Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XIIIe SIÈCLE.

HONORÉ III

CLXXVIIe PONTIFE. - DE 1216 A 1227.

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 CENCIUS SABELLI, romain, cardinal prêtre, fut élu pape le 18 juillet 1216, et mourut le 18 mars 1227. 
IL suivit le système de son prédécesseur. Nous ferons connaître quelques vérités quoiqu'elles se rapportent à des époques postérieures. Il convient de savoir d'abord que tous les successeurs d'Innocent III ont suivi la même marche, et que les moyens qu'ils ont employés pour réaliser leurs projets ambitieux, ne présentent d'autre différence que celle que devait produire leur caractère personnel ou les circonstances dans lesquelles ils se trouvaient. Car, à l'orgueil le plus terrible succédait, suivant que l'intérêt l'exigeait, une humilité qui n'était que feinte, et l'on peut dire que Rome dirigeait sa tactique sur la connaissance qu'elle avait du caractère personnel de chaque souverain et de l'état de ses affaires politiques.

Honorius prit part à toutes celles de son temps. À peine fut-il couronné, qu'il fit en sorte que les souverains envoyassent des hommes et de l'argent en Palestine, où la puissance des Latins diminuait chaque jour à proportion que l'ascendant des Mahométans allait toujours croissant. Les papes étaient intéressés à fomenter les guerres de croisades pour conserver le royaume de Jérusalem et ceux d'Asie, qui étaient, pour Rome, une mine inépuisable d'argent. Non-seulement celui qui produisaient les ordinations de patriarches, d'archevêques, et les doutes sur les élections épiscopales allait grossir les trésors du pontife ; mais encore celui qui provenait des collectes pécuniaires que l'on faisait en Europe, dans l'intention de secourir les saints lieux, était à sa disposition. Il l'appliquait librement aux objets qui étaient sa convenance ; comme, par exemple, à l'achat de duchés ou de comtés avec les terres et les seigneuries dépendantes, pour quelqu'un de ses frères, de ses neveux ou pour quelque parent, afin que, parvenu à les faire considérer comme des princes séculiers d'Italie, il pût leur faire contracter, par le mariage, des alliances avec des familles souveraines ou liées de parenté avec elles.
Le nombre des papes qui n'ont pas payé un tribut à ce genre de vanité, est très-petit, et le scandale des extorsions papales auxquelles ce genre de vanité donnait lieu était parvenu à un si haut degré, que les contemporains étaient réduits à trouver bon, le pape qui ne volait pas les fonds dépendants de son autorité, et qui ne demandait pas de nouvelles contributions, sous de vains prétextes, pour rendre ses neveux plus grands, soit en biens, soit en dignités.

La mort de Jean, roi d'Angleterre, et la minorité de son fils Henri III, qui lui succéda, fournirent au pape Honoré, l'occasion de diriger les affaires de ce royaume : il donna tant de soins aux affaires politiques, que l'administration du gouvernement de Rome parut avoir fixé beaucoup moins son attention ; il écrivait toujours comme s'il eût été le souverain direct de ce royaume, n'oubliant jamais de qualifier le roi de tributaire du Saint-Siège, et de se donner le titre de protecteur. Il agissait ainsi pour pouvoir commander en maître au roi d'Angleterre, en le menaçant, lorsqu'il le jugerait convenable à ses intérêts, de punir sa désobéissance imaginaire, soit par l'excommunication, soit en le dépouillant de la dignité royale et de la puissance souveraine, soit en déliant les vassaux du serment de fidélité, ou en leur interdisant toute communication avec lui, même pour les choses les plus nécessaires à la conservation de la vie ; soit enfin en offrant le royaume aux princes catholiques qui, en le recevant, confesseront le tenir du Saint-Siège, se déclareront tributaires et dépendants de la volonté du pape qu'ils reconnaîtront pour leur souverain direct, possesseur des clefs de Saint-Pierre, vicaire de Jésus-Christ, vice-Dieu sur terre, et même Dieu, quant au pouvoir, (insolence proclamée hérétique par le droit canon, et qui sera une preuve éternelle de l'infamie et de l'orgueil pontifical.)

