Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

IXe SIÈCLE.

suite

BENOIT III

CIVe PONTIFE. - De 855 A 858.

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Dixième schisme.

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 Si l'existence de la papesse Jeanne fournit une preuve évidente que ce n'est point l'Esprit-Saint, mais plutôt l'esprit d'ambition qui dirige les élections pontificales, la fréquence et la multitude des schismes en est une autre preuve d'un genre différent, puisque tous ont produit des meurtres, des désordres, des parjures, des faux témoignages, et beaucoup d'autres péchés ou crimes.
Nous allons le voir de nouveau dans l'élection de Benoît III.

Un certain Anastase, prêtre déposé par le pape Léon IV, dans un concile romain de l'année 853, avant réuni un parti suffisant pour se faire élire pape dans le tumulte et à l'aide de beaucoup de violence, engagea à le soutenir plusieurs nobles romains, ainsi que l'ambassadeur même de Louis II, et forma le dixième schisme de l'église romaine. Les mois d'avril, mai, juin, juillet, s'écoulèrent au milieu de ces troubles. Enfin, Anastase ayant été vaincu, Benoît l'emporta, et l'empereur ayant envoyé sa confirmation, la consécration eut lieu en septembre 855. Les historiens ecclésiastiques de ce temps croient dire beaucoup en répétant, à la plupart des élections papales, que l'un ne voulait pas accepter, qu'il s'était caché, qu'il refusa sous prétexte qu'il n'était pas digne, et beaucoup d'autres choses semblables. Mais toutes ces assertions sont nées de l'adulation. Leur but était de plaire aux papes, et de fortifier la croyance et un mensonge, auxquels les papes étaient intéressés. Ces ouvrages ne disent pas, bien qu'on le voit assez par les faits, que tous, ou presque tous les papes étaient dévorés d'une extrême ambition, au grand dommage de la religion catholique et au préjudice immédiat des souverains temporels, des nations qu'ils gouvernaient, et des évêques placés par l'Esprit-Saint, et non par le pape ou par Saint-Pierre, comme pasteurs du troupeau chrétien.

Ce qu'il y a de plus certain, c'est que Benoît enrichit sa famille, particulièrement Grégoire et Étienne, ses frères, tous deux fils, ainsi que lui, de Théophilacte, nomenclateur de Rome ; Constantin et Constantine ses neveux, fils de Grégoire, et qu'il maria sa nièce au sénateur Georges. Tous ces derniers unis à Formose, évêque de Porto, formèrent ensuite, ainsi que nous le verrons, une conjuration contre Jean VIII. Benoît est le patriarche du népotisme papal.



NICOLAS Ier

CVe PONTIFE. - DE 858 A 867.

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 NICOLAS, diacre de Rome, fut consacré pape le 24 avril 858, en présence, et avec l'autorisation de l'empereur Louis II. On prétend qu'il se cacha pour ne point accepter le pontificat, et qu'il y fut entraîné par force. J'ai déjà déclaré que ces prétendus refus si multipliés, ne me semblaient mériter aucun crédit, et étaient démentis par la conduite postérieure de ces papes, qui avait prouvé leur ambition illimitée, leur orgueil insupportable, et leur désir constant de tenir sous leurs pieds tous les autres hommes.

L'empereur Louis III, qui se piquait plutôt d'être un zélé catholique soumis au successeur de Saint-Pierre, que le souverain de l'empire d'Occident, accompagna Nicolas à pied, tenant, pendant plus d'une portée de flèche, la bride de son cheval. On a coutume de citer ce trait, comme un acte d'humilité de Louis le bègue ; moi je n'y vois qu'une bassesse indigne d'un empereur qui traite avec un vassal, et capable d'ajouter un nouvel aliment à l'orgueil du pontife. Cet orgueil fut assez prouvé, dans la suite, par sa conduite avec le même Louis, avec son frère l'empereur et roi, Charles le chauve, avec son neveu Lothaire, roi de Lorraine, avec les reines Tiedbergue et Waldrade leurs épouses, avec Michel, empereur de Constantinople, avec Hincmar, archevêque de Reims, primat de France, avec Gonthaire, archevêque de Cologne, Teugalde, archevêque de Trêves, primat de la Belgique, Haganon, évêque de Pergame, Rolade, évêque de Soissons, Jean, archevêque de Ravenne, et plusieurs autres personnages.

Il les traita tous avec un orgueil despotique. Il donnait ses ordres aux rois et aux empereurs, comme à ses esclaves, avec des expressions plus dures, plus sévères, plus audacieuses, et plus imprudentes, que jamais aucun des papes ses prédécesseurs, n'aurait osé le faire, même dans les occasions où ils manifestèrent l'orgueil le plus effréné, et le désir le plus ardent de soutenir leur supériorité.

