Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XVe SIÈCLE.

INNOCENT VII

CCIVe PONTIFE. DE 1404 A 1406.

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Le schisme continue.

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http://fr.wikipedia.org/wiki/Innocent_VII


 Le 17 du mois d'octobre 1404, les cardinaux romains nommèrent pour succéder à Boniface IX, Cosme Meliorati de Sulmona, cardinal du titre de Sainte-Croix, qui fut couronné le 11 novembre, et prit le nom d'Innocent VII.
Avant de procéder à l'élection, ils s'étaient engagés par serment à travailler de toutes leurs forces à l'extinction du schisme, et celui qui était élu devait même renoncer à la papauté, si cette mesure, était jugée nécessaire à la paix de l'Église.

Innocent ne jouit que pendant deux ans de sa dignité, et mourut le 6 novembre 1406. Il rejeta la proposition d'une entrevue que son compétiteur lui avait faite, et voulut qu'il lui fût proposé d'autres moyens de ramener le calme. Il convoqua un concile général ; mais revînt bientôt sur ses pas par la crainte que lui inspira la politique des souverains.

Après avoir dépouillé Ladislas du royaume de Naples, il prévit les suites dangereuses que pouvait avoir ce coup d'autorité, se réconcilia avec le prince dépossédé et le nomma gonfalonier de l'Église romaine. Il laissa commettre de grandes fautes d'administration à son neveu Louis Meliorati, qui fit assassiner plusieurs Romains, membres du consistoire, jusque dans le palais pontifical, où le sénat les avait envoyés pour y défendre les intérêts de la ville.

Pendant que ces choses se passaient à Rome, Benoît XIII protestait, à Avignon, de son amour pour la paix ; mais sa conduite répondait mal à ses discours, et son opiniâtreté était toujours la même : il continuait ses exactions sur les églises de France, et inventait chaque jour quelque nouveau moyen d'en obtenir de l'argent.
Le roi de France, d'après l'avis de l'université de Paris, résolut de proposer un concile général, et ce fut dans cet intervalle, qu'Innocent VII mourut à Rome.



GRÉGOIRE XII

CCVe PONTIFE. - DE 1406 A 1409.

Le schisme continue.


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 Les cardinaux romains, assemblés en conclave le 23 novembre 1406, ne se contentèrent pas de renouveler la promesse et les conventions faites dans les élections précédentes, ils convinrent aussi que, pour éteindre le schisme, non seulement le nouveau pape renoncerait à sa dignité, si on le lui proposait, mais encore, que les cardinaux se réuniraient dans une seule assemblée pour le choix d'un pape de l'Église universelle.
Le 30 du même mois, Ange Corrario, de Venise, cardinal du titre de Saint-Marc, fut élu successeur d'Innocent VII. Il prit le nom de Grégoire XII, et ratifia aussitôt l'engagement qu'il avait pris d'abdiquer la papauté, si la proposition lui en était faite par les cardinaux : il était âgé de 70 ans, et passait pour un homme de bien. Il annonça lui-même au peuple romain qu'il était prêt à remettre la tiare pour assurer le repos de l'Église.
Cette conduite fut agréable à tout le monde, et les membres du sacré collège ne doutèrent plus que le schisme ne fût sur le point de finir, d'autant que Charles VI de France travaillait alors de bonne foi à obtenir de Benoît XIII le même sacrifice.

L'événement prouva que la vertu de Grégoire XII n'était que de l'hypocrisie, et une de ces vaines protestations, ressource ordinaire des hommes ambitieux. Il dissimula tant que le moment de tenir sa promesse lui parut éloigné ; mais le masque tomba, lorsqu'il fut impossible de cacher plus longtemps ses desseins. Il déclara plusieurs fois qu'il renoncerait à la papauté, si Benoît en donnait l'exemple le premier ; et celui-ci tint le même langage à l'égard de Grégoire. Il y eut de fortes raisons de croire qu'ils s'étaient rendus coupables de collusion pour se maintenir chacun sur leur siège, pendant qu'ils se montraient d'accord pour abdiquer, et divisés seulement sur la question de savoir qui abdiquerait le premier.

