Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Ve SIÈCLE.

INNOCENT Ier

XLe PONTIFE. - DE 402 A 417

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 Nous allons parler d'un autre Pape, canonisé à cause de ce même zèle pour l'agrandissement de l'Église romaine. Il eut à soutenir de violents débats avec les patriarches d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, et avec le nouveau patriarche de Constantinople, successeur de Saint-Jean Chrysostôme, pour la sentence de déposition qui avait été publiée contre ce dernier dans les deux conciles de Chalcédoine.
L'empereur d'Orient Arcadius favorisa les patriarches de son empire contre les usurpations d'Innocent, qui en était venu au point de connaître des causes les plus légères, comme par exemple de ce que Jean, patriarche de Jérusalem, avait souffert qu'on inquiétât dans leur vie d'anachorète les deux vierges Eustochie et Paula, dirigées par Saint-Jérôme. Le pape Innocent ne put voir patiemment Arcadius accorder sa protection aux patriarches, et bannir Saint-Jean Chrysostôme. Il eut même l'audace d'excommunier l'Empereur, Les souverains peuvent apprendre par un tel événement quel dommage ils se font à eux et à leurs sujets, en permettant aux Papes d'avoir un rang et des dignités autres que celles dont jouissaient Saint-Lin et ses onze successeurs immédiats. Un siècle ne s'était pas encore écoulé que les Papes, grâces à l'impolitique Constantin, jouaient déjà un rôle dans le monde, et moins de cent ans avaient suffi pour qu'un Pape osât lancer des excommunications contre un successeur de ce même Constantin : tant avait eu de pouvoir un système suivi avec constance et uniformité.

Du temps des douze premiers Papes, les patriarches et les primats étaient si indépendants de Rome dans les affaires de dogme, qu'à peine communiquaient-ils avec elle. Peu à peu, les Papes se mêlèrent des affaires du gouvernement, et ils en vinrent au point qu'Innocent Ier osa les menacer de l'excommunication s'ils ne se conformaient pas en tout point aux décisions de l'Église romaine. En bannissant Saint-Jean Chrysostôme, l'empereur Arcadius n'avait fait qu'user de la souveraineté temporelle, sur l'exercice de laquelle la souveraineté spirituelle de Rome ne conférait aucun droit. Il résulta du zèle amer et pétulant d'Innocent, ce qui devait en résulter. L'empereur Arcadius s'exaspéra, et Saint-Jean Chrysostôme mourut dans son bannissement.

Une autre action du même Pape, donne lieu à des réflexions d'une différente nature. L'auteur des Voyages volontaires des Papes, depuis Innocent Ier jusqu'à Pie VI, imprimé en français à Vienne en Autriche, l'an 1782, par les libraires réunis, rapporte et prouve, sur l'autorité d'un historien contemporain, Zozyme, et sur d'autres témoignages, que, pendant le siège de Rome par Alaric, roi des Goths, en 410, le sénat romain, composé de sénateurs idolâtres, résolut de faire des sacrifices aux dieux tutélaires de Rome, et s'adressa au pontife chrétien comme au personnage le plus éminent en autorité, pour le prier de vouloir bien agréer ce sacrifice, puisque l'empereur Honorius demeurait à Ravenne.
Innocent voyant le sénat et les habitants plongés dans l'affliction, répondit qu'il y consentait, à condition que ce serait en secret. Le sénat désirait donner au peuple un témoignage de son zèle. Croyant d'ailleurs que les Dieux lui sauraient peu de gré d'un sacrifice qui ne serait pas célébré avec toute la solennité possible, il suivit lui-même en pompe la cérémonie au Capitule, avec les prêtres de ses Dieux, et offrit le sacrifice au milieu du plus grand appareil. Cependant les rigueurs du siège n'en continuaient pas moins, et le sénat se vit forcé de capituler avec Alaric. Il nomma des députés pour aller à Ravenne obtenir de l'empereur Honorius son agrément à cette capitulation. L'empereur refusa d'y souscrire. Alaric entra dans Rome. La ville souffrit des calamités de toute espèce, et Innocent resta à Ravenne sans vouloir retourner à Rome tant que la ville n'aurait pas repris sa tranquillité.

Une multitude de réflexions se présente déjà sur l'abandon qu'il fit de sa propre église dans un temps de calamités, que la présence du souverain pontife aurait peut-être pu alléger. Il y aurait encore beaucoup d'autres remarques à faire, mais la principale, celle qui se rapporte plus immédiatement à la présente histoire, c'est le consentement qu'il donna au sacrifice offert aux idoles par le sénat romain. L'unique raison peut-être, pour laquelle Salomon avait été accusé d'idolâtrie, était pour avoir approuvé l'idolâtrie de ses femmes. La conduite d'Innocent à cet égard est d'autant plus remarquable, qu'il poursuivait dans le même temps, avec une rigueur incroyable, Priscillien et d'autres, qui pourtant, à proprement parler, ne s'étaient pas rendus coupables d'idolâtrie, puisqu'ils professaient la religion chrétienne, et qu'ils ne différaient des autres chrétiens que par l'interprétation particulière qu'ils donnaient à quelques articles de foi.

