Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

IVe SIÈCLE.

MARCELLUS

XXIXe PONTIFE. DE 308 A 310

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Quoique le siège pontifical ait été laissé vacant en 304 par la mort du Pape Marcelin, on ne donna un successeur à ce dernier qu'en 308. La cause de ce retard n'est pas bien connue. Mais il paraît vraisemblable, malgré tous les efforts du cardinal Baronius et des autres Romains pour nier ce fait et démentir l'histoire, que ce retard se trouve lié à l'idolâtrie et à la pénitence de Marcelin.

Marcellus élu Pape, déploya une sévérité extrême contre ceux qui par faiblesse s'étaient rendus coupables du péché d'idolâtrie pendant la persécution. Les choses en vinrent au point que des séditions se déclarèrent, et que plusieurs en périrent victimes ; preuve manifeste de l'esprit de parti qui poussait les fidèles à se vanter de leur constance aux yeux de ceux qui avaient cédé. Ces troubles étaient peut-être dus à l'imprévoyance du Pape, qui ne voyait pas le danger de punir, quand les pécheurs étaient si nombreux.
La discorde produisit pendant longtemps des conséquences funestes, et entre autres, des schismes et des hérésies. Ceux qui faisaient gloire de leur constance, flétrissaient du nom de
traîtres les autres qui, par faiblesse et par peur, avaient, aux termes de l'édit, livré les saintes écritures aux officiers de l'empereur. Ils diffamaient par l'épithète de libellatistes, ceux qui avaient échappé à la persécution, à la faveur d'un libelle ou lettre de sûreté, que le gouvernement impérial n'accordait qu'à ceux qui promettaient de suivre la religion de l'empire. Ces distinctions entre les Chrétiens fidèles, les Chrétiens libellatistes et les Chrétiens traîtres, nécessitèrent ensuite des conciles ecclésiastiques et des décrets impériaux pour arrêter le mal, ce qui ne se fit qu'après des luttes et des discordes violentes, dans lesquelles beaucoup de personnes succombèrent.
Marcellus eut évité tout cela, si avec l'affection et la douceur dont la religion lui faisait un devoir, il les eut admis à la pénitence, sans montrer une sévérité inflexible contre ceux qui avouaient être tombés dans le péché par crainte des tortures. Tous ne pouvaient pas être des héros.

L'empereur Maxence condamna Marcellus à servir de palefrenier dans les écuries publiques. C'est la ce qui lui valut l'honneur d'être placé au rang des martyrs.



EUSÈBE

XXXe PONTIFE. DANS L'AN 310.

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Le successeur de Saint-Marcellus n'occupa le siège papal que du 20 mai 310, jusqu'au 26 septembre de la même année. À peine son élection fut-elle vérifiée, qu'il fut banni en Sicile, où il mourut. Il doit à cet exil le titre de martyr. Je laisse aux critiques à décider s'il suffit d'avoir été banni ou condamné à servir de palefrenier pour mériter la palme du martyre.



MELCHIADE

XXXIe PONTIFE. - DE 310 A 314

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Après neuf mois de vacances, Melchiade fut élu le 2 janvier 311 et mourut le 10 janvier 314. Sous son pontificat, Constantin, après avoir vaincu Maxence en Italie en 312, se convertit au christianisme. D'accord avec Licinius, cet empereur promulgua un édit qui donnait la paix à l'église et défendait de persécuter les Chrétiens. L'année suivante, en 313, parut une ordonnance qui accordait aux églises et au clergé des privilèges particuliers. Cette nouveauté fournit aux Papes une occasion de manifester leur ambition, ainsi qu'on le verra dans la suite de cet ouvrage. Cela ne doit point étonner ceux qui connaissent bien les passions humaines, et ce désir naturel à chacun, de s'agrandir et d'ajouter à son autorité.

Melchiade donna un exemple de tolérance qu'on ne doit pas passer sous silence. Il forme un contraste frappant avec le fanatisme et l'imprudence de quelques-uns de ses successeurs, qui, pour ne pas l'avoir imité, firent périr des milliers et peut-être des millions d'hommes. D'après l'ordre de l'empereur Constantin, Melchiade convoqua un concile à Rome, en 313, pour prononcer dans l'affaire des Donatistes. Les Donatistes, eux-mêmes, avaient demandé qu'on nommât pour juges trois évêques français. Melchiade et dix-huit autres évêques acquittèrent Cécilianus, évêque de Carthage, de l'accusation intentée contre les évêques Donatistes. La question était de savoir quels étaient les véritables évêques de ceux ordonnés par Cécilianus, ou des Donatistes ordonnés par Manjorinus, qui se qualifiaient mutuellement de schismatiques.

