Saint-Victor avait déployé une si grande autorité
et montré un pouvoir si supérieur à celui des autres évêques, que
Saint-Zéphirin, son successeur immédiat, n'eût besoin que de suivre
le système d'ostentation de pouvoir de son prédécesseur, sans avoir
besoin d'efforts pour en introduire un nouveau.
Saint-Zéphirin suivit ce plan avec tant d'exactitude, que Tertulien,
dans son Traité de Pudicitiâ,
lui donne déjà le nom de Souverain
Pontife et d'Évêque
des Évêques. Il est vrai qu'il le
fait sur un ton ironique, et il n'y a pas lieu de s'en étonner,
quand on considère le traitement inique que Zéphirin et son clergé
firent éprouver à Tertulien par envie de la réputation qu'il s'était
acquise à Rome, d'être le plus savant des Romains. L'ingratitude du
Pape et de ses prêtres fut d'autant plus criante, que Tertulien
avait fait d'immenses travaux contre diverses hérésies et contre
leurs sectaires. Au lieu de l'évêché qu'il méritait, ils le
maltraitèrent tellement, que de dépit il se fit montaniste.
Une des marques les plus éclatantes que Zéphirin se glorifia de
donner de sa suprématie, fut le moment où, sans fixer aucune
pénitence précédente, et sans exiger aucun témoignage de repentir,
il réconcilia avec l'Église Natalius qui, après avoir souffert en
l'honneur de Jésus-Christ, dans une persécution, s'était, depuis,
jeté dans l'hérésie de Théodote le Corroyeur,
et était devenu évêque de sa secte.
Suivant ensuite une conduite opposée, il excommunia Tertulien :
au lieu de chercher à le gagner par des moyens de conciliation qui
le sauvassent en partie du précipice sur les bords duquel il l'avait
conduit par ses duretés, il sépara de l'Église un des meilleurs
défenseurs de la religion.
Toutes ces mesures paraissent arbitraires, despotiques,
contradictoires avec la qualité de Père commun des fidèles, sans
mériter, toutefois, l'inculpation du crime d'hérésie, dont l'accuse
Laurent Banck, dans son ouvrage intitulé : Tyrannies
des
Papes envers les Rois et les Princes Chrétiens,
sans expliquer le genre de son hérésie. Quid
indicandum, dit-il, si
Papa fuerit famica quatem Joannem VIII fuisse annales
referrunt ? Vel si hoereticus
quatem Zefyrinum, Marcellimim, Liberium, Anastasium, alios que
fuisse aiunt acprobant annales et historici. (Caput x. p. 3 16.)
Tout ce qu'on sait de certain sur Saint-Calixte, c'est qu'il bâtit une basilique sur la rive du Tibre, et désigna un cimetière qui a conservé son nom. Ce qu'on nous raconte de plus sur son administration ecclésiastique est fabuleux, et n'ayant d'autre origine que les fausses décrétales, on doit en tirer à son égard les mêmes conclusions que pour ses prédécesseurs et ses successeurs.
Il en est de même d'Urbin Ier, auquel on attribue une constitution par laquelle il aurait rendu les églises habiles à accepter et posséder des biens-fonds donnés ou légués par les fidèles. Le but de l'Épître supposée de Saint-Urbain, production du huitième siècle, était de persuader que les Souverains Pontifes avaient exercé ce pouvoir depuis les premiers siècles. L'imposteur n'avait pas prévu que les savants sauraient bien qu'il n'appartenait qu'au souverain temporel de donner des lois relatives à la possession des terres. Le second objet de cette Épître était de faire croire que, malgré que les trônes fussent occupés par des souverains païens. l'Église possédait déjà des biens-fonds avant le milieu du troisième siècle. Depuis le huitième siècle, jusqu'à notre temps, les Papes ont tiré un très-grand avantage de ces faussetés.