Au souvenir d'un tel événement, je ne puis m'empêcher d'être étonné qu'Innocent soit placé au nombre des saints ; non pas qu'il ne le fût point (car celui sera peut-être un mérite auprès de Dieu d'avoir cédé bénignement, et pour l'amour de la paix, aux désirs du sénat et du peuple romain) ; mais parce que cette conduite répugne tout à fait aux principes adoptés dans les canonisations. Je suis certain que si Innocent n'eût pas été Pape, il eût été impossible de le canoniser.
Osius, évêque de Cordoue, avait bien moins d'obstacles contre lui, et son mérite était d'une bien autre nature que celui d'Innocent ; cependant, on ne put obtenir la canonisation d'Osius. Je ne sais, de plus, si jamais Innocent fut canonisé par un décret formel, et j'en dois d'autant plus douter qu'il n'en reste aucun acte authentique. Il ne suffit pas qu'on le trouve cité avec le surnom de Saint : c'était là un usage introduit dans les siècles de barbarie par les Romains, qui exploitèrent l'ignorance générale à leur profit, et persuadèrent à tout le monde que la vertu et la vérité étaient le patrimoine perpétuel de l'Église romaine, dont les pontifes avaient presque tous été des saints, conséquence nécessaire, suivant eux, de l'affection particulière avec laquelle Dieu lui-même conduisait l'affaire importante des élections du souverain pontife, en leur envoyant le Saint-Esprit en personne pour diriger le jugement et la volonté des électeurs.

La multitude de schismes et d'autres crimes commis ensuite par les élus, fait assez connaître que c'est là une imposture. Mais on n'allait pas si loin aux siècles de barbarie : la crédulité des ignorants de ce temps avait donné aux Papes modernes des armes pour combattre les critiques qu'ils taxaient d'impiété. Si c'était là de l'impiété, eux-mêmes en seraient coupables les premiers, puisqu'ils ne croient pas aux choses que par intérêt ils voudraient faire croire aux autres.



ZOZIME

XLIe PONTIFE, - DE 417 A 418.

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 Ce Pape, choisi le dimanche 18 mars 417 et mort le 26 décembre 418, laissa, durant son court pontificat d'un an neuf mois et quelques jours, de puissants témoignages du même esprit d'ambition et de despotisme dans le gouvernement universel de l'Église, que le Pape Victor avait commencé à manifester au second siècle, et qui, depuis lui, avait toujours été, comme nous l'avons vu, prenant de nouvelles forces.

Je laisse de côté tout ce qu'il fit contre Pélage, Céleste et plusieurs autres de son opinion, bien que je pusse fortement censurer sa conduite, si je me laissais entraîner par les déclamations de M. Prudhomme. Mais il n'en est pas de même de l'abus excessif d'autorité qu'il fît en nommant Patrocle évêque d'Arles, son vicaire pour les provinces ecclésiastiques et civiles de France, nommées alors l'une la province de Narbonne et deux, les provinces de Vienne et Dauphiné. Il lui confia le pouvoir de donner des lettres formées, c'est-à-dire, testimoniales, à tous les membres du clergé qu'il lui plairait de choisir, afin qu'en vertu de ces lettres, ils fussent reçus à communion partout où il leur conviendrait de se présenter. Il l'autorise également à ordonner (c'est ce que nous appelons aujourd'hui consacrer), les évêques dans les trois provinces désignées ; à connaître de toutes les causes ecclésiastiques qui s'offriraient à l'exception des causes majeures qu'il se réservait à lui-même ; enfin, à nommer les juges qui devaient prononcer dans ces causes.

Un excès de cette nature produisit tous les mauvais effets qu'on en devait attendre. Les évêques métropolitains de ces provinces et même les évêques diocésains qui n'étaient pas métropolitains, se trouvaient lésés par chacun des articles du plein pouvoir donné au vicaire Pontifical. Ils ne purent supporter patiemment un tel empiétement. La paix de l'Église gallicane fut troublée, et il en résulta un certain schisme très funeste ; car, tandis que quelques évêques voulaient maintenir leurs droits, les autres consentaient à l'usurpation par respect pour le siège de Saint-Pierre, qui, déjà, commençait à être vu avec un respect superstitieux, c'est-à-dire, avec l'idée que la vénération qu'il devait inspirer consistait à laisser le Pontife romain faire, au nom de Saint-Pierre, tout ce qui lui conviendrait, sans autre responsabilité que celle du tribunal de Dieu.

Cette maxime, qui commença en France par les motifs que je viens d'indiquer, est la source véritable de l'accroissement successif du despotisme papal. Si tous les évêques français avaient agi sur un plan uniforme de résistance aux usurpations du Pape Zozime, il y a des raisons de croire que ses successeurs auraient été plus modérés. Mais l'issue de cette entreprise ayant répondu aux désirs du Souverain Pontife, cela servit de fondement à de nouveaux projets ; et cet événement servit désormais d'exemple pour attester et le droit des Papes et la soumission des évêques.

Zozime ne tarda pas en effet à se croire délié de l'obligation d'observer les canons, et s'imagina qu'il était supérieur aux lois ecclésiastiques. Abusant de la lettre d'une déclaration du concile, tenu à Sardes, il prit connaissance d'une affaire déjà terminée dans les Conciles d'Afrique. Au grand scandale des évêques africains, le prêtre Appiarius, condamné par Urbain, évêque de Sicca, recourut à l'appui du Pape. Il était certain que toutes les affaires devaient être terminées dans la province même et que les divers évêques rassemblés par le Métropolitain, étaient les seuls et suprêmes juges. Zozime accepta le recours ; il lui était fort agréable de voir ainsi les évêques et le clergé de tout le monde chrétien, persuadés que la chaire de Saint-Pierre était le trône d'un monarque ecclésiastique près duquel chacun pouvait venir demander justice, en cherchant à se soustraire à ses juges naturels, et en éludant les lois de son pays. les empereurs ne devaient pas tolérer cet abus, et souffrir que les vassaux éludassent les lois de leur province. Il était contraire à toute bonne administration civile, de fournir l'occasion à des voyages longs et dispendieux qui appauvrissaient les familles. Mais les empereurs d'Occident, depuis Honorius et ses successeurs, étaient tombés dans une faiblesse extraordinaire, et contemplaient avec indolence les usurpations des Papes. Ces derniers profitèrent de l'occasion, et laissèrent à leurs successeurs l'héritage de leurs excès honorés du nom de vertueux zèle, avec l'avantage de pouvoir en appeler à leur pontificat pour prouver la possession de prérogatives qu'aucun des douze premiers Papes n'avait connues et n'avait pensé à s'approprier.



