Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XIVe SIÈCLE.

BENOIT XI

CXCIVe PONTIFE. - De 1303 A 1304.

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 NICOLAS BOCASIN, de Trévise, général de l'ordre des Dominicains, cardinal évêque d'Ostie, fut élu pape le 23 octobre 1305, et mourut le 7 juillet de l'année suivante. On croit qu'il fut empoisonné, à l'instigation de quelques cardinaux attachés au système de Boniface VIII, qui s'aperçurent que le nouveau pontife suivait d'autres principes de gouvernement, quoiqu'il eût été revêtu, par ce pape, de la pourpre romaine.
Benoît XI songeait à rétablir la paix dans l'Église. Il termina les différents qui s'étaient élevés entre le Saint-Siège et les Colone, à qui il rendit une partie de leurs dignités, en leur offrant les moyens de recouvrer les autres. Il leva l'excommunication et l'interdit qui pesaient sur la France, et reçut avec joie les félicitations de Philippe; en un mot, sa conduite fut digne du père commun des fidèles, et sa canonisation par Benoît XIV a été approuvée par toute l'Église.



CLÉMENT V

CXCVe PONTIFE. - DE 1304 A 1314.

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 Les Cardinaux étaient divisés en deux factions ; l'une attachée aux intérêts de la France, l'autre travaillant pour Boniface VIII, contre Philippe-le-Bel.
Après onze mois de vacance, le parti français l'emporta, et l'archevêque de Bordeaux , Bertrand de Goth, né dans ce diocèse, fut élevé à la papauté le 5 juin 1305 ; il mourut le 20 avril 1314.

La plus évidente simonie l'avait porté au trône pontifical, puisqu'avant l'élection, le roi de France lui ayant dit : II ne tient qu'à moi de vous faire nommer pape, si vous me promettez telle et telle chose, l'archevêque s'engagea à tout, et se mit à genoux devant le monarque pour le remercier. Philippe tint parole, et Bertrand fut élu.

Malgré son âge avancé et sa nouvelle dignité , il n'en continua pas moins de vivre en concubinage avec sa parente , la comtesse de Périgord , au grand scandale du public. Un des engagements qu'il avait pris avec le roi de France, était d'abolir l'ordre militaire des Templiers : cet événement eut lieu au concile général de Vienne en Dauphiné, dans l'année 1311.
Clément continua l'entreprise commencée par Boniface VIII, au sujet du royaume de Hongrie, qu'il voulait donner à Charles Robert, petit-fils de Charles II, roi de Naples, et il fit un traité avec les Hongrois, par lequel ceux-ci s'engagèrent à reconnaître ce prince pour leur souverain, après la mort d'Othon de Bavière, avec cette clause que ce n'était pas le pape qui donnait la couronne, mais que le prince en jouissait comme petit-fils de la reine Marie, fille d'Étienne IV, roi de Hongrie.

Clément réhabilita la mémoire de Boniface, son prédécesseur, parce qu'il était compromis lui-même dans son procès, et Philippe, vaincu par les injustes concessions de la cour de Rome, ne voulut plus voir un coupable ni un ennemi dans celui qu'il avait fait accuser.
Dans sa sentence d'absolution , le pape, pour flatter le monarque, reconnut qu'il était innocent de tout ce qu'il avait dit, publié ou fait exécuter contre Boniface, sans excepter même sa détention qu'il avait commandée; disposition aussi contraire à la justice que celle qui déclarait Boniface innocent, puisque le pape n'étant pas le sujet du Roi de France, celui-ci ne pouvait avoir le droit de le faire arrêter.

Clément V voulut intervenir, comme juge, dans les démêlés de Henri VII de Luxembourg, empereur d'Allemagne, avec Robert, roi de Naples, prétendant que les papes avaient droit de haute souveraineté indirecte sur tous les rois de la terre ; mais Henri protesta qu'il ne reconnaissait aucune autorité dans le pape sur le pouvoir temporel : sa mort étant arrivée quelque temps après, Clément V déclara sa mémoire infâme, comme convaincu de perfidie et de parjure, puisqu'il avait juré fidélité au successeur de Saint-Pierre, pour obtenir la couronne impériale.