Melchiade et le concile, décidèrent que ceux des deux partis seraient regardés comme légitimes évêques ; que chaque évêché serait régi par le plus ancien des évêques élus, de quelque parti qu'il fut d'ailleurs ; que le dernier élu recevrait en compensation le premier siège vacant ; et que le tout était ainsi réglé pour l'intérêt de la paix, sans considération pour la justice des prétentions d'aucun parti.



SILVESTRE Ier

XXXIIe PONTIFE. - DE 314 A 335.

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Saint-Silvestre fut élu Pape, le 31 janvier 344, et mourut le 31 décembre 335.
L'empereur Constantin fit assembler à Arles un second concile pour l'affaire des Donatistes ; il convoqua lui-même les évêques africains, italiens, espagnols et français, et écrivit à Silvestre pour qu'il eût à s'y rendre s'il le pouvait. Silvestre ne put s'y rendre ; mais il envoya à sa place deux prêtres pour le représenter. La présidence fut confiée à Félix évêque d'Arles, Trente-trois évêques et beaucoup de prêtres délégués par les autres évêques, confirmèrent en 314 la sentence du concile romain. Ils profitèrent aussi de l'occasion qui les rassemblait, pour régler quelques points de discipline. Félix écrivit au Pape une lettre qu'il est bon de connaître. On peut y voir combien les temps sont changés depuis que Félix, tout en reconnaissant parfaitement la suprématie romaine, qui ne diminuait rien du pouvoir des autres évêques, et bien moins encore du souverain auquel tous obéissaient, traitait cependant le Pape de
frère et non pas de très-saint Père.

« Plût à Dieu,
Notre cher Frère, ( écrivait Félix à Saint-Silvestre ) plût à Dieu que vous eussiez été présent à cette grande assemblée. La condamnation des Donatistes eut été plus sévère et notre joie plus grande ; mais vous n'avez pu consentir à quitter les lieux où les Apôtres président, et où leur sang versé glorifie continuellement Dieu. Quant à nous, nous avons cru devoir profiter de notre réunion, pour régler d'autres points que celui pour lequel nous avions été convoqués. Soutenus par la présence de l'esprit saint et de ses anges, nous avons fait quelques règlements sous leur inspiration. Possédant la plus grande partie du gouvernement de l'église, c'est à vous qu'il appartient principalement, d'après une coutume antique, de les communiquer aux autres évêques. »

Quelques expressions de cette lettre méritent notre attention. Félix y dit qu'il appartient au Pape de
communiquer les règlements des conciles tenus par d'autres évêques, il ne dit pas confirmer, car en effet, Félix et les autres évêques croyaient bien avoir procédé en présence du Saint-Esprit et conformément à ses inspirations.

Il dit que le droit et l'obligation de
communiquer appartiennent au Pape d'après une coutume ancienne et non pas du droit divin. Ce qui indiquerait que ces égards déférés à l'église de Rome sont dus à sa position dans les capitales de l'empire, dans un lieu honoré par le martyre de Saint-Pierre et de Saint-Paul, dont les corps représentaient continuellement la présidence exercée par ces grands Apôtres.

Il ajoute que ce droit vient aussi de ce qu'il possède la plus grande partie du gouvernement de l'église. Ce qui admet deux interprétations différentes et toutes deux vraies. L'expression de la plus grande partie peut en effet venir de ce que le patriarcat d'Occident était plus étendu que ceux d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem ; l'épithète de
plus grand peut encore s'entendre de ce que le patriarche d'Occident, évêque de Rome, chef-lieu de l'empire, avait obtenu dès le principe, comme il arrive aux prélats de cour, un rang plus élevé, et plus de considération et d'influence dans les affaires, que les trois autres patriarches.

Il ne dit pas cependant
tout le gouvernement, mais seulement la majeure partie. Les autres évêques n'attachaient à la suprématie que l'idée du pouvoir exécutif et d'une partie assez étendue du pouvoir législatif, tel que la faculté de proposer les lois ecclésiastiques, de voter pour leur établissement, de recueillir les suffrages, d'annoncer le résultat du scrutin, de promulguer la loi, d'en diriger l'exécution, et d'en expédier les ordres généraux.
C'est là ce qu'on peut tirer des doctrines de Saint-Polycrate et de Saint-Cyprien, des opinions reçues depuis Saint-Augustin, des déclarations des Papes eux-mêmes, pendant les siècles quatrième, cinquième et sixième. Bien entendu que ce pouvoir n'embrasse que le gouvernement de l'église universelle et ses règlements généraux, et non pas le régime intérieur et diocésaire de chaque église en particulier.
Chaque évêque jouit relativement à son administration particulière, d'un pouvoir indépendant annoncé par Saint-Paul à l'évêque Timothée.
« 
Ayez soin, lui disait-il, de tout le troupeau dont l'Esprit-Saint vous a établi pasteur afin que vous gouverniez l'église de Dieu, acquise par Jésus-Christ au prix de son sang. »
Si le Saint-Esprit a conféré ce pouvoir aux évêques, le Pape ne peut se l'approprier ni en totalité ni en partie.