BONIFACE Ier

XLIIe PONTIFE. - DE 418 A 422

Troisième schisme.

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 La mort du Pape Zozime produisit un schisme dont l'histoire rentre, en grande partie, dans celle que nous écrivons, puisqu'elle nous montre toute la force de l'intervention du souverain temporel, dont la décision y mit fin.
L'empereur Honorius termina le schisme de sa propre autorité, en ordonnant qu'on regardât Boniface seul comme véritable pontife. Je ne fais aucun cas ici des déclamations de M. Prudhomme, fondées sur une narration peu sincère. L'histoire ecclésiastique de Fleury est plus fidèle, et les documents originaux qu'on y cite suffiraient seuls pour indiquer le degré d'usurpation où en étaient arrivés les Papes des siècles précédents, qui voulaient faire oublier la dépendance dans laquelle leurs prédécesseurs avaient vécu, et l'aveu fait par eux, en mille occasions, que le souverain temporel disposait d'une foule de prérogatives qu'ils voulurent faire rentrer ensuite dans la dépendance unique du pouvoir spirituel.

Zozime mourut le 26 décembre 418, et le préfet de Rome Symmaque, bien qu'idolâtre, exhorte le peuple à laisser le clergé se choisir librement et tranquillement un nouveau Pape. Plusieurs évêques du voisinage de Rome se réunirent aussitôt pour célébrer l'élection. Le 27, avant que les offices des funérailles fussent terminés, l'archidiacre de Rome, Eulalius, se rendit à l'église de Saint-Jean-de-Latran avec tous les diacres de la ville, quelques prêtres et une grande quantité d'hommes du peuple. Il ferma les portes du temple, et en sortit Pape. L'évêque d'Ostie à qui appartenait, d'après un ancien usage, la prérogative de consacrer les Papes, lui donna la consécration le dimanche suivant, 29 du mois.

D'un autre côté, avant que la consécration eût été faite, immédiatement après les funérailles de Zozime, presque tous les prêtres de Rome, une grande partie du peuple et quelques évêques s'étaient déjà retirés dans l'église de Théodore, et avaient résolu d'élire Boniface, ancien prêtre de la ville. Ils députèrent trois prêtres pour aller à l'église de Latran, et signifier à ceux qui y étaient réunis de ne pas aller plus avant, sans communiquer ce qu'ils faisaient à la majeure partie du clergé de Rome, rassemblée dans le temple de Théodore. Les partisans d'Eulalius traitèrent mal les députés, et ne tinrent aucun compte de leurs prières. Nous venons de voir, en effet, qu'ils avaient procédé à la consécration.

Le préfet Symmaque fit comparaître, en sa présence, les principaux partisans de Boniface, le samedi 28 de ce mois, et leur signifia de ne rien faire qui fût contraire aux règles, car, autrement, il en punirait la violation. Ceux-ci, crurent ou feignirent de croire qu'ils ne manquaient pas aux règles en assemblant, ainsi qu'ils le firent, le dimanche 29 déjà cité, dans l'église de Saint-Marcellus, neuf évêques, soixante-dix prêtres et une grande multitude de peuple. Là, ils consacrèrent solennellement Boniface ; tandis qu'à Latran, l'évêque d'Ostie en faisait autant d'Eulalius. Boniface fut conduit, en pompe et au bruit des applaudissements, dans le temple de Saint-Pierre.

Le même jour, Symmaque écrivit à l'empereur Honorius, à Ravenne, pour lui donner acte du tout, et lui dire que, puisqu'il appartenait à sa majesté d'invalider l'une des deux élections et d'approuver l'autre, il attendait ses ordres à cet effet. Le 3 janvier 419 Honorius ordonna qu'on teint Eulalius pour légitime Pape, et que Boniface sortît de Rome. Le préfet Symmaque reçut cet ordre le 6 janvier au soir, jour de la grande solennité et de la procession en l'honneur de la fête de l'Épiphanie. Il fit signifier à Boniface le décret impérial, annonce certaine des séditions populaires, des morts horribles, des désordres et des malheurs de toute espèce qui en devaient résulter.

Les électeurs de Boniface écrivirent à l'empereur, et lui racontèrent l'affaire à leur manière, pour prouver que l'élection d'Eulalius était séditieuse, illégitime et contraire aux règlements. Ils promettaient de comparaître tous devant Sa Majesté avec Boniface lui-même à leur tête, et demandaient qu'on exigeât la même soumission d'Eulalius et de ses partisans, afin que Sa Majesté pût prononcer avec connaissance de cause. Honorius approuva la justice de cette demande, et le 15 du même mois il écrivit à Symmaque qu'il eût à suspendre l'exécution de son rescrit du 3 janvier, et à ordonner aux deux partis de comparaître à Ravenne le 8 février, sous peine pour celui qui ne se présenterait pas, de perte totale de ses droits.

