordinaires) avec lesquels il eut eu jusqu'alors des relations directes.

Au reste, si Grégoire XI ne fut point aussi pacifique qu'Innocent VI et qu'Urbain V, on ne peut du moins lui reprocher d'avoir mis le trouble et la division dans l'Église, comme l'avaient fait les autres papes Avignonnais.
Il est vrai qu'il déclara la guerre aux Visconti de Milan et à quelques autres seigneurs, lorsqu'il vit que les excommunications restaient sans effet ; mais une sage politique le porta à la terminer promptement. On peut le blâmer avec plus de raison de la conduite qu'il tint avec Wiclef ; sa sévérité irrita ce novateur, et rendit toute réconciliation impossible.



URBAIN VI

CCIIe PONTIFE. - DE 1378 A 1389.

Vingt-troisième schisme.

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 Voici arrivés à l'époque où les plus grands scandales devaient prouver aux hommes de bonne foi, combien il était téméraire de prétendre que c'est le Saint-Esprit lui-même qui, pour l'édification des fidèles, dirige l'élection des chefs de son église. S'il en était ainsi, jamais il n'y aurait de schisme parmi les catholiques, et tous les papes seraient plus saints et meilleurs les uns que les autres. Comme nous voyons le contraire, il est impossible de défendre le système que je combats, sans accuser le Saint-Esprit de manquer de puissance, de sagesse et de bonté, ce qui serait un blasphème plein d'hérésie.
À la mort de Grégoire XI, il y avait vingt-trois cardinaux, six à Avignon, un en Toscane et seize à Rome. Le choix du nouveau pape dépendait de ces derniers qui entrèrent dans le conclave, le 17 avril 1078. Douze étaient Français et pouvaient faire tomber leurs suffrages sur un cardinal de leur nation ; mais ils se divisèrent ; les cardinaux gascons voulaient choisir un pape parmi eux, et les autres en proposaient un de leurs provinces, pendant que les quatre cardinaux d'Italie songeaient à nommer un italien.

Le peuple se mutina et vint entourer le conclave en criant : Nous demandons un pape gui soit romain. Il est certain que ce mouvement pouvait devenir funeste aux électeurs, si le choix ne tombait pas sur un cardinal d'Italie : en effet, ils ne crurent pas que le danger eût cessé, quoiqu'ils eussent nommé un Napolitain, et ils firent annoncer aux séditieux que François Tebaldeschi, cardinal de Saint-Pierre, et romain, venait d'être nommé, quoique le véritable élu fût Barthélemi Prignani, archevêque de Bari, dans le royaume de Naples. La vérité ne fut connue que lorsqu'on put croire qu'il n'y avait plus aucun danger à l'annoncer.

La consécration du nouveau pape (Urbain VI), se fit le 18, et le 19, les cardinaux en informèrent leurs collègues absents. Mais l'orgueil du chef qu'ils venaient de se donner leur parut bientôt si insupportable, qu'ils quittèrent Rome vers le milieu du mois de mai, pour se retirer à Anagni, dans la Campanie, et ensuite à Fondi, où les onze cardinaux italiens se réunirent aux douze français. Ils adressèrent de là une circulaire à toutes les Églises catholiques, dénonçant comme nulle l'élection du nouveau pape, ainsi que tous les actes subséquents, comme leur ayant été extorqués par les menaces d'une mort presque certaine, dont ils n'étaient délivrés que depuis qu'ils avaient quitté Rome pour recouvrer leur indépendance.
Ils sommèrent ensuite plusieurs fois Urbain VI d'abdiquer la tiare, parce qu'ils allaient procéder à une nouvelle élection, et qu'il était de son devoir de prévenir un nouveau schisme. Le pape motiva son refus sur la légitimité des suffrages qui l'avaient élevé au trône pontifical, en sorte que, le 21 septembre suivant, les cardinaux réunis à Fondi, élurent à sa place Robert de Ginebre, membre du conclave : cette élection fut annoncée aux cardinaux absents, qui l'approuvèrent, et Robert fut couronné le 31 octobre, sous le nom de Clément VII : il fixa quelque temps après, sa résidence à Avignon.