Le concile d'Arles ne suffit pas à la tranquillité des Donatistes ; ils voulurent et obtinrent que l'empereur lui-même revît toute l'affaire et donnât sa sentence définitive ; ce qui fut fait comme ils le prétendaient. Ainsi, à peine le souverain était-il Chrétien, qu'il eut à prononcer si une croyance reçue dans ses états était un schisme ou non. On n'eut jamais dû perdre de vue cette doctrine.

Sous le même Saint-Silvestre, se tint le concile général de Nicée, relativement à l'hérésie d'Arius et à d'autres points. Ce concile fut aussi ordonné, décrété et convoqué par Constantin. Osius, évêque de Cordoue, le présida d'après l'ordre du même empereur, attendu que Victor et Vincent, légats du Pape, n'étaient point évêques. Silvestre ne se réserva point de donner ou de refuser sa sanction aux actes du concile, mais ordonna à ses légats de se conformer aux décisions du concile.

On proposa dans ce concile une loi sur la continence à prescrire au clergé. Saint-Paphunce évêque octogénaire, s'y opposa avec vigueur, faisant valoir une vérité démontrée par les siècles suivants, après que le Pape Siricius eut converti en une obligation prescrite aux évêques, aux prêtres et aux diacres, une mesure qui n'était l'effet que de la dévotion d'un petit nombre. La continence du clergé n'a pas rendu les évêques et les prêtres plus chastes qu'ils ne le seraient s'ils se fussent mariés. On doit en excepter quelques cas particuliers, dans lesquels l'absence de femme et d'enfants isole les hommes de la société civile, et les attache à la corporation qu'ils ont adoptée, avec une force qui paraîtrait incroyable, si l'histoire ancienne et moderne et celle de notre temps n'en faisaient foi.

De-là le désir d'enrichir leur église et leur société ecclésiastique particulière, de préférence même à leurs parents séculiers ; de-là, la croyance qu'il est plus agréable à Dieu de faire l'aumône aux temples qu'aux pauvres.
De-là, l'habitude d'interpréter toutes les lois d'une manière favorable au clergé, même en opposition à la société civile.
De-là, l'usage de regarder comme saints, ceux qui étaient morts en faisant des donations aux églises, en fondant des messes ou tout autre avantage pour le culte, quoique d'ailleurs leurs moeurs fussent peu dignes d'estime.
De-là, la réputation d'impie donnée à ceux qui s'élèvent contre le trop grand nombre de prêtres, contre leurs richesses peu convenables, contre leurs injustes privilèges.
De-là, enfin une multitude d'effets funestes, qui tous cesseraient si les prêtres étaient mariés. Ils le sont dans l'église protestante, aussi n'entend-on jamais sur leur compte ces plaintes si fréquentes contre le clergé catholique. Alors les intérêts du clergé et du peuple seraient un seul et même intérêt ; tous deux seraient d'accord avec le souverain, tandis que, par la raison contraire, le clergé cherche à gagner le souverain au détriment du peuple et au détriment de la société générale.



MARC

XXXIIIe PONTIFE. - DE 535 A 336.

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Saint-Marc ne fut Pape que huit mois et onze jours, depuis le 18 janvier 336, date de son élection, jusqu'au 7 octobre de la même année, jour de sa mort. La lettre qu'on lui attribue est apocryphe, ainsi que toutes les autres lettres antérieures à Siricius. Ainsi, on ne voit pas que ce Pape se soit élevé contre les dispositions du concile de Nicée. Les Papes des temps modernes ont voulu souvent citer cette lettre pour justifier leurs usurpations ; mais, lors même qu'il ne leur a plus été possible de s'autoriser d'un tel exemple, ils n'en ont pas moins poursuivi leurs projets ambitieux.



JULES Ier

XXXIVe PONTIFE. - DE 336 A 352.