Telle fut la conduite d'Honorius III dans les affaires d'Angleterre, soit lorsqu'il traitait avec ce pays, soit lorsqu'il voulait engager les rois de France, Philippe Auguste et Louis VIII, à ne pas continuer l'occupation du royaume d'Angleterre antérieurement recommandée et ordonnée par des bulles pontificales.
On découvre la même conduite et les mêmes maximes dans les lettres et dans la marche des affaires des rois d'Écosse, de Hongrie, de Portugal, d'Aragon, de Trébisonde, de Bulgarie, de Constantinople, d'Italie, de Sicile et d'Allemagne, ainsi que dans celles qui sont relatives aux croisades contre les Albigeois, les Comtés de Provence, de Foix, de Carcassonne, et les autres provinces de la Gascogne. Il en agit de même à l'égard de la Castille, lors de la mort du roi Henri Ier et des prétentions d'Alphonse IX, roi de Léon. Enfin, il fut partout le même, parce que l'esprit était toujours le même, quoique les moyens fussent différents.

Le despotisme pontifical était parvenu à sa dernière période dans les affaires ecclésiastiques : déjà tous les évêques étaient devenus les esclaves de la cour de Rome ; ils furent obligés de promettre par serment qu'ils iraient visiter, une fois par cinq ans, le tombeau des apôtres, et baiser la pantoufle du pape. S'ils exécutaient cette promesse, ils abandonnaient leur diocèse à la direction d'un vicaire, et ils dépensaient dans leur voyage, les sommes qui eussent servi à secourir les diocésains qui étaient dans la misère : dans le cas contraire ils avaient besoin d'une dispense du Pontife.
Voilà précisément ce qu'on désirait à Rome ; on ne l'accordait qu'à prix d'argent, de manière que ces grandes concussions mirent au grand jour l'iniquité dont ce serment était l'objet. Quand déjà on avait pourvu, pour ce qui concerne les évêchés, à tout ce qui paraissait convenable aux intérêts de Rome, l'avarice et l'ambition lui suggérèrent le projet de se réserver des prébendes. Le pape Honoré en demanda deux par église cathédrale, et deux habits de moine par monastère de l'empire Romain, du royaume de France et de tous les autres de l'Europe.
On peut lire dans l'histoire ecclésiastique de Fleuri, les puissantes réflexions par lesquelles on prouve l'injustice du projet ; mais si alors son exécution fut suspendue, les successeurs d'Honoré l'étendirent sur toutes les prébendes et sur tous les bénéfices d'un rang inférieur. Cet abus prévalut presque partout, jusqu'au XVIIIe siècle. Il expédia des bulles d'approbation aux ordres religieux de Saint-Dominique, de Saint-François, de la Mercy, et des Carmes. Son prédécesseur avait déjà approuvé de parole les deux premiers.



GRÉGOIRE IX

CLXXVIIIe PONTIFE. - DE 1227 A 1241.


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 UGOLINI, natif d'Agnania, province de Campante, cousin du pape Innocent III, cardinal évêque d'Ostie, fut élu pape, le 19 mars 1227, et mourut le 11 août 12.41.
Ce souverain pontife montra autant et même plus d'ambition, d'avarice et d'orgueil que son cousin Innocent. L'expérience de ce pontificat, de ceux qui précédèrent depuis Grégoire VII, et des suivants jusqu'à Clément XIII, vers le milieu du dix-huitième siècle, nous démontre d'une manière historique et presque mathématique, que la domination temporelle occupait beaucoup plus l'esprit des papes que la direction spirituelle de l'Église catholique, quelques efforts que l'on fit pour couvrir tout du prétexte de la religion en abusant du texte tronqué de l'Écriture qu'on interprétait avec la plus grande violence, et que méchamment on appliquait à contre sens : que l'abus de la nouvelle doctrine de lancer d'office l'excommunication contre les rois, de délier les vassaux du serment de fidélité, de susciter des guerres temporelles contre les souverains, sous le prétexte qu'ils méprisaient les armes spirituelles de l'excommunication, de les déclarer hérétiques, schismatiques et ennemis de l'Église ; car cet abus troubla l'ordre civil en Europe.
Ces deux causes et l'insatiable soif de l'or contrarièrent tellement la paix, qu'on ne peut pas être surpris en voyant tant de nations se séparer de l'Église romaine, depuis l'époque où l'on vit paraître la secte de Valdo, jusqu'à celle qui vit naître celle des Calvinistes. C'est en vain que les écrivains Romains du XVIe siècle et des deux siècles suivants ont fait des efforts pour dénaturer certains faits, et en démentir d'autres ; ceux que l'on avoue, sont en si grand nombre et d'une telle nature, qu'il est impossible de disculper même les papes, à plus forte raison les cardinaux, les évêques et les ecclésiastiques de la cour de Rome.