Depuis cet événement, l'Église catholique eut deux chefs, sans qu'on pût savoir avec certitude quel était le légitime. En effet, d'un côté, il était incontestable que l'élection d'Urbain VI n'avait pas été libre, et de l'autre, elle paraissait ratifiée et renouvelée par les actes nombreux d'administration signés par les cardinaux, et qui semblaient appartenir à des temps où toute crainte avait cessé. Cette double circonstance fut cause que les nations catholiques se divisèrent, ainsi que les cardinaux, eu deux partis, les unes par intérêt, et les autres par opinion.

L'empire d'Allemagne et le royaume de Naples avaient des raisons politiques pour reconnaître Urbain. La France s'intéressait pour Clément Vil, et l'Angleterre, par opposition au système de sa rivale, avec qui elle était continuellement en guerre, se décida pour le premier. Il était de l'intérêt de l'Aragon de se soumettre à Clément VII, à cause du voisinage du comtat Venaissin ; les mêmes motifs agissaient également sur la Navarre, dont une partie était soumise à la France. La Castille prit le parti d'attendre jusqu'à ce qu'on fût mieux instruit de la vérité. Quelque temps après, Pierre de Luna, cardinal aragonais, l'un de ceux qui avaient élu Clément VII, l'emporta et entraîna la Sicile, l'Écosse et l'île de Chypre dans son parti.

On était si embarrassé pour distinguer la véritable élection canonique, que les opinions se trouvèrent partagées, non seulement dans chaque royaume, mais jusque dans chaque couvent, et dans le sein de chaque famille. On trouve même dans les deux partis des hommes que l'Église a canonisés. Sainte Catherine de Sienne, religieuse de l'ordre de Saint-Dominique, qui jouait alors un rôle bien supérieur à celui que son sexe semblait permettre, écrivit en faveur d'Urbain VI ; et Saint-Vincent Ferrier, religieux du même institut, qui n'est pas moins célèbre que cette sainte, pour ses miracles et ses révélations, se soumit à Clément VII. Cette division eut encore lieu dans beaucoup d'autres ordres monastiques.

Le fanatisme enfanta la fureur et les persécutions. L'envie d'augmenter les forces de leur parti, engagea les deux papes à tolérer et même à commettre respectivement de grandes injustices.
Des guerres scandaleuses, auxquelles on croyait devoir donner la religion pour motif, armèrent les deux compétiteurs l'un contre l'autre, et comme on ne pouvait les soutenir sans argent, Urbain et Clément accablèrent d'impôts et d'exactions les Églises ; et les prêtres qui s'étaient déclarés leurs partisans, vendirent les ornements, et jusqu'aux vases sacrés, et engagèrent les biens-fonds et les rentes perpétuelles des communautés ecclésiastiques.
Les suites de cette guerre insensée plongèrent pour cinquante ans l'Europe dans la misère et les calamités de toute espèce ; et cependant il n'y a pas de philosophe chrétien qui ne reconnaisse qu'elle était sans motif, et qu'il eût suffi, pour la faire cesser, que les souverains ne mêlassent pas, les intérêts imaginaires de leur politique avec ceux de la religion.

Si chaque prince eût adopté pour maxime de faire administrer l'Église de sa nation par un patriarche ou un primat, jusqu'au moment où les cardinaux se seraient accordés à rejeter l'un et à reconnaître l'autre, et de ne leur fournir ni hommes ni argent, bientôt on eût vu les deux partis dans la nécessité de renoncer à leurs prétentions, et de consentir à la mesure d'une troisième élection »

Je place Urbain VI dans la succession des papes, pour me conformer à l'ordre numérique, parce qu'il fut élu le premier, et que cet usage s'est depuis introduit et a été consacré dans l'histoire ; mais il n'en faut pas conclure que je préfère sa cause à celle de Clément, puisque le concile général de Constance ne se crut point assez éclairé pour prononcer sur la question, et prit le parti de les obliger l'un et l'autre à abdiquer, sous peine d'être déchus de leur droit.