Les cardinaux du parti de Grégoire surent enfin à quoi s'en tenir sur son compte, et, résolus de venir à bout de leur dessein, ils écrivirent à ceux de leurs collègues qui avaient nommé Benoît XIII, au roi de France et à d'autres souverains, qu'il leur semblait indispensable de convoquer un concile général où tous les cardinaux s'assembleraient pour déposer en même temps les deux papes.
Cette affaire offrait de grandes difficultés : on parvint néanmoins à convoquer un concile général à Pise où, par un décret solennel du 5 juillet 1409, Ange Corrario ou Grégoire XII, et Pierre de Luna ou Benoît XIII, furent déclarés schismatiques, hérétiques, parjures, auteurs d'un grand scandale pour l'Église, incorrigibles et indignes de tout honneur et de toute dignité : défense leur était faite de se croire plus longtemps chefs de l'Église, et il était enjoint à tous les princes dont les envoyés étaient présents au concile, de même qu'à tous les autres, en vertu de la sainte obéissance qu'ils devaient à l'assemblée, de ne plus reconnaître aucun des deux antagonistes, attendu que le Saint-Siège devait être considéré comme vacant, jusqu'à ce que le concile eût nommé un nouveau pape pour l'occuper.

La conduite de Benoît XIII avait été si impolitique, que les cardinaux des deux partis se réunirent pour faire exécuter la résolution du concile. Ce fut alors que le fougueux pontife fulmina une bulle d'excommunication contre le roi de France ; et contre ceux qui proposeraient des moyens de conciliation pour mettre fin au schisme : la manière dont elle fut publiée était très offensante pour la majesté royale, et Charles VI ayant consulté l'université de Paris et les universités des autres parties du royaume, ainsi qu'une assemblée nombreuse d'évêques, de conseillers et de jurisconsultes, défendit de reconnaître à l'avenir Benoît XIII, et donna ordre en même temps de l'arrêter dans Avignon.
Le pape, prévenu du dessein formé contre sa personne, quitta brusquement sa résidence, et se réfugia à Perpignan qui appartenait alors au roi d'Aragon. Sur ces entrefaites, les cardinaux que l'orgueil, la dureté, l'ambition démesurée de ce pape, et la mauvaise foi avec laquelle il traitait les affaires les plus importantes de l'Église, avaient entièrement éloignés de son parti, profitèrent de ces circonstances pour se réunir avec les cardinaux de Grégoire au concile général de Pise.



ALEXANDRE V

CCVIe PONTIFE. - DE 1409 A 1410.

Le schisme continue.

 Le 26 juin 1409, le concile assemblé à Pise, élut, pour pape légitime, Pierre Filargio, religieux franciscain, cardinal archevêque de Milan, qui fut couronné le 7 juillet, et prit le nom d'Alexandre V.
Le nouveau concile publia, le 10 janvier 1410, une bulle par laquelle il confirmait la sentence et les autres mesures du dernier concile.

Néanmoins, le schisme durait toujours, parce que les deux papes déposés, loin de se soumettre à la résolution du concile et à la bulle d'Alexandre, continuèrent de gouverner les Églises qui les avaient reconnus ; Grégoire XII s'établit d'abord à Aquilée, sous la protection de Rupert, qui disputait l'empire à Venceslas, et ensuite à Gaëte, avec Ladislas, roi de Naples, pendant que Benoît XIII était à Perpignan, soutenu par Martin, roi d'Aragon.
Chacun des deux rebelles créa des cardinaux, se composa une cour et ajouta, par cette confusion de pouvoirs, de nouveaux maux à ceux qui déchiraient depuis longtemps la religion et l'Église. Rupert, Martin et Ladislas en étayent les premiers auteurs, puisqu'il ne tenait qu'à eux de mettre fin à la division, en faisant arrêter et punir les deux antipapes.

Il est hors de mon sujet de fixer l'attention de mes lecteurs sur la conduite des princes que je viens de nommer, puisque je n'écris que l'histoire des papes. Je me borne donc à faire remarquer ici combien il est étrange de voir les partisans de la Cour de Rome soutenir que la nomination des papes se fait sous l'inspiration du Saint-Esprit, afin que l'élu soit capable de gouverner l'Église de Jésus-Christ.

Alexandre V mourut le 3 mai de cette année, après un pontificat de dix mois et huit jours, pendant lequel il n'avait cessé de dire : Je devins pauvre, lorsque je fus nommé cardinal ; aujourd'hui, assis sur la chaire de Saint-Pierre, je ne suis qu'un mendiant.
Ce règne si court fut rempli de mesures extravagantes. Alexandre V excommunia et déposa Ladislas, roi de Naples ; il accorda, aux religieux franciscains, le droit de prêcher et de confesser sans l'autorisation des évêques et des curés, et de recevoir des dîmes et des offrandes de ceux qui voudraient leur en faire.
Cette conduite indisposa contre lui le roi de France et plusieurs autres princes, et Jean XXIII révoqua bientôt tous ces privilèges.



