Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VIe SIÈCLE.

HORMISDAS

LIIe PONTIFE. - DE 514 A 523.

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 Ce souverain pontife fut élu le 16 juillet 514, et mourut le 6 août 523. Son élection fut célébrée en présence du fameux Cassiodore, consul de Rome, secrétaire du roi Théodoric, par lequel il avait été autorisé à intervenir dans l'élection, afin de pacifier et d'éviter les dangers d'un autre schisme. Mes lecteurs peuvent remarquer en combien de cas différents le souverain temporel intervint aux élections des papes, ou confirma celles qui avaient été faites sans l'assistance du magistrat. Tous ces exemples, répétés depuis la conversion de Constantin-le-Grand, sont autant de témoignages qui s'élèvent contre les usurpations de Grégoire VII et de ses successeurs, dont l'orgueil ambitieux refusait d'accorder aux empereurs d'Allemagne, successeurs de Charlemagne, un droit légitimement acquis, et passant audacieusement d'une extrémité à l'autre, osait s'attribuer le droit d'intervenir à l'élection, à la confirmation et au couronnement des rois et empereurs, qu'ils ont même déposés quelquefois.

Le pape Hormisdas obtint, après un schisme de trente-cinq ans, en 518, la réconciliation de l'église de Constantinople. Les écrivains qui sont toujours prêts à envisager l'histoire du côté le plus favorable aux papes, admirent la fermeté déployée par les souverains pontifes Félix III, Gélase Ier, Anastase II, Symmaque et Hormisdas, contre les empereurs Zénon, Anastase Ier et Justin Ier, aussi bien que contre les patriarches de Constantinople Acacius, Frabitus, Euphémius, Macédonius, Timothée et Jean II. Celui qui lit avec un oeil philosophique et impartial l'histoire de ce schisme, ne peut qu'être scandalisé de la dureté des papes et de leur fougueuse ambition. Partout on les voit prétendre à une obéissance universelle, sans vouloir jamais rien céder, même dans l'intérêt de l'Église et de la charité chrétienne, tout en parlant toujours de leur amour pour la religion et de leur zèle pour la conserver pure.

Le schisme commença l'an 484, par suite de l'excommunication lancée par le pape Félix III contre le patriarche Acacius, accusé d'avoir eu des rapports avec quelques évêques hérétiques eutychéens, ennemis du concile général de Chalcédoine. L'empereur, le patriarche et plusieurs évêques méprisèrent cette excommunication, et en fondèrent la nullité sur ce qu'Acacius était véritablement catholique, et que ses rapports avec les ennemis du concile étaient tout-à-fait étrangers aux affaires religieuses, et ne s'étendaient qu'à des intérêts civils.
Le pape s'offensa, anathématisa le patriarche, le déclara déposé de son siège, et s'expliqua sur l'empereur en termes très injurieux. Acacius mourut : on lui nomma des successeurs; le pape ordonna qu'on effaçât des diptiques ou catalogues des évêques morts, le nom d'Acacius ; on refusa de lui obéir. Plusieurs fois, et particulièrement à chaque fois qu'un nouveau pape succédait à Félix, on tentait d'amener une réconciliation, sans jamais pouvoir l'établir, uniquement par la résistance opposée par les papes, qui refusaient tout accommodement, tant qu'on n'aurait pas effacé des diptiques le nom d'un homme excommunié par le successeur de Saint-Pierre. L'empereur Justin et le patriarche Jean II consentirent enfin à tout ce que demandait le pape Hormisdas, afin de satisfaire aux désirs des chrétiens d'Orient qui étaient fort mécontents du schisme et en versaient la faute sur les empereurs et les patriarches.

N'était-ce point une obstination coupable dans les papes que de se refuser à une réconciliation par d'aussi misérables motifs ? De quelle importance était-il d'effacer le nom d'Acacius ? Les papes voulaient par là faire triompher la puissance romaine ; car, du reste, les papes avouaient qu'Acacius était bon catholique ; qu'il avait condamné la doctrine des eutychéens, et défendu la doctrine du concile de Chalcédoine.
On avait fondé son excommunication sur ses liaisons avec les hérétiques, mais le véritable motif en était dans la mauvaise disposition des papes contre les patriarches de Constantinople. Depuis l'élévation honorifique de ce dernier au concile général de l'an 384, tous les papes avaient été leurs rivaux, prévoyant déjà le grand pouvoir que la cour d'Orient opposerait au leur, et présumant bien que les évêques de Rome déclineraient peu à peu, même dans l'Occident, dont les empereurs avaient fixé leur séjour à Ravenne. Le concile de Chalcédoine, en 451, confirma ces soupçons en élevant au rang de patriarchat à juridiction un évêché qui n'était que patriarchat honoraire, et en éternisant le souvenir de la véritable origine de l'extension donnée aux pouvoirs du primat romain.
Les pontifes ne purent souffrir ni l'un ni l'autre. Saint-Léon-le-Grand ne comptait pas au nombre de ses vertus celle de se conformer aux nouveautés de son temps. Si un si grand saint a donné tant de preuves de son ambition excessive pour l'agrandissement de son siège, et de sa jalousie contre le siège de Constantinople, ses successeurs pouvaient encore mieux manifester de tels sentiments. Il serait inutile de chercher d'autres motifs solides de la dureté des papes contre Acacius et ses successeurs.