Urbain fut un méchant homme, orgueilleux, et d'une imprudence extrême. Son audace et ses procédés violents à l'égard des cardinaux, dès qu'il se crut véritablement pape, furent la seule cause de ce schisme violent. S'il n'avait pas irrité le sacré collège par sa rudesse, les cardinaux ne se fussent point séparés de lui. Rien de plus cruel que sa sévérité à l'égard de l'évêque d'Aquilée et de cinq cardinaux qu'il avait nommés. Sur le simple soupçon d'un complot tramé contre sa personne, mais dont il lui fut impossible d'acquérir la moindre preuve, il les fit mettre à la question, et assista lui-même aux tourments de ces malheureuses créatures, qui protestèrent jusqu'à la mort, de leur innocence, et citèrent au tribunal de Dieu leur impitoyable bourreau.

Il dépouilla la reine Jeanne de son royaume de Naples, parce qu'elle avait abandonné son parti pour celui de Clément, et il le donna à Charles III de la Paix, duc de Durazzo, arrière-petit-fils du côté paternel de Charles II, le Boiteux ; mais, après en avoir séparé la principauté de Capoue, le duché d'Amalfi, et d'autres terres, pour les donner à son propre neveu François Prignani.
Ce prince de nouvelle date arracha d'un couvent de Sainte-Claire, de Naples, une religieuse jeune, belle, et d'une famille distinguée ; il la tint enfermée dans son palais pendant plusieurs jours, et, après avoir assouvi sur elle son infâme brutalité, il la renvoya dans son couvent. Des réclamations furent adressées à Urbain, qui était alors à Naples ; mais, au lieu de punir d'une manière exemplaire le coupable, il répondit qu'il fallait passer quelque chose à sa jeunesse : ce prétendu jeune homme avait plus de quarante ans ; il fut cependant arrêté par ordre de Charles, et convaincu d'avoir exercé la plus grande violence sur sa victime. Les juges prononcèrent contre lui la peine de mort. Le pape réclama contre ce jugement, prétendant que le roi ne pouvait faire mourir personne sans la permission du Saint-Siège, attendu que la souveraineté du royaume de Naples appartenait au pape.
Telle fut la tournure que prit ce honteux procès, que non seulement le coupable évita le châtiment qu'il avait mérité, mais qu'il parvint à épouser une princesse du sang du roi. Celui-ci mourut quelque temps après, et laissa la couronne à son fils Ladislas. Urbain fit difficulté de le reconnaître, et déclara qu'il voulait gouverner lui-même, comme roi, le royaume de Naples ; il fit prêcher une croisade contre Clément, et excommunia ses partisans avec plus de rigueur que ceux qui auraient fait d'un crucifix l'objet de leurs outrages.

Ce barbare pontife mourut le 18 octobre 1389, après onze ans et demi d'un gouvernement déshonoré par mille cruautés, et sans qu'un seul chrétien témoignât le moindre regret de cet événement.

Si Clément VII se montra moins cruel que son compétiteur, il poussa beaucoup plus loin l'avarice. Il ne connut aucune borne dans le système de concussion qu'il exerça sur les Églises et la partie du clergé qui l'avait reconnu pour légitime. Évêchés, abbayes, dignités, canonicats, prébendes, chapellenies, pensions sur bénéfices et autres revenus ecclésiastiques, tout fut mis à l'encan et vendu comme une simple marchandise : ce temps est celui des réserves, des expectatives, des délégations viagères, des divisions des titres pour multiplier les annates, des acquisitions ab intestat des biens des évêques, des vacances, et d'une foule d'autres moyens d'exactions, inconnus avant cette malheureuse époque.
Pour juger des ressources que cette honteuse simonie procura à la cause de Clément VII, il suffit d'observer qu'après avoir soutenu plusieurs guerres ruineuses, il restait encore dans le fisc de Rome trois cent mille écus d'or lorsqu'il mourut. Cet événement eut lieu le 16 septembre 1394, à la suite d'un accès de colère que lui causa la nouvelle que l'université de Paris venait de se plaindre au roi de France que Clément ruinait les études dans son royaume par toutes ses exactions et les autres abus qui s'y commettaient en son nom.