Nicolas ne se contenta pas de ce qu'on appelât à lui des décisions de l'évêque métropolitain, conformément à l'interprétation injustement donnée au concile de Sardes, sur le consentement de ceux qui n'étaient point obligés à y souscrire ; il étendit cet appel aux décisions des membres du clergé et des laïques de la plus basse classe, s'autorisant, à cet égard, des fausses décrétales antésiriciennes, et alléguant qu'il importait peu que ces décrétales se trouvassent comprises ou non comprises dans les collections des canons, conciles, et lettres pontificales ; qu'il devait en être de ces lois comme des ordonnances des empereurs non comprises dans les codes, et auxquelles on obéissait dès qu'on avait connaissance de leur contenu. Il ne serait pas facile de comprendre en peu de mots les attentats produits par l'ambition, l'orgueil et le despotisme du pape Nicolas, à en juger seulement par ses lettres.
Quiconque les lira dans la collection qui en a été faite, ou dans les extraits qu'on en a donnés dans l'histoire ecclésiastique, se convaincra aisément de cette vérité. Un seul trait peut toutefois le faire apprécier. Dans le 71e canon du titre 96 de la collection des canons, vulgairement appelée le décret de Gratien, se trouve certain fragment de la lettre écrite par Nicolas à l'empereur d'Orient Michel III. On y lit la phrase suivante :
« Il est prouvé jusqu'à l'évidence que le pontife ne peut être ni absous, ni condamné par le pouvoir séculier. Le pieux empereur Constantin ne lui donnait-il pas le nom de Dieu ? et qui oserait prétendre que Dieu peut être jugé par les hommes ? »

Il n'est pas nécessaire d'en savoir bien long pour conclure que si Nicolas croyait ce qu'il écrivait, c'était un hérétique, et dans son sens le plus étendu, un impie blasphémateur de la divinité, et que, s'il ne le croyait pas, il ne présentait qu'une preuve insuffisante de ce qu'il avançait. Quel ton, si on le compare seulement avec celui que prenaient ses prédécesseurs des quatrième, cinquième et sixième siècles ?

On ne doit pas trouver étonnant que Gonthaire, archevêque de Cologne, lui ait écrit à Rome, en son nom et au nom de Teugalde, archevêque de Trêves, les propositions suivantes qui devaient sans doute l'irriter personnellement.
« Écoutez, pape Nicolas ; nos collègues nous ont envoyés pour vous consulter sur les résolutions que nous avons prises dans notre concile, et nous ont chargés de vous faire part des autorités et des motifs qui leur ont servi de règle. Notre but était de connaître votre opinion et de vous supplier humblement de nous éclairer, bien décidés à suivre la doctrine que vous nous démontreriez être la meilleure ; mais voici déjà trois semaines que nous attendons votre réponse, et vous ne nous en avez donné aucune catégorique.
Vous vous êtes contenté de nous dire en public que, d'après l'exposé de notre mémoire, nous vous paraissions excusables. Vous nous avez enfin ordonné de comparaître en votre présence ; nous l'avons fait sans crainte, et au même instant les portes se sont fermées sur nous, et nous nous sommes vus entourés d'une troupe de prêtres et de laïques.
De-là, sans convocation de concile, sans examen canonique, sans accusateur, sans témoins, sans nous convaincre par des raisons claires, sans recevoir nos aveux, sans l'appui et même à l'insu des autres métropolitains, ou de nos évêques suffragants ; vous avez prétendu nous condamner à votre gré, d'après les seules inspirations de votre fureur tyrannique.
Mais nous, nous ne nous soumettons pas à votre sentence maudite, si éloignée de la charité d'un père ou d'un frère : nous la regardons comme un discours injurieux, nous vous répudions vous-même de notre communion comme un homme qui entretient des liaisons avec les excommuniés, nous nous contentons de la communion de nos frères, rejetés par vous, quand votre hauteur et votre arrogance vous en rendaient indigne.
Vous vous êtes condamné vous-même, quand vous avez lancé l'anathème contre ceux qui ne se soumettaient pas aux préceptes dits apostoliques, car vous avez été le premier à les briser, lorsque vous avez cherché à anéantir, autant qu'il était en vous, les lois divines et les sacrés canons, et à vous éloigner du chemin suivi par les papes vos prédécesseurs. »

Je ne nierai pas qu'il y ait dans ce fragment des expressions vraiment outrageantes, et je n'approuverai jamais le manque de respect à un supérieur ; mais on s'expose à l'insulte quand on agit comme le fit Nicolas. Il excommunia l'empereur Michel, Lothaire, roi de Lorraine, avec son épouse la reine Valdrade, ainsi que plusieurs évêques et archevêques ; il menaça des mêmes foudres l'empereur d'Occident, Charles-le-Chauve, en même temps roi de France ; il se montra enfin téméraire, imprudent et tout opposé au portrait que font de lui les historiens ecclésiastiques, pour flatter Rome qu'ils craignent. Les faits seuls qu'ils rapportent dans leurs propres histoires suffiraient pour leur prouver qu'ils sont ou de mauvais logiciens ou de lâches adulateurs.