Le pape fixa sa résidence à Avignon dans le comtat Venaissin, qui passait pour la propriété des papes, depuis que l'usurpation, appuyée par les foudres de l'Église, les en avait rendus maîtres. L'abandon où ce pape et ses successeurs laissèrent l'Église de Rome, causa des maux incalculables et donna lieu au grand schisme d'Occident.
Il conféra, pour de grosses sommes d'argent, une foule d'évêchés et presque toutes les dignités ecclésiastiques, en ajoutant de nouveaux droits pécuniaires à ceux que l'ancienne chancellerie avait établis, afin d'enrichir et d'élever sa famille ; en un mot, sa conduite offrit tant de perversité, que Saint-Antonin lui-même, archevêque de Florence,malgré sa qualité de religieux et sa grande piété, n'a osé faire l'apologie de ce pape dans son histoire : il n'est donc pas étonnant que le Dante, son contemporain, ait dit, dans son poème du Paradis, que Clément V, au lieu d'être pape ou père, n'a été qu'un loup qui a éloigné du chemin du salut les brebis qu'il y fallait conduire, ce qui est cause que l'Évangile a été abandonné, que les doctrines des Saints-Pères ont été méprisées et qu'on ne fait plus cas que des Décrétales.
Le scandale alla si loin, que Frédéric II, roi de Sicile, qui régnait dans ce temps-là, ne put s'empêcher de dire que l'état où il voyait l'Église Chrétienne, la manière dont elle était gouvernée, et la conduite du clergé, lui faisaient douter si l'Évangile et les traditions apostoliques n'étaient pas des inventions purement humaines.



JEAN XXII

CXCVIe PONTIFE. - DE 1316 A 1334.

Vingt-deuxième schisme.

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 JACQUES DE ÉUSA, né à Cahors, cardinal, évêque de Porto, fut élu pape à Lyon, le 7 août 1316, sous le nom de Jean XXII. Cette élection avait été précédée d'un interrègne de deux ans et demi, sans que les deux tiers des cardinaux eussent pu se réunir et donner un chef à l'Église.
Jean Villani, auteur contemporain, ajoute que, malgré cette majorité d'électeurs, la nomination de Jacques fut un véritable attentat, puisque, ayant fait consentir les cardinaux à s'en rapporter à lui pour le choix d'un nouveau pape, afin de faire cesser le scandale de la chrétienté, il profita de cet avantage, eut la hardiesse de se nommer lui-même, et fit approuver cette étrange mesure par ses collègues que l'événement jetait dans la plus grande surprise, et qui craignaient un schisme. Il poussa l'avarice encore plus loin que son prédécesseur, c'est-à-dire, que la sienne ne connut point de bornes. Il inventa de nouveaux moyens d'exaction pour s'enrichir, en se réservant le droit de provision sur les évêchés, les abbayes, les dignités, les canonicats et les bénéfices de toutes les églises cathédrales, des collégiales et des monastères de la chrétienté ; et en faisant tomber son choix sur des titulaires qui ne pouvaient passer d'une charge à l'autre, sans acquitter quelque droit pécuniaire, ce qui multiplia étrangement le nombre des vacances : si, par exemple, un patriarcat venait à vaquer, il le donnait à un archevêque ; l'archevêché passait entre les mains d'un évêque, et l'évêché devenait la part d'un abbé ou d'un dignitaire ; le chanoine, obtenait la dignité ; le prébendier, le canonicat ; le demi-prébendier, la prébende ; le bénéficier, la demi-prébende ; le chapelain, le bénéfice, et un simple prêtre, la chapellenie ; en sorte qu'un seul emploi du premier rang venant à vaquer, il expédiait de nouvelles provisions et de nouveaux brefs lucratifs, et exigeait neuf fois des annates de chaque titre conféré : afin de mieux régulariser cette manière de voler, il établit et fixa les droits qu'il faudrait acquitter dans la chancellerie pour l'expédition de toutes ces pièces.