Le pape Hormisdas se mit en opposition à lui-même par cette conduite, puisqu'il avait des liaisons avec le roi Théodoric, hérétique arien, et avec tous les hérétiques qu'il lui plaisait de connaître. Même dans l'affaire de cette réconciliation avec l'empereur et le patriarche de Constantinople, il crut devoir prendre l'avis de Théodoric, et fit à cet effet le voyage de Rome à Ravenne. Il reçut aussi de Théodoric l'offrande de quelques dons pour l'église de Saint-Pierre de Rome, bien que cela fût expressément défendu par les canons. Recevoir les offrandes des hérétiques, c'est en effet communiquer avec eux dans les choses divines, et jamais Acacius ni les eutychéens n'en étaient venus à cette extrémité, tant la passion nous aveugle dans ce qui se rapporte immédiatement à nos intérêts !



JEAN Ier

LIIIe PONTIFE. - DE 523 A 526.

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 Ce pontife fut envoyé à Constantinople comme ambassadeur extraordinaire du roi Théodoric, près de l'empereur Justin, pour le prier de ne plus persécuter les Ariens, et de leur rendre les églises dont il les avait dépouillés, protestant que, de son côté, il en agirait de même à l'égard des catholiques d'Italie. Justin cessa la persécution, mais ne rendit pas les églises. Le pape, de retour à Ravenne, fut mis en prison, et y mourut de maladie peu de temps après. Les Romains placent Jean Ier au nombre des saints martyrs. Il serait bien difficile de prouver qu'il le fut. La cause de son emprisonnement était purement politique ; il était accusé de prévarication dans son ambassade. Ce qu'il y a de vrai, c'est que s'il eût agi avec sincérité, il aurait contraint Justin à restituer les églises.

Si l'on veut avoir un nouveau témoignage de la constance avec laquelle les papes soutenaient leur système, on peut le trouver dans la conduite de Jean Ier avec Epiphanius, patriarche de Constantinople. Celui-ci offrit au pape son église patriarchale pour y célébrer l'office divin, s'il le trouvait bon. Le pontife romain ne voulut accepter que sous la condition d'avoir un siège distingué au-dessus de celui d'Epiphanius. Bien qu'une telle demande fût contraire aux canons qui assurent à chaque évêque le premier rang dans sa propre église, Jean répondait à cela qu'il était l'évêque de toutes les églises du monde chrétien, et qu'ainsi chaque église lui appartenait en propre. On voit déjà l'esprit dominant des papes.



FÉLIX IV

LIV° PONTIFE. - DE 526 A 530.


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 Ce pape fut élu par le roi Théodoric le 24 juillet 526, à la grande joie du sénat romain qui le reconnut pour souverain pontife. Le roi mourut le 30 août, et Félix n'en fut pas moins consacré Pape vers la fin de septembre. Il bâtit l'église de Saint-Côme et Saint-Damien, et restaura celle de Saturnin.

Voici donc un pape élu par un roi hérétique, souverain du pays, ainsi que l'avaient été les anciens Césars. Aucun chrétien de cette époque ou des temps rapprochés ne songea à révoquer en doute la légitimité de cette élection. Dans le cinquième siècle, le pape et ses courtisans mettaient toute leur ambition à élever d'une manière stable le patriarchat romain au-dessus du patriarchat de Constantinople : seule dignité ecclésiastique qui leur donnât des inquiétudes sur la protection immédiate des empereurs d'Orient. Ils souffraient le reste avec patience, parce qu'ils sentaient bien que c'était pour le moment une affaire d'une bien moindre importance. Le clergé romain fut très piqué qu'on ne s'en fût pas remis à lui pour l'élection du pontife, mais il accepta pour le bien de la paix, et ne voulut pas se jeter dans des disputes aussi dangereuses qu'inutiles.