Nicolas mourut enfin le 13 novembre 867. C'est le dernier des papes dont Anastase le bibliothécaire écrivit la vie ; c'est le premier qui, d'après ce que rapporte cet auteur, ait porté une couronne sur sa mitre ou tiare. Cette circonstance ne laisse pas que de prouver encore combien à chaque règne, l'ambition pontificale faisait de nouveaux progrès.



ADRIEN II

CVIe PONTIFE. DE 867 A 872.

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 ADRIEN, prêtre titulaire de Saint-Marc de Rome, fut élu pape, à l'âge de 76 ans, peu après la mort de son prédécesseur, et fut consacré le 14 décembre 867, en présence des envoyés de l'empereur.
Les maximes ambitieuses de Rome poursuivaient leurs progrès et devenaient chaque jour plus exigeantes selon les circonstances.
Le vieil Adrien suivit les traces de son prédécesseur. Il traita avec iniquité le roi Charles-le-Chauve, Hincmar, archevêque de Rheims, et tous ceux qui ne voulaient pas adhérer aveuglement à ses propositions. II protégeait en même temps, sans examen, les hommes les plus pervers de son temps, tels qu'étaient Carloman, fils rebelle du roi Charles, et Hincmar, évêque de Laon, neveu et ennemi de l'autre Hincmar. Il fit tout son possible pour que la couronne de Lorraine ne passât pas à Charles à la mort du roi Lothaire, mais bien à Louis, frère du défunt. Il écrivit à cet effet plusieurs lettres à Charles lui-même, aux évêques, archevêques et autres personnages influents.
Voyant que tout était inutile, il menaça le roi de l'excommunier, et ordonna aussitôt à Hincmar, archevêque de Rheims, et à d'autres évêques de se retirer de la communion de Charles. Hincmar, dans la réponse qu'il lui fit, chercha à lui prouver par les autorités et par les doctrines reçues, qu'il excédait ses pouvoirs, qu'il allait au-delà des limites fixées par les canons, en usant de moyens de persuasion tout-à-fait contraires à la paix et à la charité, et qui d'ailleurs n'avaient jamais été employés auparavant par les papes, auxquels il n'appartenait pas de se mêler des affaires temporelles du royaume. Il lui disait qu'il n'avait pas le droit de se séparer de la communion de son souverain, et lui citait en exemple les saints papes et les saints évêques qui avaient des liaisons avec des rois païens et hérétiques, et n'auraient pas voulu, à plus forte raison, se dérober à l'autorité d'un roi si catholique.

Ce monarque eut encore d'autres contestations avec Adrien. Ce dernier, dans une autre lettre, se plaignit de ce que Sa Majesté ne se montrait pas docile à ses corrections. L'empereur, entre autres choses lui répondit :
« Dans vos lettres précédentes, vous me donnez les noms de parjure, de tyran, de perfide dissipateur des biens de l'église, sans toutefois chercher à me convaincre de ce dont vous m'accusez. Dans votre dernière, vous me reprochez d'être un calomniateur, ce qui est un crime selon l'écriture. Voudriez-vous donc que dans des circonstances semblables à celles où nous nous trouvons, je reçusse de bon gré vos corrections ? Ne serait-ce pas me reconnaître coupable et me rendre indigne non-seulement des fonctions de souverain, mais de la communion de l'église ?