On sait très-peu de choses de plus de Saint-Pontien, si ce n'est qu'il fut exilé en Sardaigne, sous le règne de l'empereur Alexandre Sévère, de cet empereur qui, comme on sait, favorisa si ouvertement les chrétiens, que Lampride va jusqu'à laisser douter, dans son histoire, s'il n'était pas lui-même chrétien, ainsi qu'Onaméa, sa mère. Cette dernière faisait un cas tout particulier d'Origène, dont la réputation de sagesse et de justice était aussi bien établie à Rome qu'à Alexandrie. Avec de telles dispositions reconnues dans le chef de l'État, il est difficile de ne pas soupçonner que le bannissement de Pontien soit dû à un excès de zèle religieux, qui aura pu l'entraîner jusqu'à insulter aux dieux de l'empire, ce que n'aura pas voulu permettre le fameux jurisconsulte Ulpien, préfet de Rome et ennemi des chrétiens, parce qu'ils voulaient introduire un nouveau Dieu.
Sans s'arrêter à ce que rapportent les fausses
décrétales sur Saint-Anthère, nous savons par les historiens du
quatrième siècle que, désirant conserver la mémoire des martyrs, il
créa des notaires qu'il chargea de faire la recherche de leurs
procès et d'écrire leurs actes. C'est là l'origine de toutes les
fables qu'on trouve écrites dans les légendes des Saints martyrs des
années précédentes. Les notaires suppléèrent aux procès véritables,
qu'ils ne purent retrouver, des procès de leur invention ou de
l'invention de tout autre, copiés sans examen.
Saint-Anthère souffrit le martyre dans la sixième persécution
générale excitée par l'empereur Maximin, en l'an 236.
Méprisant, comme nous devons le faire, les décrétales apocryphes, et faisant tout aussi peu de cas des légendes des martyrs, toutes les fois qu'on veut y consacrer des invraisemblances, il ne nous reste rien à dire de Saint-Fabien, sinon qu'il mourut dans la septième persécution générale ordonnée par l'empereur Décius, en l'année 250.
Les chrétiens de Rome pensèrent qu'il pouvait être
utile de suspendre l'élection du successeur de Saint-Fabien, jusqu'à
ce que la persécution de Décius eut cessé, ou qu'au moins elle se
fut adoucie. C'est pour cette raison que Saint-Cornélius ne fut
nommé évêque de Rome que le 4 juin 251, après plus de quinze mois de
vacance de siège.
C'est encore là une nouvelle preuve de l'esprit d'ambition qui
dominait déjà le clergé romain ; puisque, malgré le danger des
persécutions, le Pontificat était déjà regardé comme un emploi digne
d'envie. Novatien, prêtre de Rome, excita un parti pour se
faire élire Souverain Pontife. L'élection ne lui fut pas
favorable ; mais, sous prétexte de différentes nullités, il
chercha à invalider les suffrages donnés à Corneille, et à persuader
que lui seul était légitime évêque de Rome. Il parvint à se faire
consacrer, et fut le premier Antipape de l'Église universelle. Il
forma un schisme, et y introduisit même une hérésie en refusant à
l'Église le pouvoir de pardonner les péchés commis après le baptême,
et en prétendant qu'un tel pouvoir n'appartenait qu'à Dieu :
pour soutenir son hérésie et son schisme, il s'aida de l'appui de
Novatus l'Africain.
Corneille fut banni. À son retour à Rome il fut mis à mort par
l'ordre des empereurs Gallus et Volusien. Le Pontificat romain
devait nécessairement offrir de puissants attraits et la possession
de précieux avantages, pour que les candidats prissent tant de
peines à obtenir une charge qui mettait à chaque instant leur vie en
péril.
Saint-Denis d'Alexandrie écrivit à Novatien pour le conjurer, au nom
de son propre bien et de celui de l'Église, de se désister de ses
prétentions ; mais celui-ci ne se rendit point à ses conseils.