Les électeurs de l'empire s'étant partagés, pour la nomination d'un chef, entre Louis V de Bavière, comte palatin du Rhin, petit-fils, par sa mère, de l'empereur Rodolphe 1er, et Frédéric d'Autriche, fils de l'empereur Albert ; Jean XXII montra, dans cette circonstance, autant de hauteur que de perfidie : il trompa, par de fausses promesses, les deux élus et fomenta la guerre civile : lorsqu'elle eut commencé à désoler l'Allemagne, il eut la hardiesse de déclarer que, lorsque les sept électeurs n'étaient point unanimes dans leur choix, non seulement le pape avait le droit de nommer le chef de l'empire, mais qu'il pouvait encore en choisir un qui n'eût pas eu un seul suffrage dans le collège des électeurs.
Louis de Bavière qui avait eu cinq voix pour lui, remporta une grande victoire sur Frédéric : celui-ci ayant été fait prisonnier, renonça à l'empire pour obtenir sa liberté.

Malgré ce traité, Jean XXII refusa de confirmer le nouvel empereur, et lança même l'excommunication contre lui, sous prétexte qu'il agissait comme roi des Romains, sans son approbation. Il employa contre lui les qualifications que ses prédécesseurs avaient imaginées contre les princes qu'ils n'aimaient pas, en l'appelant schismatique, hérétique, fauteur d'hérésies, ennemi et persécuteur de l'Église, indigne de la couronne impériale et de toute autre souveraineté, condamnant et déclarant nul le serment de fidélité qui lui avait été prêté, à Aix-la-Chapelle, en Allemagne, à Milan et dans toute l'Italie ; et ordonnant aux prêtres et aux laïques de l'abandonner, et d'être prêts à reconnaître avec serment celui qu'il allait nommer, parce qu'à lui seul appartenait le droit de donner l'empire, comme successeur du pape qui en avait investi. Charlemagne.

Louis V, de son côté, ne restait pas dans l'inaction ; il fit répandre des lettres dans lesquelles il traitait Jean XXII d'Antéchrist, de loup qui dévorait le troupeau de Jésus-Christ sous le nom de pape, d'ennemi des chrétiens dont il faisait répandre le sang par les guerres civiles qu'il avait excitées ; de Satan venu sur la terre pour le malheur des hommes ; de barbare qui se vantait qu'un pape n'est jamais plus puissant que lorsque les rois sont en guerre les uns contre les autres ; de perfide qui avait poussé aux armes les deux concurrents en les trompant tous les deux en même temps ; de Lucifer, pour l'orgueil de son esprit, lui qui se disait semblable au Très-Haut et qui ordonnait qu'on adorât ses pieds, comme Alexandre et Dioclétien ; qu'il était en conséquence, honteux et abominable que le chef des princes se prosternât devant le serviteur des serviteurs.
« S'il est le serviteur des serviteurs, pourquoi n'enseigne-t-il pas comme un vrai serviteur, par la voie de l'exemple ? S'il est bon pasteur, que ne soigne-t-il avec amour les brebis de Jésus-Christ, au lieu de les opprimer par la guerre ? Que ne borne-t-il ses paroles à ce qui concerne les choses du ciel sans les mêler à celles de ce monde ? Pourquoi ne nous laisse-t-il pas gouverner nos affaires temporelles, en vertu du droit des gens, et comme l'ont fait tous nos aïeux ? Et surtout, comment ose-t-il être assez impudemment menteur, pour m'appeler fauteur d'hérésie ? Je suis chrétien, pendant qu'il est hérésiarque : celui-là n'est point un disciple du Christ qui se moque de sa vie, qui méprise sa pauvreté, déshonore sa religion, profane ses choses saintes et foule aux pieds ses dogmes. Nous appelons de cet homme, qui se dit le pape Jean XXII, à l'assemblée de l'univers chrétien. »