Écrivez ce qui sied à votre ministère et au mien, et nous l'écouterons avec plaisir. Vos lettres contiennent les clauses suivantes : Nous voulons et ordonnons d'après notre autorité apostolique que Hincmar de Laon se rende à Rome et se présente devant nous, sous la garantie de votre pouvoir.
Nous désirerions vivement savoir où l'auteur de cette lettre peut avoir lu qu'un roi obligé de punir les vicieux et de sévir contre les délits, doit envoyer à Rome le délinquant puni provisoirement selon toutes les règles ; surtout quand il appert qu'avant sa déposition, le délinquant a été convaincu dans trois conciles d'avoir troublé l'ordre public, et qu'après sa déposition il a persévéré dans sa désobéissance.
Nous sommes forcés de vous écrire que nous autres rois de France, nés de famille royale, nous n'avons pas joué jusqu'ici le rôle de lieutenants d'évêques, mais de souverains de notre pays ; car (ainsi que le disent Saint-Léon et le concile romain), c'est des empereurs et des rois établis par Dieu pour commander sur la terre, qu'est venue aux évêques la permission de régler les affaires conformément aux ordonnances souveraines. Relisez les registres de vos prédécesseurs, et vous verrez qu'ils n'ont pas écrit aux nôtres comme vous osez nous écrire ; ne songez donc plus à nous écrire une seconde fois avec des ordres ou des menaces d'excommunication contraires à l'écriture et aux canons, puisque, suivant ce que dit Saint-Léon, le privilège de Saint-Pierre subsistera tant que subsistera sa justice.
D'où il suit que si l'on manque à l'une, on détruit l'autre. Je vous supplie enfin de ne plus envoyer ni à moi ni aux évêques de mon royaume aucune lettre semblable à vos précédentes. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons les respecter. »

Les évêques répondaient au pape sur le même ton. Adrien apprit alors une maxime que ses successeurs n'ont jamais oubliée, c'est de fléchir pendant un temps pour mieux réussir plus tard, quand l'occasion s'en présente, sans crainte ni honte de tomber dans des contradictions ; il écrivit pour lui donner satisfaction, une lettre pleine des flatteries les plus viles. Il s'excusait de la dureté de ses premières lettres, et ajoutait pour sa propre infamie :
« Nous avons déjà appris de plusieurs personnes vertueuses, et en particulier de mon frère Actard, que vous êtes le protecteur le plus zélé et le plus religieux des Églises, de telle manière qu'il n'y a pas dans tout le royaume un seul temple ou un seul monastère que vous n'ayez enrichi.
Nous savons aussi que votre désir est de traiter de la même manière l'Église de Saint-Pierre, et de la défendre contre tous ses ennemis.
Prenez cette lettre et ne la communiquez qu'à vos plus intimes confidents, et je vous promets que si vous et moi nous survivons à l'empereur, lors même qu'on m'offrirait des charges d'or, je ne reconnaîtrai que vous pour empereur romain. Dès aujourd'hui le clergé, le peuple et la noblesse de Rome vous désirent pour chef, pour roi, pour patrice, pour empereur et pour défenseur de l'Église. »

Adrien mourut peu de temps après avoir écrit cette lettre en novembre 872, et laissa après lui un nom déshonoré par les deux extrêmes opposés, l'orgueil dans le succès, la bassesse dans le revers et l'intrigue dans tous les temps ; mais cette conduite ne fut que trop imitée depuis par ses successeurs. Je ne dirai rien du mauvais exemple qu'il donna aussi en absolvant l'empereur Louis d'une promesse faite au duc de Bénévent dont il était le prisonnier, afin de l'engager à le remettre en liberté.



JEAN VIII

CVIIe PONTIFE. DE 872 A 882.

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 JEAN, archidiacre de Rome, fut couronné le 14 décembre 871, et mourut le 15 décembre 882. Il fut le VIIIe et non pas le IXe de ce nom, tel qu'il aurait du être nommé, si au lieu de rayer Jean l'Anglican (la papesse Jeanne) du catalogue des papes, et au lieu de défendre de le compter, ou l'eût regardé comme un véritable pape.

Jean VIII suivit les maximes de ses deux derniers devanciers, et augmenta encore, s'il est possible, les abus de la papauté en proportion de l'ignorance générale de l'Europe, d'une part, et du consentement donné de l'autre à l'extension progressive des idées romaines qui offraient les moyens de recevoir sans examen le mensonge comme vérité, et même de traiter cette dernière comme une erreur et un crime.
On ne peut lire les dix années du pontificat de Jean VIII, sans remarquer une chaîne d'abus criminels, et un désordre dans les idées religieuses dû au désir d'augmenter la domination temporelle et les richesses du pape. Rome était déjà le centre où venait aboutir, après plusieurs détours, tout l'argent du monde, partie pour la consécration usurpée des évêchés et archevêchés ; partie pour les continuelles demandes ecclésiastiques que les fausses décrétales avaient centuplées, en les représentant comme aussi antiques que le christianisme ; une autre provenant des donations des princes qui, en opposition aux véritables intérêts de leur dignité suprême, accouraient aux papes en certains cas, et alimentaient le serpent dont le venin devait détruire leur propre souveraineté ; une autre pour des commutations de pénitences personnelles et pécuniaires au bénéfice de Saint-Pierre le Romain, invention des papes semblables à ceux que nous avons cités dans le neuvième siècle ; et une autre partie enfin pour les offrandes des pèlerins dont la feinte vertu s'appuyait sur Rome, au moyen des joyaux d'or et d'argent, des pierres précieuses et d'une quantité immense d'argent qu'ils laissaient dans leurs visites aux stations romaines.