De son côté, Corneille écrivit aux Églises d'Alexandrie, d'Antioche,
de Carthage et aux autres Églises les plus célèbres du monde
chrétien, et leur rendit compte de ce qui était arrivé ; mais
la considération du schisme que cette contestation allait produire,
ne fut pas assez puissante pour le faire non plus renoncer.
Qui pouvait donc leur faire ambitionner un destin si
périlleux ? Le désir naturel à l'homme de posséder plus
d'honneurs, plus de pouvoirs, plus de richesses. Le nombre des
chrétiens s'était beaucoup accru. La constance et la gaieté avec
laquelle les martyrs marchaient à la mort, étaient autant
d'étincelles qui alimentaient sans fin les néophytes. Déjà un assez
grand nombre de personnages de haut rang et de vaste fortune
s'étaient déclarés, les richesses abondantes qu'ils apportaient
venaient au secours des chrétiens condamnés à la prison ou aux
travaux publics. Ces offrandes étaient déposées entre les mains
d'une personne désignée par le Souverain Pontife qui, après avoir
reçu les informations et les avis du clergé, distribuait lui-même
les aumônes aux veuves, orphelins, infirmes, pauvres et autres
malheureux de la religion chrétienne. Cette distinction et celle
d'être décoré, entre tous les évêques, du titre de Souverain
Pontife, étaient des motifs
suffisants pour faire désirer ardemment cet emploi, au mépris des
dangers qui y étaient attachés.
Saint-Corneille étant mort le 14 septembre de l'année 252, on lui choisit pour successeur Saint-Lucius Ier, auquel sont attribuées quelques constitutions pontificales de la collection d'Isidore Mercator. Il eut peu de temps pour exercer son pouvoir, ayant été décapité en mars 253, cinq mois après son élection.
Le Pape Saint-Étienne mourut martyr de la huitième
persécution générale de 257, sous l'empereur Valérien. Dans d'autres
circonstances il eut difficilement obtenu d'être canonisé. Sa
conduite, à l'égard des évêques d'Espagne, à l'égard de
Saint-Cyprien, évêque-primat d'Afrique, et de plus de soixante-dix
évêques africains, à l'égard de Saint-Firmilien, évêque-primat de
Césarée en Palestine, et envers beaucoup d'autres évêques d'Asie,
fut aussi violente que despotique.
Les évêques d'Espagne avaient condamné Basile, évêque d'Astorga, et
Martial, évêque de Mérida, comme hérétiques libellatiques, et comme
tels les avaient déposés de leur église. Ces derniers se rendirent à
Rome, où ils firent au Pape une fausse relation de l'affaire.
Celui-ci, pour faire ostentation de la supériorité de son pouvoir,
les admit à la communion. Les évêques espagnols se formalisèrent
d'une semblable usurpation, et encore plus de la légèreté avec
laquelle il avait admis le témoignage de deux fugitifs, sans vouloir
entendre préalablement les nombreux prélats qui avaient pris
connaissance de la cause. Ils consultèrent Saint-Cyprien,
primat d'Afrique, qui leur dit qu'ils avaient raison, et qu'ils
devaient tirer le Pape d'erreur.
Il ne procéda pas avec moins de violence avec les évêques d'Afrique
et d'Asie ; il les sépara tous de la communion de l'Église,
parce qu'ils ne voulaient pas se soumettre à son opinion, dans la
question de savoir si on devait ou non rebaptiser ceux qui
embrassaient la religion catholique après avoir professé l'hérésie
et avoir été baptisés comme hérétiques.
Étienne prétendait que non, attendu que le baptême donné par les
hérétiques devait être réputé pour valable. Les Africains et les
Asiatiques soutenaient le contraire, se fondant sur ce que
l'hérétique qui confère le baptême, n'ayant pas la foi, ne saurait
avoir la véritable intention. Saint-Cyprien, dans une de ses
lettres, annonçait qu'Étienne voulait se constituer évêque des
évêques et inspirer de la terreur, qu'il n'y avait toutefois rien à
craindre. Il lui opposait le bon exemple donné par Saint-Corneille,
prédécesseur du même Étienne. Ce dernier avait adopté la même
opinion qu'Étienne ; mais il n'avait pas pour cela troublé la
tranquillité de ceux qui professaient l'opinion contraire.