En même temps, l'Empereur ordonna à plusieurs évêques estimés d'Afrique, d'Italie et de France, de se rendre à Ravenne pour y former un concile et prononcer sur la question du schisme romain. Symmaque, sous la date du 25 janvier, écrivit à l'Empereur que, de son côté, il avait exécuté les ordres contenus dans sa lettre du 15. Les évêques réunis furent de tant d'avis différents, que l'Empereur se vit forcé de convoquer un autre concile plus nombreux que le premier pour le 1er mai, ordonnant qu'Achilles, évêque de Spolette, remplît provisoirement à Rome les fonctions de Pape, surtout pendant les fêtes de la Pâques du 30 mars 419. Eulalius et Boniface devaient toujours, en attendant, résider hors de la ville. C'est là le sujet de la lettre qu'il écrivit au préfet en date du 15 du même mois de mars. Parmi les évêques nouvellement convoqués, les plus célèbres étaient Saint-Paulin, Saint-Augustin, Saint-Alipius, Saint-Evodius et Aurèle, primat d'Afrique.

Eulalius refusa d'obéir au décret impérial. Au mépris de ses ordres, il entra à Rome le 18 mars. Achilles, évêque de Spolette, arrive le 21 pour exécuter les ordres de l'Empereur. Les partisans qu'Eulalius avait parmi le peuple se soulevèrent et causèrent de grands troubles, que le préfet, malgré le secours des principaux citoyens, ne put parvenir à étouffer sur le champ, parce qu'une multitude d'esclaves s'était présentée en armes sur la place de Vespasien, pour faire tête aux partisans d'Eulalius. Le préfet, supposant bien que les deux partis se préparaient à une guerre civile, écrivit à l'Empereur pour recevoir ses ordres positifs à l'occasion de la Pâques qui avait lieu le 30.
L'Empereur lui répondit le 25: « Eulalius étant entré à Rome malgré notre défense, il faut qu'il en sorte afin d'ôter tout prétexte à la sédition, et cela, sous peine de perdre sa dignité et peut-être sa liberté. En vain s'excuserait-il sur ce que le peuple l'y a forcé. Que tous ceux qui communiquent avec lui, prêtres où laïques, soient punis à proportion de leurs fautes. L'évêque de Spolette sera chargé des saints offices pendant tout le temps de la Pâques. L'église de Saint-Jean-de-Latran lui sera exclusivement réservée. » Les officiers du préfet Symmaque furent chargés de l'exécution du décret, sous peine d'amendes considérables et même sous la responsabilité de leur vie.

Symmaque fit signifier ce décret à Eulalius ; mais ce dernier souleva le peuple, et refusa de sortir de Rome. Avec le secours de ses partisans il s'empara de l'église de Latran, y célébra le samedi saint, y baptisa solennellement et y remplit diverses fonctions comme s'il eut été véritablement Pape. Le préfet réunit ses hommes et rejeta Eulalius hors de l'église et de la ville. Achilles, évêque de Spolette, célébra toutes les fêtes de la Pâques. L'Empereur bannit Eulalius, punit plusieurs des prêtres auteurs de la sédition, et déclara, le 3 avril, que Boniface serait considéré comme le vrai Pape. Le décret impérial arriva le 8 à Rome, et le peuple qui ne souhaitait plus que la tranquillité, applaudit à cette résolution. Eulalius s'étant soumis, fut nommé évêque de Népi. Ainsi se termina le schisme. Le concile convoqué pour le 1er mai, devenait inutile, et il ne se tint pas.

On peut tirer de ce fait une multitude de conséquences relatives à des points de droit et à la politique. On y apprend quel était véritablement le juge dans une affaire de schisme sur le Pontificat, on y voit que la prérogative du souverain était si bien reconnue, que l'absence de l'approbation impériale suffisait pour annuler une élection. Si cette coutume s'était toujours conservée, les histoires ne seraient pas remplies de tant de guerres scandaleuses qui ont désolé l'Europe, parce qu'il a plu aux Papes d'oublier ou d'affecter d'oublier un fait aussi décisif que la dispute entre Boniface et Eulalius, pour s'arroger des prérogatives supérieures aux prérogatives impériales.

Ce Pape est, je ne sais pourquoi, cité aussi au nombre des saints. La vérité est que son parti excita autant de troubles, et fit périr autant de monde que l'autre. S'il n'eut pas été possédé d'une extrême ambition de commander, on ne l'eut pas élu, puisque déjà l'archidiacre Eulalius venait de l'être, bien ou mal ; sans la désobéissance de ce dernier, aux ordres de l'Empereur, son droit l'eut certainement emporté. Aussi, se vit-on forcé de le relever de son bannissement et de lui accorder un évêché particulier. Ce sont là autant de circonstances qui diminuent beaucoup de la bonne opinion qu'on pourrait avoir des vertus héroïques de Boniface. Si, au lieu d'avoir été évêque de Rome, Boniface eut été évêque de Constantinople, il ne serait certes pas sur la liste des saints.



CÉLESTIN Ier

XLIIIe PONTIFE. - DE 422 A 432.