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Saint-Jules fut élu Pape le 6 février 337, et gouverna l'Église jusqu'au 12 avril 352, époque de sa mort. La vacance du siège avait duré quatre mois. Ce retard pouvait provenir de ce qu'on avait cru devoir consulter l'empereur Constantin. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette coutume fut citée ensuite, non pas comme une introduction nouvelle, mais comme un retour aux anciens usages. Jamais l'Église romaine n'avait eu plus d'intérêt qu'alors à plaire à Constantin, attendu qu'en dépit des décisions du concile de Nicée, la cause d'Arius était encore en discussion. Constantin même, d'après les suggestions d'Eusèbe, évêque de Nicomédie, et d'un autre Eusèbe, évêque de Césarée en Palestine, tous deux placés très avant dans l'intimité de l'empereur, le favorisait encore beaucoup en 336 et 337.

Jules eut une grande dispute avec les Évêques d'Orient, pour avoir voulu soutenir le patriarche Saint-Athanase, déposé par eux au concile d'Antioche. Il écrivit différentes lettres, parmi lesquelles il s'en trouve quelques-unes dignes d'une attention particulière, en ce qu'elles nous montrent combien les successeurs de Jules ont dépassé leurs pouvoirs.
Il leur dit dans une de ces lettres, qu'ils ne devaient pas déposer le patriarche sans lui en écrire, ainsi qu'aux évêques d'Italie, et même à ceux d'Occident ; qu'ils devaient savoir que c'était une coutume antique usitée dans les affaires importantes, relative aux églises principales fondées par les apôtres, telle que l'église d'Alexandrie ; qu'ils devaient attendre de lui une réponse qu'il n'aurait pas faite de lui seul, mais d'accord avec un Concile d'Italie semblable au Concile assemblé pour écrire cette lettre, qu'ils étaient tous prêts à signer.

On voit, d'après cela, que Saint-Jules ne se croyait pas en droit de parler pour lui-même, et d'après son seul avis, mais seulement au nom de tous les Évêques d'Occident, représentés par les Évêques d'Italie comme plus à proximité, et cela uniquement en cas d'affaires graves relatives aux églises métropolitaines, telles que les trois patriarcats d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, les primats de Césarée en Palestine, de Carthage en Afrique et autres semblables, qui ne relèvent d'aucun autre supérieur que du Pape. On peut conclure de-là qu'il n'en était pas de même relativement aux affaires des autres églises soumises à un métropolitain et aux affaires peu importantes des premières. Quelle différence entre cette autorité et celle des Papes modernes qui se sont arrogé le droit de décider sur les intérêts les plus futiles des moindres chapelles.

Saint-Jules ne laissa pas toutefois de manifester l'esprit d'ambition introduit dans l'Église romaine depuis le temps de Saint-Victor. En effet, en concédant aux ennemis d'Athanase la célébration d'un concile demandé par ses députés, il s'explique de manière que ces derniers observèrent que le Concile, dont on promettait la convocation à Rome, serait purement ecclésiastique, sans l'assistance d'un comte au nom de l'empereur, sans les ordres de celui-ci, et sans un poste de la garde impériale à la porte. C'est ce qui fit qu'ils n'osèrent se réunir.

Mais pourquoi les Conciles romains n'auraient-ils pas été soumis à ces règlements ? est-ce parce qu'ils se célébraient à Rome ? Rome était une ville impériale, ainsi que les autres. Tout le monde sait aujourd'hui que la prétendue
donation de Constantin est un acte faux. Les empereurs n'avaient pas moins de droit et moins d'autorité que quand le monarque n'était pas chrétien. Toute réunion nombreuse est sujette aux lois générales, et demande la permission spéciale du souverain, qui n'a coutume de l'accorder qu'avec les précautions nécessaires pour éviter les désordres communs aux grandes réunions. Une des précautions ordinaires est de désigner un magistrat qui préside l'assemblée au nom du souverain, et qui ait des troupes à ses ordres en cas de nécessité. Il n'était pas juste que les Papes pensassent à convoquer de nombreuses assemblées par leur propre autorité et sans la connaissance et l'intervention des empereurs.
Prétendre le contraire, c'eût été affecter une indépendance qui, avec le temps, produisit l'orgueil, les usurpations de pouvoir, et devint aux mains des Papes une arme funeste à des millions d'hommes, entraînés dans les guerres faites par suite des sentences de déposition prononcées par les souverains pontifes contre des rois et des empereurs, au grand détriment des nations que ces querelles détruisaient.



LIBÉRIUS

XXXVe PONTIFE. - DE 352 A 366.