Louis de Bavière ne s'en tint pas là ; il se rendit à Rome, se fit couronner empereur, présida à l'élection d'un nouveau pape, Pierre Ranallucio de Corbières, religieux franciscain, qui fut nommé Nicolas V, et continua de traiter Jean XXII d'hérétique. Il faut convenir que les raisons ne lui manquaient pas, puisque ce pape avait déclaré dans différentes bulles que si Jésus-Christ et les apôtres eurent non seulement la jouissance, mais encore la propriété de l'argent et des autres objets qu'on leur avait donnés, les frères franciscains en jouissent aussi à l'égard des choses qui sont destinées à leur usage.
Le pape Nicolas III avait déclaré tout le contraire dans la fameuse bulle exiit qui seminat, qui a été insérée dans le texte des décrétales, et Jean XXII ne pouvait éviter de donner dans l'un ou l'autre des deux écueils qui se présentaient, ici. En effet, si le pape est infaillible lorsqu'il juge ex cathedrâ, comme chef de l'Église, Jean était hérétique, en croyant l'opposé de la déclaration de Nicolas ; et s'il avait raison, l'infaillibilité du pape se trouvait en défaut. Jean aima mieux ne voir qu'une erreur dans la décision de Nicolas, et il avoua dans ces bulles que, quoique ce pape en eût décidé autrement que lui, ce serait néanmoins une erreur contraire à l'Écriture, de ne pas admettre son opinion, puisqu'on voit que Jésus-Christ et ses apôtres possédèrent de droit certaines choses, ce qui, d'après la bulle de Nicolas, eût été une violation de la loi, supposition qu'on pourrait qualifier de véritable blasphème.

Mais, si Jean XXII a échappé au reproche d'hérésie sur ce point, il n'en est pas de même à l'égard d'une autre doctrine qu'il prêcha, qu'il écrivit et qu'il ordonna d'enseigner, et d'après laquelle l'âme de la Sainte-Vierge et celle des saints et des justes ne sont pas dans le ciel et ne jouissent pas de la vue de Dieu qu'elles ne verront qu'après le jugement universel.
L'université de Paris et tous les théologiens catholiques l'ayant condamné, Jean se rétracta à l'heure de la mort, et fit la profession de foi qu'on lit dans l'histoire ecclésiastique de l'abbé Fleuri. À sa mort, le fisc se trouva riche de vingt-cinq millions de florins.
Il est inouï que les théologiens de notre siècle aient osé répandre tant d'erreurs sur les papes, et accréditer avec une si singulière confiance la fable de l'intervention directe du Saint-Esprit dans leur élection, celle de leur infaillibilité, et le prétendu devoir de leur obéir aveuglément et de révérer comme Saints, des hommes d'une aussi horrible perversité que Jean XXII, Boniface VIII et tant d'autres monstres non moins abominables.



BENOÎT XII

CXCVIIe PONTIFE. - DE 1334 A 1342.

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 JACQUES FOURNIER, de Saverdun, dans le comté de Foix, moine de l'ordre de Cîteaux, et cardinal, prêtre du titre de Sainte-Prisce, fut élevé à la papauté, le 20 décembre 1334, sous le nom de Benoît XII, et mourut le 25 avril 1342. Il fut le troisième pape français qui tint sa cour à Avignon, sans songer à visiter l'Église de Rome, à laquelle il fut toujours étranger.