BONIFACE II

LVe PONTIFE. - DE 530 A 532

Cinquième schisme.
 

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 FÉLIX IV étant mort le 18 septembre 530, Boniface II, son successeur, fut consacré le 13 octobre par une partie du clergé romain ; mais le même jour une autre partie du même clergé fit consacrer Dioscore souverain pontife. Ce qui occasionna le 5e schisme, qui ne dura que peu de temps, grâces à la mort de Dioscore, le 16 octobre.

Le roi Théodoric était mort le 30 août 526, et son petit-fils Amalaric, jeune enfant de 13 ans, lui succéda sous la tutelle d'Amalasonte, fille unique légitime de Théodoric. La minorité du roi et la faiblesse d'un gouvernement dirigé par une femme, excitèrent le clergé romain à revendiquer son droit d'élection ; mais en même temps, l'esprit d'ambition qui dominait leurs âmes fit assez voir que la raison n'était pas leur seul guide, Persuadera-t-on aujourd'hui aux protestants et à qui que ce soit, que les élections des papes étaient dues à l'influence du Saint-Esprit, lorsqu'on y voit évidemment dominer l'esprit de domination. Les schismes fréquents qui ont troublé le repos de la chrétienté ne sont-ils pas des garants de cette vérité ?

Le même pape Boniface II en donne une preuve éclatante, puisqu'il porte son ressentiment jusqu'à persécuter son rival au-delà du tombeau, en flétrissant, sans que la nécessité le réclamât, la mémoire de Dioscore, du nom de schismatique. Il força le clergé romain à reconnaître comme juste et à insérer cette déclaration dans les archives de Rome.
Pour donner une preuve encore plus manifeste de la violence de son caractère, il convoqua aussitôt un concile formé des évêques suffragants et du clergé diocésain, et fit en sorte qu'en leur qualité d'électeurs du souverain pontife, ils lui cédassent leurs droits, et l'autorisassent à choisir son successeur. Il les obligea en conséquence à signer qu'ils reconnaissaient pour pape, après lui, Vigile, alors diacre de l'église romaine. Craignant, depuis, les funestes conséquences de son attentat, il convoqua un nouveau concile, et révoqua les dispositions de l'autre, qu'il déclara nulles comme étant contraires aux canons; il s'avoua même coupable de lèse-majesté.

Cette confession découvre tout le mystère. Son élection et celle de Dioscore s'étaient faites sans la permission du souverain temporel, et sans qu'on réclamât sa confirmation. Amalasonte, régente du Royaume au nom de son fils Amalaric, aura sans doute manifesté son ressentiment, accru de beaucoup à la vue des infractions continuelles faites aux droits de la couronne, et elle aura menacé Boniface de son courroux, d'où il sera résulté l'empressement de celui-ci à obéir à ses craintes et à défaire ce qu'il avait fait.

D'autre part, le peu de fermeté des évêques suffragants et du clergé de Rome mérite la plus grande attention. Quel respect veut-on que nous ayons pour les conciles particuliers de Rome qu'on nous cite souvent sur des sujets de controverse ? Les deux conciles de Boniface II, les divers conciles du pape Symmaque, rapportés en leur lieu, et tant d'autres, ne méritent pas le nom de conciles ; mais bien de résolutions pontificales arbitraires et despotiques, qu'un maître fait approuver par ses valets contre leur gré et par la crainte seule d'encourir son indignation.
Si la plus grande partie des évêques espagnols, français et allemands, et tous les évêques italiens, pendant le concile de Trente, cédèrent enfin à la volonté des papes contre leurs intérêts propres et ceux de l'église, et détruisirent le respect dû aux conciles généraux, que peut-on penser des conciles particuliers tenus à Rome ? Les protestants se contentaient autrefois de désirer que les conciles se tinssent en Allemagne ; moi, je voudrais que ce fût en Orient. Là, du moins, le pape n'aurait plus d'influence sur les décisions des évêques.



JEAN II

LVIe PONTIFE. - DE 532 A 535.

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 L'Élection de ce souverain pontife, terminée le 21 janvier 533, après une vacance de trois mois, laissa de grands soupçons de simonie. Il est certain que les candidats, parmi lesquels pouvait se trouver celui qui fût élu, cherchèrent à obtenir les suffrages, en promettant de bien les payer en cas de réussite. L'avocat de l'église eut recours au roi hérétique Amalaric, auquel il fit un rapport sur l'affaire et lui demanda d'annuler toute aliénation faite des biens ecclésiastiques. Il est triste pour un catholique romain de voir qu'on ait été forcé de recourir à un semblable appui ; ce qui est plus triste encore, c'est de voir un hérétique promulguer des lois pour la répression de ces abus.