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Libérius fut élu Pape le 22 mai 352, et mourut le 24 septembre 366. Il adopta la formule helvétique de profession de foi composée par les Ariens dans le conciliabule de Sirmius, et il écrivit aux évêques d'Orient pour leur dire :
« Je sépare Athanase de notre communion si décidément, que je ne veux pas même recevoir ses lettres. Je vous assure que je suis en paix avec vous tous, et que j approuve la profession de foi faite dans le concile de Sirmius. »

C'était là évidemment condamner les articles de loi arrêtés dans le concile général de Nicée. Aussi Saint-Hilaire, évêque de Poitiers, défenseur très opiniâtre de la foi nicéenne, s'écrie-t-il, en parlant de cette déclaration :
« C'est là une perfidie arienne. Je t'anathématise, Libérius, toi, aussi bien que tes compagnons ; je t'anathématise une seconde et une troisième fois, Libérius le prévaricateur. »

II est vrai que Libérius mérite le reproche de lâcheté pour avoir fléchi devant l'empereur Constance, qui l'avait banni, parce qu'il s'était refusé à confirmer la formule de Sirmius et la condamnation d'Athanase ; mais il est certain que quatre ans après il revint de ses erreurs, et cassa le conciliabule arrien de Rimini. Il montre toutefois tant d'incertitude et de faiblesse dans sa conduite postérieure, qu'aujourd'hui encore les critiques sont embarrassés pour décider quelle était véritablement la foi de Libérius. Les Pontifes romains, désireux d'effacer le souvenir de l'existence d'un Pape hérétique, cherchèrent à faire prévaloir la décision prononcée par Libérius, relativement à l'affaire de Rimini, qui lui fait honneur et l'élevèrent pour cela au rang des saints.
Quelques savants se moquent d'une semblable canonisation, et loin de voir un Saint dans Libérius, n'y voient qu'un homme sans caractère. La canonisation, en effet, n'est due qu'à ceux dont les vertus ont été héroïques, et dignes d'être proposées comme modèles à l'imitation des chrétiens. Lors même que le repentir de Libérius eût été réel, sa conduite méritait-elle un si grand honneur. Il y a loin de faire son salut éternel, à se rendre digne de la canonisation, comme héros de la religion.

Il est de fait que Libérius donna lieu à quantité d'assassinats et à d'autres crimes commis à l'envi par les partisans du concile de Nicée et leurs adversaires du concile de Sirmius, dont les persécutions réciproques troublèrent longtemps la paix publique. Si l'on n'eût pas donné aux opinions d'Arius plus d'importance qu'elles n'en méritaient, elles seraient tombées d'elles-mêmes avec le temps, sans l'effusion du sang humain qui eut lieu pendant les quatrième et cinquième siècles, par l'effet de sa condamnation.



FÉLIX II

XXXVIIe PONTIFE. - DE 355 A 358.

Pendant la vie de Libérius.

Lorsque l'empereur Constance eut banni Libérius, il ordonna au clergé et au peuple de Rome de se choisir un nouveau Pontife, et ils élurent, en l'an 355, le diacre Félix, qui gouverna l'Église jusqu'en l'an 358, époque à laquelle Libérius revint de son exil. Félix se retira alors dans un petit village de la campagne romaine, où il mourut le 22 novembre 365.

Les circonstances font présumer que Félix fut partisan des Ariens, autrement l'empereur l'aurait banni, ainsi qu'il avait banni Libérius. Voici donc deux Papes hérétiques, et l'un immédiatement après l'autre. Déjà un autre Pape, Marcellin, avait été idolâtre. Cependant Félix est aussi placé dans le catalogue des saints canonisés. Il ne nous est pas facile de découvrir aujourd'hui par quelles vertus héroïques on méritait alors la canonisation. À la vue de ces deux canonisations, de celle de Marcellin et de plusieurs autres qu'on verra par la suite, on ne doit pas s'étonner que tant de bons catholiques regardent les canonisations comme autant d'actes sujets ; ainsi que tous les autres actes des hommes, à l'examen d'une sévère critique.



DAMAS Ier

XXXVIIe PONTIFE. - DE 366 A 384.

Second schisme.

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L'Élection faite en faveur de la personne de Saint-Damas, produisit le second schisme. Ursicin, son Antipape, soutenu par de nombreux partisans, se fit sacrer évêque de Rome. Le scandale en vint au point de causer une guerre civile entre les habitants de cette ville. Quelques milliers de personnes des deux partis y périrent. Dans l'enceinte même du temple de Sainte-Marie-Majeure, dont Ursicin s'empara, on trouva plus de cent trente personnes tuées par les assiégeants : qu'on nous dise ensuite que le Saint-Esprit assista à l'élection des Papes ; c'est pourtant ce que les Romains s'efforcent de persuader aux ignorants et aux crédules, en nous parlant de vol de pigeons au-dessus de la tête de Saint-Fabien, de Saint-Grégoire-le-Grand, et de semblables événements dus au hasard, et qu'ils savent citer à propos.