On commence à trouver, sur les images de ce pontife, la tiare avec les deux couronnes ; on présume, néanmoins, que cet usage avait été déjà introduit par Clément V ou Jean XXII : quoiqu'il en soit, il est certain que leurs prédécesseurs n'en portèrent qu'une, et qu'avant Grégoire VII, la tiare était sans couronne. Benoît XII ouvrit des conférences, pour rétablir la paix entre la cour de Rome et l'empereur Louis V de Bavière ; mais les propositions qu'il envoya, furent jugées inadmissibles par les princes d'Allemagne.
Mécontent de ne pas être écouté, il eut recours aux censures comme son prédécesseur, et les rendit même plus sévères. L'empereur, d'accord avec la diète de l'empire, publia un manifeste, dans lequel il déclarait que le royaume d'Allemagne, appelé des Romains, était électif et indépendant du Saint-Siège ; que celui d'Italie devait en être regardé comme une dépendance depuis la conquête de Charlemagne, et que les deux états composaient un empire qui ne dépendait que de Dieu, la cérémonie du couronnement par les papes étant sans importance, et ceux-ci n'ayant jamais obtenu aucun droit sur l'empire.
Benoît XII entreprit aussi de dépouiller du royaume de Sicile, Pierre II, fils et successeur de Frédéric II ; mais ce prince défendit l'entrée de ses états à quatre moines franciscains, qui voulurent y entrer avec les premières bulles, et il continua d'exercer les droits de la souveraineté, malgré les censures du pape.

La Hongrie, la Pologne, la Suède et d'autres pays ne furent pas à l'abri des prétentions de Benoît XII. Il voulut en régler les affaires politiques, comme premier maître du monde et roi des rois, à qui tout devait obéir : cette conduite n'était qu'une conséquence de la doctrine qu'avaient répandue partout les Augustins, les Dominicains et les Franciscains, qui traitaient d'hérétique l'opinion contraire. Les princes commirent ici une grande faute, en favorisant ce système, dont ils profitaient quelquefois, lorsque l'ambition, l'envie d'obtenir le titre de la royauté, ou d'affaiblir la puissance de leurs ennemis, leur rendaient utile ou nécessaire l'intervention du pape.



CLÉMENT VI

CXCVIIIe PONTIFE. - De 1342 A 1352.

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 PIERRE ROGER, né dans les environs de Limoges, moine bénédictin, archevêque de Rouen, cardinal du titre de Saint-Nérée, parvint au pontificat, le 7 mai 1342, régna sous le nom de Clément VI, et cessa de vivre, le 6 décembre 1352, à Villeneuve d'Avignon.

À peine eut-il pris en main le gouvernement de l'Église, qu'il publia un bref qui enjoignait à tous les prêtres pauvres, de se rendre, dans l'intervalle de deux mois, à Avignon, où il avait fixé sa résidence, à l'exemple de ses trois prédécesseurs. En peu de temps, il y en eut jusqu'à cent mille. Cet état de misère était la suite des désordres dans lesquels la cour de Rome était plongée. Clément se réserva, dès le commencement de son pontificat, la provision de tous les états ecclésiastiques, et particulièrement des prélatures, et poussa même les choses jusqu'au point d'annuler toutes les élections canoniques qui avaient été faites de son temps. Quelques cardinaux lui ayant représenté que ses prédécesseurs n'avaient jamais rien fait de semblable, il leur répondit qu'ils n'avaient pas su être papes. Cette conduite et la réponse qu'on vient de voir, annonçaient de bonne heure ce qu'il fallait attendre d'un tel pape.

Les traités de réconciliation entre l'empereur Louis V et la cour de Rome ayant été renouvelés, Clément VI y fit insérer de nouvelles conditions extrêmement dures. Il obligea le monarque à reconnaître que toutes les îles appartenaient au Saint-Siège ; que l'empire n'était qu'un fief et un bénéfice de l'Église romaine ; que, pendant la vacance de l'empire, les papes avaient le droit de l'administrer ; qu'ils étaient les maîtres du droit d'électeur, et avaient, par conséquent, la faculté de le donner, de le restreindre ou de l'ôter ; que le nouvel empereur ne pourrait gouverner l'empire, sans avoir obtenu sa confirmation de la cour de Rome ; que cette cérémonie n'aurait lieu qu'autant que l'élu prêterait serment de fidélité et de soumission au souverain pontife, et se reconnaîtrait son vassal ; que Louis se dépouillerait de toutes les marques de la souveraineté, et renoncerait à l'exercice de la suprême puissance pour se soumettre à la volonté du pape, en confessant qu'il n'avait pas eu le droit d'en faire usage, et reconnaissant que les mesures de Jean XXII et de Benoît XII avaient été légitimes ; le pape exigeait en même temps que l'empereur lui envoyât comme otages ses propres enfants, dont le sort ne devait pas moins dépendre que le sien de sa volonté.