L'ambition et l'avarice rendirent Jean VIII menteur, perfide, faible, arrogant, orgueilleux, bas, impie, cruel, hérétique ; il plia à ses passions les paroles de l'écriture, et fut tout, selon que les circonstances le voulaient. Je me contenterai d'en citer quelques traits.

En l'an 876, il reprocha aux évêques de France de ne s'être pas armés. eux et leurs sujets, pour s'opposer à l'entrée de Louis le germanique dans les états de son frère Charles-le-Chauve, lorsque lui, Jean l'avait désapprouvé et s'était offert pour médiateur. Il leur cita à cet effet le témoignage de Saint-Paul qui disait : Ne combattons point contre la chair et le sang, mais bien contre les princes et les puissances. Tout le monde sait que dans cette phrase, Paul voulait parler des princes et des puissances des ténèbres, c'est-à-dire des démons.

Il promit à Carloman, roi de Bavière, de le faire empereur de Rome à la première vacance qu'on s'attendait à voir très prochaine, sous la condition qu'il se soumettrait à ce qu'il lui plairait de demander. Carloman consentit, mais il mourût sans que le pape pût accomplir sa promesse. Pendant la vacance précédente, il avait intrigué pour que le clergé, la noblesse et le peuple de Rome proclamassent empereur Charles-le-Chauve. Jean le couronna lui-même, et donna naissance à l'opinion que les empereurs d'Occident recevaient la couronne impériale de la main des papes, comme si, en effet, les pontifes pouvaient faire don de cette dignité.

Il excommunia Sergius, duc de Naples, parce qu'il avait envoyé traiter de la paix avec les Sarrasins qui avaient envahi ses états, et combla d'éloges le cruel Athanase, archevêque de Naples, pour la barbare et inhumaine conspiration qu'il forma contre le duc Sergius, son propre frère, auquel il fit arracher les yeux sous le prétexte de le punir de s'être confédéré avec les Sarrasins.
Le pape donnait des éloges à cette conduite atroce, parce qu'il craignait que les Sarrasins ne marchassent sur Rome, et qu'il voulait les arrêter par la guerre qu'ils auraient à soutenir contre Naples. Il eut même l'ordre d'attribuer à une inspiration divine cette horrible conduite ; le méchant archevêque Athanase envoya à Rome quelques prisonniers Sarrasins, et le pape, de sang-froid, fit trancher la tête à plusieurs. Cependant Athanase fit la paix peu de temps après avec les Sarrasins, et le pape se vit forcé d'en faire autant.

Après la mort de Saint-Ignace, patriarche de Constantinople, il rétablit Photius sur son siège, afin de faire sa cour à l'empereur Basile, dont il voulait obtenir le secours contre les Sarrasins. Il transgressa tout ce qui avait été ordonné dans le concile et dans les canons, et cela, pour un schismatique excommunié et condamné en divers conciles, pour un sectaire de l'hérésie de ceux qui niaient que l'Esprit-Saint procédât du Père et du Fils, lorsqu'il savait de plus, que les signatures des patriarches d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem étaient fausses et supposées.
Il écrivit au même Photius une lettre dans laquelle il soutient l'erreur orientale sur l'origine de l'Esprit-Saint et transige sur le point principal, tout-à-fait en faveur de Photius, auquel il dit :
Nous savons quelle mauvaise idée on vous a donnée de notre Église et de nous, et peut-être avec quelque apparence de raison. Mais, avant d'avoir votre réponse, je crois devoir vous dire au juste ce qui en est.
Vous savez que votre commissaire m'ayant consulté sur le symbole, il a vu que nous le conservions tel que nous l'avions reçu, sans y rien ajouter, mais sans y retrancher non plus le mot filioque ; quiconque se permettrait de le faire, mériterait notre indignation. Aussi, déclarons-nous maintenant, afin de vous donner des garanties relativement à cet article qui a causé tant de scandale dans l'Église, que, non seulement, telle n'est point notre manière de penser, mais que nous regarderons comme des transgresseurs de la parole de Dieu et des corrupteurs de la doctrine de Jésus-Christ, des apôtres et des pères qui nous ont donné le symbole, ceux qui ont eu l'insolence d'employer les premiers cette expression, et nous les plaçons à côté de Judas comme détracteurs des membres de Jésus-Christ. 
Mais j'ai lieu de croire que savant comme vous l'êtes, vous devez savoir combien il est difficile d'amener les autres évêques à cette manière de penser et de changer un style d'une telle importance, quand il a été consolidé par l'habitude de tant d'années. D'après ce motif, nous croyons qu'on ne doit ordonner à personne de supprimer du symbole la parole qui y a été ajoutée, et qu'il convient plutôt d'user de douceur et de prudence en exhortant peu à peu les autres à renoncer à leurs blasphèmes.
Ainsi donc, ceux qui nous accusent de complicité dans de pareils sentiments ne disent pas la vérité, Tout ce qu'ils doivent dire, c'est qu'ici même, à Rome, il y a des gens qui emploient cette formule. Vous devez donc travailler d'accord avec nous pour attirer, par la douceur, ceux qui se sont éloignés du chemin de la vérité. »