Ce sont là encore autant de témoignages qui montrent bien que ces élections n'étaient pas l'oeuvre du Saint-Esprit, puisque le roi, considérant les disputes qui avaient coutume de se présenter sur la valeur ou la nullité de l'élection dont il était constitué juge, arrêta un tarif des sommes qu'il permettait de donner à ses officiers pour terminer toute dispute et expédier le mandat de confirmation royale. Il fixa trois mille sous d'or pour la confirmation du pape, deux mille pour celle des archevêques, et quinze cents pour celle des évêques. Cette ordonnance fut affichée sous les portiques de l'église de Saint-Rémi. Peut-il exister une preuve plus forte du droit qu'ont les rois de confirmer l'élection des pontifes et des évêques.



AGAPITE

LVIIe PONTIFE. - DE 535 A 536.

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 SAINT-AGAPITE, archidiacre de Rome, fils du prêtre Gordien, fut élu le 3 juin 535, et mourut le 22 avril 536 à Constantinople, où il était allé sur l'ordre du roi hérétique Théodat, successeur d'Amalaric. Il n'obtint rien de ce que Théodat l'avait chargé de réclamer pour éviter la conquête de l'Italie, préméditée par Justinien ; mais il obtint ce qui était plus importent à ses idées pontificales ; il y célébra un concile, déposa Antoine du patriarchat impérial comme hérétique eutychéen, et fut reconnu pour chef de tous les patriarches. Il écrivit delà au patriarche de Jérusalem, lui reprochant de ne lui avoir pas donné avis des erreurs d'Antoine et de sa translation de l'évêché de Trébisonde à celui de Constantinople, si contraire aux canons.

Malgré tous les progrès qu'avaient faits déjà les papes dans l'agrandissement de leur autorité ecclésiastique, nous voyons cependant qu'ils étaient encore soumis à la puissance temporelle, et qu'ils lui obéissaient si bien que, toutes les fois qu'on le leur ordonnait, ils entreprenaient des voyages aussi longs que fatigants. Quelle différence de ces temps aux temps qui suivirent. Non-seulement ils ont fini par envoyer eux-mêmes des ambassadeurs, mais par se croire maîtres des empires et des royaumes, par détrôner les empereurs et les rois, et par donner ces dignités à d'autres sous les conditions que les nouveaux possesseurs s'avoueraient tributaires du siège de Rome.



SILVÉRIUS

LVIIIe PONTIFE - DE 536 A 538

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 SAINT-SILVÉRIUS, sous-diacre de Rome et fils légitime du pape Hormisdas, fut élu par le roi hérétique Théodat, et consacré souverain pontife le 18 juin 556.

Vigile, ce diacre de la même église que le pape Boniface II, par ses intrigues et ses trames iniques, avait fait élire pour son successeur au concile de 532, se trouva extrêmement piqué de n'avoir point été élu pontife ainsi qu'il l'espérait.
L'empereur Justinien était déjà maître d'une grande partie de l'Italie. Son épouse Théodora avait sur son esprit un pouvoir despotique. Vigile promit à l'impératrice que, si elle le faisait élire pape, il se montrerait facile à ses voeux, rendrait à Antoine le patriarchat de Constantinople, condamnerait le concile de Chalcédoine, entretiendrait des communications avec les évêques eutychéens favorisés par elle, et ferait présent à cette souveraine de 700 onces d'or.
L'impératrice lui promit le souverain pontificat, et elle écrivit au général Bélisaire à cet effet. Voyant le siège papal déjà occupé par Silvérius, Vigile offrit à Bélisaire deux cents onces d'or, s'il pouvait, de quelque manière que ce fût, lui assurer le pontificat.
Le 10 décembre, Bélisaire s'empare de Rome, qui se rendit d'après les conseils de Silvérius. Vigile redoubla d'intrigue, à un tel point qu'il supposa des lettres d'après lesquelles il paraissait que Silvérius avait donné à Vitigès, roi des Goths, des avis contraires aux intérêts de l'armée impériale. Ce motif suffit à Bélisaire pour qu'il s'emparât de Silvérius, le reléguât à Patare, en Lycie, et fît élire Vigile pour pape, le 22 novembre 537. Silvérius écrivit à l'empereur. Celui-ci, ignorant toute l'affaire, ordonna qu'on lui laissât la liberté de retourner dans son église. Cependant Bélisaire réclama les deux cents onces d'or. Virgile déclara ne pouvoir les payer si Silvérius revenait. Le général exila donc ce malheureux pontife dans l'île de Palmarie.