Louis communiqua ces conditions à la diète de Francfort, et les princes protestèrent qu'on ne pourrait les admettre sans déshonorer l'empire ; ils opposèrent un nouveau manifeste aux prétentions de Rome, et firent voir que les papes étaient sujets de l'empereur d'Allemagne et lui devaient le serment de fidélité et de soumission comme autrefois.
Clément VI, inébranlable dans son système, adressa aux électeurs une bulle, par laquelle il leur ordonnait d'élire un nouveau roi des Romains à la place de Louis de Bavière. Cet ordre fut exécuté sans résistance (tant la crainte du pape avait d'influence sur les esprits), et leur choix tomba sur Charles IV de Luxembourg, fils de Jean, roi de Bohême, petit-fils, par sa mère, de l'empereur Henri VII de Luxembourg. Ce ne fut pas sans se donner beaucoup de mouvements, que le pape vint à bout de son dessein, et les intrigues qu'il y employa étaient seules capables de déshonorer le successeur de Saint-Pierre : Charles fut obligé de s'engager à tout ce qu'avait refusé son compétiteur, qui bientôt mourut empoisonné ; il accepta surtout l'infâme humiliation de n'aller à Rome que pour la cérémonie de son couronnement, et de faire ce voyage à pied, sans troupes et sans suite, de quitter cette ville le même jour, sans se mêler du gouvernement, dont il devait regarder le pape comme souverain arbitre ; de n'entrer en Italie qu'une seule fois, et pour se faire couronner à Milan ; de n'accorder aucun secours aux Gibelins, c'est-à-dire aux princes qui soutenaient le parti de l'empire contre les usurpations des papes ; de reconnaître que ceux-ci, et non les empereurs d'Allemagne, avaient seuls droit à la possession de Ferrare et de quelques autres villes, dont ses prédécesseurs avaient déjà réclamé la souveraineté, de même qu'à celle des îles de Sicile, de Sardaigne, de Corse et de tout ce que les différentes mers du monde en renferment dans leur vaste étendue.

Charles ne fit aucune difficulté de se soumettre à tout ; ce qui engagea Pétrarque et les autres écrivains contemporains à signaler hautement l'infâme bassesse de Charles et l'orgueil, l'arrogance, l'ambition, l'avarice et les infamies de la cour de Rome, que ce fameux poète compare à Babylone, avec une telle énergie de pinceau, que les protestants du seizième et du dix-septième siècle n'ont peut-être rien publié de plus violent que les tableaux de ce catholique italien, témoin oculaire de tout ce qu'il raconte. Matthieu Villani n'a pas été moins fidèle dans les détails qu'il nous a laissés sur cette cour, et on peut en dire presque autant de Saint-Antonin de Florence, qui ne s'exprime en termes un peu plus modérés, que par ménagement pour les papes et par respect pour les idées générales de ce temps-là.

Fidèle à ses principes, Clément VI prétendit gouverner le royaume de Naples, pendant la minorité de la reine Jeanne, comme son tuteur légitime, par le droit de souveraineté directe qu'il s'attribuait sur les royaumes, et quoique Robert, l'aïeul de la princesse, lui eût donné par son testament des tuteurs et des ministres. Sa politique fut la même à l'égard des princes de la maison d'Aragon, qui régnaient en Sicile ; mais l'événement ne répondit pas à ses espérances.