D'après cette lettre, il parait évident que Jean regardait comme une erreur et comme un blasphème l'addition de filioque, introduite dans le symbole, approuvée et déclarée dogmatique par les conciles oecuméniques et particuliers ; tant l'esprit d'ambition le dominait.

Le pape fut, toutefois, très-malheureux parce que sa fausse politique l'exposait à de continuels dangers dont il se tira rarement bien. On dit même qu'il perdit la vie par les mains des parents du pape Benoît III, unis dans une conjuration avec Formose, évêque de Porto, pour l'intérêt de Martin, dont nous allons parler, et pour plusieurs autres motifs.



MARTIN II

CVIIIe PONTIFE. - DE 882 A 884.


 MARTIN fut consacré pape vers la fin de décembre 882, et mourut en mai 884. Platina dit, sur de bons fondements tirés des écrivains anciens, qu'il acquit le pontificat par de mauvais moyens. D'autres auteurs indiquent ces moyens, et disent qu'il eut part à la mort de Jean, avant le terme fixé par la nature, et qu'il gagna, par de l'argent et des promesses, les suffrages des électeurs. Le temps et les événements postérieurs fortifient assez cette croyance, particulièrement si l'on tourne les yeux vers cette foule de papes vomis de l'enfer et capables d'anéantir la foi catholique, si la foi dépendait des personnes qui occupent le siège de Saint-Pierre. Tous, en effet, ou presque tous, ont donné des preuves d'un athéisme pratique, et ont laissé de fortes raisons de croire qu'ils en professaient intérieurement la théorie.



ADRIEN III

CIXe PONTIFE. DE 884 A 885.

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 AGAPITHE fut élu pape vers la fin de mai 884, et, quoiqu'il y eut déjà eu un souverain pontife de son nom, il prit, sans que nous en puissions assigner la raison, celui d'Adrien. Il mourut en septembre 885. On lui attribue deux décrets qui prouvent cet esprit d'ambition et d'orgueil naturel aux papes, au lieu de cet esprit d'humilité dont leurs adulateurs les louent. Le premier de ces décrets porte qu'à l'avenir on n'aurait plus besoin de la confirmation impériale pour l'élection d'un pontife, attendu que l'élection libre du clergé, de la noblesse et du peuple de Rome doivent suffire. Le second déclare qu'à la première vacance, la couronne impériale d'Occident sera annexée au royaume d'Italie, ce qui n'eut pas lieu.



ÉTIENNE V

CXe PONTIFE. - DE 885 A 891.

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 ÉTIENNE, prêtre titulaire des quatre Saints couronnés, fut élu pape vers la fin de septembre 885, et mourut le 7 août 891.
Il ne demanda point la confirmation impériale. L'empereur Charles III, dit le Gros, s'en plaignit. Étienne lui envoya la preuve qu'il avait été consacré d'après le vote unanime de trente évêques, de tous les prêtres, de tous les diacres titulaires ou cardinaux, du clergé inférieur et des magistrats de la ville agissant au nom du peuple. Charles se désista de ses plaintes. En 887 il fut dépouillé de l'empire. Guidon, duc de Spolette, et Béranger, roi d'Italie, y aspirèrent. Guidon l'emporta par le secours du pape Étienne.
Ce pontife, dont les vertus sont représentées avec les couleurs les plus agréables, manifesta bien l'esprit d'ambition inhérent à sa place, en promulguant le quatrième canon de la distinction dix-neuf du décret de Gratien, dans lequel il disait :
« Attendu que l'Église Romaine est le miroir et l'exemple de toutes les autres, celles-ci sont obligées d'observer pour toujours et sans aucune excuse, ses règlements et ses ordonnances. »

Si par l'Église Romaine on doit entendre ses chefs postérieurs aux deux premiers siècles du christianisme, ce miroir et cet exemple seraient un miroir et un exemple d'orgueil et d'ambition.