JEAN XXIII

CCVIIe PONTIFE. - DE 1410 A 1417.

Le schisme continue.

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 Alexandre V étant mort à Bologne, les cardinaux qui l'avaient accompagné dans cette ville élurent pour son successeur, Balthazar Cassa, d'une famille noble de Naples, et cardinal diacre du titre de Saint-Eustache, qui fut couronné sous le nom de Jean XXIII.

Léonard d'Arezzo nous peint ce pape, dont il fut le secrétaire, comme ayant eu plus de goût et de talent pour le maniement des affaires temporelles, que pour celles de l'Église, et il l'accuse d'avoir été fort libre dans ses moeurs. II avait vécu publiquement avec une dame Napolitaine qu'il avait enlevée à son mari, et il était si notoirement simoniaque, qu'il vendait, sans discrétion, les bénéfices ecclésiastiques à ceux qui en offraient le plus. Pendant ses légations de Bologne et de Milan, il avait fait des emprunts forcés, et en avait gardé les produits qui étaient immenses.
Platina assure qu'il acheta, au poids de l'or, les suffrages des cardinaux pour être pape, en leur recommandant, non de le nommer, mais de lui présenter la robe pontificale pour la donner à celui qui devait être élu : à peine l'eut-il en son pouvoir qu'il s'en affubla lui-même en disant : C'est moi qui suis pape. Les cardinaux fermèrent les yeux sur ce scandale et confirmèrent son propre choix.

Il eut différents démêlés avec Ladislas, roi de Naples, dont la morale n'était pas moins relâchée que la sienne : il excommunia ce prince et lui ôta sa couronne : mais bientôt après, séduit par les offres d'argent de son ennemi, il se réconcilia avec lui, et le rétablit dans ses droits. Quelque temps après, Rome tomba au pouvoir de Ladislas qui la traita plus mal que les barbares du cinquième siècle. Jean renouvela ses anathèmes, et les représailles ne cessèrent pas pendant toute la durée de ce pontificat.
L'empereur Sigismond, qui avait à coeur de faire cesser le schisme, parvint à faire assembler un nouveau concile général à Constance, où les ambassadeurs de toutes les nations et des députés des différentes Églises eurent ordre de se rendre. L'accord fut entier entre eux et les cardinaux, les évêques et les docteurs de l'assemblée ; et on y travailla avec zèle, et utilement pour la chrétienté.

On y fit le procès à Jean XXIII. Il fut prouvé qu'il avait commis de grands crimes, entre autres, celui de l'empoisonnement de son prédécesseur Alexandre V. Le décret de sa déposition fut porté le 29 mai 1415.

Grégoire XII était protégé par Ladislas, roi de Naples, au commencement du pontificat de Jean XXIII ; mais, lorsque celui-ci fut réconcilié avec le monarque, Grégoire, craignant pour sa personne, se retira à Rimini avec trois cardinaux, et y vécut pendant trois ans sous la protection du comte Malatesta qui était souverain de cette ville. Quelque temps après, il prit la résolution de renoncer au pontificat, et chargea le comte son protecteur de porter l'acte de son abdication au concile de Constance. Cette mesure eut lieu le 4 juillet 1415, et Grégoire la ratifia dans la suite. Il mourut à Rimini, âgé de 92 ans, le 18 octobre 1417

Benoît XIII persista dans le schisme avec la plus grande opiniâtreté, quoique tous les princes de son parti l'eussent abandonné, et que l'empereur Sigismond eût fait lui-même le voyage de Perpignan pour le ramener. Il se retira dans le château de Péniscola, situé près de la mer du royaume de Valence, sur une langue de terre battue de trois côtés par les flots. Le concile de Constance adopta, le 26 juillet 1417, les résolutions du concile de Pise et en décréta de nouvelles, en sorte que tout fut disposé pour l'élection d'un nouveau pape.



MARTIN V

CCVIIIe PONTIFE. - DE 1417 A 1431

Fin du schisme.

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 Le concile de Constance élut pour pape, le 11 novembre 1417, Othon Colonne, né à Rome, cardinal diacre, qui fut reconnu sous le nom de Martin V, par les envoyés des princes et des Églises.