BONIFACE IX

CCIIIe PONTIFE. DE 1589 A 1404.

Le schisme continue.

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 PIERRE TOMACELLI, cardinal de Naples, fut élu pape par quatorze cardinaux qui avaient soutenu Urbain VI. Il fut intronisé sept jours après, c'est-à-dire, le 11 novembre 1389. Sa tiare portait les trois couronnes ; cet usage paraît avoir été inconnu avant lui, dans cette cérémonie, et donna lieu de penser combien il y aurait d'ambition et de vanité dans le système du nouveau pape. Il prit le nom de Boniface IX, comme s'il eut voulu annoncer, par-là, la conformité de ses vues avec celles de son compatriote Boniface VIII. Il étendit et perpétua le système du tribut indirect des annales ecclésiastiques, c'est-à-dire, le revenu d'une année de chaque titre ecclésiastique dont il signait la provision. Cette dépense des titulaires, jointe aux frais de l'expédition des bulles et de la prise de possession, a constitué débiteurs et rendu insolvables, dans tous les temps, une multitude de prêtres morts peu de temps après l'arrivée de leurs provisions.

L'année 1400 était celle du Jubilé : Rome vit arriver dans ses murs une foule innombrable d'étrangers qui ne reconnaissaient cependant que Benoît XIII successeur de Clément, mais qui se conformaient, en prenant part au Jubilé, à la bulle de ce pape qui avait aussi publié cette solennité à Avignon.
Boniface eut l'imprudence de souffrir qu'ils fussent maltraités et pillés, conduite aussi impolitique qu'injuste, qui lui fit perdre l'occasion favorable d'acquérir un grand nombre de partisans, et lui attira de nouveaux ennemis.
Il afficha la simonie en vendant les bénéfices ecclésiastiques à ceux qui lui en donnaient le plus d'argent, et les indulgences du Jubilé aux chrétiens qui voulaient les gagner sans faire le voyage de Rome.

L'empereur, le roi d'Angleterre et celui de France lui ayant proposé d'abdiquer la tiare pour donner la paix à l'Église, pendant que Benoît XIII renonceraitaussi à ses prétentions, il rejeta cette proposition et opposa à ces principes une résistance opiniâtre.

Enfin, ce pape mourut de colère, comme son prédécesseur, le 1er octobre 1404, à la suite des discussions qui s'engagèrent entre lui et les délégués de Benoît qui étaient venus lui proposer en son nom d'avoir une entrevue avec lui dans la ville qu'il aurait désignée, afin de mettre fin au schisme qui affligeait l'Église.
Ces députés accusèrent Boniface de simonie, et le dépit qu'il en eut alluma sa bile et lui causa une fièvre ardente qui l'emporta en peu de jours.

Clément VII mourut sous le pontificat de Boniface IX, et les cardinaux de son parti élurent à Avignon, le 28 septembre, Pierre de Luna, né en Aragon d'une très grande famille : il prit le nom de Benoît XIII. Les cardinaux avaient juré dans le conclave que l'élection qu'ils allaient faire serait sans préjudice des moyens qu'on pourrait imaginer pour détruire le schisme, et la renonciation au pontificat était de ce nombre. Mais, quelques efforts que fissent les princes qui avaient reconnu Benoît XIII et ceux qui appuyaient Boniface IX, il fut impossible d'obtenir son abdication ; il fonda son refus sur tous les prétextes que l'ambition peut alléguer, et qui pouvaient faire croire qu'il travaillait sérieusement à mettre fin aux maux de l'Église. Cependant, sa conduite et celle de Boniface prouvaient qu'ils n'avaient pas moins d'envie de régner l'un que l'autre.
Benoît XIII vit nommer et mourir plusieurs papes ses compétiteurs, et cette circonstance nous obligera d'en parler encore plusieurs fois.

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