Étienne se mêla aussi aux affaires temporelles de France par l'expédition de certaine bulle dans laquelle il excommuniait tous ceux qui, sans être de la famille royale de Charlemagne, usurperaient la couronne de France ; mais les Français ne tinrent aucun compte de la bulle ; ils élurent, pour roi, Eudes, fils de Robert-le-Fort, et abandonnèrent Charles-le-Simple, qui ne régna qu'après la mort d'Eudes.



FORMOSE

CXIe PONTIFE. DE 891 A 896.

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 FORMOSE, évêque de Porto, fut élu pape le 19 septembre 891 et mourut, à ce qu'on croit, à peu près vers le 15 avril 896.
Il fallait qu'il fût très vieux, puisque déjà en 866 le pape Nicolas Ier l'avait envoyé en qualité de nonce à la cour du roi des Bulgares.
Jean VIII l'avait excommunié, et l'avait privé de son évêché, comme coupable d'avoir trempé dans une conspiration contre sa personne et contre celle de l'empereur.
Martin II l'avait absout et réintégré dans son évêché. De là, il passa à celui de Rome. C'est lui qui donna le premier l'exemple d'une semblable translation, qui fut l'occasion et le prétexte, si ce ne fut même le motif, des scandales et des désordres que nous verrons ensuite dans les portraits de ses successeurs.

En 892, il couronna empereur Lambert, duc de Spolette. Les intérêts de la domination civile produisirent, entre eux deux, de violentes querelles, et en 896 il donna un rival à Lambert, en couronnant Arnolphe, fils naturel de Carloman, roi de Bavière. Il sut si bien tirer parti des circonstances que, quand le peuple romain lui jura fidélité en qualité d'empereur, il fit ajouter dans l'acte la clause, sans préjudice de la fidélité promise au pape Formose. Après la mort de ce dernier, d'horribles événements se succédèrent relativement à sa mémoire et à son cadavre. Nous en dirons quelques mots plus loin.



BONIFACE VI

CXIIe PONTIFE. En 896.

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 BONIFACE, prêtre de Rome, fils d'Adrien, fut élu pape par une faction, par des moyens illégitimes ; Sa conduite était si opposée à celle qu'on devait attendre d'un pontife, qu'il avait été dans sa jeunesse déposé du sous-diaconat. La faveur le fit rentrer dans le clergé et l'éleva jusqu'à la prêtrise.
Quelques auteurs disent qu'il fut aussi déposé de cet ordre où ses talents pour l'intrigue l'avaient fait monter. Il ne régna que quinze jours.
Plusieurs écrivains rapportent qu'il fut immolé par une autre faction contraire à la sienne. Le concile de Ravenne, tenu l'an..., avait déterminé qu'on ne le compterait pas parmi les papes, parce que son élection avait été nulle, injuste et scandaleuse. L'opinion commune l'a emporté, et on l'a compté comme pape, parce qu'il n'est pas constant qu'il y ait eu de schisme. Le cardinal Baronius dit être honteux de reconnaître, parmi les successeurs de Saint-Pierre, Boniface et presque tous ceux qui vont le suivre pendant plus d'un siècle.



ÉTIENNE VI

CXIIIe PONTIFE. - DE 896 A 897.


 Depuis le dixième schisme, produit par Anastase et le pape Benoît III, Rome avait continué d'être divisée en deux factions, toutes les deux puissantes et acharnées à l'envi l'une de l'autre.
L'une était composée des parents du pape Benoît, et l'autre des protecteurs et parents de l'antipape Anastase. La première eut le dessus dans les élections de Nicolas Ier et d'Adrien II ; la dernière dans celle de Jean VIII. Il est vraisemblable qu'Anastase était mort au commencement des troubles, puisqu'on ne voit plus reparaître son nom dans les querelles qui suivirent. Le parti de Benoît III ne put supporter avec indifférence l'ascendant que venait de prendre le parti contraire, et quand il se crut assez puissant, il assassina Jean VIII et élut Martin II ; ce dernier mourut de mort violente. Je ne sais à quelle faction appartenaient les papes Adrien III et Étienne V, mais nous allons voir que le même parti qui avait vaincu dans l'élection de Benoît III et de Martin II, aussi bien que dans celle du pape Formose, fut vaincu dans celles de Boniface VI et d'Étienne VI.