Jean XXIII renouvela son acte de soumission, et fut se jeter aux pieds du nouveau pontife qui le reçut avec bienveillance et l'admit comme doyen dans le collège des cardinaux, avec le droit de prendre place dans les consistoires à côté du pape, sur un siège moins élevé que le sien, mais plus haut que celui des autres membres du conseil. Jean XXIII mourut le 22 novembre 1419.

Rien ne fut capable de vaincre l’obstination de Benoît XIII, à qui Sigismond et le concile de Constance avaient envoyé une ambassade pendant qu’il était à Péniscola.
Il mourut dans sa retraite, le 1er juin 1424, et telle était encore son opiniâtreté dans le schisme, qu'il ordonna, avant de mourir, aux deux cardinaux qui ne l’avaient pas abandonné, de lui nommer un successeur, lorsqu’il aurait les yeux fermés.
Cette élection eût lieu en effet, et elle tomba sur Gil Munoz, chanoine de Barcelone, qui se nomma Clément VIII. Il se crut investi des droits de la papauté jusqu'en 1429 ; il envoya alors sa renonciation, et se soumît à Martin V, en lui prêtant serment d'obéissance, sauf quelques conventions qu'il obtint comme cardinal évêque de Tortose, par l'entremise d'Alphonse V, roi d'Aragon.

C'est ainsi que finit ce schisme qui avait duré cinquante et un ans, et qui aurait fini la première année, si l’empereur Venceslas avait travaillé avec autant de zèle que Sigismond a l’éteindre.

Martin V promit, dans le concile de Constance, de réformer les abus qui se commettaient à Rome à l'égard des réserves, des rentes viagères, des expectatives, des pensions, des annates et des autres exactions ; qui avaient appauvri l'Europe pour satisfaire au luxe de la cour romaine.
Mais cette sage réforme n'eut point lieu, et Martin toléra tous ses désordres qui s’étaient introduits avant et après le schisme. Il conserva aussi l'usage d'excommunier les peuples et les princes, pour des objets purement temporels.
Alphonse V, roi d'Aragon, fut le premier qu'il frappa des anathèmes de l'Église, pour avoir occupé quelques villes du royaume de Naples, en qualité de fils adoptif et d'héritier reconnu de la reine Jeanne II, parce que Martin V protégeait Louis d'Anjou, qui ne put réussir néanmoins à enlever ce royaume à son ennemi.

Martin V ne montra pas moins d'indifférence que ses prédécesseurs pour l'importante affaire de la réunion de l'Église grecque et de l'Église latine, sans autre motif si ce n'est que l'empereur de Constantinople, Manuel Paléologue, exigeait que l'accord n'eût lieu que pour ce qui concernait la foi, la morale et la discipline universelle, et qu'il ne fût pas question de soumettre les Églises grecques et leurs revenus aux charges que les papes avaient imposées d'eux-mêmes aux Églises latines.
L'empereur avait aussi demandé qu'il fût tenu un concile général à Constantinople. On sait que depuis le temps de Charlemagne, jamais les papes n'ont voulu accorder une pareille demande, parce qu'à une si grande distance, il leur eût été impossible d'influer sur les décisions de cette assemblée.
Un refus formel eut annoncé, de la part du pape, peu de zèle pour le salut des âmes. Martin répondit qu'il était prêt à se concerter avec l'empereur pour cette importante affaire, s'il voulait fournir à la dépense des prélats latins qui se rendraient au concile. Il n'ignorait pas que Manuel Paléologue était hors d'état de remplir cette condition, et c'est ce qui l'engagea à lui faire une semblable réponse. Personne néanmoins n'y fut trompé. Chacun cherchait autrefois à se maintenir ; la différence entre Constantinople, Constance, Bâle, Florence, Trente et plusieurs autres villes n'était pas de nature à inspirer une prétention aussi odieuse.
Les historiens les plus sensés conviennent que le projet de l'empereur d'Orient causait de la méfiance à Martin V. Celui-ci mourut le 21 février 1431.



EUGÈNE IV

CCIXe PONTIFE. - DE 1431 A 1447.

Vingt-quatrième et dernier schisme.

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 GABRIEL Condolmeri, né à Venise, cardinal évêque de Sienne, fut élu pape le 3 mars 1431, et couronné sous le nom d'Eugène IV.