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 De son temps, en 431, se célébra le concile général d'Éphèse contre Nestorius, patriarche de Constantinople, et le Pape n'y prit pas plus de part qu'aucun autre évêque. Ce fut l'empereur Théodose II qui le convoqua, et fixa le lieu, le temps et l'objet. Il expédia lui-même les lettres aux patriarches, primats et métropolitains de l'Orient, et au Pape, pour tous les évêques d'Occident. Saint-Célestin envoya des députés ; mais le concile était déjà assemblé quand ils arrivèrent. Déjà, sous la présidence de Saint-Cyrille, patriarche d'Alexandrie, ils avaient tenu quelques sessions, prononcé et promulgué la condamnation de l'hérésie, ainsi que de l'hérésiarque et de ses sectaires.
Dans la lettre lue en plein conseil, Célestin reconnaissait que les évêques tenaient leurs droits et leur pouvoir, d'institution divine. Loin de se plaindre qu'on eût commencé le concile sans attendre ses députés, il les chargeait au contraire, par les missives dont ils étaient porteurs, et qui furent lues pendant la session du concile, de se justifier de leur retard occasionné par leur éloignement du lieu du concile ; il annonçait de plus qu'il approuvait tout ce qui aurait été décrété par le concile avant leur arrivée, si les décrets étaient conformes aux règles établies.

On peut faire les mêmes observations, quant à la compétence des Papes, sur les conciles généraux de Nicée, en 325, et de Constantinople, en 380. De telle sorte que personne ne peut refuser aux Empereurs le droit de commander à l'évêque de Rome et aux autres évêques chrétiens de son empire, de se réunir dans le lieu et au temps fixés, afin d'y discuter sur la foi et sur les autres questions ecclésiastiques. L'ignorance seule des siècles postérieurs et la subversion de l'empire romain ont pu donner lieu à l'introduction d'idées contraires.

La division de l'Europe en plusieurs royaumes ne se serait opposée en rien à la continuation de ce système, si les souverains eussent voulu continuer de leur côté à fixer le temps et le lieu. L'empereur d'Allemagne, Charles V, soutint contre le Pape ses droits à cet égard, et il devait le faire par considération pour les protestants. Il insista avec fermeté pour que le concile général ne se tint pas à Trente, mais dans quelqu'autre ville d'Allemagne où les protestants pussent se rendre sans avoir de prétexte pour alléguer, ainsi qu'ils l'avaient fait, leurs craintes de l'influence prépondérante de Rome.
Il est certain que cette influence avait été portée à un excès bien au-delà de ce qu'il était convenable au bien de l'Église. Cette détermination n'avait nullement satisfait Jules III, qui, par cette raison, voulait transférer le concile à Bologne. Il est honteux pour Charles V, et injurieux à la cause du christianisme, qu'on ait confondu, comme on le fit au concile de Trente, les intérêts de la religion avec les intérêts du Pape ; une telle conduite, due à la faiblesse des souverains et à la lutte d'intérêts profanes opposés entre eux, en fournissant aux hétérodoxes une occasion et un motif suffisant de s'opposer aux décisions du concile, qu'ils regardèrent comme non libres et servilement subordonnées à la volonté du Pontife, fit souffrir au catholicisme un dommage irréparable.



SIXTE III


XLIVe PONTIFE. - DE 432 A 440

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 L'historien Platina, dans son ouvrage intitulé : Vies des Papes, dit que Sixte III fut accusé par un nommé Bassus, dans un concile de cent cinquante évêques, qui l'acquitta, et condamna Bassus comme calomniateur. L'empereur Valentinien, ajoute-t-il, bannit ce dernier, et confisqua ses biens au profit de l'Église romaine. Le cardinal Baronius dit que l'accusateur était Anicius Bassus, ex-consul de Rome, et que le crime dont Sixte fût accusé était d'avoir abusé d'une jeune fille qui avait consacré sa virginité au Seigneur. Ce procès fut présenté et examiné dans le concile romain tenu en 433. En supposant que l'accusation fût calomnieuse, cela suffirait-il pour faire canoniser Sixte ? Sur quoi se fonde donc cette canonisation ? Quelles sont les vertus héroïques qui la lui ont méritée ?



LÉON Ier, LE GRAND

XLVe PONTIFE. - DE 440 A 461.

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 Ce saint pontife manifesta un grand zèle contre les hérétiques, et particulièrement contre les manichéens. Malheureusement ce zèle n'était pas conforme à l'esprit de douceur de Jésus-Christ ; mais plutôt à la rigueur réprouvée dans l'Évangile par l'exemple de l'apostat Saint-Pierre envers les Samaritains, sur lesquels il voulait faire descendre le feu du ciel.

Il délivra Rome du sac et de l'incendie dont la menaçait Attila, roi des Huns; mais trois années après il ne put en obtenir autant de Genséric, roi des Vandales, qui saccagea la ville pendant quatorze jours. On dit qu'Attila se laissa fléchir parce qu'il avait cru voir aux côtés de Léon un guerrier céleste qui le menaçait de la colère de Dieu s'il se refusait à sa demande. Si cela était vrai, pourquoi n'en aurait-il pas été de même ensuite avec Genséric ?

Saint-Léon fut fidèle à l'esprit héréditaire d'agrandissement qui lui avait été légué par ses prédécesseurs. Il chercha à s'immiscer dans toutes les affaires qui se présentaient en Orient et en Occident. Les patriarches de Constantinople, d'Alexandrie, d'Antioche, de Jérusalem, les primats d'Éphèse, de Césarée, de Carthage, d'Illyrie, de Thrace, de Macédoine, des Gaules, des Espagnes, et beaucoup d'autres métropolitains de toutes les autres parties du monde chrétien, eurent avec lui des querelles sur leur juridiction, et Saint-Léon ne perdit aucune occasion de faire croire à tous qu'en sa qualité de successeur de Saint-Pierre, il avait droit à leur obéissance, aussi bien dans les causes de discipline universelle que dans les questions relatives à l'administration intérieure et particulière des provinces dans lesquelles cependant il n'aurait pas dû s'entremêler s'il eut voulu imiter les douze premiers Papes.