Grégoire IX excommunia et déposa l'empereur Frédéric II, parce qu'il n'accomplissait pas, disait-il, le voeu qu'il avait fait d'aller combattre en Palestine. Ce fut en vain que ce prince lui prouva qu'une maladie très grave l'en avait empêché, alors ce souverain part pour l'Asie, et lorsqu'il arrachait au Soudan les villes de Jérusalem, de Bethléem, de Nazaret et plusieurs autres, Grégoire ordonne au patriarche de Jérusalem, aux grand-maîtres des ordres Teutonique, des Templiers et de Saint-Jean, de /'abandonner et de le persécuter parce qu'il était excommunié, et qu'il était parti sans la permission du pape.

Grégoire ne s'arrêta pas à cette injustice ; il souleva les peuples de la Lombardie et de la Sicile, il les porta à la révolte, il pervertit le roi Jean de Brena, qui avait perdu le trône de Jérusalem, et qui était gendre du même Frédéric. Il lui propose de se mettre à la tête des rebelles ; Jean accepte la proposition, et au nom du pape, il fait la guerre à son beau-père ; il brûle les villes, les villages ; il souffre que les troupes de Sa Sainteté violent les couvents de religieuses, qu'ils abusent de celles-ci, qu'ils commettent toutes les iniquités que l'imagination pourrait inventer.

Frédéric revient de la Palestine, il fait la conquête de ses états, qui lui avaient été enlevés pendant son absence, il réduit le pape à sentir l'urgence d'une réconciliation pour ne pas se voir prisonnier et pour éviter sa perte. Grégoire absout l'empereur des censures ecclésiastiques, et fait amitié avec lui ; mais, quelque temps après, il l'engagea à revenir à la Terre-Sainte, et n'ayant pu l'obtenir, il protège ouvertement les Lombards nouvellement soulevés, en leurs fournissant des secours en armes et en argent, Frédéric se voyant insulté, prend les armes contre le pape et les rebelles ; la victoire se déclare pour lui ; il s'empare de l'île de Sardaigne, où il place, pour roi, Hensius, son fils naturel.

Grégoire excommunie de nouveau Frédéric ; il le déclare déchu de la couronne impériale ; il offre l'empire à Saint-Louis, roi de France, pour son frère Robert, comte d'Artois. Le saint monarque lui répondit qu'il regardait la déchéance de Frédéric comme injuste ; qu'il ne lui reconnaissait pas de pouvoir pour la prononcer, et encore moins pour disposer de ses états. Le monarque français ajouta à cela beaucoup d'autres déclarations qui méritent d'être lues.

Les électeurs ecclésiastiques, les archevêques de Mayence, de Trêves, de Cologne, les électeurs séculiers, le comte palatin du Rhin comme sénéchal de l'empire, le duc de Saxe comme maréchal, le marquis de Brandebourg comme premier valet-de-chambre, et le roi de Bohême comme échanson, écrivirent tous au pape dans le même sens, et en des termes très expressifs.
Frédéric marcha à la tête d'une armée ; en même temps il publia plusieurs manifestes contre Grégoire et contre ses attentats ; il disait que l'orgueil, l'ambition, l'arrogance, la colère, les vengeances et les mauvaises intentions de ce pape, toutes contraires à la doctrine de Jésus-Christ et à l'exemple de Saint-Pierre, l'avaient rendu indigne d'être le chef de la religion catholique ; il exhortait tous les princes chrétiens à châtier avec rigueur ce pontife, à redouter les attentats de la cour de Rome contre tout roi qui ne se rendait point l'esclave du pape, et à se mettre en garde contre ces dangers, en réduisant les pouvoirs pontificaux aux objets spirituels, et ne permettant en aucune manière que les papes se mêlassent des affaires temporelles.