Pelage, diacre de Rome et légat du siège pontifical à Constantinople, était intervenu dans toute cette affaire pour complaire à l'impératrice Théodora. Vigile paya les deux cents onces d'or sur les biens de l'église de Rome, et Silvérius mourut de faim. dans son île, le 20 juillet 538. Osera-t-on dire que l'influence du Saint-Esprit présida à toutes ces intrigues ? Silvérius s'empare du pontificat sans élection canonique, sur l'ordre seul d'un hérétique, Vigile dut son exaltation à un mauvais catholique. Cette conduite était sans doute inique ; mais je ne vois pas là ce qui lui valut d'être canonisé comme martyr ; car sa persécution ne venait point de la haine portée à la foi catholique, mais uniquement des vues ambitieuses de Théodore, de Bélisaire, de Vigile et de Pélage.



VIGILE

LIXe PONTIFE. - DE 538 A 555.

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 L'intrigant Vigile, pape intrus et parvenu à l'aide de l'expulsion de Silvérius, informé de la mort de Silvérius, conçut le projet de faire légitimer son élection. Il renonça donc au pontificat, bien convaincu que Bélisaire le ferait réélire, comme cela arriva en effet.

Il se crut obligé de remplir envers l'impératrice Théodora les promesses qu'il lui avait faites, et il écrivit des lettres de communication à Théodose, patriarche d'Alexandrie, à Antoine, patriarche de Constantinople, et à Séverus, patriarche d'Antioche, tous trois déposés comme hérétiques eutychéens. Dans ces lettres, il anathématisait le concile de Chalcédoine, ainsi que l'épître dogmatique du pape Saint-Léon-le-Grand ; il assurait les trois patriarches qu'il croyait et professait la même doctrine qu'eux, et les priait de retarder jusqu'à un moment plus favorable la publication du contenu de ses lettres. Voici donc un pape hérétique, du moins quant à l'extérieur, à en juger par le contenu de ses lettres ; mais si on en veut juger par sa conduite, on se formera aisément une idée de ce qu'il était intérieurement, et on trouvera en lui moins un hérétique eutychéen qu'un athée.

Cependant, en 540, il écrivit à l'empereur Justinien comme vrai catholique, confirma le concile de Chalcédoine et l'épître de Saint-Léon, anathématisa les trois patriarches et les autres évêques de son parti, et satisfit ainsi aux plaintes et aux soupçons de Justinien, mécontent de ce qu'il ne lui avait pas fait part de son élection, et de ce qu'il n'avait pas répondu à la lettre du patriarche Mena.

L'empereur fit ensuite condamner les oeuvres d'Yves le Persan, archevêque d'Edesse, de Théodore de Mapsueste et de Théodore de Circès, désignés sous le nom, des trois chapitres, parce que Théodore de Cappadoce, évêque de Césarée, avait trompé l'empereur en lui persuadant que ce livre contenait des erreurs favorables aux hérésies attribuées à Origène, à Nestorius et à d'autres. Cette condamnation diminuait l'autorité du concile de Chalcédoine, qui avait cité avec éloge ces lettres et leurs auteurs, en les opposant à Eutychès et à d'autres. De là résultèrent divers scandales et de nouveaux schismes.

Au moment où toute l'Europe était divisée d'opinions ; que les uns approuvaient, les autres condamnaient les trois chapitres, Justinien mande à Constantinople le pape Vigile. Celui-ci entra dans cette ville le 27 janvier 547) et suspendit aussitôt pour trois mois le patriarche Mena qui avait obéi au décret de l'empereur, relatif aux trois chapitres. Justinien le menaça de sa colère. Vigile convoqua quelques évêques en concile ; on tint quelques sessions, et on se sépara sans rien résoudre. Il remit les actes à l'empereur, et prétendit l'avoir fait pour qu'on n'eût point à les voir à Rome. Il condamna enfin les trois chapitres pour complaire à l'empereur, en insérant toutefois la clause : « sans préjudice de l'autorité du concile de Chalcédoine. »
Les évêques d'Afrique, d'Illyrie et de Dalmatie regardèrent le pape comme hérétique ; se séparèrent de sa communion, et l'excommunièrent sur-le-champ dans un concile d'Afrique. Vigile proposa un concile général. Justinien le convoqua. Les évêques d'Afrique et beaucoup d'autres refusèrent d'y concourir. Théodore de Césarée en Cappadoce et ses adhérents insistaient pour qu'on exclut de la condamnation des trois chapitres la clause relative au concile de Chalcédoine. L'empereur l'effaça. Vigile se réfugia dans l'église de Saint-Pierre du palais d'Hormisdas ; le prêteur de Constantinople saccagea ce palais avec ses troupes, en l'an 553.