Cette conduite l'exposa à une très-grande mortification de la part du concile général de Chalcédoine, convoqué en 451, par l'empereur Marcien. Les évêques assemblés y accordèrent au patriarche de Constantinople une juridiction, primatiale sur les provinces d'Illyrie, de Thrace, et sur celle d'Éphèse. Ils s'exprimaient en ces termes :
« Les anciens pères ont accordé quelques privilèges au siège de l'ancienne Rome, parce qu'elle était la résidence de la cour impériale. Excités par le même motif, les cent cinquante évêques de Constantinople, aimés de Dieu, ont concédé de semblables privilèges au Saint-siège de la nouvelle Rome, pensant avec raison qu'une ville honorée de la résidence d'une cour, d'un sénat impérial et de privilèges égaux à ceux de l'ancienne Rome, devait être exaltée et agrandie dans l'ordre ecclésiastique de manière que la seconde Rome ne le cède en rang qu'à l'ancienne Rome. »

Ce canon est précieux à la fois par ce qu'il contient et parce qu'il laisse inférer. On y trouve, en effet, un témoignage éternel de la vérité reconnue par tous les critiques judicieux, mais défigurée par les Romains ; c'est-à-dire que l'extension de la juridiction des Papes hors de l'Occident ne vient pas d'une concession directe de Jésus-Christ, ni d'une transmission de Saint-Pierre, mais de la volonté des évêques réunis à Nicée, Sardes et autres conciles, ou du consentement des autres, par égard pour Saint-Pierre et Saint-Paul, martyrisés à Rome. Voilà pourquoi Saint-Polycrate et les autres évêques d'Asie, Saint-Cyprien et les autres évêques d'Espagne, résistèrent aux usurpations commencées par le pape Victor, continuées par Saint-Étienne, et augmentées successivement par tous ceux qui vinrent après lui.



HILAIRE

XLVIe PONTIFE. - DE 461 A 468.

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 Hilaire fut élu pape le 10 novembre 461, et mourut le 21 février 468, C'était un homme d'un caractère intolérant ; il le fit assez voir par l'obstination avec laquelle il s'opposa à la tolérance de toutes les sectes que l'empereur Anthémius voulait introduire à Rome ; la faiblesse de ce souverain ne fit qu'encourager Hilaire, On peut réprouver des doctrines, et tolérer cependant ceux qui professent ces doctrines. Il rentre dans l'autorité propre du Pape de juger des unes, il n'appartient qu'au souverain temporel de prononcer sur les hommes.



SIMPLICIUS

XLVIIe PONTIFE. - DE 468 A 483.

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 SAlNT-SIMPLICIUS fut consacré Pape, le 25 février 468 ; il mourut le 27 du même mois 483 - Son pontificat vit la fin de l'empire d'Occident et le commencement de la domination des nations septentrionales en Italie. Le dernier empereur, Romulus Augustule, étant mort en 475, Odoacre, roi des Erules, se mit en possession de la souveraineté territoriale. Ce dernier mourut en 493, époque où commença le règne des Ostrogoths. Théodoric, premier roi d'Italie, était très ignorant, comparé même à ceux de sa nation, puisqu'il ne savait pas écrire ; il était cependant doué de beaucoup de talents naturels, comme le témoigne sa conduite politique, supérieure à celle de beaucoup de princes modernes.

Ces nouveautés eurent une influence extraordinaire en faveur des maximes du pontificat romain, dont les possesseurs ne perdaient jamais de vue le projet de réunir à leur autorité ecclésiastique la domination de la ville de Rome où ils régnaient déjà indirectement depuis que les empereurs d'Occident avaient abandonné Rome pour fixer la résidence de la cour impériale à Ravenne.
L'élévation de la dignité papale, l'étendue des pouvoirs que les Papes s'étaient successivement appropriés depuis la conversion de l'empereur Constantin-le-Grand, la faiblesse et l'ignorance des successeurs de Théodose et la réunion de beaucoup d'autres circonstances, avaient donné aux souverains pontifes un très-grand ascendant sur les préfets de Rome et sur les empereurs eux-mêmes. Il ne leur manquait que la souveraineté temporelle pour régner en leur propre nom. Mais les rois Odoacre, Théodoric et leurs successeurs étaient hérétiques ariens, et cette diversité de religion devait inspirer aux Papes une politique bien différente, et produire dans leurs idées une grande variation. Ainsi nous verrons les Papes, pour mieux établir leur autorité à Rome, tantôt montrer de la préférence pour la domination des Goths, et tantôt pour celle de l'empereur d'Orient qui, avec le temps, s'était emparé d'une bonne partie de l'Italie. L'équilibre entre les deux puissances fut le prétexte à l'aide duquel les Papes les éloignèrent de Rome l'un et l'autre, et restèrent ainsi comme vice-souverains sans titre, mais avec l'espérance de l'avoir un jour.