Il démontra qu'il n'y avait dans l'Église catholique qu'un seul épiscopat,
dont les pouvoirs appartenaient à chacun des évêques ; que
chaque évêque, dans son siège, était le successeur de l'un des onze
apôtres égaux en pouvoir à Saint-Pierre, inférieurs seulement par la
prééminence primatiale, attribut de celui qui préside et devient le
centre de l'unité catholique ; et que, par conséquent, le Pape
Étienne s'était approprié plus de pouvoir qu'il n'en avait reçu de
Jésus-Christ.
Les évêques de Palestine écrivirent une lettre beaucoup plus
remarquable. Ils disaient entre autres choses :
« L'homme hardi produit des procès, et l'homme colère
exagère les crimes. 0 ! Étienne, combien de discordes as-tu
préparées dans les Églises de l'univers ! Ah ! qu'il est
énorme le péché dont tu t'es couvert, lorsque tu t'es séparé
toi-même de la communion des autres Églises ! C'est toi-même
qui t'en es séparé. Ne cherches pas à te tromper ; celui qui
abandonne l'unité ecclésiastique, est bien en effet un schismatique.
Lorsque tu penses que tous les autres chrétiens peuvent être
privés de communiquer avec toi, c'est toi seul qui te prives de
communiquer avec tous les autres.
Suivez la route pour laquelle vous avez été appelés (dit
Saint-Paul) ; marchez droit, humblement et doucement ;
vous supportant les uns les autres par la patience et par la
charité, et faisant tout ce qui sera nécessaire pour conserver en
paix l'unité de l'esprit. »
« De quelle manière Étienne a-t-il accompli ces préceptes et
suivi ces maximes du saint apôtre ? O qu'il sait bien trouver
les moyens de conserver avant tout la soumission et le
respect ! Se peut-il qu'on ne connaisse pas une conduite plus
humble et plus douce que celle de se séparer de la communion d'un si
grand nombre d'évêques épars dans l'univers ? Y a-t-il une
faute comparable à celle de rompre la paix par des manières
différentes, tantôt contre des évêques de l'Orient (comme nous vous
en supposons instruits), tantôt contre vous qui demeurez dans le
Midi ?
N'est-il pas vrai que vos légats trouvèrent dans Étienne une
patience et une douceur semblables, qu'il ne voulut pas les
admettre, même à des entretiens sur des sujets
indifférents ? N'est-il pas vrai qu'il ordonna que personne ne
leur parlât, ne les admis chez soi, même ne leur procurât de
logement ? Sera-t-il possible de conserver l'unité corporelle
ou spirituelle avec un homme qui n'a peut-être pas d'âme, ou qui
n'en a qu'une volage et inconstante ?
Néanmoins, Étienne ne rougit pas d'accorder sa protection à des
hommes de cette trempe, contre les décisions de l'Église ; de
rompre l'unité de communion entre les frères pour favoriser les
hérétiques ; et de donner à Cyprien le sobriquet de Pseudo-Christ,
et de Pseudo-Apôtre
et il est remarquable qu'il a fait tout cela après une mure
délibération, pour que Cyprien entendît sans raison les
sobriquets que lui-même méritait si bien. »
Telle est la lettre que les évêques d'Orient écrivirent à ceux
d'Afrique, lorsque ceux-ci souffraient la persécution d'Étienne, à
cause de la querelle sur le second baptême.