Ammien Marcellin, historien idolâtre du temps de Saint-Damas, a rapporté la guerre civile et le schisme produit par l'élection de ce Pape.
« Damas et Ursicin, dit-il, qui se disputaient le pontificat, avaient eu l'art perfide de diviser le peuple, de former des partis et de les pousser à se massacrer et à remplir les rues de sang et de carnage. Le préfet Viventius ne put arrêter leur fureur, et faillit même perdre la vie en se retirant dans les faubourgs. Damas et son parti foulèrent aux pieds les cadavres, pour faire une indigne parade de son triomphe.
Quand je considère, ajoute l'historien, la splendeur de Rome, j'avoue que je conçois tous les efforts qu'on peut faire pour arriver à l'épiscopat. C'est un emploi dont le possesseur est certain d'être enrichi par les dames. Quand il sort, c'est sur un char magnifiquement orné. Sa table l'emporte de beaucoup sur celle des rois, en abondance et en délicatesse. Les évêques de Rome auraient pu jouir de la véritable félicité, si, méprisant les grandeurs de Rome, ils eussent imité la modération de quelques évêques des provinces qui se sont rendus recommandables au Dieu éternel et à ses purs adorateurs, par la frugalité de leur table, la pauvreté de leurs habillements, la modestie de leurs regards toujours inclinés vers la terre. »

Saint-Jérôme, grand ami de Saint-Damas, raconte que Prétextat, sage idolâtre, alors préfet de Rome, avait coutume de dire à Damas, en plaisantant, ainsi qu'on le fait dans la société : « Faites que je sois évêque de Rome, et je me fais chrétien sur-le-champ. »

Il n'y a pas lieu de s'étonner, d'après cela, que les partisans d'Ursicin murmurassent contre Damas, et lui imputassent les crimes qui accompagnent communément une vie molle et sensuelle. Concordius, Calixte et d'autres du parti d'Ursicin l'accusèrent d'adultère et de concubinage avec une matrone romaine ; et quoique cette accusation fût dénuée de fondement, il est cependant certain que Socrate, Sozomène, Théodoret et d'autres historiens contemporains racontent un grand nombre de scandales qui marquèrent le commencement du pontificat de Damas.

Ce n'était point assez que les rues devinssent le théâtre des assassinats ; les églises elles-mêmes en étaient remplies ; et tout cela dans un temps où les évêques de Rome ne faisaient que commencer à s'affermir un peu dans le monde, seulement cinquante ans après que les souverains, renonçant à leurs persécutions, avaient cessé de poursuivre, et avaient commencé à protéger la religion chrétienne et leur premier évêque.
Que pouvait-on attendre autre chose que ce qui est arrivé ?
Les Papes devaient vouloir et les Papes ont voulu être souverains, juges-souverains des souverains, et demi-dieux ; enfin, arbitres des trônes et distributeurs des empires, royaumes et couronnes. Tout cela devait arriver et est arrivé, non point une fois, mais cent fois, et cependant les empereurs, les rois et les autres souverains catholiques procèdent encore aujourd'hui comme si chaque jour ils devenaient d'autant plus aveugles, d'autant plus sourds, d'autant plus ignorants. Ils se laissent séduire par les paroles vaines, fausses et insignifiantes d'hommes qui, par intérêt, par ignorance, et souvent par malice, confondent à dessein le respect dû à la religion et à son chef, avec le respect excessif réclamé à tort par les passions particulières de ce chef.
Ce sont de telles passions, en effet, qui lui ont inspiré et lui inspireront constamment l'idée d'augmenter son pouvoir, et, sous le titre de
père commun, de demander aux empereurs et aux rois appelés leurs fils, tout ce qui convient aux intérêts particuliers de la cour de Rome, masqués sous le voile doré de la religion.