Il investit du droit de souveraineté sur les îles Canaries, Louis Espagna de la Cerda, qui descendait de l'infant de la Cerda, à condition de se reconnaître vassal et tributaire du Saint-Siège, et de convenir que ce pays était un fief apostolique, quoiqu'il fût soumis à des peuples idolâtres, et que Louis dût en faire la conquête à ses frais, ce qui cependant n'eut pas lieu.

Il nomma à une foule d'évêchés de toutes les parties du monde chrétien, des sujets étrangers à ses royaumes, et qui ne résidaient point dans leurs églises. Plusieurs princes s'en étant plaints, particulièrement les rois d'Angleterre et de Castille, il fit des réponses si frivoles et si insignifiantes, qu'on vit bien par-là le peu d'estime qu'il avait pour les souverains.

Les plaintes se multipliaient de toutes parts contre les entreprises et les usurpations des moines mendiants, en sorte que leur suppression était vivement demandée. Quelques cardinaux voulurent engager Clément VI à les soumettre à une réforme ; mais il méprisa leurs conseils, et leur reprocha leurs richesses et leur vie scandaleuse, sans réfléchir que connaître le mal, et ne point y remédier, c'était se rendre coupable pour un motif d'intérêt personnel.
Il eut de grands démêlés avec le roi d'Aragon Pierre IV, qui parvint à tout concilier à force d'argent, comme tous les autres gouvernements qui voulurent employer ce moyen.

Il excommunia Jean Visconti, archevêque de Milan, pour avoir usurpé la souveraineté de la ville de Bologne. On attribua à ce prélat une lettre adressée par le prince des ténèbres à son vicaire Clément, et aux cardinaux ses conseillers ; cette pièce, qu'un cardinal partisan de Visconti, avait laissé tomber à dessein dans le consistoire présidé par le pape, fut ramassée par un autre membre du sacré collège, qui la lut.
Lucifer y donnait mille louanges à Clément VI et à ses cardinaux, pour le zèle et le succès avec lesquels ils travaillaient à étendre et à consolider son royaume des ténèbres, en employant tout ce qu'ils avaient de mérite et de dévouement pour cette belle cause ; il finissait ainsi : « Votre mère, la superbe, vous salue, avec vos soeurs l'Avarice, la Luxure, et leurs compagnes, lesquelles espèrent triompher avec les secours que vous leur prêtez continuellement : donné au sein de l'enfer, en présence d'un grand nombre de diables. »

Quoique le pape ne doutât pas que l'archevêque ne fût l'auteur de cette lettre, il se réconcilia cependant avec lui, après en avoir reçu une somme considérable d'argent, leva son excommunication, et lui accorda l'investiture de Milan et de Bologne pour l'espace de douze années, à condition qu'il paierait, comme vassal du Saint-Siège, douze mille florins d'or par an. Milan était ville impériale et la capitale du royaume d'Italie : on n'y eût aucun égard dans le traité.

Cette conduite du pape et de Visconti faisait dire à Mathieu Villani, qui continuait alors l'histoire que son frère Jean avait commencée, que le dévouement au Saint-Siège, aidé du secours de l'argent, obtenait auprès des papes un plein succès dans les affaires.
Ce fut le moyen qu'employa Casimir III, roi de Pologne, pour engager ce pape à lever l'excommunication qu'il avait lancée contre lui, lorsqu'il refusa d'éloigner le grand nombre de concubines qu'il avait à sa cour. D'immenses richesses accumulées par des moyens aussi scandaleux, furent employées par Clément VI à élever sa famille, dont la dépravation ajoutait au déshonneur du chef de l'Église.
Dans le trente-et-unième chapitre du premier livre des Révélations de Sainte-Brigitte, qu'il vivait dans ce temps-là, on lit que Jésus-Christ apparut à cette Sainte, et lui dit que le pape Clément VI était le meurtrier des âmes, le destructeur du troupeau chrétien, et plus abominable que les juifs, plus ennemi de Jésus-Christ que Judas ; plus injuste que Pilate, et plus méchant que Lucifer.

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