Saint-Simplicius ne vit pas l'accomplissement de ce dessein, mais il le hâta en cherchant à se rendre agréable à Odoacre et à Théodoric à la fois
Le Pape poursuivait avec animosité ses débats en Orient au sujet des élections et des limites à poser au pouvoir des patriarches de Constantinople, d'Alexandrie et d'Antioche, de manière qu'il en résulta, entre ces différentes églises, un schisme qui dura jusqu'au pontificat d'Hormisdas. Je ne sais rien des canonisations des papes Simplicius, de son prédécesseur Hilaire et des autres Pontifes. Si je les appelle Saints, c'est qu'ils sont connus sous ce nom dans les ouvrages imprimés ; mais je fais l'humble aveu de mon ignorance. Dans les historiens ecclésiastiques qui font autorité, je n'ai jamais rien lu sur les vertus héroïques d'Hilaire et de Simplicius, qui soit propre à servir de fondement à toutes ces canonisations. Il serait possible qu'il en fut de leur canonisation comme du martyre faussement allégué de leurs prédécesseurs, et que les unes ne soient pas plus vraies que les autres.



FÉLIX

XLVIIIe PONTIFE. - DE 483 A 492.

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 Ce Pape fut élu le 2 mars 483, et mourut le 24 février 492- Son élection fut faite en présence et sous l'autorité de Basilius, préfet de Rome, commissionné à cet effet par le roi Odoacre, appelé Barbare, parce qu'il n'était pas Romain, mais qui, bien loin d'avoir rien de barbare dans ses moeurs, était au contraire tolérant et modéré. Il professait l'arianisme, et cependant, loin de persécuter ceux qui suivaient la religion catholique, il les protégea, leur confia les premières charges de l'état, et veilla à ce que l'élection du souverain pontife se fit conformément aux règles établies. Les Papes devraient se proposer un tel modèle, et ne pas croire se disculper, en alléguant la vérité de la religion catholique, puisque les ariens et ceux qui professaient un autre culte en croyaient autant du leur.

Félix assembla à Rome un concile contre Acacius, patriarche de Constantinople, qui y fut déposé et excommunié pour avoir favorisé ceux qui prétendaient détruire l'autorité du concile de Chalcédoine. Il est bien remarquable de voir les pontifes romains réduits à la nécessité de se faire les apologistes de ce même concile, où l'on avait déclaré que le privilège du siège romain n'était qu'une concession volontaire des autres évêques.

La déposition d'Acacius consolida le schisme d'Orient commencé pendant le pontificat de Simplicius. L'empereur Zénon se refusa à la révocation de l'édit de profession de foi, connu sous le nom de zénotique, malgré tout ce que lui dit Félix, des obligations du souverain temporel qui devait obéir à l'église catholique et au siège de Saint-Pierre, et ne pas prétendre leur imposer des lois. C'était pour la première fois qu'un pontife romain osait faire une telle proposition à un empereur. Il est bon cependant d'en rappeler la date.
L'empire d'Occident avait cessé d'exister, et la domination d'Odoacre faisait qu'on n'avait plus à Rome aucun égard pour l'empereur d'Orient. Combien de choses plus graves n'eut-on pas pu se permettre. Cependant on ne voit pas que Félix ait en rien cherché à irriter l'empereur. Il est constant, au contraire, que tous les Romains, sans exception même du Pape, faisaient de leur mieux pour se conserver sa bienveillance. En examinant de près cette manière de se conduire si différente envers l'arien Odoacre et le catholique Zénon, on pénètre bien avant dans la politique des Papes.
Je ne connais rien non plus des vertus héroïques, qui ont pu mériter à Félix une canonisation.



GÉLASE Ier

XLIXe PONTIFE. - DE 492 A 496.

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 SAINT-GÉLASE fut élu le premier mars 492, et mourut le 19 novembre 496.
Il eut de grandes contestations avec les Orientaux et particulièrement avec l'empereur Anastase Ier et avec le patriarche Euphénius, successeur d'Acacius. Il soutint avec une obstination extraordinaire et tout l'entêtement du préjugé, les prérogatives de son siège, eu refusant de reconnaître celles de Constantinople. Il savait bien tous les obstacles que lui opposaient les décisions du concile de Chalcédoine. Aussi prétendait-il que ces décisions n'étaient de nulle valeur, attendu que le pape Léon et ses successeurs ne les avaient pas sanctionnées de leur consentement, parce qu'elles étaient contraires à la coutume ancienne. Ses lettres contiennent des expressions très fortes en faveur du pouvoir des papes sur toutes les églises du monde, et de l'indépendance de l'Église de Rome, dont les prélats ne pouvaient, suivant lui, être jugés par personne. Saint-Gélase paraissait ne plus se souvenir de ce qui était arrivé pendant les deux premiers siècles ; car il est impossible d'aller plus loin que lui dans les motifs qu'il allègue en faveur des vues ambitieuses de la curie romaine sur les affaires ecclésiastiques.

Cependant, il est de fait que les pontifes ses successeurs ont encore été beaucoup plus loin : car, suivant les prétentions de Gélase et les préceptes sur lesquels il les appuyait, tout le pouvoir des papes dans les affaires des autres églises, se réduisait aux questions de religion et de morale, à celles de discipline universelle, aux intérêts des évêques en particulier, et au droit d'appel, laissé à ceux qu'avaient condamnés les patriarches, les primats, les métropolitains indépendants et les conciles provinciaux. Mais, quant à tout ce qui concerne les dispenses de mariage, les irrégularités, les excommunications, les censures, l'administration du sacrement de l'ordre, la nomination de personnes aux offices à bénéfices ecclésiastiques, le gouvernement des paroisses et tous les détails du régime intérieur des diocèses, Saint-Gélase reconnaissait que tout cela était de la compétence des seuls évêques.