Les premiers actes de son gouvernement annoncèrent un homme dominé par les passions les plus violentes. Il commença par persécuter la famille des Colonne, qui était celle de son prédécesseur, sous prétexte qu'ils s'étaient appropriés de grands trésors que Martin V leur avait, disait-on, laissés en mourant.
L'espoir de trouver des complices parmi les serviteurs de ce pape, le porta à les traiter d'une manière si cruelle, qu'il en mourut plus de cent. Il se fit remettre par les Colonne, plus de cent mille florins d'or, pour la paix qu'il leur accorda après la plus violente et la plus longue tyrannie.

Eugène convoqua un nouveau concile à Bâle, d'après les dispositions de celui de Constance ; mais, à peine y eut-on commencé à s'occuper de la réforme de la cour de Rome, qu'il prit cette assemblée en aversion, et expédia des bulles pour la dissoudre.
Sa politique ne permettant pas qu'il en fût tenu hors de l'Italie, parce qu'il lui était moins facile d'y être le maître par ses agents, il indiqua pour cette réunion, Bologne, Pavie, Ferrare, Florence et Rome. Elle eut bientôt lieu en effet à Ferrare, et fut ensuite transférée à Florence.

Les pères du concile de Bâle lui représentèrent que, lorsqu'un concile général avait été régulièrement convoqué, il n'était plus au pouvoir du pape de le dissoudre ni de restreindre ses pouvoirs, attendu que tout le corps mystique de l'Église s'y trouvait représenté ; que le pape n'en était qu'un simple membre, obligé comme les autres, malgré sa qualité de premier et de principal, au respect et à l'obéissance à l'égard du corps tout entier ; que Jésus-Christ avait voulu nous l'apprendre en disant à Saint-Pierre, au sujet de la correction fraternelle que, si un frère la méprisait en particulier en présence de témoins, l'avis devait en être donné à l'Église.
Que, d'après cette doctrine, le concile général de Constance, reconnu par tout le monde chrétien, et par le pape lui-même, comme oecuménique et légitime, avait déclaré que tout concile général, régulièrement assemblé, et représentant l'Église catholique, était infaillible par l'assistance du Saint-Esprit, et supérieur au pape qui était et devait lui être soumis pour les décisions dogmatiques, l'extinction des schismes et la réforme des abus généraux de la cour romaine, qui intéressaient toute la chrétienté.

La division augmenta entre le pape et le concile ; celui-ci cita Eugène à comparaître en personne ou par ses légats, afin de répondre aux accusations que son opiniâtreté à vouloir dissoudre le concile, avaient fait porter contre lui comme parjure, rebelle au décret de réforme, quoiqu'il fût un de ceux qui en avaient reconnu la nécessité au concile de Constance, qu'il eût juré d'y travailler de toutes ses forces, et qu'il eût approuvé la convocation de celui de Bâle pour la réforme de l'Église, dans son chef et dans ses membres.
L'empereur obtint plusieurs fois la prolongation du terme accordé au pape ; mais celui-ci n'en ayant pas profité pour obéir au concile, les Pères eurent recours aux avis et aux communications, et décrétèrent qu'on passerait outre, si ces moyens étaient sans effet.
Le pape persistant dans son refus, le concile l'ajourna de nouveau, mais toujours inutilement, en sorte qu'il fût suspendu de l'exercice du pontificat, et enfin, après plusieurs autres citations inutiles, déposé le 22 juin 1439.

Le 5 novembre, le concile nomma pour son successeur, Amédée, duc de Savoie, qui vivait dans la retraite la plus profonde, avec une grande réputation de sainteté. Il fut couronné à Bâle, le 24 juillet 1440, sous le nom de Félix V.
Ici commence un nouveau schisme, lorsqu'à peine on voit finir celui qui divisait l'Église depuis cinquante et un ans.
Quoiqu'en disent les partisans de la cour de Rome, il n'y a, ni ne peut y avoir de doute fondé sur la validité et la justice de la partie du jugement du concile de Bâle, qui déclare le pape Eugène digne d'être déposé, comme prévaricateur, perfide, parjure et fauteur de schisme.
Elle était valide, le concile de Bâle ayant le droit de prononcer, comme celui de Constantinople l'avait reconnu, déclaré et pratiqué lui-même ; elle était juste, parce que les vices d'Eugène IV, qui l'avaient motivée, ne pouvaient être révoqués en doute.
Ce pape devait approuver et reconnaître les décrets de l'assemblée concernant la réforme de l'Église, dans son chef et dans ses membres, non seulement parce qu'il l'avait promis et juré, mais encore parce qu'il était urgent d'y mettre promptement la main, les Bohémiens, disciples, de Jean Huss, n'ayant depuis quelque temps attaqué la religion catholique que sur les points relatifs à la puissance du pape et à l'abus qu'on en faisait, pour compromettre les libertés et les biens des Églises et de leurs ministres.