L'empereur s'approcha de Rome ; on lui fit des propositions de paix, et pendant les négociations, Grégoire mourut, abhorré des Romains qui s'étaient révoltés deux fois contre les vexations et les abus de pouvoir de celui qui se disait le serviteur des serviteurs de Dieu, lorsqu'en même temps, par l'intermédiaire des moines dominicains et franciscains, il vendait, dans toute la chrétienté, les indulgences et les dispenses du voeu d'aller faire la guerre en Palestine. Tout cela se faisait au grand scandale de ceux qui étaient encore restés les partisans sincères du pouvoir pontifical. Enfin, il exigeait du clergé la dixième partie de son revenu, sous le titre de Frais de Croisades.



CÉLESTIN IV

CLXXIXe PONTIFE. - EN 1241.

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 GODEFROI DE CHATILLON, né à Milan, moine de l'ordre de Citeaux, cardinal, évêque de Sabine, fut élu pape à la fin d'octobre 1241, sous le nom de Célestin IV, et mourut le 17 novembre suivant.
On a soupçonné qu'il avait été empoisonné par Roman, cardinal de Saint-Ange, évêque de Porto, qui avait eu quatre suffrages, et qui ne passait pas pour scrupuleux.



INNOCENT IV

CLXXXe PONTIFE. - DE 1241 A 1254.

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 SINIBALDE DE FIESCHI, né à Gênes, cardinal du titre de Saint-Laurent, fut élu pape à Anagni, le 25 juin 1243, sous le nom d'Innocent IV, après une vacance d'un an et plus de sept mois, sans compter le temps précédent, attribué à Célestin IV.
Lorsque l'empereur Frédéric apprit son élection, il s'écria : « J'ai perdu un ami dans la personne du cardinal Sinibalde ; car à présent qu'il est pape, il sera mon ennemi. »
Il en arriva ainsi, et à un tel degré, que Grégoire IX pourrait être traité de modéré, en comparaison d'Innocent IV. Tout en feignant de vouloir la paix, il persécuta Frédéric, et prononça même contre lui, dans le concile de Lyon, une sentence formelle de déposition de l'empire d'Allemagne et du royaume des Deux-Siciles.
Ce concile fut le premier, en l'année 1245, et il est compté pour le treizième concile général de la chrétienté, quoique dans la réalité, il ne mérite pas ce titre. Après cette proposition, il fit ses efforts pour faire élire roi d'Allemagne, Guillaume, comte de Hollande, malgré que Conrad, fils de Frédéric, eût été couronné roi des Romains, dès l'année 1237.

Cette imprudence du pape produisit des schismes et des guerres civiles sanglantes en Allemagne, en Italie, et à Naples. Il tenta d'allumer le feu de la discorde dans les royaumes de France, d'Angleterre et autres puissances, en les excitant à prendre parti contre Frédéric ; mais Saint-Louis et les autres rois s'y refusèrent constamment. Un des chefs d'accusation contre l'empereur était de traiter avec les Sarrazins, et pourtant Innocent, pour assouvir sa rage, commit l'inconséquence d'écrire lui-même au sultan d'Égypte de ne pas se fier à Frédéric, et d'abandonner son parti. Cette démarche infâme eut pour résultat, bien mérité, que le monarque musulman l'accabla de reproches insultants et très justes, en lui répondant entre autres choses :
« Nous avons reçu votre lettre, et entendu votre envoyé, qui nous a parlé au nom de Jésus-Christ, que nous connaissons mieux que vous, et nous honorons plus que vous. »
Telle était la cour du pape Innocent, qu'il ne put rester à Rome où il était resté, ni à Gènes, sa patrie, par les mêmes motifs, ni dans toute l'Italie, par crainte de l'empereur. St.-Louis, roi de France, Henri III d'Angleterre, et Jacques Ier d'Aragon lui refusèrent la permission de résider dans leurs états, dans la crainte des dépenses et des usurpations ; ce qui fit qu'il se fixa à Lyon, dont les archevêques étaient souverains. Le résultat confirma la réalité des défiances des trois monarques, car les Lyonnais mêmes ne purent supporter les excès et les abus de la cour pontificale.