Saint-Augustin écrivit quelques temps après sur le même sujet ;
il déclara que, sur le fond de la dispute principale, il était du
même avis que Saint-Étienne, mais qu'il différait de lui
relativement à la conduite à tenir ; que Saint-Cyprien n'en
continua pas moins de baptiser les convertis jusqu'à son martyre,
qui eut lieu pendant cette huitième persécution. Mais cette
différence d'opinion ne devait mettre aucun obstacle à la vénération
qu'il méritait, et qu'il obtint en sa qualité de martyr, parce qu'en
effet, lorsqu'un concile général n'avait pas prononcé sur la
question en litige, Saint-Cyprien pouvait persévérer dans son
opinion sans blesser la foi, malgré la décision du Pape Étienne,
malgré celle du concile particulier de Rome et des évêchés voisins
par lesquels le Pape s'était fait appuyer.
Cette doctrine de Saint-Augustin, respectée par les hommes vraiment
sages et vraiment pieux de tous les siècles, devait être
parfaitement connue de ceux qui, depuis, voulurent persuader que le
Pape, par une providence particulière du Saint-Esprit, était
infaillible, toutes les fois qu'il parlait ex
catedrâ, c'est-à-dire, toutes les
fois que de lui-même ou d'un commun accord avec les cardinaux, il
prononce, en sa qualité de Souverain Pontife romain, sur un point de
dogme, de morale ou de discipline universelle, et le propose comme
tel à la foi unique de l'Église catholique du monde chrétien.
Saint-Augustin en savait plus sur ce point que les Romains modernes,
et il affirme le contraire, non pas en fauteur d'une opinion
nouvelle, mais annonçant simplement une vérité établie et reconnue
de son temps. Saint-Cyprien et les autres évêques d'Afrique et
d'Asie, dont la plupart souffrirent le martyre, n'auraient point
persévéré dans leurs pratiques, et n'auraient point dédaigné les
censures, s'ils eussent pensé que le Pape Étienne, par une faveur
spéciale du Saint-Esprit, était infaillible, lorsqu'il procédait de
concert avec les évêques de son concile romain. Saint-Polycrate et
les évêques d'Asie du siècle précédent n'auraient pas agi de la même
manière au sujet de la décision prise par le Pape Victor, d'accord
aussi avec son concile romain, dans la controverse sur la
célébration de la Pâques. Il faut être bien aveuglé par l'esprit de
parti pour soutenir l'infaillibilité après un exemple aussi
concluant. L'histoire nous présentera par la suite d'autres faits
qui détruisent radicalement les prétentions intéressées des Romains
modernes.
L'empereur Valérien défendit aux chrétiens, non-seulement de prêcher, mais même de se réunir dans les cimetières. Saint-Sixte viola cette loi ; il fut surpris dans le cimetière de Calixte, et condamné à la peine capitale. Il ne fit rien qui ait rapport à l'objet que nous avons en vue. Si nous insérons ici le nom de ce Pape et celui de beaucoup d'autres qui se trouvent dans le même cas, ce n'est que pour nous conformer à l'ordre chronologique, et ôter toute occasion de croire qu'une semblable omission est due à la crainte d'y rencontrer des faits contraires au dessein principal que nous nous sommes proposés dans le chapitre premier.
Sous le pontificat de Saint-Denis il y eut des
querelles, dont parle M. Prudhome dans ses Crimes
des Papes, ouvrage composé en
1792 ; mais pour ne pas avoir consulté les sources originales,
ou l'avoir fait avec trop de précipitation et d'irréflexion, cet
auteur s'est exposé à d'étranges bévues.
Il en est de même de son abréviateur M. R......, qui fit paraître
son ouvrage en 1800. Dans plusieurs articles précédents, je me suis
beaucoup éloigné de ces deux écrivains ; il en sera de même
pour les articles qui suivront. Les exagérations et les déclamations
irréligieuses sont toujours inconvenantes ; les vérités
énoncées avec simplicité, et accompagnées de quelques réflexions
judicieuses, peuvent seules porter la conviction dans les âmes.