Ce barbare, indigne d'être compté, je ne dis pas parmi les pontifes, mais parmi les hommes, convoqua un concile de prêtres et d'évêques de sa faction. Il fit exhumer le cadavre du pape Formose et le fit apporter dans la salle du conseil ; il l'interrogea, lui disant : Pourquoi, évêque de Porto, as-tu abandonné ton diocèse et as-tu usurpé dans ton ambition celui de Rome ? Il répéta trois fois cette demande, et le cadavre ne répondant pas, il condamna à une infamie perpétuelle le nom de Formose, il déclara nuls tous les actes de son pontificat et il consacra de nouveau les évêques, prêtres et diacres consacrés par celui-ci ; fit couper au cadavre les trois doigts avec lesquels il avait donné la bénédiction papale, et lui fit trancher la tête qu'il ordonna de jeter dans le Tibre. La faction contraire ne pouvant supporter une si horrible conduite, forma peu de temps après une conjuration contre Étienne, qui fut jeté en prison, chargé de chaînes, et étouffé enfin par la main du bourreau. Son exécrable pontificat dura depuis le 20 août 896 jusqu'au mois de juin 897.



ROMAIN

CXIVe PONTIFE. - EN 897.

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 Peu après la mort du pape Étienne VI, par la main du bourreau, la faction de Benoît III triompha dans l'élection de Romain. Ce dernier déclara nulles et criminelles les mesures prises par son prédécesseur immédiat, et rétablit la réputation et la bonne mémoire de Formose. Il mourut bientôt après et n'occupa le siège pontifical que quatre mois.



THÉODORE II

CXVe PONTIFE. - EN 898

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 La même faction de Benoît III parvint aussi à faire nommer Théodore. La consécration de ce pape se fit en présence des députés de l'empereur Lambert. Il réhabilita tous les évêques, prêtres et diacres déposés par Étienne VI. Quelques pécheurs ayant retrouvé les morceaux du cadavre du pape Formose, il les fit enterrer en grande solennité. Tout cela fut exécuté pendant les vingt jours qu'il survécut à sa consécration.



JEAN IX

CXVIe PONTIFE. - DE 898 A 900.

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 L'Élection que la mort de Théodore laissait à faire, présentait tout le germe d'un schisme. Le parti d'Anastase avait réuni un grand nombre de suffrages en faveur du prêtre Sergius, issu d'une famille noble, très considéré et appuyé de toute l'influence d'Adalbert, marquis de Toscane. La faction de Benoît III l'emporta cependant et proclama souverain pontife Jean IX, diacre, moine de l'ordre de Saint-Benoît, homme aussi prudent que le réclamait l'état des choses. Sergius, banni de Rome, se retira en Toscane où il resta sept ans. Jean consacré en juillet 898, mourut le 30 novembre 900 et ne se départit jamais de la bonté qu'il avait montrée dans l'origine.

Il y eut à cette époque un concile à Rome, relativement aux affaires de Formose. Entre autres résolutions, on mentionna celle de condamner les décisions du pape Étienne VI. Plusieurs évêques qui se trouvaient présents et avaient signé, demandèrent excuse et assurèrent qu'ils y avaient été forcés. On convoqua aussitôt un second concile à Ravenne, auquel assista l'empereur Lambert. Mais il est bon de rappeler ici le ton employé dans le premier concile par ce pape si prudent et si bien digne de servir de modèle.
« La sainte Église romaine a beaucoup souffert par la mort violente des papes, qui se sont fait consacrer sans en avoir informé l'empereur, ou sans attendre, malgré les canons, l'arrivée des commissaires impériaux, qui auraient pu arrêter les progrès du désordre. Pour empêcher à l'avenir de pareils malheurs, nous voulons que dorénavant le pape soit élu dans une assemblée des évêques et de tout le clergé, sur une demande du sénat et du peuple, et consacré ensuite solennellement en présence des commissaires impériaux, sans que personne ose demander de nouveaux serments. Ainsi on mettra fin au scandale, et on cessera de violer la justice du souverain. »

Si cette disposition eût toujours été observée, on n'aurait point achevé de couper les derniers freins de la subordination due par les papes aux empereurs. Mais il y eut bien peu de papes aussi bons que Jean IX. Sergius, son compétiteur, qui parvint même ensuite à être pape, chercha à introduire l'opinion contraire dans une épitaphe ; mais personne n'ajouta foi à ses calomnies.
Jean, digne par ses oeuvres d'être canonisé, ne le fut pas, bien qu'il fut bien supérieur à certains papes canonisés, qui n'avaient pas la dixième partie de ses vertus.

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