L'abbé Fleuri a publié des fragments de lettres et des clauses de manifestes de l'empereur Frédéric, qui démontrent évidemment que les malheurs de l'Europe proviennent de ce qu'on a retiré les papes et le clergé de l'état d'humilité et de pauvreté où ils étaient autrefois :
« Alors, dit-il, le pontife romain, les évêques et les prêtres soutenaient les sceptres par leurs prières et leurs vertus : maintenant ils les détruisent par l'abus de leurs richesses et de leur autorité.
Enfin, les critiques modernes du dix-neuvième siècle ne peuvent avancer des vérités plus claires que ce qu'a dit Frédéric.

Le pape, voyant enfin que l'empereur triomphait malgré tous ses efforts, poussa l'infamie jusqu'à consentir (si même ce ne fut pas par son ordre), à ce qu'on cherchât les moyens de l'empoisonner. On gagna un médecin, et ce fut par hasard que Frédéric en eut connaissance, peu d'instants avant de recevoir la boisson qu'on lui administrait sous le nom de médecine. La mort de quelques-uns de ses enfants et d'autres chagrins continuels causèrent enfin la mort de l'empereur. L'archevêque de Palerme lui donna l'absolution avant qu'il fût mort, et lui fit des funérailles pompeuses. Mais Innocent, portant sa colère au-delà même des bornes de la vie, réprimanda sévèrement l'archevêque, et prétendit qu'il avait encouru l'excommunication, pour avoir absous sans sa permission ; comme s'il pouvait y avoir des réserves au moment de la mort.
Frédéric, en outre, avait fait son testament, où il recommandait à ses enfants d'être soumis à la sainte Église romaine. Ils se conduisirent ainsi ; mais Innocent forma la résolution d'empêcher la famille impériale de régner en Allemagne, à Naples, en Italie, ni en Sardaigne, en disant que c'était une race de rebelles à l'Église ; comme si l'orgueil et l'ambition des papes pouvaient s'identifier avec la sainteté de l'Église.

On ne peut se figurer les intrigues qu'il employa contre le fils de Frédéric, Conrad ; et après la mort de ce roi, en 1254, il feignit de prendre sous sa protection Conradin, son fils, encore enfant, afin de régner lui-même sous son nom, à Naples et en Sicile : il se fit en effet proclamer régent du royaume, mais ce fut là même que la mort vint arrêter ses projets ambitieux.

Les écrivains romains font de grands éloges d'Innocent IV, et son épitaphe dictée par les flatteurs, offre matière ; mais l'histoire de sa conduite et de ses procédés est scandaleuse, et n'admet point d'excuse. C'est pour cela que nous ne devons pas nous étonner qu'outre les Vaudois et les Albigeois, il naquit en Saxe, en 1248, une nouvelle secte d'hérétiques qui disaient que le pape était hérétique, et tant d'autres choses contre le dogme catholique du sacerdoce et ses pouvoirs spirituels ; personne ne se serait avisé d'attaquer la puissance spirituelle, si l'on n'eût pas reconnu ses abus et les mauvaises conséquences que produisait son mélange avec le temporel.

On raconte d'Innocent IV certain trait digne de mémoire. Sa Sainteté reçut une grosse somme d'argent en présence de Saint-Thomas-d'Aquin. et lui dit :
« Vous voyez que je ne puis pas dire comme Saint-Pierre, que je n'ai pas d'argent. Saint-Thomas lui répondit : Cela est vrai, mais aussi les miracles du successeur de Saint-Pierre ne font pas marcher les paralytiques, comme on les vit marcher alors. »

Nous remarquerons que vers l'an 1780, à l'occasion de quelques fouilles, on découvrit le corps de l'empereur Frédéric II, et quoiqu'il se fût écoulé plus de cinq cents ans depuis qu'il avait été enterré, on le trouva sans aucune trace de corruption : cet événement appela l'attention, et fui inséré dans les gazettes de l'Europe : ceci peut donner matière à quelques réflexions critiques.



ALEXANDRE IV

CLXXXIe PONTIFE, DE 1254 A 1261.

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 RENAUD, neveu de Grégoire IX, cardinal, évêque d'Ostie, fut élu pape à Naples, le 12 décembre 1254, sous le nombre d'Alexandre IV, et mourut à Viterbe, le 25 mai 1261.