Paul de Samosate, évêque d'Antioche, s'était jeté dans l'hérésie de
Sabelius, et, par suite, dans plusieurs autres. Les Évêques d'Asie
et d'Orient assemblèrent différents conciles, le déposèrent de son
évêché, et lui nommèrent un successeur. Ils donnèrent avis de leur
décision au pape Saint-Denis, pour que, selon ce qu'ils lui
écrivirent, il eût à regarder Paul comme hérétique, et à communiquer
avec son successeur Domnus.
Cet événement prouverait qu'ils se regardaient comme investis d'une
autorité suffisante, sans avoir besoin de s'entendre avec le pape.
Cet événement, ainsi que plusieurs autres semblables, qui datent de
la même époque, est tout-à-fait incompatible avec l'expédition
supposée des décrétales avant le pontificat de Saint-Sixte. Réuni à
ce qu'on sait déjà de Saint-Policrate et de Saint-Cyprien, il nous
montre les limites de la suprématie romaine très au dessous des
attributions que les Papes des siècles modernes prétendent nous
faire envisager comme fondées sur des vérités presque dogmatiques,
en dépit de tout ce qui résulte de la connaissance de l'histoire
ecclésiastique.
Saint-Félix souffrit le martyre, le 30 mai de
l'année 274, pendant la neuvième persécution générale suscitée par
l'empereur Aurélien. Il reconnut pour valable la condamnation faite
par les conciles d'Antioche des erreurs et de la personne de Paul de
Samosate, et il envoya aux évêques de ce patriarcat sa profession de
foi, pour leur montrer qu'il ne partageait pas les erreurs de Paul.
Cette manière d'agir est fort différente sans doute, de la conduite
indépendante et despotique tenue par les Papes postérieurs dans des
circonstances analogues. Les Pères du concile d'Antioche
s'adressèrent à l'empereur Aurélien, contre Paul qui refusait de
reconnaître la validité de sa déposition. Bien qu'idolâtre,
l'empereur Aurélien ordonna qu'on reconnût pour Évêque celui qui
aurait été désigné par l'Évêque de Rome. Cette résolution se
conçoit, de la part d'un païen, en temps de paix. Il était naturel
qu'Aurélie accordât le droit de primauté à l'Évêque de sa cour. Si
les Papes n'avaient d'autre autorité à faire valoir que celle-là,
leur cause courrait grand risque d'être perdue...
Nous ne savons rien de particulier sur ce Pape, si ce n'est que ce fut de son temps que Manes commença à propager sa doctrine des deux principes. Cette hérésie, connue sous le nom de secte des manichéens, fut adoptée dans beaucoup de pays, et dura plusieurs siècles, altérée seulement par la modification et l'addition de quelques articles.
Il en est de même de Saint-Caïus, parent de l'empereur Dioclétien, qui lui fit souffrir le martyre parce qu'il lui attribuait la résistance mise par Sainte-Suzanne, sa cousine, à accepter pour époux son collègue Maximien Galérius, veuf de Valerie, fille du même Dioclétien. Jusqu'alors Caïus avait eu ses libres entrées dans le palais impérial, et il était même particulièrement lié avec l'impératrice Serène, épouse de Dioclétien, secrètement convertie à la foi chrétienne.
Les empereurs Dioclétien et Maximien publièrent en 302 leurs édits de persécution générale contre les chrétiens, contre leurs temples et contre leurs livres ecclésiastiques. Le pape Marcelin s'intimida, apostasia, adora les idoles et abandonna les livres de la sainte écriture, pour qu'on les brûlât comme impies, conformément à l'édit des empereurs. On dit qu'il se repentit ensuite ; qu'il confessa sa faute dans un concile assemblé à Sinuesse, et que les évêques le laissèrent continuer de remplir le siège papal, attendu que personne n'était juge compétent d'un Pape. Cette dernière assertion est un mensonge des Romains modernes ; l'histoire nous fournit des preuves du contraire.
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