Constantin commit une grande faute à cet égard, non pas pour avoir fait sa donation supposée de la souveraineté de Rome, puisqu'il n'a rien fait et qu'on ne lui doit rien imputer de semblable, mais pour avoir, lors de la translation du siège de l'empire à Bysance, qu'il venait de faire rebâtir sous le nom de
Constantinople, laissé Rome dépourvue de princes ou de familles puissantes, capables de tenir les Papes en respect.
Cette raison, jointe aux immenses revenus que cet impolitique empereur avait attachés aux églises (auparavant temples des dieux de Rome), mit les Papes en état de montrer une grandeur, une opulence et un pouvoir à l'ombre desquels se multiplient sans cesse les adulateurs dont les éloges empoisonnés se mettent aux gages des Pontifes, et enivrent le clergé du doux espoir d'arriver un jour à une chaire qu'environne tant de gloire.
C'est ainsi que commença le mal ; c'est ainsi qu'il s'est accru ; c'est ainsi qu'il continuera de croître, tant que les souverains ne diront pas au Pape : « Que Votre Sainteté se retranche de son autorité dans les mêmes limites que les douze premiers Papes, et nous garantissons, de tout le pouvoir que la royauté nous confère, qu'on vous respectera comme le vénérable père commun, et que jamais on ne vous tourmentera. Mais tant que Votre Sainteté confondra ses véritables droits divins avec les droits donnés ou tolérés par les hommes, que Votre Sainteté ne s'étonne pas de rencontrer des contradictions et des censures. »

En l'an 381, l'empereur Théodose II convoqua contre Macédonius le second concile général de l'église catholique. Le Pape Damas, de la même manière que les évêques de toutes les autres églises, fut tenu de s'y conformer. On détermina dans ce concile que l'évêque de Constantinople serait patriarche honoraire, et prendrait place immédiatement après l'évêque de Rome et au-dessus des évêques d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, attendu que Constantinople était déjà de même que Rome le séjour d'une ville impériale, et devait prendre son rang comme telle.
C'est encore là une preuve que la suprématie romaine était due à ce que Rome était une capitale, de même qu'Alexandrie et Antioche l'étaient en seconde et en troisième place et aujourd'hui en quatrième. Si ou eût eu égard à la dignité du fondateur, Antioche eût pris rang avant Alexandrie, puisque son église avait été fondée par Saint-Pierre.



SIRICIUS

XXXVIIIe PONTIFE. - DE 384 A 398


Un mois après la mort de Saint-Damas, Saint-Siricius fut élu souverain pontife, avec l'approbation de l'empereur Valentinien II, dont le rescript porte :
« C'est notre volonté que l'élection du pontife soit faite par le peuple romain, à qui une telle élection appartient d'après une coutume antique. »
Si les empereurs et les rois eussent toujours conservé leurs droits sur ce point, on eût évité bien des abus dans les élections.

Siricius est le premier Pape dont les décrétales, comprises dans la collection d'Isidor Mercator, soient authentiques. Il convient de bien se pénétrer de ce fait, attendu que toutes celles qui sont supposées, contiennent des dispositions que les prédécesseurs de Siricius n'ont pas faites, et ne pouvaient faire sans outrepasser leurs pouvoirs, et, s'ils les eussent faites, les patriarches et les primats de la chrétienté s'y seraient opposés, ainsi qu'ils le firent souvent dans d'autres circonstances. Quant aux diverses usurpations sur la juridiction séculière qu'on leur attribue par ces décrétales apocryphes, il était d'une impossibilité physique que les Papes s'en rendissent coupables, attendu que les empereurs romains étaient les seuls à qui une telle puissance fût réservée.

Siricius fut aussi le premier qui défendit aux évêques, prêtres et diacres, le mariage légitime. Il ordonna que si un célibataire se mariait après avoir reçu un de ces trois grades, il serait séparé du ministère ecclésiastique. La plupart des critiques pensent que cette mesure fut très impolitique, et que les résultats, ainsi que nous l'avons indiqué, en furent funestes à la société civile. Toutefois, il n'annula pas les mariages qu'ils avaient contractés ; et récemment encore, par suite de la révolution française, on a vu les prêtres mariés reconnus comme tels lorsqu'ils sont rentrés dans l'état séculier.

On doit aussi, en partie à Siricius, d'avoir provoqué la sévérité des lois impériales contre les hérétiques. Par les unes, on condamnait les Manichéens à être brûlés vifs ; par les autres, on instituait les châtiments les plus rigoureux et les enquêtes les plus sévères contre les Donatistes et différents sectaires. Si nous n'eussions pas été préparés à tant d'inconséquences par l'étude philosophique des passions humaines, nous ne pourrions voir sans étonnement les changements fréquents d'opinion des Papes, évêques et prêtres catholiques durant un si court intervalle.
Tant qu'ont duré les persécutions des empereurs romains contre tous ceux qui professaient le christianisme, on les a vus se plaindre amèrement de l'intolérance. Ils cherchaient à persuader dans leurs apologies que les empereurs ne devaient persécuter ni punir personne pour opinions religieuses, lors même que ces opinions étaient contraires à la religion dominante de l'empire, si les sectaires du nouveau culte se conduisaient en bons citoyens et en pacifiques observateurs des lois communes ; et ils appuyaient cette opinion de toute la force du droit naturel et du droit des gens. Voilà ce qui résulte d'une quantité d'autorités des trois premiers siècles, et du commencement du quatrième.