Il suivit les traces de son oncle et de ses prédécesseurs. Après avoir excommunié Mainfroy, roi de Sicile, fils de Frédéric II, il le persécuta, et excita contre lui des guerres sanglantes, en faisant prêcher une croisade, de même que si c'eût été contre les Sarrazins de la Palestine.
Il attaqua la puissance civile du sénat de Rome, et se fit un si grand nombre d'ennemis dans cette ville, qu'il fut obligé de fuir pour éviter la mort.
Il troubla la paix intérieure de ses serviteurs mêmes, en essayant de réunir en un seul, cinq couvents de moines de Saint-Augustin et de Saint-Guillaume.
Il feignit de l'impartialité pour l'élection de l'empire d'Allemagne, tandis que, sous main, par des moyens cachés et artificieux, il protégea fortement Richard, roi d'Angleterre, qui n'avait été élu que très illégalement par l'archevêque de Cologne et le comte palatin, tandis qu'en même temps il refusait son appui à Alphonse, roi de Castille, à qui les archevêques de Trêves et de Mayence, le roi de Bohême, le duc de Saxe et le marquis de Brandebourg avaient donné leurs suffrages, selon les lois impériales qui regardent cet objet. Ce fut un service qu'il rendit au royaume de Castille, dont la réunion de l'empire sur la tête de son roi aurait fait le malheur, ainsi qu'il en arriva depuis, sous le règne de Charles-Quint ; mais cela ne diminue en rien la perfidie d'Alexandre.



URBAIN IV

CLXXXIIe PONTIFE. - DE 1261 A 1264.

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 JACQUES PANTALEON DE COURT-PALAIS, Français, né à Troyes, patriarche de Jérusalem, fut élu pape, le 29 août 1261, sous le nom d'Urbain IV, dans la ville de Viterbe, où il se trouvait par hasard avec neuf cardinaux, au moment de la mort de son prédécesseur.
Les trois mois de vacance s'étaient écoulés en conférences continuelles, pour s'accorder sur le choix d'un des électeurs, sans pouvoir y parvenir : ce qui prouve que chacun d'eux prétendait à la tiare pontificale. Ils pensèrent alors à élire un étranger. Pourra-t-on croire que l'Esprit-Saint dirigeait, dans cette occasion, les suffrages des neuf cardinaux du sacré collège qu'on nomme apostolique ?

Urbain suivit le système qu'il trouva établi dans son Église ; il renouvela l'excommunication et la guerre en Sicile contre Mainfroy ; il chercha à empêcher le mariage du roi d'Aragon, Pierre III, avec Constance, fille de Mainfroy, dans la crainte qu'il ne prétendit au droit de succéder à la couronne de Sicile ; ce qui arriva en effet. Urbain offrit cette couronne à Saint-Louis pour un de ses fils, mais le saint roi la refusa, en disant, avec raison, que cela était contraire aux droits de Conradin, fils de Conrad, et petit-fils de l'empereur Frédéric.

Alors le pape, ne considérant que ses projets ambitieux, regarda comme destitué de droit ce même Conradin, qu'Innocent IV avait pris sous sa protection, et offrit le trône de Sicile à Charles de France, duc d'Anjou et de Provence. Charles, moins scrupuleux que son frère Saint-Louis, accepta, et mena une armée contre Conradin, à qui il ôta la vie et la couronne à la suite de divers événements.

Les électeurs de l'empire d'Allemagne, voyant la prolongation de la guerre civile, et regardant comme nulles les élections de l'anglais Richard et du castillan Alphonse, pensèrent à élire un nouveau roi des Romains. Ils se proposaient de choisir Conradin, dernier rejeton de la ligne masculine de la maison de Souabe, qui avait gouverné l'empire pendant si longtemps : mais Urbain, fidèle au système de tous les papes, abandonna les apparences de l'impartialité, et ne négligea rien pour éviter cette élection. Un de ses moyens fut d'inspirer sous main qu'on le nommât juge du doute juridique, sur les droits d'Alphonse et de Richard, et l'intrigue fut bien conduite, parce que les pontifes romains étaient déjà maîtres dans cet art, où ils ont continué à exceller.
Urbain cita les deux compétiteurs à comparaître devant lui, mais la mort le priva de prononcer sur ce procès, en le mettant au tombeau le 2 octobre 1264, après avoir exaspéré par ses exactions et ses violences et excité des troubles continuels parmi les habitants de Rome et d'Orbiette,

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