Tout ce que put faire Vigile fut de s'évader, de se cacher dans le palais de Placidia, de sortir de la ville pendant la nuit, en se laissant glisser par la muraille, et de se réfugier dans l'église de Sainte-Euphémie de Constantinople. Justinien le fit revenir à la cour. Il assembla un concile ; mais Vigile refusa d'y assister, et il écrivit qu'il adoptait une partie des décisions du concile et rejetait l'autre. Il céda enfin entièrement, avoua qu'il avait manqué à la charité en se séparant de la communion de ses frères, et déclara qu'après un plus mûr examen il condamnait les trois chapitres et les auteurs, complices et défenseurs de cet ouvrage, et se réconciliait entièrement avec ceux qui l'avaient censuré et condamné. L'auteur critique des Voyages des Papes remarque avec raison que les vacillations de Vigile, dans la doctrine des trois chapitres et sa condamnation, suivie d'une approbation partielle, suivie à son tour d'une condamnation totale, montrent assez que les papes peuvent errer sur des points de dogme.

Le concile dont nous parlons est connu, comme le cinquième concile général, sous le nom de second concile de Constantinople. Il n'était composé que de cent soixante-dix évêques. Il ne fut admis que longtemps après par l'église universelle, et ne fut reçu en Occident que quand le souvenir des trois chapitres eût été effacé de la mémoire. Encore n'est-il pas bien constant que les Églises d'Espagne et de France aient jamais fait un acte spécial de conformité à la doctrine de ce concile.

Malgré toute sa condescendance, Vigile ne put obtenir de Justinien la permission de retourner à Rome. Cet empereur fit même dire aux Romains, par le général Narsès, son vice-roi d'Italie, que s'ils n'étaient pas satisfaits de Vigile, ils pouvaient en choisir un autre. Il leur désignait à cet effet le diacre Pélage, ainsi que nous l'avons vu, légat du Saint-siège à Constantinople. Les Romains déclarèrent qu'ils ne songeaient pas à se choisir un autre pape tant que Vigile existerait, mais qu'après sa mort ils se conformeraient aux désirs de l'empereur, et choisiraient Pélage pour son successeur. Ce trait prouve toute l'autorité du souverain de Rome sur l'élection du souverain pontife et la corruption avec laquelle se faisaient les élections.

La promesse des Romains fut comme l'arrêt de mort de Vigile. Il partit pour la Sicile avec la permission de Justinien, et il y mourut le 10 janvier 555. Saint-Pierre Damiens, cardinal au onzième siècle, parle de Vigile comme d'un homme impie et odieux. Ce jugement sur un saint romain se trouve en effet solidement confirmé par la conduite hérétique, immorale et inique de ce pape. Aussi, même tout en connaissant le dessein de Baronius de louer tous les papes, et dans tous les cas, on ne peut cependant s'empêcher d'être étonné des éloges qu'il a donnés à Vigile dans ses Annales.



PÉLAGE Ier

LXe PONTIFE. - DE 555 A 560.

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 PÉLAGE Ier, archidiacre de Rome, légat du Saint-Siège à la cour de Constantinople, fils d'un Jean, vicaire du préfet du prétoire, fut peut-être aussi ambitieux et aussi inique que son prédécesseur ; mais il sut mieux dissimuler ses vices, parce qu'il avait plus de talent. Il contribua activement, de concert avec l'impie Vigile, à provoquer l'ordre exprès d'exil et de mort donné par l'impératrice contre le pape Silvérius. Depuis, et pendant la vie de Vigile, il chercha à se faire nommer à sa place, et le fit enfin tuer pour pouvoir lui succéder. Il ne put trouver de trois mois un seul évêque qui voulût le consacrer pape. Le peuple de Rome et toute l'Italie fuyaient toute espèce de communication avec lui. Le vice-roi Narsès trancha ces difficultés par la protection dont il le couvrit. Pélage monta en chaire tenant en main le crucifix et l'Évangile, et jura qu'il était innocent du meurtre de Vigile. Cette action commença à réconcilier les esprits à sa nomination, et à lui attirer le respect.