Après de tels empiétements, il est peut-être convenable de rappeler ici quelques vérités, afin de mieux faire voir combien les successeurs de Gélase ont encore été au-delà.
Dans son livre sur l'anathème, Saint-Gélase a traité de la distinction qui existait entre le pouvoir ecclésiastique et le pouvoir séculier, et a établi des principes arbitraires et dénués de toute espèce de fondement ; il disait cependant :
« que Dieu connaissant la faiblesse humaine, et voulant sauver les siens par l'humilité, avait séparé de telle manière le pouvoir ecclésiastique du pouvoir séculier, que les empereurs chrétiens avaient besoin des pontifes pour la vie éternelle, et que les pontifes obéissaient dans les choses temporelles aux ordonnances des empereurs : les serviteurs de Dieu ne se mêleront point des choses séculières, et les souverains, des choses divines. Ainsi, chacun des deux ordres conserve ses limites, et chacune des deux professions dirige les actions qui rentrent dans son attribution. »

Si les papes Zacharie, Grégoire VII, et leurs successeurs eussent approuvé cette doctrine de Saint-Gélase, ils n'eussent pas accepté la souveraineté temporelle de Rome, ou stipulé pour obtenir celle d'autres districts, sachant bien qu'ils ne devaient pas se mêler des affaires temporelles. Quatre siècles et demi auparavant, l'apôtre Saint-Paul le leur avait déjà défendu. « Aucun de ceux, disait-il, qui se sont consacrés au service divin ne doit s'embarrasser du soin des affaires temporelles. »



ANASTASE II

L e PONTIFE. - DE 496 A 498

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 SAINT-ANASTASE II fut élu pape le 24 novembre 496, et mourut le 17 du même mois, 498.
Il écrivit à l'empereur Anastase Ier, pour lui persuader de renoncer à l'édit hénotique de son prédécesseur Zénon, de professer publiquement la doctrine du concile de Chalcédoine contre Eutychès, de se séparer de la communion du patriarche Macédonius, successeur d'Acacius et d'Euphénius, de donner son adhésion entière aux décisions de l'Église romaine, afin de cimenter ainsi la réconciliation des Églises d'Orient et de Rome ; mais le pape mourut avant de recevoir une réponse, et, malgré le témoignage de Platine et d'autres écrivains, ne se vit pas dans la position d'excommunier l'empereur.



SYMMAQUE

LI e PONTIFE. - DE 498 A 514

Quatrième schisme.

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 Le même jour furent élus à la fois deux pontifes romains, Symmaque, archidiacre, et Laurence archiprêtre. Cette double élection amena le tumulte, la guerre civile, les homicides et toutes les horreurs qui en résultent communément.
On ne put arrêter le mal, ni le diminuer qu'en s'adressant à Théodoric, roi des Ostrogoths, dont la cour se tenait à Ravenne. Ce roi était arien ; cependant on se soumit à recevoir pour pontife celui des deux concurrents qu'il désignerait. Théodoric, informé que Symmaque avait été le premier élu, et qu'il l'avait été par un plus grand nombre de prêtres romains, le désigna pour pontife. Les partisans de Laurence accusèrent Symmaque d'un grand nombre de crimes, prièrent le roi de prononcer sur la validité de leur accusation, et de nommer, en attendant, un évêque de Rome par intérim sous le titre de visiteur.
Théodoric nomma l'évêque d'Altine, et convoqua un concile des évêques d'Italie pour prononcer dans cette cause. Les prélats acquittèrent Symmaque, disant qu'ils ne l'acquittaient qu'à l'égard des jugements humains, attendu qu'étant inférieurs au pape, ils pensaient qu'un tel jugement devait être réservé à Dieu seul. Le même Symmaque avoue que, dans le cas où le pasteur se tromperait en matière de foi, et ferait tort à ses ouailles, mais dans ce cas seul, il pouvait être mis en jugement par elles. L'empereur Anastase l'accusa d'être manichéen, et un autre d'être adultère. Les deux imputations se trouvèrent calomnieuses.

Les écrits de Symmaque et sa conduite dans la querelle du schisme lui font beaucoup d'honneur. On ne peut lui reprocher que la dureté avec laquelle il traita l'empereur Anastase, qu'il refusa d'admettre à sa communion, parce que cet empereur avait refusé son consentement à la condamnation de la mémoire d'Acacius, et parce qu'il communiquait avec les hérétiques eutychéens. Cette conduite de Symmaque était d'autant plus blâmable, que le pape et son clergé étaient en même temps en communication très intime avec le roi Théodoric, hérétique arien. Mais ce qui est digne surtout d'attention dans cette histoire, c'est que les Romains reconnaissaient dans le roi le pouvoir légitime de décider quel devait être le véritable pape, d'après les mêmes principes sur lesquels avait été établi le jugement rendu par l'empereur Honorius, en 418, dans le troisième schisme suscité par Eulalius contre Boniface. On ne s'était pas arrêté à ce que Théodoric était hérétique ; on n'avait vu en lui que le souverain de Rome. L'expérience fit voir l'utilité de cet appel. Les schismes avaient été terminés en moins de temps et avec moins des calamités ordinaires dans les guerres civiles, que quand la décision des schismes fut confiée à la décision des seuls évêques.

Ceux qui affirment que le Saint-Esprit assiste aux élections des papes, et dirige la volonté des électeurs, devaient, avant de s'avancer aussi loin dans leurs idées fanatiques, réfléchir plus mûrement sur tout ce qui s'oppose à l'intervention de l'esprit saint, les homicides, les guerres civiles et les inimitiés qui furent la conséquence des schismes ; car on ne peut attribuer de si funestes résultats a l'influence de l'action de Dieu.

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