Mais aussitôt que les empereurs se firent chrétiens, la scène changea. Tous les Papes, et même un grand nombre d'évêques et de curés, manifestèrent la plus impitoyable intolérance, menaçant les idolâtres de leur vengeance, et ne parlant de rien moins que de feu et de sang contre tous les chrétiens dissidents de l'église romaine.
L'Écriture sainte devint pour les Papes un magasin général où l'on trouvait des remèdes pour tous les besoins. Ils avaient commencé par faire grand cas des textes qui apprennent la souffrance et la soumission patiente, aux maux que la providence impénétrable de la divinité leur envoyait. On les vit depuis ne citer que les exemples de sévérité déployée contre les ennemis de la vérité, et s'efforcer de persuader aux Empereurs que leur devoir était d'imiter les rois de Juda, qui châtiaient et exterminaient les idolâtres.
Ils condamnèrent à l'oubli la douceur de Jésus-Christ, la doctrine évangélique, et tant d'autres modèles offerts à leur imitation. Ils donnaient force de lois ecclésiastiques aux allégories où l'on parlait de rigueur à déployer, et passaient sous silence celles qui enseignaient qu'à Dieu seul était réservé le châtiment des impies et l'extirpation de l'ivraie.
Ils imaginèrent enfin la formidable inquisition contre les hérétiques, et firent publier par Théodose l'ordre de les dénoncer. Les millions d'hommes qui ont péri depuis pour cause d'opinions religieuses, sont autant de victimes qui attestent le changement du système romain. L'inquisition, variée sous différentes formes, durant les quinze siècles qui suivirent, doit son origine à ce changement de système ; et, quoiqu'elle n'ait commencé qu'au treizième siècle à avoir un tribunal qui lui fût propre, il avait produit depuis Constantin des guerres, des massacres et des incendies, fruit amer du système ecclésiastique adopté à cette époque.

Il est tout-à-fait conséquent aux bases établies alors, pour l'honneur de la sainteté, de voir, aux quatrième et cinquième siècles, le nombre immense des Papes qui n'avaient ni souffert le martyre pour la foi, ni laissé à la postérité des témoignages de vertu héroïques, mais qui s'étaient attachés à montrer leur zèle à soutenir et augmenter, au grand bénéfice du Saint-Siège, ce qu'ils appelaient les droits de l'Église, Saint-Siricius est un de ceux qui furent canonisés ; et sa conduite, soumise à l'examen d'une critique impartiale, non-seulement ne présente pas une longue suite de ces vertus héroïques fondées sur un esprit de charité bien entendue, principe nécessaire de toute canonisation, mais il manifeste, au contraire, ainsi que nous l'avons vu, une extrême roideur dans des choses peu conformes à la doctrine de l'Évangile. Son intention sans doute pouvait être bonne, mais cela ne suffit pas pour être canonisé.



ANASTASE Ier

XXXIXe PONTIFE. - DE 398 A 402

Image provenant de:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Anastase_Ier_(pape)

Ce Pape a été aussi canonisé sans qu'on sache trop pourquoi. Son pontificat ne dura pas quatre ans, et tout ce que nous savons de remarquable sur son compte, c'est qu'il persévéra dans le zèle amer, qui plaisait tant aux Papes dans l'exercice de leur autorité. Rufin, un des hommes les plus sages de son temps, et le seul peut-être dont les connaissances le disputassent à celles de Saint-Jérôme, se vit en butte aux persécutions de ce saint Pape, et fut condamné à son instance, malgré qu'il protestât de la pureté de son catholicisme, et eût fait par écrit sa profession de foi. N'est-il pas odieux qu'on punisse comme hérétique, celui qui, de parole et par écrit, atteste l'orthodoxie de sa croyance dans l'ensemble des dogmes, et en particularisant chaque article de foi. Quelqu'un peut-il lire dans mon coeur mes sentiments secrets ? Pourquoi me soupçonner d'hérésie, lorsque mes paroles et mes oeuvres témoignent du contraire ? Si mes écrits contiennent des erreurs, et que, quand on m'en fournira la preuve, je ne me montre pas disposé à les avouer et à les corriger, alors je commencerai en effet à être coupable ; mais je ne saurais l'être avant cette épreuve. Ce serait une grande injustice que de punir un innocent. Cela n'est cependant arrivé que trop fréquemment dans les discussions relatives à des articles de foi.

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