Les Églises d'Afrique, d'Espagne, de France, de Milan, avec ses provinces, d'Aquilée avec la sienne, d'Illyrie, et plusieurs autres Églises d'Europe et d'Asie, refusaient de reconnaître le second concile de Constantinople. Pélage essaya de vaincre leurs refus en les assurant que ce concile n'avait rien décidé de contraire à la doctrine du concile de Chalcédoine et de l'épître dogmatique du pape Saint-Léon.
Toutes les Églises avaient des doutes sur la catholicité de Pélage, et celui-ci ne put dissiper leurs soupçons qu'en leur envoyant sa profession de foi, et en leur promettant de leur en envoyer une autre plus détaillée s'ils n'étaient pas satisfaits de la première. Il affirmait entre autres choses, qu'il reconnaissait les quatre premiers conciles généraux comme autant de lois sacrées pour lui et ses successeurs sur les points de dogme et d'administration ; il déclarait vénérer comme saints, Yves, archevêque d'Edesse, et Théodoret, évêque de Cire, dont les ouvrages avaient été censurés par le second concile de Constantinople. Il avouait que tout ce qui avait été fait pendant la vie de l'impératrice Théodora pouvait être présumé contraire à la foi catholique. Il se soumit enfin, avec la perfidie la plus hypocrite, à toutes les humiliations qui pouvaient aider à le faire reconnaître pape légitime en Occident.

Dès qu'il fut reconnu, il laissa voir sous le masque de la religion toute la cruauté de son âme. II fut le premier pape qui engagea par écrit l'empereur et son vice-roi Narrés à déployer toutes les forces de leur pouvoir temporel pour persécuter et punir des peines les plus sévères, ceux auxquels il donnait le nom de schismatiques, parce qu'ils refusaient de recevoir comme un concile oecuménique l'assemblée de cent soixante-dix évêques d'Orient à Constantinople. Il est vrai qu'il ne demanda pas la peine de mort, mais seulement le bannissement, la réclusion et la confiscation des biens ; par-là, toutefois, il ouvrit la porte aux atroces châtiments introduits ensuite.

Il est bon de se rappeler aussi une clause contenue dans la lettre que cet homme vicieux écrivit à Childebert, roi de France, qui lui avait fait demander sa profession de foi par son ambassadeur Rufin.
« Pour éviter, dit-il, les soupçons scandaleux entretenus sur notre foi, nous devons faire une déclaration des sentiments que nous professons. Nous envoyons donc cette déclaration aux rois auxquels l'Écriture sainte nous fait un devoir de montrer notre respect et notre soumission. » Ce langage est bien différent de celui qu'ont tenu les papes depuis le onzième siècle.
Pélage mourut le 1er mars 560.



JEAN III

LXIe PONTIFE. DE 560 A 573.

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 Ce pontife fut consacré le 18 juillet 560, et mourut le 23 juillet 573. Les quatre mois de vacances viennent en partie de la nécessité où l'on était de consulter l'empereur de Constantinople sur l'élection, et d'attendre sa confirmation.

Pendant ce pontificat, les rois lombards s'emparèrent de l'Italie, à l'exception de l'exarchat de Ravenne, composé du territoire de cinq villes entre lesquelles se trouvait Rome. Les pontifes étaient soumis à l'exarque, et ne jouaient pas dans le monde un rôle très-important, faute d'affaires ecclésiastiques qui leur permissent de déployer leur ambition, particulièrement à l'égard des évêques d'Occident, qui relevaient de leur patriarchat.



BENOIT Ier

LXIIe PONTIFE. - De 573 A 578.

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 Le siège pontifical resta vacant pendant dix mois et vingt-et-un jours. Benoît fut consacré pape le 3 juin 574. La difficulté des communications avec l'empereur de Constantinople, à cause des troubles apportés en Italie par l'invasion des Lombards, fut la cause de ce long retard. C'est encore là une preuve de plus de la nécessité où l'on était de faire approuver par Sa Majesté impériale l'élection du pape.
Benoît mourut le 30 juillet 578, sans laisser après lui le souvenir d'aucun événement relatif à mon objet.



PÉLAGE II

LXIIIe PONTIFE. - DE 578 A 590.

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 Les guerres continuelles avec les Lombards, qui désolaient l'Italie, empêchèrent les Romains de compter, même après quatre mois de vacances du Saint-siège, sur la confirmation de l'empereur, de l'élection de Pélage. Il fut donc consacré le 30 novembre 578. Il mourut le 8 février 590.