Eugène IV mourut le 23 février 1447 avec la consolation de voir le concile de Bâle dissous, et persuadé que le schisme allait finir puisqu'on lui avait annoncé que la haute vertu de Félix V ne lui permettrait pas de faire attendre longtemps sa renonciation ; il se passa néanmoins plus de deux ans avant qu'elle ne fût signée.

Les Romains et les auteurs qui portent leurs préventions dans l'étude de l'histoire, prennent sujet, pour faire l'éloge d'Eugène IV, de ce qu'il dit quand il fut à son lit de mort. Mais c'est par leurs actions, bien plus que par leurs paroles, que les hommes doivent être jugés.
Les auteurs de l'Art de vérifier les dates, avouent qu'Eugène commit des fautes énormes sous son pontificat. Il ne put pardonner aux membres du conclave qui n'avaient pas voté pour lui, et il leur ôta le chapeau de cardinal.
Fleuri convient qu'il préféra l'agrandissement de sa famille à la paix de l'Église. Il prodigua les richesses à son neveu par des voies illicites et même très criminelles. Il fut cause que les Romains se révoltèrent contre l'administration tyrannique de ce neveu, et il ne put imputer qu’à lui-même, la nécessité où il se vit de s'enfuir de Rome, déguisé en moine, pour échapper à la mort.
Si Eugène IV eût été le prince séculier d'une seule ville, nous dirions qu'il fut un très méchant prince ; mais il semble que parce qu'il fut pape, nous soyons obligés d'en parler autrement.



NICOLAS V

CCXe PONTIFE. - DE 1447 A 1455.

Fin du vingt-quatrième schisme.

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 À la mort d'Eugène IV, les cardinaux élurent pour lui succéder Thomas de Sarzane, cardinal évêque de Bologne, né à Luni, en Toscane.
Cette cérémonie eut lieu le 16 mars, et le nouveau pape prit le nom de Nicolas V.

Le roi de France eut beaucoup de part à l'extinction du schisme ; mais la conduite de Nicolas fut très généreuse, et mérite, à cet égard, les plus grands éloges.
Il accorda tout ce qui lui fut demandé, et Félix, de son côté, fit son abdication le 9 du mois d'avril 1449 après avoir approuvé et confirmé le concile de Bâle.
Il reçut le titre de légat a latere perpétuel en Savoie, avec prééminence de place et de voix sur tous les cardinaux. Ceux qu'il avait nommés, conservèrent leur dignité, comme tous les prélats qui avaient suivi son parti, et l'on rétablit ceux qui avaient été destitués par Eugène IV.
Tous les actes du pontificat de Félix furent confirmés et ceux d'Eugène frappés de nullité, en ce qui concernait les évêques et les autres membres du concile de Bâle ; enfin, Nicolas V prouva qu'il était au-dessus de toutes les considérations personnelles, lorsqu'il s'agissait du bien et de l'intérêt de l'Église.

Son caractère pacifique facilita la réunion de l'Église grecque et de l'Église latine. Après la prise de Constantinople, en 1453, il offrit un asile à tous les savants de la Grèce qui se réfugiaient en Italie : cette circonstance le mit en état d'enrichir la bibliothèque du Vatican d'un grand nombre de manuscrits précieux, et il fit traduire en latin les ouvrages des Pères Grecs qui n'avaient pas encore été traduits.
Sa protection s'étendit sur tous les hommes de lettres et sur tous les artistes qu'il chargea d'exécuter de nombreux ouvrages dans les palais, les églises et les autres grands édifices de la capitale du monde chrétien ; en un mot, Nicolas V est placé avec raison parmi les plus saints et les meilleurs papes que l'Église ait eus, et cependant on n'a jamais pensé à le canoniser. Quel a été le motif de cette indifférence ? est-ce parce qu'il ne songea point à agrandir la puissance du Saint-Siège par les guerres et les excommunications ?

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