Il ne paraît pas qu'il ait rien fait de relatif à l'objet dont nous nous occupons ici, si ce n'est d'avoir efficacement contribué à réunir Eutychius, patriarche d'Aquilée, les Églises d'Istrie, et les autres de son patriarchat, à l'Église de Rome, dont elles étaient séparées par suite de la condamnation des trois chapitres faits en l'an 553 dans le concile de Constantinople, qu'elles refusaient de reconnaître.
Pélage II donna en cette circonstance un exemple de modération digne d'être imité par ses successeurs. Il prit le terme moyen, que la raison et la prudence lui dictaient. Au lieu d'excommunier le patriarche d'Aquilée et les autres évêques, il chercha à les ramener par une première, une seconde et une troisième lettre. II avoua qu'ils avaient eu de justes motifs pour se conduire comme ils s'étaient conduits, avant que les faits fussent bien connus, puisqu'en effet les Latins n'avaient pas bien compris l'intention du concile de Constantinople. Eutychius et ses amis répondaient qu'ils ne pouvaient rien adopter de contraire à ce qui avait été décidé en Chalcédoine. Pélage répondit par une maxime qui mérite d'être conservée dans la mémoire des hommes. Il leur disait que les conciles généraux étaient obligatoires pour tout ce qui concernait les dogmes ; mais qu'il n'y avait aucun inconvénient à s'éloigner de leurs décisions dans les objets qui ne sont point de dogme. Il fallait des circonstances aussi critiques pour faire sortir de la plume d'un pape une telle proposition : car, dans toute autre circonstance, les papes ont toujours répété qu'on devait un crédit implicite à tout ce qui avait été décidé dans les conciles oecuméniques.



GRÉGOIRE-LE-GRAND

LXIVe PONTIFE. - DE 590 A 604

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 SAINT-GRÉGOIRE-LE-GRAND, ex-préteur de Rome, depuis moine, était fils du sénateur Gordien et de Sainte-Silvie et petit-fils d'un fils légitime du pape Félix III : II fut consacré pape le 3 septembre 590, avec l'approbation de l'empereur Maurice, auquel Grégoire avait écrit pour le prier de ne pas confirmer son élection. Il était uni d'amitié avec l'empereur Maurice depuis un voyage qu'il avait fait à Constantinople comme légat du pape Pélage II. Il mourut le 12 mars 604, laissant derrière lui d'assez fortes preuves de son zèle ardent, désigné sous le nom de vertu, pour l'agrandissement du siège pontifical, et de l'intolérance avec laquelle il considérait tout ce qui lui semblait contraire aux prérogatives.

Jean le jeûneur, patriarche de Constantinople, s'appropria le titre d'évêque oecuménique, équivalent à universel. Saint-Grégoire en fût très irrité parce que, selon l'opinion de ce saint, aucun évêque ne pouvait se revêtir de ce titre, et que vouloir le faire, c'était se transformer en antéchrist. N'ayant pu obtenir de Jean de renoncer à ce titre fraîchement usurpé, il écrivait à l'empereur Maurice, dont il était le compère spirituel, ayant tenu sur les fonts de baptême un de ses fils. Il était si violemment irrité de cette conduite, qu'il prit, par une extrémité contraire, le titre de serviteur des serviteurs de Dieu, qui a jusqu'ici été réservé aux papes.

Depuis lors Grégoire perdit toute l'affection qu'il avait eue pour l'empereur ; il en vint au point de rendre impossible de le justifier de la lettre qu'il écrivit depuis à Phocas. Cet usurpateur avait commis les actions les plus atroces pour se rendre maître du trône impérial. Il avait fait arracher les yeux en sa présence à tous les fils de Maurice, parmi lesquels se trouvait le filleul de Grégoire, et les avait fait tuer ensuite. Aussitôt après, il avait fait exécuter les mêmes cruautés contre l'impératrice Constantina et ses trois filles : ce furent là les degrés sanglants sur lesquels il s'éleva au trône. Grégoire lui écrivit en ces termes pour le féliciter sur son élévation.

« Bénissons Dieu qui change le temps et les royaumes ; qui envoie les princes aux hommes, tantôt comme des ministres de sa justice afin de les punir, tantôt comme des exécuteurs de ses miséricordes afin de les consoler. Nous voyons donc, avec le plus grand plaisir, que ta piété soit arrivée au trône de l'empire. Que les cieux et la terre s'en réjouissent ; que l'Univers entier fasse retentir son plaisir et implore pour toi les bénédictions divines (1) »

Le plus vil adulateur n'en pourrait jamais dire aillant s'il parlait surtout à un tyran, à un usurpateur, à un assassin, digne de tous les châtiments de la justice humaine.

(1) Saint-Grégoire-le-Grand, Ep. 36 
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